Geordie Greep : “J’ai toujours été attiré par le sentiment de désir”

Alors qu’en août dernier, Geordie Greep annonçait la fin de black midi pour une durée indéterminée, il en a également profité pour dévoiler quelques jours plus tard, la sortie de The New Sound, son premier album solo. On s’est alors empressés d’aller à sa rencontre afin d’approfondir sur la richesse de son œuvre. Retour sur cet échange où on y parle influences latino-américaines, narration imagée, désir ou encore liberté apaisée.

VERSION ANGLAISE PLUS BAS / ENGLISH VERSION BELOW

La Face B : En août dernier, tu as lancé ta carrière solo avec la sortie de Holy, Holy. Pourquoi avoir choisi ce morceau en guise d’introduction à ce nouveau chapitre ?

Geordie Greep : Je crois que c’est mon morceau préféré. Je l’aime beaucoup. C’est le titre que j’avais le plus hâte d’enregistrer pour cet album, et pour lequel j’ai été le plus ambitieux.  C’est aussi celui sur lequel j’ai travaillé le plus longtemps. J’ai dû l’écouter pas moins de quatre cent fois, et je l’apprécie toujours autant donc c’est bon signe. C’est probablement la chanson que les gens pourront écouter en boucle avant que l’album ne sorte, donc cela me semblait logique. Elle est très différente de black midi, c’est tout nouveau, bien qu’elle garde une certaine cohérence avec ce que je faisais avant. J’ai pensé que c’était le titre idéal en guise de single, car s’il devait y en avoir un, c’était clairement celui-ci.

LFB : The New Sound comporte plusieurs collaborations avec des musiciens brésiliens, dont certains ne parlaient pas anglais. La barrière de la langue a-t-elle posé des difficultés ou été à l’origine de moments surprenants en studio ?

GG : Pas vraiment. C’était l’une de ces choses où, sur papier, on pense que ça va être un problème, ou que cela va limiter le champ des possibles voire perturber le cours des choses. Mais c’est là tout le pouvoir de la musique, car une fois que les musiciens sont ensemble, ont une vision commune, une chanson à jouer, il est facile de passer outre le reste et de réussir à enregistrer quelque chose. Surtout avec ces gars-là qui étaient très professionnels.

LFB : La musique est également une forme d’art très communicative, quiconque peut la comprendre.

GG : Exactement, c’est un langage universel.

LFB : En travaillant avec eux, as-tu appris davantage sur l’histoire et la culture associées à leur musique ?

GG : Un peu. Ce qui était cool, c’est qu’il m’arrivait souvent de mentionner la musique brésilienne que j’aime, celle de Egberto Gismonti ou Milton Nascimento. Je leur en parlais et ils me disaient qu’ils avaient rencontré ces artistes, joué leur musique ou étaient passionnés par cette dernière. Le père du batteur qui a joué sur cet album a joué sur tous les albums brésiliens classiques. Quel que soit l’album, ce gars a très possiblement joué dessus. Il a donc une relation forte avec cette musique et la connait très bien. On a passé très peu de temps ensemble, mais c’était très enrichissant.  

LFB : Tu as mentionné les noms de Gismonti et Nascimento comme étant des inspirations notables sur cet album. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?

GG : Egberto Gismonti est un excellent compositeur et musicien, un guitariste et pianiste exceptionnel. À ses côtés, il y a le deuxième plus grand, à savoir Milton Nascimento. J’aime beaucoup ces deux-là, leur musique, bien qu’ils soient différents. J’ai été beaucoup influencé par la musique de Milton, notamment par l’ampleur qu’ont eu ses disques. Dans les années soixante-dix, ce n’était pas évident de faire un album. Ils n’avaient pas le plus gros budget qui soit, ou le meilleur orchestre du monde, mais ils parvenaient toujours à faire sonner ça comme si c’était le cas. Et il y a cet album de Milton, très célèbre, qui s’appelle Clube Da Esquina avec Borges. Tout au long de ce dernier, ils essaient des choses différentes, expérimentent des sons, des timbres et des instruments variés. C’est très inspirant.

LFB : Quel est le meilleur souvenir que tu aies gardé de ces sessions d’enregistrement à l’étranger ?

GG : Je crois que c’est lorsque l’on a commencé à enregistrer Holy, Holy, car cette chanson est la raison pour laquelle on l’a fait là-bas, avec ces musiciens précisément. C’est la chanson que l’on voulait enregistrer, et dès qu’on l’a jouée une première fois et que j’ai entendu ces gars, c’était tellement plaisant, rassurant même. Et ça continué ainsi jusqu’à la fin. Je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti, et si je devais utiliser une expression un peu clichée, je dirais que ça m’a vraiment réchauffé le cœur, bien que ce soit ce que j’ai vraiment ressenti. Il m’arrivait aussi de citer toutes ces chansons brésiliennes que j’adore au claviériste, et il les jouait. L’ambiance était chaleureuse, c’était génial !

LFB : As-tu appris à jouer d’instruments avec lesquels tu n’étais pas familier ?

GG : Non, non, pas vraiment. (rires) Je me suis cantonné à ce que je sais faire. Je me suis dit « ok, ces gars sont trop forts, je ne vais pas me ridiculiser et les laisser faire leur truc ».

LFB : Certaines de ces chansons ont également été enregistrées assez rapidement. Ce processus a-t-il influencé l’énergie dynamique qui englobe cet album ?

GG : Oui, et cela signifie que chaque morceau n’est pas surjoué. Parfois, lorsque l’on écoute un album, une chanson, on sent que le groupe s’est exercé encore et encore avant de l’enregistrer, et qu’elle a perdu de son énergie. Alors que pour chaque titre ici, tout a été enregistré en moyenne une heure après le premier coup d’essai. Il y avait donc toujours cette fraîcheur, cette énergie, et il est possible que cela contribue à cet aspect dynamique. Cet album possède une certaine légèreté, une énergie qui lui est propre.

LFB : Tes morceaux, très imagés, sont tirés de moments de vie, particulièrement de tes sorties en boîte et autres soirées avinées. Est-ce qu’il y a des expériences qui t’ont marqué ? Des scènes précises qui t’ont alors aidé à façonner la musique ou même les paroles ?

GG : Je ne me souviens de rien de précis qui ait pu m’inspirer. J’ai surtout été beaucoup influencé par la façon dont ces choses se passent, et trouvais matière à écrire à partir de ça. Voir une personne à l’autre bout du bar, habillée d’une façon originale ou ayant un comportement amusant, c’est inspirant. Tu te demandes si c’est vraiment le cas ou si c’est seulement une facette une fois la nuit tombée. Tout tourne autour de l’infini des possibles, et ce qui pourrait éventuellement se passer.

Avec mes albums précédents, avec black midi, mes paroles se concentraient principalement sur le fait de raconter une histoire avec un début, un point culminant et une fin. Ce qui en faisait une histoire le temps d’une chanson. Mais avec The New Sound, j’étais davantage intéressé par le fait de créer des scènes, tout en ayant au sein de chaque chanson, le discours d’un personnage que ce soit par le biais d’un monologue ou non, ce qui permettrait alors de s’imprégner de l’atmosphère qui habite tel ou tel morceau. Mes sorties nocturnes ont beaucoup inspiré cela, ça a permis de planter le décor des divers lieux cités, et de créer une vraie histoire une fois tous les éléments combinés. C’est assez intéressant de se concentrer uniquement sur une atmosphère précise, des odeurs, des sons, des rêves etc.

Il y a ce truc auquel je pensais souvent lorsque je me promenais en ville. J’observais ces immenses bâtiments et tout l’argent qui doit en découler. Je me disais « Mon dieu, imagine si tu possédais cet argent » ou alors « Les personnes de cet immeuble doivent être si riches ». J’ai essayé d’incarner cela dans ma musique, cette espèce de classe, de raffinement, mais aussi ce côté un peu vicieux du monde du business, l’argent, les actions en bourse et tout ce qui s’y rattache, et cela, tout en conservant des personnages amusants au sein de ces scénarios.

LFB : En ce qui concerne ta qualité de parolier, es-tu satisfait de ton évolution ?

GG : Je ne sais pas, je pense que c’est mieux que ce que c’était. Avec black midi, j’avais souvent quelque chose de précis en tête, un objectif, ce qui n’était pas nécessairement ressenti à l’écoute. Je me disais que les auditeurs ne lisaient pas assez attentivement les paroles, ce genre de chose. Et puis, je me suis fait la réflexion que tout cela était ridicule. C’est probablement la faute de la chanson qui n’est pas assez claire. On ne peut pas se reposer uniquement sur la lecture des paroles, il faut écouter et comprendre ensuite. Ce qui était alors le cas avec Holy, Holy. Les gens semblent être à peu près tous sur la même longueur d’onde quant à sa signification. Je suis content, c’est une belle avancée.

LFB : La tracklist de cet album est divisée en onze histoires courtes et fictives, où nous pouvons suivre les épopées de divers personnages. Bien que tu t’appliques à ne pas écrire sur des problématiques réelles, certains faits subsistent dans tes textes. L’utilisation de la fiction est-elle alors ici une manière implicite d’aborder la réalité ?

GG : Bien sûr, et je me dois de le faire, non ? Je veux dire par ici, qu’il est important d’avoir un style d’écriture qui reste agréable, quelque chose qui soit poétique, pertinent, peu importe. Après, cela ne doit pas nécessairement passer par un fait spécifique ou faire la morale sur quel que sujet que ce soit, mais en réitérant ce que l’on sait déjà du monde qui nous entoure par le biais de nos propres expériences ou les choses que l’on observe autour de nous. C’est l’un des éléments clés d’un livre, d’un film ou d’un morceau réussi. Il faut voir cela comme une expérience partagée.

Parfois, il arrive que tu n’ais jamais ressenti telle ou telle émotion jusqu’à ce que tu le ressentes par le biais d’une chanson, et alors tu en conclues que tu es malgré tout familier avec ce sentiment ou cette péripétie. Et même si mes morceaux peuvent être quelque peu excentriques et ne pas forcément faire écho à d’autres expériences de vie, tu ressens toujours de l’empathie, quoi qu’il en soit, tout en supposant que c’est un scénario plausible, qui reflète quelque chose de réel.

LFB : Le désir semble omniprésent au fil des morceaux, tout autant que l’espoir et la romance qui se retrouvent parfois piégés dans une sorte d’impasse émotionnelle. Est-ce que ce sont des sentiments qui t’inspirent ? Même dans leur forme la plus complexe ?

GG : Je crois que j’ai toujours été attiré par le sentiment de désir. Je l’ai toujours trouvé très captivant, c’est un état d’esprit, un style d’écriture où les possibles sont infinis. C’est quelque chose que je retrouve dans beaucoup de mes films préférés, que ce soit avec Sunset Boulevard ou bien In the Mood for Love. C’est très hypothétique, il y a beaucoup de suppositions, tu te demandes si telle ou telle chose va arriver, si l’on devrait ou non faire ceci ou cela. Le désir est un sentiment noyau dans cet album.

LFB : Le thème du désespoir est aussi récurrent. Te considères-tu comme quelqu’un de désespéré ?

GG : Non, pas vraiment. Je suis une personne très positive. Il y a beaucoup de choses qui me sont arrivées dans la vie, et je me suis toujours demandé quelle était l’issue idéale. Je ne suis pas du genre à m’apitoyer sur mon sort. Mais ça reste un sentiment très intéressant en art, surtout lorsqu’il s’agit de personnages pour lesquels tu ressens de l’empathie. Tu peux à la fois les trouver aussi pathétiques qu’émouvants.

LFB : Dans une interview, tu as dit que pendant l’enregistrement de The New Sound, c’était la première fois que tu n’avais de comptes à rendre à personne. Ressens-tu une plus grande liberté artistique avec ce projet solo ?

GG : Absolument, oui. Pas seulement car je peux faire un genre de musique en particulier, mais plutôt car je n’ai plus autant de doutes à avoir, je ne suis plus préoccupé par des détails moindres. Je m’inquiète moins de la réception qui sera faite de mon travail, de si je fais les choses bien ou si c’est artistiquement valide. Je me dis juste que c’est la seule musique que je me dois de faire, une musique que j’aime et qui, selon moi, a le mérite d’exister.

Bien sûr que la collaboration et les compromis ont du bon, mais il y a souvent dans un groupe, cette sensation de non-dits, ce qui crée une sorte de tension silencieuse. Et quand bien même vous êtes les meilleurs amis du monde, ce sentiment étrange persiste. Et c’est pour cela que même dans les plus grands groupes, il n’y a non pas un, mais deux leaders. Mais oui, dans l’ensemble, j’ai vraiment apprécié cette expérience.

LFB : As-tu rencontré des difficultés en passant d’un environnement de travail collaboratif à un autre qui semble être un peu plus indépendant ?

GG : C’est toujours extrêmement collaboratif. Je crois seulement que j’ai fait tout cela d’une manière un peu plus transparente, d’une manière qui me correspond davantage, plus collaborative que jamais. Et également d’une façon plus ouverte, plus amusante. Quand tu fais partie d’un groupe, peu importe le nombre de personnes, chaque membre est considéré de manière égale, et il y a donc plus de risques pour que l’un d’entre eux s’inquiète du sens attaché au travail dit collaboratif, en pensant « Oh non, il y a mon nom dessus, ça doit être parfait et me représenter. Ça doit incarner les valeurs auxquelles je crois et représenter la musique que je veux faire ». Très bien, mais problème étant, ça ne correspondra jamais complètement à tout le monde dans un groupe.

Alors qu’en solo, avec mon nom, ma musique, il y a moins cette pression pour les artistes avec qui je collabore. C’est un environnement de travail agréable où les gens ne sont pas aussi pointilleux et me disent « Ah, tu veux que je joue ça ? Ok, très bien, je n’aurais pas joué cet accord personnellement, mais si tu veux que je le fasse, allons-y ». Ca crée des situations inattendues, et c’est une réelle opportunité pour ces musiciens que d’essayer de jouer d’une manière différente, ça permet de mettre en lumière des qualités qu’ils ne soupçonnaient pas, et je trouve ça cool.

LFB : Bien que black midi appartienne au passé pour le moment, pourrais-tu me dire quelles sont les principales qualités que tu as acquises grâce à cette expérience de groupe et qui te sont bénéfiques aujourd’hui ?

GG : C’était un bon groupe, et nous avons reçu beaucoup de respect de la part des fans et du public. Et c’est pour cela que je voulais y mettre un terme, car nous n’avons jamais sorti un seul mauvais album. Nous en avons fait trois qui étaient bons, ce qui n’a fait qu’accroître les critiques positives. Cela voulait aussi dire qu’il n’y avait plus de risques à prendre, plus de possibilités pour faire des albums moins qualitatifs. Le public pouvait se contenter d’un « Voici ma collection d’albums de black midi, elle est parfaite ».

Tu vois, il y a beaucoup de groupes qui ont gâché cela, car ils ont fini par sortir des albums de moins en moins bons. Quel est l’intérêt ? Aujourd’hui, personne ne dit qu’il aurait aimé voir les Velvet Underground faire quatre albums de plus, non. Leur discographie telle quelle est déjà parfaite, contentons nous-en. Mais oui, ça a eu du bon dans le sens où ça a apporté beaucoup de respect. C’était aussi une superbe expérience, et probablement la plus grande opportunité qu’un jeune qui joue de la musique rock puisse avoir pour faire carrière, en ayant un groupe et en jouant un peu partout avec. Intrinsèquement, il y a vraiment ce truc que les gens apprécient avec les groupes.

LFB : Est-ce qu’il y a des thèmes que tu aimerais explorer en solo ?

GG : Je veux juste continuer dans cette même direction, et essayer de rendre la musique aussi agréable que possible à écouter, le tout, en restant fidèle à moi-même et à cette vision que j’ai de The New Sound. Je veux créer quelque chose pour moi qui soit nouveau, différent, sans craindre de copier ceci ou cela, ou de mêler les styles musicaux. Je veux continuer dans cette voie-là. Pour ce qui est des thèmes abordés, des paroles ou autre, j’aime ce que je fais jusqu’ici. Je pense qu’à l’avenir ce sera différent, bien que j’aime conserver cette sorte d’uniformité pour chaque album.

LFB : The New Sound est par ailleurs un titre intéressant. Comment le définirais-tu ?

GG : Je pense que c’est un bon titre, simple et passe-partout, un peu old school. J’aime cette qualité un peu grandiose, cette théâtralité ostentatoire. Et l’autre raison pour laquelle j’ai choisi ce titre, c’est que je l’avais déjà en tête, avant même d’avoir fait la plupart des chansons de cet album, ce qui a crée une sorte de mission au final, car je ne pouvais plus faire marche arrière. Je trouve que parfois, on fait des albums ou des chansons en pensant que ça va être un truc fou, qui va repousser toutes les limites, et pour lequel on sera intransigeant. Et puis à mi-chemin, on se sent un peu embarrassé. Je me suis alors dit que si j’appelais d’emblée mon album The New Sound, il n’y avait pas de retour en arrière possible et qu’il fallait que ça suive musicalement. Et j’espère que c’est le cas.

LFB : Pour ta tournée, tu prévois d’emmener avec toi différents groupes de musiciens un peu partout dans le monde. Recréer sans cesse un morceau live est-il quelque chose que tu apprécies ?

GG : J’aime le défi de savoir que ça ne sonnera jamais de la même façon, davantage avec cet album. Les musiciens, les sons reproduits etc, rien ne sera jamais pareil. C’est une belle opportunité que de pouvoir se dire « Peu importe, essayons quelque chose de différent, essayons d’amener ces morceaux dans de nouvelles directions et de les explorer ». En concert, chacun sait que c’est une expérience unique, un moment suspendu dans le temps. Tu peux écouter un album encore et encore, mais ça reste figé. Alors que la musique live, elle, a ce côté éphémère, et beaucoup de groupes ne saisissent pas cette chance. Certains jouent le même set chaque soir, ou pire encore, jouent avec des bandes, des trucs déjà enregistrés, et je me demande quel est l’intérêt de tout ça ? Il faut profiter du fait que ça ne se produira qu’une seule fois.

LFB : Pour terminer, aurais-tu un coup de cœur récent à partager avec nous ?

GG : Il y a un artiste que j’ai beaucoup écouté ces dernières semaines et qui s’appelle Pat Metheny, un guitariste de jazz fusion, et plus particulièrement l’un de ses morceaux, standard du jazz, All The Things You Are. Il est devenu célèbre en jouant dans divers groupes de ce genre, mais aussi avec son propre groupe Pat Metheny Group, tout en sortant des albums sous ce nom de collectif.

Dans les années 90, il a enregistré un album unique, comme s’il avait été enregistré en une journée, et ce, avec deux véritables vétérans du jazz, à savoir Roy Haynes et Dave Holland. Et pour la première fois de sa carrière, ils ont enregistré ce classique que j’ai cité plus tôt : All The Things You Are. C’est probablement le standard le plus célèbre, ou le second du moins. Son solo est absolument incroyable, la façon dont il joue me fascine.

C’est un morceau que l’on apprend pour s’initier à ce genre de musique, et les gens le jouent de manière assez régulière, tout en passant un agréable moment, alors que lui le joue très rapidement, avec une grande liberté, une sorte d’énergie et une férocité vraiment incroyables. Ce n’est pas une réponse très drôle, mais c’est ce que j’ai beaucoup écouté dernièrement, même pendant mon trajet en train jusqu’ici.

© Crédit photos  : Mathieu Foucher


ENGLISH VERSION

La Face B : In late August, you revealed your solo career with the release of Holy, Holy. Why did you choose this song as an introduction to this new chapter ?

Geordie Greep : It’s my favourite song that I’ve done, I think. I really enjoy it. It was the song that I was most excited to record for this album and kind of had the most ambition for. And it was the one that ultimately worked on for the longest. I must have listened to this song 400 times and I still like it. So, I thought that’s a good sign. It’s probably the one that people like listening to the most for the longest amount of time before the album comes out. So, it seemed to make sense. It is very, very different from black midi, so it’s a new sort of thing. But has some consistency with black midi. I just thought it was the right song for a single. If there was going to be a single, this is the clear one.

LFB : The New Sound features multiple collaborations with Brazilian musicians, some of them whom did not speak English. Did the language barrier lead to any challenges or surprising moments in the studio ?

GG : Not really. It was another one of those things where on paper you think, oh, this is going to be an issue, or this is going to inhibit what we can accomplish, or at least have some kind of effect. But that’s the thing with music, once you get musicians together, as long as there’s a consistent vision or the song you’re playing, I found it surprisingly easy just to get on with it and to really get something recorded. Especially with these guys who are super professional.

LFB : Music is also an art form that is very communicative, anyone can understand it.

GG : Exactly. It’s a universal language.

LFB : By working with them, did you learn more about the history and culture attached to their music ?

GG : A little bit. What was cool was that a lot of the music that I really liked, Brazilian stuff like Egberto Gismonti, for example, or Milton Nascimento, I would mention to these musicians and they’d be like, oh yeah, yeah, yeah. Because they’d met these guys or they’d played the music quite a lot or they’d been into it. In fact, the drummer that played on this album, his dad was the drummer that played on all the classic Brazilian albums. Any kind of classic Brazilian album you name, it’s probably this guy on drums who’s the dad of the guy that’s playing here. So he kind of was very connected with all that music and knew all about it. It was only a brief time that we spent with them, but it was very illuminating.

LFB : You mentionned the names of Gismonti and Nascimento as notable inspirations for this album. Could you tell us more about it ?

GG : Egberto Gismonti is such a good composer and musician, great guitar and pianist. And then also maybe the second biggest or joint biggest with him is Milton Nascimento. Those two, I really, I love their music so much and they’re very different. And Milton, I particularly took influence from his albums because it’s the broadness of scope. It’s the thing of, they are doing this album in the 70s or whatever. And it’s not necessarily in Hollywood, they’re not necessarily with the biggest budget or the biggest kind of orchestra in the world. But they make it sound like it’s the biggest orchestra in the world.

Theres this album, this very famous album now of Milton, it’s Clube Da Esquina with Lô Borges. Throughout the whole thing, it’s like a movie. It’s always trying different things and experiencing different sounds and different timbres and instrumentation, everything. So that was really inspiring.

LFB : What’s the best memory you kept from these recording sessions abroad ?

GG : I think just when we tried to record Holy, Holy, because that was the main kind of reason that we were doing it there, to play with these musicians. That was the main song we wanted to get down. And kind of as soon as we played through, one time through and I heard those guys playing the song, it was just such a nice feeling. It was such a reassuring, warm feeling. And throughout the whole day, it just continued from there.

But I won’t forget this feeling. It was so kind of warm to your heart, to use a cheesy phrase. But I really had this feeling. And even then after that, I was naming all these Brazilian songs that I love to the keyboard player. And he would say, oh yeah, just play it. I would say, oh yeah, and then he did this one as well. And he said, oh, you mean this one. And it was just very, it was such a warm atmosphere with all of them. It was great.

LFB : Did you learn to play instruments you were not familiar with ?

GG : No, no. Not really. (laughs) I stuck to my own thing.I thought, okay, these guys are too good. I’m not going to show myself up. I’m going to let them do their thing.

LFB : Some of these songs were also recorded quite quickly. Did this rapid process influence the album’s overalll dynamic energy ?

GG : Yeah. I think what it meant was that each song wasn’t overplayed. Sometimes you have this thing where you can tell when you’re listening to an album or recording that the band has played that song quite a lot before they recorded it and it’s lost some energy. Whereas with every song here, it was only an hour or so after the band had played a song for the first time. So there was always a freshness and an energy to it. And maybe that contributes overall to this. In general, this album has a sense of lightness to it or kind of an energy to it.

LFB : You mentionned that the ideas for your songs, as visual as they may be, came from going out to clubs and drinking. What experiences from those nights out inspired you the most ? Any specific scenes in mind that helped shape the music or lyrics ?

GG : I can’t really remember any specific episodes or anything. It was just like seeing things happen and saying, oh, let’s write about that that happened. It was more you see someone across the bar and dressed up in a funny fashion or behaving in a funny way. And you say, ah, I wonder if this is the case. It’s like hypothetical. And the atmosphere and kind of the things that kind of could be possible. The things that could occur, you know ?

With the previous albums, with black midi, with lyrics, my focus was usually on telling a story. You start here, then this happens, then there’s a climax, then the story ends. And then it’s like, oh, I guess that’s the story of this song. But with this album, I was more interested in just making scenes. So kind of having like, through the speech of one character or through this monologue, you can really kind of start to synthesise this environment or this atmosphere or this location.

Like I said about being out in these kind of clubs and stuff, but trying to really set the scene of these places and almost do that for the entire song. And then, with just a few things here near the end or with a few little choices, you can make that into a story. Rather than really trying to say, and then this happened, and then, by the way, he met this man, and then this changed and it went down this road. You don’t have to do all that, I think. You can really just focus on the atmosphere and the smells and the sounds and the visions and the dreams and all this stuff. And from there, it’s easy.

One thing I was thinking about a lot is walking around town and looking at these huge buildings and thinking about millions of dollars. And thinking like, oh my God, imagine you had a million dollars. Or looking at a building, everyone in there probably has a million dollars, right ? Trying to embody that in the music, this slickness. And by the same token, of course, a bit greasy kind of feeling of big business and making money, stocks and bonds and all this stuff. And then also funny characters in these scenarios.

LFB : Regarding your writing, are you satisfied of your growth as a lyricist ?

GG : I don’t know. I think it’s better. One thing is that people, with Holy, Holy that’s come out already, a lot of times with black midi songs, I would have a specific thing in mind that I thought this song was about or I had a purpose for writing a song, and it wouldn’t necessarily come across a lot of the time. And I would think, oh, people are just, they’re not reading the lyrics closely enough or they’re looking at the wrong thing or they need to look at the lyrics sheet and stuff. But then I thought, that’s stupid. That’s really ridiculous.

If it’s not clear, it’s probably the fault of the song, that it’s not clear enough. Or that if you can’t understand the lyrics by listening to the song, that’s also dumb. You can’t rely on reading the lyrics. You have to be able to just listen to the song and get the lyrics. And that seemed to be way more the case with Holy Holy. People seem to kind of all understand or be on the same page about the meaning of the song. So I think I am happy with that. That’s a very nice step forward.

LFB : The tracklist is divided into eleven short and fictionnal stories where we follow characters through a series of adventures. Even though you do not aim at writing about real world issues, there’s still some facts in the lyrics. Is your use of fiction an implicit way of adressing reality ?

GG : Of course. That has to be the case, right? I mean, the main focus is always on just doing something that’s enjoyable or that’s satisfying or that has some sort of like, oh yeah, that’s a nice line, it’s poetic, it’s interesting, whatever it is. But part of that always has to be through not necessarily addressing any specific issue or having a moral or anything, but just reiterating the things we know about the world and the things we see around and the experiences we have, right? That’s one of the key components to any good book or movie or song or anything. It’s a shared experience, it’s a shared medium.

Sometimes you’ve never experienced something until you’ve heard about it in a song and thenOr I know this scenario or this situation. And even though my songs might be a bit more far-flung and might not match up with many people’s experiences, you can still have empathy for it and feel as if it’s a scenario that is plausible or is kind of indicative of something or other going on.

LFB : The yearning figure is frequent throughout the songs, but also hope and romance which sometimes find themselves trapped in an emotional impasse. Are they feelings that you find inspiring ? Even in their most complex form ?

GG : I think this yearning thing, I’ve always been attracted to. I’ve always found it really… Captivating. This mood or mode of writing where everything is like, but what if, but maybe, but why can’t, but how, but… And in a lot of my favourite films it has this kind of tone the whole time. Something like Sunset Boulevard has this, where it’s like the whole time it’s almost reaching for something and trying to grasp it. In The Mood for Love it’s the same thing. It’s like the thing that can happen, but why not, but should it, but should it not. And that kind of comes into all the songs here, this central feeling.

LFB : The theme of desperation is also recurrent. Have you ever considered yourself as a desperate person ?

GG : No, not so much. I am a very positive person. So many things that have happened I always think, what can you do? I’m not one to get on my hands and knees and… But I do find it really interesting. I find it really a sympathetic thing in art. Especially when it’s these characters that you really kind of feel sorry for them despite your best efforts maybe even. It’s like you can find them simultaneously pathetic or disgusting, but also very sympathetic.

LFB : In an interview you said that while recording The New Sound, it was the first time you had no one to answer to. Do you find yourself having a greater sense of artistic freedom with this solo project ?

GG : Definitely. Not even just in a sense of being able to make this kind of music but more just in principle of not having so much self-consciousness about stuff. I kind of have less worry about how it will be received and if I’m doing the right thing or if it’s artistically valid. I just feel like it’s music I have to make and music I enjoy and music that I think should exist.

Of course, collaboration is good and compromise is good and stuff, but there’s often a feeling in a band of some unsaid thing of, ah, it would have been better if we did it how I want to do it or if you didn’t do that or if she didn’t do that or he didn’t do that. And it’s kind of a weird silent tension. No matter if you say, ah, we’re all the best friends, there’s going to still be some weird thing. And that’s why even in bands, to be honest, even in bands, a lot of the most functional bands, they just pick one or two to be the leader. So it’s just one of those things. But yeah, I’ve really enjoyed this experience, yeah.

LFB : Did you face any challenges from going to a collaborative work environment to one that is now a bit more independent ?

GG : It’s still extremely collaborative. I just think I’ve done it in a bit more of a transparent way, in a way that suits me, in a more kind of genuinely collaborative way than ever before. And more kind of open and fun way. When you’re in a band, and however many people there are in a band, you’re split equally, it’s like everyone has an equal stake. There’s more chance for everyone, all the musicians at one point to get really worried and think like, oh no, this has my name on it. Like, this has to be right. This has to represent me. And this has to embody the principles I believe in and the kind of music I want to make. That’s great, but hardly ever is that going to completely line up for everyone in the band.

Whereas when you’re working with something where it’s my name, it’s my music, but I’m working with all these great collaborators, they feel less of a self-consciousness about it representing them personally. So it’s a nice environment where people are not so kind of precious, and will think like, oh, if you want me to play this, yeah, sure. I wouldn’t have played that chord myself, but if you want me to do it, yeah, cool. So you bring out things, so it’s an opportunity for people to try playing in a different way and you can almost bring things out in musicians that they didn’t expect, you know. I think it’s cool.

LFB : And even though black midi belongs to the past for now, could you tell me what are the main qualities you gained from being in a band that serve you now ?

GG : Well, it was a good band and we’ve earned a lot of goodwill from the fans and from the audience. This is why I wanted to finish the band, because we never put out a bad album. We did three albums that were good and that, you know, most of the fans thought generally got better. So it means that they don’t have to sit through an album or two or three, four, however many, that slowly get worse. They get to say, okay, that’s my black midi collection and it’s fine, it’s perfect.

You know, so many bands, they ruined it. They end up putting out slowly worse albums and it’s like, what’s the point ? Today, no one is saying, oh, Velvet Underground, I wish they did, like, four more albums. Nah, all the four they did are great, so let’s just be happy. But yes, it was good in terms of, for now, it’s like really set up a lot of goodwill. And also, it was just a great experience. It’s probably the best chance that a young person playing rock music or whatever has of having a career is starting a band and playing around in a band. Because there’s something about a band that is, people like it, you know, intuitively, intrinsically, whatever, you know ?

LFB : Any themes you’d like to explore while being on your own ?

GG : I just wanna keep going down, like, the road of trying to make the music as listenable as possible, as nice to listen to as possible, while still being true to myself and still being true to this vision of the new sound, of trying to make something, at least for me, that’s new, that’s different, and bringing different things together and not being afraid of emulating this or that, or bringing in all sorts of different types of music. I just wanna keep going down that road. And in terms of the themes, like, lyrically or anything, who knows? I like what I’ve done here. I think it will be very different and I wanna try something very different, but I like this whole thing of some kind of uniform thing for each album.

LFB : The album’s title is also quite interesting. How would you define it ?

GG : Well, it’s like, it’s mainly just a title, you know? I think it’s a nice title. It’s very simple and nice, and it’s kind of old school. I like that kind of bombast and this kind of like showy theatricality sort of thing. But the other reason I had it even before I had most of the songs on this album, it was more of a mission. You know, it was more like, oh, this is gonna be the new sound. So let’s call it that so we can back out.

I feel like sometimes people make albums that we’ve all done it or make songs where you start off thinking it’s gonna be this crazy thing and it’s gonna do all these, break all these boundaries and say, I don’t care, I’m going to be uncompromising, and halfway through you get kind of embarassed. But I thought, if I call the album The New Sound, there’s no backing out. I have to back that up with the music. So hopefully it has.

LFB : You plan on bringing with you different sets of musicians to play with in different parts of the world. Does recreating songs endlessly is part of what you enjoy most when playing live ?

GG : Well, I like the challenge of knowing that it’s not gonna be exactly the same. Especially with this album, the amount of musicians and different sound and stuff is never gonna be exactly the same. So it’s a nice opportunity to say, who cares, let’s try something different. Let’s try and take these songs in different places and explore this music. It’s the only experience where you can have anyone that’s at one show, it’s like it’s happened and it’s done. It’s a moment in time.

You can listen to an album over and over again, it’s frozen. But that’s the great thing about live music, it has this ephemeral thing. And so many bands don’t take advantage of that. They play the same set every night or even worse, they play with backing track or things on tape even or whatever it is and it’s just, what’s the point of that? You should take advantage of the fact it’s only gonna happen once.

LFB : Last but not least, do you have any song, book or movie you really loved lately and would like to share with us ?

GG : I would say one I have listened to quite a few times in the past weeks and months is Pat Metheny the fusion guitar player. A song by his which is a version of a jazz standard All The Things You Are. He became famous playing in different fusion groups, his own Pat Metheny group and releasing albums under their name as well but always kind of a big sound, big groups. Sometimes a trio on his first album but often times a big group.

But in the 90s, he recorded a one off album which was like kind of recorded all in one day with two really jazz veterans Roy Haynes and Dave Holland and for the first time in his career, they recorded a jazz standard All The Things You Are. Probably the most famous jazz standard, at least, certainly second most famous maybe. But his solo is absolutely amazing the way he plays on his tune.

It’s a tune that’s usually one of the first things you will learn how to play in that kind of music. So people play it very steady and having a nice time but he plays it really extremely fast and really with all sorts of freedom and kind of energy and ferociousness that it’s really quite amazing. That’s not really a funny answer but that’s the thing I’ve been listening to a lot even on the train journey here.

LFB : That’s a great choice.

GG : Thank you. Brilliant.

© Crédit photos  : Mathieu Foucher