French 79 : « Avec un synthé, tu forges ton son »

À l’occasion de son passage à l’Aéronef à Lille pour présenter Joshua, Simon Henner, aka French 79 nous a fait le plaisir de discuter avec nous. On en a profité pour parler années 80, synthés et Bateau.

French 79 by Cauboyz
French 79 by Cauboyz

La Face B : Bonjour Simon, comment ça va ?

Simon Henner : Ca va très bien, ce début de tournée se passe très très bien, je suis de plus en plus content d’aller faire des concerts.

LFB : Pas trop dur Lille en février pour un Marseillais ?

SH : Non, parce que je ne suis pas né à Marseille, je suis né dans les Vosges, donc le froid ne me fait pas peur. Et puis de toute façon, dans une salle il fait toujours bien chaud.

LFB : Joshua c’est une bonne façon de me plonger dans les années 80/90, surtout quand on les a pas connues, qu’est-ce qui t’a poussé à explorer cette époque et ces références (Thelma & Louise, Rencontre du Troisième Type…) ?

SH : Ce sont des films qui m’ont beaucoup marqué parce que je les ai découverts à l’adolescence et c’était une époque où on avait le droit de regarder un film de temps en temps. J’avais un magnétoscope, j’enregistrais la vidéo et je la regardais plein de fois donc ce sont des films que j’ai vu un nombre de fois incroyable. Forcément quand on voit quelque chose plein de fois, quand on écoute un album deux cent fois, au bout d’un moment il y a des choses qui restent dans la tête. Je pense que c’est comme ça que ces films m’ont influencé. Pour cet album, c’est plus la texture sonore de ce genre de BO de films qui étaient faites avec pas mal de synthés. Et c’est plus là que je me retrouve, c’est ça que j’ai essayé de retranscrire dans cet album

LFB : Est-ce que tu peux nous parler de ton processus créatif ?

SH : Quand je suis en train de composer, que j’ai le temps d’être au studio, j’aime bien essayer de faire un titre par jour. Un titre par jour, c’est un bien grand mot, ça peut très bien être juste une petite boucle, ou un truc qui va être vite beaucoup plus abouti. J’aime bien avoir une idée un peu finie avec une suite d’accord, ou une rythmique particulière ou quelque chose comme ça. Et après, ça me permet de reprendre des titres que j’avais composés il y a longtemps et par la suite construire un album en piochant dans tous ces titres là pour essayer d’avoir dix, quinze titres un peu différents et pas redondants. C’est un peu comme ça que je fonctionne, arriver le matin au studio, poser une idée, c’est un genre de bloc notes. Et ensuite je commence à produire en passant beaucoup plus de temps sur tel instrument ou tel autre.

LFB : Cette rigueur tu arrives à la maintenir même en tournée ?

SH : Non, pas toujours. J’essaie au maximum d’y arriver mais il y a des fois où je n’ai pas le temps. Mais souvent je mets quand même une petite mélodie dans mon dictaphone, quelque chose qui me passe en tête.

LFB : Comment tu compares Olympic et Joshua ?

SH : Les textures sonores sont un peu semblables. Je pense que quelqu’un qui a bien aimé le premier album s’y retrouve aussi dans le deuxième, je ne pense pas qu’il y ait de choses qui ne soient pas cohérentes. Après ce n’est pas non plus les mêmes types d’album, parce que je pense que le deuxième raconte une vraie histoire alors que le premier beaucoup moins. Un premier album c’est moins évident, c’est plusieurs singles qu’on regroupe en un seul truc alors que le deuxième tu le réfléchis plus de A à Z pendant six, huit mois, un an. Donc là-dessus ils sont bien différents.

LFB : Tu peux nous parler de ta collaboration avec Sarah Rebecca, qu’on retrouve sur les deux albums ?

SH : Je l’ai rencontrée via mon éditeur, à Paris, on a passé une soirée ou deux ensemble, ça s’est très bien passé. En fait ce qui se passe avec Sarah c’est que ça se passe très facilement, simplement. Je lui envoie une boucle, une petite idée de chant, elle la refait, je lui redemande de faire autre chose, elle le fait tout de suite. Et c’est vrai que c’est ça qui est agréable, quand on collabore avec des gens et que ça se passe facilement, simplement, sans trop de prises de tête, on ne passe pas par le manager qui parle à l’autre manager. C’est ça que j’aime bien et ça s’est bien passé sur le premier album, donc naturellement ça s’est refait sur le deuxième. Elle habite à Paris, j’habite à Marseille, mais aujourd’hui il n’y a plus vraiment besoin de se voir. Elle enregistre ses voix chez elle, après quand je monte à Paris on se voit souvent, pour de la promotion ou des concerts.

LFB : Comment tu crées tes sons de synthétiseurs ?

SH : C’est vraiment de l’exploration. C’est justement ça qui est sympa avec des synthétiseurs ou avec un instrument où tu peux faire plein de sonorités différentes, c’est d’aller travailler le son. Avec un piano, tu ne vas pas aller changer le son du piano donc tu vas plus travailler ta technique, tes suites d’accords, des choses comme ça. Avec un synthé, ce qui est sympa, c’est justement que tu forges ton son, donc tu appuies sur la touche, il y a quelque chose qui sort et tu vas aller le moduler avec tes petits boutons et c’est là-dessus que j’aime bien passer du temps.

LFB : Est-ce qu’il y a un synthétiseur sur lequel tu t’amuses plus que les autres ?

SH : Justement, j’essaie de changer ça selon les albums. J’ai besoin de me régénérer entre chaque album en termes d’instruments. Souvent quand j’ai fini un album, je revends un ou deux synthés, je m’en rachète un ou deux autres. Sur Joshua, j’ai beaucoup utilisé le Prophet 08, le Octave Keytone qui est un genre de Moog. Ce sont les deux qui m’ont le plus servi sur cet album.

LFB : Comment se fait la transition du studio au live ?

SH : J’essaie au maximum de revisiter les sons que je fais en studio pour les rejouer en live, parce que je trouve ça bien de surprendre un peu les gens, surtout dans la musique électronique, si tout à coup on refait exactement la même chose, il n’y a vraiment pas d’intérêt de faire un live, autant faire un DJ set. Donc je propose ça en live, j’essaie au maximum de changer des choses dedans, et aussi d’imbriquer les morceaux les uns dans les autres, de faire de bons enchaînements, ce qui permet, pendant une heure de show, de rentrer dans une sorte de bulle dont tu ne sors qu’à la fin du concert. Ça m’arrive d’utiliser quelques samples de voix, après je chante aussi sur scène. Si je dois jouer Diamond Veins par exemple, je ne le jouais jamais sur la première tournée, là je commence à le jouer un peu de temps en temps. J’ai envisagé sa voix vraiment comme un sample, que je lance au début comme sur une MPC, qui tourne en boucle. J’essaie de faire ça le plus discrètement possible, j’ai pas envie de lancer trop de samples de voix pendant mon live.

LFB : Quand tu ne fais pas de musique, tu fais du bateau, qu’est-ce que ça t’apporte ?

SH : La liberté, la sérénité qui fait que quand tu reviens d’une session de bateau, si je suis parti deux-trois jours en mer, ça me permet bien plus facilement de m’enfermer pendant une semaine au studio. Cet espèce de bol d’air, j’en ai besoin pour rester au studio et bloquer pendant des heures sur une snare. Ça m’apporte ça, j’en ai besoin. C’est assez solitaire ce genre de moments. Au studio la production, la composition c’est quelque chose d’assez solitaire, et le bateau plus ou moins, en tout cas j’aime bien aussi aller naviguer tout seul.

LFB : Tu as collaboré avec d’autres artistes, Kid Francescoli, Nasser, aujourd’hui qu’est-ce que tu envisages pour ces projets là ?

SH : Avec Nasser on a tourné jusque cet été, on vient de finir la tournée qui s’est bien passée, on verra pour la suite on n’en a pas encore trop discuté. Avec Kid je viens de finir son album qui vient de sortir. Après avec Kid on est voisins de studio, en gros on travaille dans le même. C’est aussi mon meilleur ami sur Marseille donc on se voit quasiment tout le temps. Les collaborations, ça va venir. Pour l’instant c’est encore le début de tournée, je me concentre sur le live, il y a encore des choses à modifier, fignoler. Ce début de tournée se passe bien mieux que ce que je pouvais imaginer, j’arrive à remplir des salles à Berlin, à Londres, c’est quand même hallucinant pour moi, j’avais jamais imaginé ça, donc pour l’instant je me fais plaisir, j’espère que ça va continuer comme ça.

LFB : Est-ce qu’en tant que Marseillais d’adoption, tu es fan de foot ? 

SH : Non. J’aime bien le foot parce que j’ai des amis qui aiment bien ça et c’est vrai qu’aller voir un match avec des gens qui adorent ça, c’est quand même pas mal. J’aime bien le sport en général, après je ne suis pas un grand connaisseur.

LFB : Un pronostic quand même pour le Lille-Marseille de dimanche ?

SH : Victoire 1-0 de Marseille. En tout cas vous ne marquerez pas de buts, ça c’est sûr.

LFB : Est-ce que tu as des coups de coeur récents à nous partager ?

SH : Le catering de la salle de Lyon, c’était une belle découverte, on a très bien mangé hier soir, je le conseille à tout le monde (rires).

Retrouvez French 79 sur sa tournée internationale.