Le singer songwriter à la voix en or Logan Ledger célèbre sa Californie natale dans un deuxième album d’une intemporelle élégance, à la fois profondément personnel et ancré dans la plus pure tradition country américaine
C’est par la chaine Youtube Western AF que nous avons pour la première fois entendu Logan Ledger, sur son morceau aux accents rockabilly (I’m Gonna Get Over This) Some Day. Le singer songwriter originaire de San Francisco avait fait ses débuts en 2020 avec un excellent premier album sobrement baptisé Logan Ledger, mélange subtil et savoureux de sonorités roots américaines dans la lignée de ceux qui ont inspiré Ledger depuis son plus jeune age: Roy Orbison, Elvis Presley, The Platters et, plus tard, les grands noms du country-blues tels que Doc Watson et Mississippi John Hurt. On retrouvait également sur cet album la ballade country Invisible Blue ou encore le titre plus rock I Don’t Dream Anymore.
Produit par Shooter Jennings (Tanya Tucker, Brandi Carlile, Kelsey Waldon), Golden State marque une rupture de style avec la country noire intemporelle de ce premier album. L’une des forces de cet album réside sans aucun doute dans la voix de Ledger, tantôt puissante tantôt plus contenue sur des mélodies douces et veloutées et grâce à de superbes trémolos. L’album bénéficie en outre d’une production cinq étoiles, avec de magnifiques arrangements de cordes, des guitares chaudes pleines d’âme et des voix comme celle d’Erin Rae sur Some Misty Morning, qui complètent à merveille la voix de Ledger et apportent à l’album à la fois une élégance classique et un aspect plus raw.
S’étant deja bien entouré sur son premier album (Marc Ribot, T-Bone Burnett), Ledger a travaillé sur ce deuxième album avec le guitariste Nick Bockrath (Cage The Elephant), le joueur de pedal steel Russ Pahl (Sturgill Simpson, Tyler Childers), le bassiste Ted Russell Kamp, ainsi que Shooter Jennings lui-même au piano, au Wurlitzer, à l’orgue et au céleste. Imaginant un son luxuriant et fougueux inspiré en partie par la scène country-rock californienne des années 60-70, l’album fut principalement enregistré en live au célèbre Sunset Sound de Los Angeles, plantant un décor sublime pour les méditations de Ledger sur la perte, le désespoir et la recherche de la transcendance. Explorant la Californie comme métaphore de la métamorphose personnelle, Ledger a voulu avec Golden State « trouver le chemin du contentement ou de la réalisation de soi sans jamais y parvenir, mais en comprenant que la quête elle-même est toujours importante«
S’ouvrant sur un moment de grandeur symphonique, Golden State commence par un jeu de cordes introductif se fondant progressivement dans les guitares et la pedal steel, auxquelles Ledger se joint pour chanter cet « Etat doré » d’où il est originaire. Racontant que « chaque kilomètre semble plus long que le précédent / comme si le passé nous ramenait lentement en arrière » (« every mile feels longer than the last / like slowly gettin’ dragged back by the past), Ledger nous transporte dans cet endroit entre rêve et réalité, insaisissable. Une fois le charme opéré, nous voilà prêts à suivre Ledger partout où sa voix frémissante et magistrale voudra nous emmener.
Sur There Goes My Mind, Ledger troque les cordes pour une batterie, et l’album prend une coloration plus terre-à-terre et traditionnellement country. Ce morceau country-rock, avec ses guitares sinueuses et son refrain entêtant, fait apparaitre des influences de musiciens rock californiens comme Tom Petty ou The Byrds, tout en conservant cette atmosphère rêveuse, nous montrant que même s’il n’a pas peur de varier les teintes de sa palette, Ledger sait très bien où il nous emmène.
L’album ne perd pas de son éclat tout au long de ses dix morceaux. Quelques titres se détachent néanmoins du reste : on adore le côté « classique country » de All The Wine In California, réflexion sincère sur l’amour perdu sur un swing construit sur des rythmes de trainbeat, des harmonies robustes et un subtil solo de guitare de Ledger, qui confère un certain éclat aux paroles les plus mélancoliques . « D’un côté, la chanson parle d’une tristesse si profonde que même l’alcool ne peut la faire oublier« , explique Ledger. « Mais à un autre niveau, le vin pourrait représenter tous les plaisirs de la vie, toutes les choses que nous faisons pour nous distraire et qui ne parviennent jamais à effacer notre douleur. »
La deuxième face de l’album démarre avec les voix entrelacées de Ledger et Rae sur Some Misty Morning. Rappelant à certains égards la chanson Let The Mermaids Flirt With Me, issue du premier album et sur laquelle le narrateur rêvait de sa propre mort, Some Misty Morning peut être interprétée de multiples façons : de manière assez littérale, comme un désir de soulagement d’un chagrin d’amour, ou de manière plus large, comme une anticipation d’un temps où les souffrances du monde seront terminées. « J’ai tendance à écrire des chansons qui peuvent être interprétées de manière spirituelle ou séculaire, de sorte que cette chanson pourrait parler de l’attente de la vie après la mort ou de l’attente des retrouvailles avec quelqu’un que l’on aime » explique Ledger.
Mais Golden State garde le meilleur pour la fin avec le morceau final Where Will I Go, joyau intemporel sublime pat les arrangements de cordes de la compositrice Kristin Wilkinson (Willie Nelson, Dolly Parton). Un morceau mélancolique et profond, par lequel Logan Ledger parvient à nous toucher en plein coeur avec des paroles si simples et si puissantes: « They say you know when you know / I think I know / But where will I go? / Time ain’t my friend / It just won’t slow / But where will I go? / Where will I go? » Des questionnements qui se posent à nous chaque jour, alors que nous contemplons un avenir incertain à partir d’un présent humain, impuissant et vulnérable.