Glints (Glintsal): « Ces morceaux sont probablement les moins expérimentaux qu’on ait faits »

Ils se connaissent depuis des années et ont fusionné leurs univers pour créer Glintsal Vol. 1. Quelques semaines après la sortie de leur album commun, Glints et Faisal font le point sur ce projet audacieux. Entre rires, anecdotes et une vision artistique ultra-originale, ce duo néerlandophone nous dévoile un projet aussi rafraîchissant que l’été, mais à écouter en toutes saisons.

Version française

La Face B : Bonjour Glints, bonjour Faisal ! Votre album est sorti en octobre (Ndlr : interview réalisée début novembre). Quels retours en avez-vous eus jusqu’à présent ?

Glints : La réponse a été vraiment positive jusqu’ici. Je pense que les gens savent ce que je fais et ce que Faisal fait chacun de notre côté. Mais quand on collabore, c’est quelque chose de nouveau. Les gens ont été agréablement surpris, et les retours des radios ont été super aussi. Les gens écoutent nos chansons sur Spotify également… Je pense que ça pourrait vraiment aller encore plus loin.

Faisal : On a vraiment expérimenté ensemble avant l’album, et je pense que les gens avaient déjà une idée de ce que ça pourrait donner. Mais de notre côté, on a apporté beaucoup d’idées, on a exploré différentes directions, et je pense que les gens apprécient que ce soit si brut !

Glints : C’est toujours bien de voir que les gens ne pensent pas que c’est de la merde ! (rires)

LFB : L’idée de cet album, ça vient d’où ? 

Glints : Comme tu le sais, on vivait ensemble à l’Abattoir. On s’est fait beaucoup d’amis et on a intégré pas mal de gens dans notre cercle. Et il y a Yong Yello, qui est assez connu comme rappeur et producteur en Flandre. J’ai fait mes deux précédents albums avec lui. Tous les trois, on est vraiment des meilleurs amis. On s’est rencontrés il y a environ sept ans, quelque chose comme ça. Je travaillais toujours sur mes projets solo, et Faisal était occupé avec son travail de DJ, les bandes-son, et tout le reste. Mais je pense qu’on savait, même pendant les sessions d’impro, qu’on devrait faire quelque chose ensemble. Même quand Yello et moi travaillions sur mon album solo, Faisal était toujours le “troisième pilier.” Il venait au studio et travaillait un peu avec nous sur les beats. Je crois que c’était vers le début de la COVID. On avait un peu de temps en studio, alors on s’est dit, pourquoi ne pas s’amuser un peu ? Et c’est là qu’on a commencé à créer. Le premier morceau qu’on a fait, c’était Sometimes Alone. Depuis, on n’a vraiment pas arrêté de faire de la musique.

Faisal : On avait juste besoin d’un peu de temps pour souffler, comme une pause dans nos carrières solo, pour explorer un projet ensemble. On ne s’est jamais vraiment dit, “On devrait faire un album ensemble.” Quand le moment est venu, c’était évident. C’était pour le plaisir, l’amitié, faire de la vraie musique et de la créativité sans trop de pression.

LFB : Justement, comment s’est passé cette cohabitation à l’Abattoir entre vous ? 

Glints : On a vécu ensemble pendant trois ans, et on vivait encore ensemble quand la COVID est arrivée. C’était parfait parce qu’on était sept gars habitant ensemble. Beaucoup de gens se sentaient seuls, mais nous, on faisait des petites fêtes juste entre nous sept. Ensuite, Stu Bru a eu l’idée de lancer une émission de radio. On l’a faite nous-mêmes, et on a réussi à inviter pas mal d’artistes sympas, surtout pendant les restrictions avec les “bulles.” On avait un permis du gouvernement pour pouvoir recevoir des gens dans notre studio à cette période. On a vu passer des artistes comme Peet, L’or du commun, et plein d’autres grands artistes. C’était vraiment bien de pouvoir inviter en toute sécurité des talents comme ça. On avait une super ambiance créative : tout le monde faisait de la musique, l’un d’entre nous peignait, un autre faisait de la photo, on créait tout le temps. Après quelques années, tout le monde a trouvé une copine, et les copines ont commencé à se dire : “Ok, c’est marrant, mais je ne vais pas vivre avec sept autres gars toute ma vie !” (rires)

Faisal : C’était comme si on explorait toujours la créativité. Notre salon ressemblait plus à un studio où on traînait pour créer des trucs. C’était un endroit et une ambiance super inspirants. Mais je pense que vivre et travailler dans le même espace avec tous tes amis, c’est comme “plus plus plus plus.” Maintenant, je pense que c’est bien que nos logements soient séparés, on a juste besoin d’un espace commun pour créer.

Glints : Mais on habite toujours l’un en face de l’autre ! Je suis dans la même rue, et je peux voir sa maison. Le matin, j’ouvre juste ma fenêtre, et je lui parle par la fenêtre ! (rires)

LFB : On vous a comparé à des daft punk etc, ça fait quoi ? 

Glints : C’est juste génial. Ce sont vraiment de super références !

Faisal : C’est drôle parce qu’hier, on a eu une autre interview, et on nous a demandé de citer des influences pour l’album, des artistes qui nous ont inspirés pendant le processus créatif, et c’est exactement ces noms-là que j’ai donnés.

Glints : Pour nous, tout ça, c’est un grand plaisir : celui d’être comparés à ces grands noms. Tu sais, c’est de la musique vraiment accrocheuse, mais ce n’est pas de la pop. On voulait vraiment créer de la musique entraînante avec de bons refrains et des structures de chanson classiques, écrire de grands morceaux. Mais on adore aussi le hip-hop, et on voulait que ce soit cool, pas juste du hip-hop ‘plat’. On essaie de mêler des refrains accrocheurs avec quelque chose d’unique, de faire quelque chose de grand et toujours spécial, sans que ça devienne trop ‘popy-popy’, tu vois ?

LFB : Justement, on ressent cette influence du hip-hop des années 80, un peu ancienne et rétro, mais avec des côtés nouveauté et expérimental. Est-ce que cela vous tient à cœur de garder ce petit côté expérimental ?

Faisal : C’est venu naturellement. Ce n’était pas comme si on se disait : « Oh, il faut qu’on soit cool. » Si on devait dire quelque chose, ces morceaux son probablement les moins expérimentaux qu’on ait faits ; on s’est un peu plus aventurés vers des sons alternatifs par moments… Même sur cet album, la chanson d’ouverture a une structure assez étrange, elle change en plein milieu. Donc, je pense que, même quand on essaie de se limiter, on n’empêche pas que ça devienne un peu fou.

Glints : Je pense que ce qui est vraiment important, c’est qu’on partage les mêmes centres d’intérêts. On aime la même musique, la même culture, les mêmes films, les mêmes divertissements. Quand on est tous les deux en studio, on est très énergiques. C’est un échange d’idées constant, on avance à toute vitesse, donc on n’a pas vraiment le temps de se concentrer sur « Bon, là on fait ça… » Et puis, tout à coup, un rythme étrange apparaît, et on décide de le suivre – ça nous semble naturel ! On laisse les idées s’écouler d’elles-mêmes, même si ce ne sont pas toujours les choix les plus évidents.

LFB : Le projet est sorti en octobre, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il aurait aussi été parfait pour l’été. Est-ce que je me trompe ?

Glints : Je pense aussi que c’est un album ensoleillé. (rires)

Faisal : Absolument, oui ! (rires)

Glints : C’est surtout parce qu’en général, quand je crée quelque chose, c’est très prémédité. J’ai tendance à tout planifier, comme “je vais dire ça, je vais faire ça, ça doit sonner comme ça, etc« . Mais en travaillant avec Faisal, je ne pouvais pas le forcer à s’en tenir à une seule idée. C’est devenu quelque chose que j’ai appris à accepter, genre “profitons et amusons-nous !” Du coup, le résultat est très estival et léger, et on l’a gardé comme ça pour que ça reste agréable. Donc oui, des ondes d’été, je dirais.

Faisal : Dans la création, on n’essaie jamais de forcer les choses. Dès que l’album était prêt à sortir, on a simplement suivi l’ambiance. Rien n’a été planifié, rien n’a été calculé… Une fois terminé, on s’est simplement dit « Sortons le et voyons ce que ça donne !« 

LFB : Vous parlez anglais, français et néerlandais. En Belgique, pour faire de la musique, n’est-ce pas parfois compliqué de vous y retrouver ?

Glints : J’ai grandi en parlant anglais. C’est pour ça que je rappe en anglais. Depuis tout petit, j’ai toujours parlé en anglais, donc quand j’ai commencé à étudier la musique à douze ans, c’était naturel, ce que j’entendais autour de moi. Maintenant, j’ai tellement avancé dans cette voie que ce serait bizarre de faire quelque chose en néerlandais. J’ai vraiment développé ma façon de faire de la musique en anglais, et je dirais que c’est ma voix artistique. Mais je comprends ! C’est un vrai défi pour beaucoup d’artistes. Par exemple, Easy Fellow, un bon ami à nous, fait vraiment de la super musique en Flandre avec son dernier album, mais il n’a quasiment aucune chance de passer en Wallonie ou même en France. Je pense que ça peut arriver parfois. Il y a des artistes comme Selah Sue, avec un style plus “pop,” et je pense que Roméo Elvis s’en est bien sorti aussi. Mais c’est clair que c’est difficile, même si je pense toujours que si on est vraiment bon, c’est possible… Je l’espère !

Faisal : En grandissant, ça a toujours été compliqué, que tu sois un artiste flamand, un artiste wallon ou même un artiste bruxellois. Ces régions ressemblent à des îles séparées, et je pense que l’industrie tend à renforcer cette division. Ils sortent des choses spécifiquement pour le marché wallon ou pour le marché flamand, et c’est comme ça depuis longtemps. Mais maintenant, avec l’essor des réseaux sociaux, les choses commencent à s’élargir. Pour la première fois, on voit les fruits de cette époque : tout est instantanément accessible dans le monde entier.

Glints : C’est comme quand le beat tombe, quelque chose se déclenche. On essaie de faire partie de ceux qui apportent de la bonne musique aux gens, sans se soucier d’où elle vient. On devrait être fiers du fait qu’on ait deux langues dans notre pays.

Faisal : Et si l’industrie ne le fait pas, on le fera !

LFB : Votre projet est accompagné d’une BD au style shonen des années 80-90. Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette direction pour l’identité visuelle de l’album ?

Glints : Il y a un troisième membre avec nous, Iljen Puth. C’est lui qui a créé tous les visuels pour l’Abattoir. Il s’occupe de tous les visuels de mes albums, de tout le travail de Faisal, et aussi de celui de Yello.

Faisal : C’est un peu notre Andy Warhol ! (rires)

Glints : En travaillant sur le projet, à un moment donné, on s’est dit “Peut-être qu’il nous manque quelque chose pour l’album.” Puis on regardait Akira, et je me souviens qu’on a eu cette conversation : “C’est tellement cool et original.” Et grâce à ça, on a eu l’idée de faire quelque chose dans le style de Gorillaz ou Daft Punk, avec une identité visuelle créative et forte. On s’est donc inspirés d’Akira, et Iljen a passé le plus de temps sur ce projet, car il a commencé à y travailler il y a quatre ans. Tout a été fait à la main, ce qui est assez fou, et il a créé mille versions de la couverture. On pourrait même organiser une exposition avec son travail. Un grand merci à lui !

LFB : Est-ce que la BD est complémentaire avec l’album ?

Faisal : Ouais ! Certains textes de l’album sont dans la BD ! Et c’est aussi génial !

LFB : Et enfin, qu’est ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?

Glints : Ce qui vient après, c’est toujours un peu une grande inconnue, parce que c’est toujours de la musique, et on ne peut pas vraiment la planifier… On a plein de musique, mais je pense… On a fait 90 % de l’album très rapidement, et les 10 % restants ont pris beaucoup de temps à finir… On est très bons pour créer du nouveau, mais pas tellement pour finir les choses (rires). Je pense qu’on va probablement d’abord essayer de finir le deuxième, mais on finira sûrement par faire dix autres albums avant celui-là. Mais il y aura définitivement un Glintsal 2, et ce sera de la musique de Faisal et de la musique de Glints, et il y aura aussi plein de concerts fous.

Faisal : Pour ajouter à ça, on a aussi nos premiers concerts prévus pour janvier, donc on va mettre tous nos efforts pour réussir ces shows et voir où ça nous mène. Maintenant qu’on a créé l’album, la mission, c’est de faire en sorte qu’un maximum de gens l’écoutent, parce que les gens doivent vraiment réaliser à quel point il est bon en live (rires) !

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