La France regorge de talents multiculturels, portés par des influences venues d’ici et ailleurs, des poésies, des langues et des histoires qui se mélangent et se nourrissent d’elles-mêmes. Cette richesse donne parfois des résultats surprenants, inattendus et novateurs. C’est le cas, cette fois-ci encore, avec Gabo Lora et ses deux EP, sortis à quelques mois d’intervalle, pour le plus grand plaisir de nos oreilles.
Gabo, ayant grandi en République Dominicaine, a été bercé par toute la culture et la musique caribéenne, du merengue aux chansons de Télénovelas Latinos. Mais c’est avec le groupe Rita Indiana y los Misterios, dans les années 2000, qu’il commence à entrevoir comment réinventer cette musicalité ilienne et l’incorporer à d’autres genres. Il crée d’ailleurs à cette période son premier label de musique électronique, Stereoptico. Après New York, il s’installe définitivement en France, participant à une multitudes de projets, parfois rock, mais surtout électro. C’est dans cette logique qu’il crée avec Alex Mart Papaya, un label qui représente nombre de DJ en Europe et en Amérique Latine. Revenant à une musique plus personnelle mélangeant les styles, Pop voit le jour à la fin de l’année 2022.
Avec cet EP de trois titres, Gabo installe les bases de ce qui va donner à ce son une saveur si particulière. Luna se veut être une introduction à cette nouvelle ère, et prend le temps de disposer tous ses ingrédients en cercle autour de cette nouvelle entité. Sur des bases douces d’électro s’ajoutent successivement sons et mélodies voyageuses, créant l’espace et la profondeur nécessaires à l’expression d’une force bienveillante à la fois rêveuse et évanescente.
Cette piste dessine la carte mentale de cet EP, empreint aux premières émotions de liberté, dans un paysage dominicain entouré de sable, s’offrant aux deux infinis que sont le ciel et la mer. Pop, titre éponyme, continue cette introspection avec les envies profondes du musicien, comme une promesse viscérale à cette musique qui l’anime. Au rythme d’une basse comme un battement de cœur, cette chanson puissante enfonce avec émotion ce sentiment détermination. Un magnifique morceau qui donne des ailes, un décollage réussi qui perce l’horizon. Ces impressions de jeunesse dialoguent évidemment aussi avec d’autres, plus angoissantes, comme dans Cascabel, qui se révèlent tout aussi importantes, car tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort.
En plus des deux pierres fondatrices que sont la culture Latino et l’électro, Gabo Lora s’est imprégné fortement d’une pop rock psychédélique à mi-chemin entre Radiohead, MGMT ou encore Vangelis, ce qui lui confère à la fois une écriture mélodieuse des textes et une liberté instrumentale transgressive. Le tout forme un cocktail dans lequel chacun trouvera une saveur, un parfum de réminiscence auquel s’accrocher.
En ce mois de janvier 2022, l’artiste nous offre quatre titres supplémentaires. Avec la même habilité à sinuer entre les genres. Partículas assoit cette identité pop électro rythmée et fluide. Fluide comme l’esprit qui, selon les vents contraires ou ascendants, se soumet ou tente de résister aux environnements. C’est donc un voyage intérieur, existentiel face au monde, à la foule et à la musique, dans lequel nous plonge ce deuxième EP.
Basses et synthés forment le duo choc sur laquelle cette musique organique repose. Guitares et chœurs allongent les focales, les structures mélodiques soufflent dans les voiles. Sans jamais totalement comprendre la nature de la force qui nous pousse, on se laisse glisser dans cette spirale gracieuse, à l’image du titre Partículas, où l’on déconstruit jusqu’à l’atome pour se sentir mieux faire partie de l’universel. Mention spéciale pour le dernier titre, Gamma, qui combine tout ce qu’il y a de meilleur chez cet artiste. Rythme par vagues, solo scintillant, et une énergie tranquille et puissante à la fois.
Deux EP particulièrement créatifs, un mélange de genres et de styles rarement entendu, bref, une expérience très prometteuse que l’on va suivre attentivement.
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Crédit photo portrait : Alex Raduan