On pouvait le prédire, on le voyait arriver : la période que l’on vient de vivre allait avoir un impact sur les productions à venir, peu importe l’art. General Elektriks ne fait pas exception à la règle. Le projet d’Hervé Salters, l’homme qui fait groover les synthés comme personne, est de retour en ce début d’automne avec Party Like A Human, un album tantôt sombre, tantôt dansant, qui porte un regard pertinent sur notre humanité, à la fois égoïste et porteuse d’espoir. Un album qui vibre d’une ambition de révolte collective et pose ce constant simple : avec tous nos défauts, nous restons humains avant tout.
Il est temps de refaire la fête comme des humains. Voilà ce qu’on n’a pas arrêté de se dire récemment, alors qu’on comptait les heures, les jours, les mois qui continuaient de nous séparer les uns des autres, qui nous empêchaient de retrouver une communion et une chaleur humaine qui nous ont finalement tant manqué. Mais finalement, est ce qu’on ne l’avait pas trop faite, la fête comme des humains ? Avec nos complexe de supériorité, notre égoïsme, notre hédonisme un poil destructeur, on a vécu et on a cramé le tout par les deux bouts, malgré les signaux, malgré les évènements, on a continué à regarder nos pieds et à danser.
Party Like A Human de General Elektriks joue de ce double sens ironique parfaitement illustré par la peinture de Laurina Paperina. Si le monde est pop, il est fatalement au bord du gouffre, voir carrément à bout de souffle. Une fête technicolor qui voir Bart avoir trois yeux, Mickey devenir cannibale, Spiderman se faire pousser des bras d’araignées et l’oiseau de twitter pulluler dans le ciel. Un faisceau d’indices aussi drôle qu’alarmant qui aura eu une influence certaine sur la conception et les couleurs qui nourrissent ce nouvel album d’Hervé Salters.
Un album presque concept, qui analyse et théorise une époque aussi bouleversante que capitale et essaie d’y trouver quelques solutions, de puiser dans notre humanité et notre sens du collectif pour continuer de faire la fête mais de manière plus … vertueuse.
Car si le claviériste a toujours le groove au bout du doigt, celui-ci semble se déglinguer légèrement, comme si il était contaminé par une entité trop forte pour lui. Ainsi, si on se retrouve dans l’univers confortable et reconnu de General Elektriks, un léger sentiment de malaise nous parcoure l’échine. Que ce soit dans les intonations de Pick Up The Pieces, l’outro folle de Party Like A Human, l’introduction de Chambre Magique (nouveau morceau en français qui prouve une nouvelle fois tous le talent de G.E pour créer des petits espaces oniriques et fous dans la langue de molière) qui déjoue pour mieux nous rattraper et nous entrainer dans un monde parallèle ou lencore a transition toute en dissension Me First Me Better, les morceaux qui habitent ce projet sont jonchés ça et là par des sonorités dissonantes, des intonations hors tempo qui nous dérangent mais nous force à maintenir notre attention du début à la fin de l’album.
Et ce n’est pas sa trilogie Cosmic Check qui nous fera dire le contraire. Composée comme un opéra en trois actes, la pièce dévoile des saveurs cinématographiques fabuleuses et laissent exploser toutes les qualités qui abreuvent cet album : du non sens, de dissonance et malgré tout une foi totale en notre humanité. Alors que les morceaux nous racontent une attaque extra-terrestre (et nous font étrangement penser à l’excellent livre de Jim Carrey), ils permettent aussi de mettre en exergue ce que General Elektriks tente de prouver tout au long de l’album : C’est ensemble que nous vaincrons et que nous avancerons.
C’est en tout cas ce qu’il nous raconte dans Humans Unite!, titre lumineux qui détonne dans les ambiances assez sombres qui le précèdent et vrai-fausse fin de l’album. Créé comme une prière, porté par un groove et une soul parfaite pour retourner le monde, le morceau est un parfait élan positif pour pousser à l’unité.
Car c’est bien le collectif qui anime cet album. Dans son écriture tout d’abord : Ici General Elektriks semblent refuser d’être seul acteur de ses histoires, délaissant majoritairement la première personne, prenant un recul certains sur ce qu’il nous raconte et devenant ainsi plus un observateur ou un guide dans les histoires qu’il nous raconte, notamment sur Giving Up On You (qui pourrait autant parler d’une histoire amoureuse qui se termine que de la planète qui semble abandonner tout espoir en l’humain) la très descriptive Chambre Magique ou Party Like A Human.
Ce besoin de l’autre, il se vit aussi à travers la musique. Aventure jusqu’alors presque monocorde, la musique de General Elektriks se transforme totalement au contact des autres sur Party Like A Human, donnant d’ailleurs la première personne aux nombreux invités de l’album. En allant chercher des artistes aussi différents que Lateef The Truthspeaker, Céu, Quelle Chris ou Ariane Labed, Hervé insuffle une vie différente à son son, confronte ses productions à l’autre et s’offre un bol d’air frais autant que certains des meilleurs morceaux de l’album, notamment Electric Pigeon ou Lateef The Truthspeaker se transforme en roi dans sa tour, nous racontant les histoires folles des lettres qu’il envoie avec ses pigeons.
Si l’humain est au cœur de l’œuvre, Humans Unite!, malgré son positivisme à toute épreuve, se termine par en forme de questionnement : « pouvons nous le faire ? allons nous y arriver? ».
Et comme une réponse aussi pessimiste qu’évidente à l’écoute de l’album, Don’t Wanna Be a Part of This semble être une fuite en avant pour General Elektriks, un moyen de dire qu’il n’a pas envie de faire partie de la grande mascarade qui nous entoure et qu’il préfère la fuite et trouver son propre paradis, celui qu’il partagera avec ceux qu’il aime.
Party Like A Human est donc une grande fête cauchemardesque, une vision qui prend de la hauteur et qui nous rappelle que nous sommes humains avant tout, avec des qualités, des défauts et des histoires à raconter. L’humain peut-il être sauvé ? La fête peut-elle continuer ? Sans aucun doute, mais il va d’abord falloir se rappeler que parfois, la vie se passe en dehors de nos petits égos, c’est en tout cas ce que semble nous dire General Elektriks. Un album comme une montagne russe, à écouter d’une traite du début à la fin, car, on le sent, c’est ainsi qu’il a été pensé.