Lauréat du Chantier des Francofolies 2024, Arthur Fu Bandini a également été programmé dans le cadre des Francofolies dans le majestueux Théâtre Verdière en première partie de Clara Ysé. Nous avons eu l’occasion de faire connaissance avec lui et son univers. Une chose est certaine : nous ne pouvons que vous recommander d’aller le voir à la Scala le 13 septembre prochain à l’occasion de la première édition du Scala Music Festival parrainé par un autre Arthur bien connu ; Arthur H.
La Face B : Comment ça va, Arthur ?
Arthur Fu Bandini : Ca va bien, merci. Je suis content d’avoir joué hier, de pouvoir découvrir les Francos. C’est la première fois que je viens et j’adore cette sensation d’être immergé dans un festival comme celui-ci, total, qui prend toute La Rochelle. Et je suis ravi de pouvoir voir des concerts tous les jours.
LFB : Mais qui es-tu cher Arthur ? Comment te présentes-tu ? Comment tu définis ton univers ?
Arthur Fu Bandini : C’est toujours compliqué de se présenter. Il y a la réponse un peu classique : je suis auteur, compositeur, interprète. Je fais de la musique. Mon univers musical… C’est proche de la prise de parole. J’essaie d’être le plus sincère possible quand j’écris mes morceaux. Parce que pour moi, c’est en live que ça se passe, que ça existe et que les morceaux prennent vie et tout leur sens. Et j’essaie de ne pas mettre de limite aussi de style quand je compose. Pour moi, c’est le propos qui doit être défendu et pas un style en particulier. Les styles, maintenant, explosent. Et puis, on s’en fout un peu. Raconter quelque chose et essayer de le partager, c’est le plus important.
LFB : Tu parles donc de propos à défendre. Parce que t’as un vrai rapport à l’écriture. En tout cas, une relation entre les lettres, les notes. Parce que quand on te voit en live, la musique, elle devient une sorte de transe. Quel rapport entretiens-tu avec l’écriture au sens propre, avec les mots, la saveur de chaque lettre ?
Arthur Fu Bandini : Avec les mots, j’entretiens un rapport assez personnel et direct. Je me suis mis à écrire en français des pensées et des formes de poésie parce que c’était un besoin, cela me permettait d’essayer de comprendre des choses, de débroussailler une part de mystère qu’on ne décèlera jamais. A 16 ans, j’ai eu un changement de perception, comme tomber un peu dans l’absurde, comme une prise de conscience.
Et c’est là que j’ai découvert Antonin Artaud, Henri Michaux, Jean Tardieu, Jiddu Krishnamurti, Nietzsche, Hermann Hesse.
Pour moi ce sont des encres de pensées qui permettent de poser des moments pour se comprendre, comprendre les autres et comprendre qu’on peut devenir quelqu’un d’autre le lendemain.
LFB : Quand tu dis quelqu’un d’autre justement, avec un collègue, on se demandait est-ce qu’il y a un rapport entre ton nom de scène en tout cas et qui est aussi le nom de ton label. Est-ce qu’il y a un lien entre ce nom-là, Bandini et les romans de John Fante ?
Arthur Fu Bandini : Tout à fait. Je développe mon projet en indépendant pour l’instant sous la forme d’une asso. Et mes parents me permettent d’avoir le studio. C’est la famille, il y a un noyau. Chez John Fante, j’adore son personnage d’Arturo Bandini qui est justement un écrivain déchu, mais dans son espèce d’errance, il y a une liberté totale, un peu de poète aussi. Son errance, en fait, elle est belle, je trouve, parce qu’elle permet des rencontres.
Elle permet un contact direct avec le bitume, avec les gens de la rue. Souvent, on passe à côté, comme ça, des gens. Moi, j’adore aussi cette idée de voyager sans bouger, comme disait Deleuze aussi, dans son Abécédaire que vous pouvez voir sur YouTube, sur le voyage.
C’est pour ça que j’adore les quartiers, les vies de quartier dans lesquelles on ressent cette proximité. Que ca soit le trottoir de son hôtel, du petit café, les bars tabacs, les PMU, les gens qui vivent dans la rue aussi. Parce que ce sont des parcours, et on ne sait jamais, ça peut arriver à n’importe qui. On retrouve ça chez John Fante avec Arturo Bandini. Et Arthur Fu, ça fait Art Futur, et Turfu, c’étaient des mecs de mon quartier qui m’appelaient comme ça. Arthur le Turfu. Arthur Fu, ça fait Turfu. Et c’est une façon aussi, d’essayer de transcender un peu ce côté déchu du personnage Bandini.
LFB : Quelle(s) différence(s) tu notes dans l’approche créatrice que ton projet Arthur Fu Bandini et Soleil Bleu, hormis la présence de Lou ? Est-ce qu’il y a des chemins que tu veux prendre que tu n’aurais pas pris avant ?
Arthur Fu Bandini : J’avais déjà commencé à composer des morceaux en français, il y a huit ans. J’ai tout mis de côté quand on s’est rencontré avec Lou, et on est reparti à zéro. Pour moi, quand on est deux, on travaille ensemble. Il n’y en a pas un qui décide plus que l’autre, il faut que les deux soient vraiment d’accord. Parfois, il y aura plus de liberté pour l’un, mais pas que de la liberté, plus de choix. C’est une histoire d’équilibre, de balance, d’écoute. Forcément, l’approche n’est pas la même. Je n’ai jamais rien sorti en solo, mais j’ai toujours composé, j’ai toujours écrit.
Après le Covid, avec l’arrivée de mon studio j’ai pu faire de l’arrangement pour un ami autour de ses textes, mais du jour au lendemain, tout ça s’est arrêté. J’avais envie d’aller au bout de mon engagement. C’est pourquoi pour mon premier EP, j’ai choisi de mixer tout seul et d’aller au bout du processus de création.
LFB : On note qu’il y a beaucoup d’influences gainsbouriennes, dans ce que tu fais. Il y a beaucoup aussi de références cinématographiques. C’est des paysages vraiment qui se dessinent quand tu chantes. Quels sont les ingrédients que tu utilises dans ta composition des chansons ? Ça va être le quotidien, ça va être l’écriture automatique, cet amour des mots, justement, elle est nourrie de littérature et visiblement pas n’importe laquelle…
Arthur Fu Bandini : Ce qui m’inspire, c’est la vie, de manière générale. Ça peut paraître un peu cliché. Pour la musique, j‘ai besoin d’y travailler tous les jours, tout le temps. Encore une fois, c’est un besoin ça m’aide à avancer, à comprendre les autres, à se comprendre. Pour moi, c’est tout le temps. Il n’y a pas de limite. C’est du travail, de la sociologie, aussi. Ça peut être parfois une image, une personne, un regard, une rencontre.
J’ai écrit un texte suite à la rencontre d’un mec avec qui j’ai discuté pendant une heure, qui venait de Bretagne, qui racontait son parcours, qui n’est jamais retourné voir la mer mais qui rêve de la revoir, mais qui n’y va pas, comme s’il y avait une espèce de fatalité là-dedans. Cette rencontre m’a inspiré un texte. Parfois, à travers des discussions, des confrontations, des choses qui vont sortir, je note une phrase. C’est souvent la nuit d’ailleurs, en studio.
LFB : Vu comme c’est parti, tu n’écris pas la musique avant, tu te laisses porter…
Arthur Fu Bandini : Là, il n’y a pas de règles.
LFB : C’est une écriture automatique, mais éveillée, comme une écriture consciente ?
Arthur Fu Bandini : Un peu, mais je retravaille quand même souvent le texte. Parce que c’est délicat, la poésie, les images ultra-poétiques, un peu abstraites, il faut aussi les chanter. La musique apporte des images, aussi. Donc, il faut réussir à trouver l’équilibre. En tout cas, moi, j’ai cette sensation qu’il faut travailler jusqu’à trouver le point exact qui fera passer le message souhaité.
LFB : Tu vas sculpter les mots pour les ciseler, comme un sculpteur avec son gros bloc de pierre qui va tailler, vraiment, pour trouver et façonner ce qu’il veut imaginer et voir…
Arthur Fu Bandini : Et encore une fois, ça dépend des sujets abordés. De plus en plus, j’ai envie, aussi, d’aller sur des trucs assez directs et percutants. Pas avoir peur de la banalité de certains mots parce que, finalement, c’est là que, parfois, des messages passent. Ça dépend de l’engagement du morceau, s’il est plus social, politisé, introspectif ou proche de l’imaginaire.
LFB : Tu accordes une place très importante à l’imaginaire, de ce que j’en comprends. Est-ce que tu pourrais te laisser emporter dans une chanson totalement absurde, mais juste parce qu’elle véhiculerait toutes ces fuites de mots qui pourraient s’enchaîner et faire un morceau ?
Arthur Fu Bandini : Aujourd’hui, c’est possible. J’ai envie de tester des choses ! J’ai bien aimé Jacques, avec Vidéochose. J’ai adoré sonidée et l’engagement qu’il y avait dans ces samples d’images, j’ai trouvé cette approche intéressante et pertinente.
LFB : Je finirai en te demandant et en te félicitant à l’occasion, tu es lauréat du chantier. Qu’est-ce que tu attendais de ce dispositif quand tu es arrivé ?
Arthur Fu Bandini : C’est une chance énorme d’avoir une équipe aussi merveilleuse et pertinente qui est là pour nous aider, nous porter, c’est énorme ! On est à l’écoute et on se permet d’essayer des choses grâce à Sébastien Hoeg, Jean-Noël Scherrer, Carole Masseport, Anne Journo, Yann, Emilie Yakich, Marc Mottin. C’était une chance énorme !
A voir
> Le portfolio de nos derniers jours aux Francofolies 2024
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