2018-2020. Le temps passe à la vitesse d’une balle qui sort d’un flingue avant d’atteindre sa cible. Deux ans, c’est aussi l’âge de Glauque, les belges qui nous filent une tarte à chaque morceau disséminé ici et là comme des cailloux blancs qui permettent de retrouver le Petit Poucet. Deux ans, pour un premier chapitre, une première étape qu’ils dévoilent aujourd’hui.
Ça commence comme un coup de tête pris par surprise puissant et inattendu. Une intro qui nous berce et une montée qui explose, comme un cri de colère électronique, une rage instrumentale qui nous met directement dans le bain. Cette introduction a son importance puisque tous les codes de Glauque y sont déjà présents : les ambiances, la colère, les nuances et la violence d’un monde extérieur qu’on a du mal à codifier clairement. Cette première piste, il est impossible de ne pas la rattacher à Vivre car dans l’univers de Glauque, chaque morceau a sa plage de lancement, une sorte de calme avant la tempête, une présentation de ce qui va nous arriver par la suite.
Seul titre pas encore dévoilé précédemment mais déjà découvert sur scène, Vivre continue à nous couper le souffle. Le mot est dur car il est vrai, le rythme est intense comme une vie qui passe trop vite, dans laquelle on jongle entre déception et ambition, ou l’on slalome entre le besoin des proches et ses propres attentes. Ici, l’auto-biographique se mêle à la fiction, bluffant constamment entre le faux et le vrai. C’est un jeu qu’on retrouvera constamment chez Glauque, s’appuyer sur le réel pour créer des histoires, parler de soi à la seconde personne pour se transformer en observateur extérieur de sa propre existence, devenir un personnage omniscient à la fois juge, accusé et exécutant. Dans le texte, on pourrait voir une entreprise à la fois cathartique et schizophrénique, ce sera le cas dans chaque titre de Glauque. Chaque mot, chaque respiration est pesé, réfléchi, intelligent et intelligible. L’interprétation de la chanson fait tout pour laisser place à l’interprétation de l’auditeur qui finira par analyser chaque titre pour y trouver les références, les idées et les réflexions afin de les faire sienne.
Le choc à peine encaissé, on enchaine sur une droite, sèche et brutale. On redécouvre Robot, son héros qui s’est tellement fait baiser par la vie que sa carte mère a bugué, les sentiments n’existent plus chez lui, l’amour n’existe plus chez lui, mais aussi chez les autres comme le morceau nous l’explique. On finit par réaliser qu’on est face à un misanthrope, un être qui nous raconte que tous ses problèmes viennent des autres, que ses actions ont toutes des excuses et qui préfère la fuite en avant quitte à finir droit dans le mur. On réalise aussi, qu’à chaque morceau sa couleur musicale, le texte et la production ne font qu’un. Sur Robot le son est … robotique, brutal et presque sans émotions, avant de se transformer quand la colère prend le dessus sur la neurasthénie.
ID8 calme le jeu, comme lorsqu’on se réveille d’une mauvaise cuite et qu’on réalise toutes les erreurs et les conneries qu’on a pu faire, qu’on cherche une réponse, une échappée à toutes les erreurs qu’on a pu faire jusqu’à présent. C’est aussi le texte le plus tendre de Glauque, ici l’amour n’est pas feint, il est vécu même si il finit par avoir une date de péremption et ou l’on finit par se taire pour laisser parler le vide, comme lorsqu’on regarde des vagues déchainées se fracasser sur un récif. La fin arrive et on retrouve Plane.
Ce morceau est sans doute celui qui nous a le plus marqué chez le groupe, il semble représenter à lui seul l’idée même du groupe, ici si tout est presque raconté à la seconde personne, on ne sait jamais réellement qui parle. Entre des amis qui voient un ami se perdre dans la défonce, une personne qui se parle à elle même pour justifier ses propres actions ou un être omniscient qui voit les tenants et les aboutissants, la mort qui arrive et qui tente, sans intervenir, de prévenir des conséquences avec ces mots aussi simples que définitifs : « Et si tu crèves, tout est calme ». Ce seront les derniers mots qui résonneront dans ce premier effort qui se termine par une outro qui finit par sonner comme un encéphalogramme qui devient plat.
Aussi vert de rage que nourri d’une certaine répulsion que nous inspire son nom, le quintette belge se présente aujourd’hui, ou plutôt présente son passé pour mieux envisager son avenir. Bienvenue chez Glauque : Cinq titres, un début, une fin et au milieu le grouillement d’un monde désespéré dont on cherche à s’enfuir. Ici on est voué à vivre mais pas obligé de subir l’existence. Aucun déterminisme, aucune haine facile pour une exigence totale : offrir une musique personnelle et radicale, où le mot et le son jouent à armes égales, un univers hybride qui ne cherche pas à suivre les codes de l’époque, qui n’a aucune envie de plaire au plus grand monde tout en ayant l’ambition de réunir au maximum ceux qui se reconnaitront dans ce qui nous est offert ici. Avec ce premier EP, ce club des cinq made in Namur pose les bases d’un projet ambitieux, mouvant et terriblement excitant. L’aventure ne fait que commencer, rendez-vous au chapitre II.