Abordant un regard défiant et des cheveux blonds platines qui feraient frémir James Dean, l’artiste Benjamin Biolay revient avec un neuvième album intitulé Grand Prix. Un titre comme une évidence. Non pas seulement car il s’agit – avec justesse – d’un grand album mais avant tout car il est question de courses existentielles. Celles contre la peine, la mort; celles allant vers la lumière, l’amour.
La Fureur de Vivre
En évoquant cet album, Benjamin Biolay parle de madeleine de Proust, de souvenirs de jeunesse. Celle à travers laquelle on l’imagine regarder des courses automobiles retransmises sur le téléviseur du salon familial. A cette même époque, on le devine aussi écouter les premiers morceaux qui le nourriront, et qui nourrissent cet album. Les rockeurs de Manchester comme New Order, Joy Division, The Libertines, ou The Strokes à en croire l’introduction du titre Comme une voiture volée. Ou alors, de l’autre côté de l’Atlantique, le minimalisme de Dominique A avec Visage pâle et le phrasé de Renaud avec Ma route.
Puis, l’artiste se confie sur sa volonté de faire l’album qu’il aurait voulu faire à 17, 25 ans. Un pari réussi. Puisque que Benjamin Biolay parvient à retranscrire dans cet album toute cette fougue, cette fureur de vivre à cent à l’heure, que l’on a au bel âge.
La Route déjà bien tracée
Pourtant, on ressent une grande maturité dans ce disque. Comme le passage vers un autre âge. Presque dans la continuité du titre Ton Héritage, l’artiste retrace et rassemble des bribes de sages conseils, tirés de son expérience à travers La roue tourne. On retiendra entre autre ces phrases comme des mantras : « Oui, sache qu’on n’est rien, Ou presque que dalle » « En ignorant les codes, On est baisé d’avance, Mais en les suivant trop, On n’a aucune chance » « De plus en plus, les autres, Seront de moins en moins, Plus rares mais plus sincères » ou encore « La roue tourne bien ». En somme, faire confiance à la vie et la route qu’elle dresse devant nous…
… Peut-être pour apaiser la mort. En toile de fond, telle cachée derrière un rideau, la mort y est omniprésente. Au point que les souvenirs prennent une place considérable. Comme ceux d’un amour perdu qui hante chaque morceau. Par ailleurs, le chanteur y laisse un testament, message crypté par des Idéogrammes. Sur riffs presque incontrôlables, rock au possible, Benjamin Biolay se canonise : « Buvez-moi, Même si je pleure, Mangez-moi, Ceci est mon corps »
La mélancolie lumineuse
L’univers du chanteur est telle une peinture de Pierre Soulages. Il parvient à saisir et transmettre la lumière de l’obscurité. Notamment, en prenant la forme d’un Papillon noir. Toutes les chansons de cet album sont précieuses, si bien qu’il est difficile de parler de chaque morceau. De parvenir à retranscrire toute leur mélancolie lumineuse sans leurs faire défaut.
Cependant, un titre semble incarner en quelque sorte l’âme de l’album. Il s’agit d’Interlagos (Saudade) venant conclure Grand Prix. Prenant racine dans le mot saudade signifiant le sentiment mêlant espoir, nostalgie et mélancolie. Tout est dit.
Si Grand Prix est un grand album, c’est notamment pour toute sa sincérité et son universalité. Benjamin Biolay parvient à toucher du bout des doigts des sentiments presque indescriptibles, tant douloureux que lumineux. Il parvient à nous parler, nous réconforter.. Peut-être la définition même d’une oeuvre artistique ?