Gwendoline: « On ne cherche pas la lose, la lose vient à nous »

C’est l’énorme claque de ce début d’année. La réédition du premier album de Gwendoline, Après c’est gobelet arrive à point nommé dans un monde qui part en sucette. Ils étaient précurseurs dans le cynisme, aujourd’hui il semblerait que tout le monde les a rejoint. Pourtant, c’est un duo ultra souriant et terre à terre qu’on a l’occasion de rencontrer avant leur concert à La Boule Noire, où ils ont mis une claque généralisée. Dans le même bar où ils avaient fait un happening démentiel durant le Mama festival, on s’installe avec Pierre et Mickael autour, bien évidemment, de quelques bières. L’occasion de discuter fin du monde, grosses teufs et pauses toilettes. 

Gwendoline
Crédits: Eva Duc

LFB: Hello Gwendoline! Comment allez-vous ? 

Mickael : ça gaze !

LFB : Vous avez une histoire de groupe assez particulière. Pour commencer, qui est Gwendoline ? 

Pierre : C’est nous ! Ou plutôt le bébé qu’on a fait ensemble.

LFB : Vous faites référence à quelqu’un en particulier, ou vos origines bretonnes ?

Pierre : On a trouvé ça comme ça, et pour être honnêtes on ne sait pas d’où ça sort… (rires)

LFB : D’accord, pas de storytelling.

Mickael : Non, impossible, pas là-dessus !

LFB : Pourquoi ce besoin de vous mettre à faire de la musique ensemble ?

Mickael : Parce qu’on en faisait déjà avant ensemble, mais le groupe s’est terminé. On a chacun fait nos lifes de nos côtés. On s’est retrouvé, on a passé beaucoup de temps ensemble, on avait trop de trucs à se dire. Et puis on avait envie de faire de la zic tous les deux, alors autant en faire ensemble pour rigoler ! On s’est écrit tous nos textes en deux semaines. Grosso modo c’est ça !

LFB : La sortie de l’album Après c’est gobelet était ultra confidentielle. Comment ça se fait que vous ayez choisi un mode aussi restreint ? 

Pierre : On voulait juste que ce soit pour nos amis en fait ! Il n’y avait pas du tout la volonté de faire de concerts… Nos vies ne nous le permettaient pas… Je faisais de la cuisine, et Micka d’autres choses aussi. 

LFB : Qu’est ce qui a changé entre temps pour que vous ressortissiez l’album en 2022 ?

Pierre : Surtout une personne qui a cru à fond dans le projet et a souhaité le mettre en avant ! Comme c’était un pote, on lui a fait confiance et on y est allé ! De fil en aiguille, il y a eu une succession d’évènements qui a fait que le truc a tourné !

LFB : Il y a eu en effet votre participation aux Trans musicales, ça a été un déclencheur pour la sortie de cet album ?

Mickael : ça nous a apporté un tourneur déjà, mais aussi tout le packaging !

Pierre : La grosse machine ! Nous avions été poussés d’y participer par notre fameux pote, qui a soufflé le groupe aux gens du concert. Ensuite il fallait quand même que les programmateurs trouvent ça bien hein ! Ne faut pas que ça ait trop l’air d’un piston ! 

Mickael : Non c’était juste une proposition !!

LFB : Il n’y a pas de mal à ça au pire ! Vous avez sorti un nouveau titre Saint Valentin en début d’année, c’est la promesse d’un nouvel album ?

Mickael : Ouaiiiis ! (rires) Même si en vrai, c’est un titre qui était déjà sorti il y a trois ans, qu’on avait enlevé puis qu’on a ressorti cette année. 

LFB : Du coup pas de nouvelles chansons depuis 3 ans ??

Pierre : Oh si si… On garde un peu de surprises 

Mickael : Et une petite sortie d’album vers 2023 !

LFB : Est-ce qu’il y a quelque chose dont le Chevalier Ricard a quelque chose à foutre ?

Pierre : La tise. 

Mickael : Faut dire, il n’existe que quand il est appelé au comptoir pour boire des coups. (rires) Tout le reste il s’en fout !

Pierre : Il n’a l’impression d’exister qu’à ce moment-là. Toute le reste, il te le laisse. 

LFB : Si on se donnait rendez vous au PMU à 8h du matin, on parlerait de quoi vous pensez ? 

Pierre : ça ne serait pas très intéressant je pense. (rires)

Mickael : Je pense qu’on ne s’en souviendrait même pas… 

Pierre : On aurait eu plein de grands projets, mais le lendemain on aurait juste eu mal au crâne. 

LFB : Il parait que c’est bientôt La fin du monde, des regrets ou des envies avant qu’elle arrive ?

Pierre : Que ça arrive le plus vite possible et que ça fasse le moins mal possible. (rires)

Mickael : Ouais sans douleur, pour le maximum de monde possible.

Pierre : Et puis être au bon endroit au bon moment aussi ! 

LFB : ça serait quoi le bon endroit et le bon moment ?

Mickael : Ba soit pile sous l’impact, tu ne souffres pas et tu meurs d’un coup, soit très loin et tu as le temps de choisir ta fin.

Pierre : Dans une énorme teuf !

Mickael : Ah ouais une grosse teuf !

Pierre : Tu sors d’une fête, il y a le soleil qui se lève, tu es dans un état second avec plein de gens, et t’en a plus rien à foutre !

LFB : Vous avez aussi une façon de parler d’amour très cruelle, vous êtes des romantiques désillusionés ? 

Mickael : Oh je ne sais pas, on en parle pas trop avec Pierre…

Pierre : Ba dans Ames Sœurs et Saint Valentin quand même

Mickael : Oui mais on ne s’est jamais vraiment parlé de ce genre de choses ! Si on était romantiques ou pas… 

Pierre : Ensuite forcément, on met des brides de nous, de nos frustrations. Du coup forcément on va aborder le sujet de l’amour…

Mickael : Ce sont beaucoup des analogies des gens que l’on croise dans les bars, on se met dans leur peau et on imagine ce qu’ils pourraient dire et ressentir. 

LFB : Justement, Gwendoline ce sont plutôt des personnes que vous avez envie d’incarner ou un exutoire un peu pudique de vos pensées ?

Pierre : C’est ça qui est drôle en fait, on est toujours un peu perdu entre ce qui est de l’autodérision, du cynisme gratuit, si on se fout de la gueule de quelqu’un, même si je pense qu’on se fout de la gueule de tout le monde en fait… 

Mickael : Ce sont des choses que l’on ressent, mais pour ma part ce sont beaucoup de pensées que j’imagine venir d’un personnage qui m’inspire (ou pas d’ailleurs). 

Pierre : Et puis parfois c’est juste du situationnisme, des trucs banales du quotidien que tout le monde peut avoir !  

LFB : C’est sûr que vous êtes particulièrement justes dans vos paroles, et vous parlez à un énormément de monde malgré des paroles très cyniques. Comment vous expliquez cette universalité ? 

Mickael : C’est drôle parce qu’on l’a fait il y a quatre ans ce truc-là ! Peut être que les gens sont devenus beaucoup plus cyniques avec le confinement et tout ce qui se passe (rires). 

LFB : Oui, cet album a encore plus de sens avec cette sortie en 2022…

Pierre : C’est super drôle ce truc… Enfin drôle je ne sais pas… (rires)

Mickael : Ensuite, on l’a fait à un moment où l’on était vraiment pessimistes et que l’on rigolait un peu de ça. 

LFB : Et vous êtes encore plus pessimistes maintenant ?

Mickael : Oh, je pense à peu près au même stade ! On fait notre life quoi…

LFB : Vos paroles sont particulièrement trash pour notre époque où le ton est plutôt donné à la bienveillance. C’est une volonté de justement se confronter à cet environnement un peu trop « bienpensant » ?

Pierre : Ensuite, on ne fait pas du trash pour du trash, ce n’est pas l’idée ! ça montre plutôt la facette la plus cynique de nous. 

Mickael : Quand on avait des groupes de rock avec Pierre, on avait des chansons d’amour pop. Et on en avait marre de ça… Et on envie de « dénoncer », qu’on en avait ras le cul de faire de la bonne pop !

Pierre : C’est sûr qu’on ne voulait pas offusquer les gens à cette époque… 

Mickael : Donc oui, on peut dire qu’aujourd’hui il y a un petit côté provoc quand même…

LFB : On se fait vachement bousculer dans cet album, tout le monde en prend pour son grade !

Mickael : Ah mais nous aussi ! C’est ça qui est bien !

Pierre : Le mot désabusé revient souvent, et ça correspond plutôt bien en vrai. Surtout que l’on est dans un monde où la façon dont les conventions, comment on voit le travail, la réussite, sont pas du tout en adéquation avec nous. On était les deux loosers paumés qui disent ce qu’ils ont sur le cœur.

LFB : Vous avez encore l’impression d’être ces deux losers paumés ? Il y a eu du progrès depuis !

Pierre : Plus trop ! (rires) On peut faire de la musique, on a un statut de musicien, on va avoir un deuxième album mais justement ça nous fait poser beaucoup de questions… On se sent moins losers.

Mickael : C’est sûr que professionnellement on se sent mieux ! Mais dans nos vies je pense qu’on est toujours les mêmes personnes. Quand tu rentres chez toi après un concert, c’est toi, ta life, ta lose. 

Pierre : C’est sûr que sur ce point… On est des losers gentils, on n’est pas propriétaires, en couples depuis longtemps, deux enfants et un job fixe. Ensuite est ce que la lose c’est ne pas avoir tout ça ? Je ne suis pas sur non plus… 

LFB : Vous auriez moins de choses à raconter !

Pierre : Ensuite on ne va pas chercher la lose pour écrire des chansons, la lose vient à nous !

Mickael : Non, ce n’est pas non plus nous les plus gras schlag de France. (rires) On avait fait cet album en l’espace de deux semaines, où l’on allait au bar tous les soirs et c’est inscrit dans cet espace-temps.

Pierre : Peut être aussi pour ça qu’on l’a sorti de façon aussi confidentielle au début. On avait l’impression de dire des choses qui nous paraissaient un peu inavouables. On ne se voyait pas aller en festival et balancer tout ça !

Mickael : On pouvait assumer devant nos potes, mais pas sur scène !

LFB : Vos potes sont ultras important dans votre projet justement. Tous vos clips sont collaboratifs, ce sont vos potes, vos fans qui envoient des vidéos. Un côté DIY très punk. Ça vient d’où cette envie ?

Mickael : Ce qui nous inspire, c’est ce qui nous entoure. On ne voyait pas pourquoi on mettrait en scène quelque chose juste pour faire genre. On voulait faire participer tout ce qui était autour de nous, pour faire vivre le truc qui a nourri le projet.

Pierre : Et puis il y a un aspect budget aussi ! Avec nos téléphones, à l’arrache, comme on avait fait pour l’enregistrement de l’album. Totalement à l’arrache !

INTERLUDE PAUSE PIPI 

Romain et Maëlan, les deux musiciens qui accompagnent Gwendoline sur scène, attentifs mais silencieux jusqu’à présent, se manifestent pour prendre la parole. Ou m’éviter un moment gênant

LFB : Salut les mecs, présentez-vous !

Romain : Romain, au synthé ! 

Maëlan : Maëlan à la guitare !

LFB : Comment vous avez rencontré le duo du coup ? 

Maëlan : C’est une grande histoire ! J’ai rencontré Micka parce que je jouais dans son ancien projet, Tropique Noiret il m’a demandé de jouer ensemble lors d’un projet de ciné concert « Les yeux dans les bleus ». On a pas mal tourné ensemble et lors de la création de Gwendoline il m’a embarqué. Pierre de son côté a ramené Romain. Du coup Romain, quelle est ta relation avec Pierre ?

Gwendoline
Crédits: Eva Duc

Romain : Pierre était dans ma classe en terminal, on est devenu potes direct. On a été en fac de ciné à Rennes ensemble. A ce moment là il cherchait un groupe et est tombé sur l’annonce du groupe de Micka. Je l’ai aussi rencontré à ce moment et ils ont pensé à nous pour les accompagner sur Gwendoline ! 

LFB : Vous ne participez pas du coup à la composition des chansons ?

Maëlan : Non, c’est leur truc et il faut que ça le reste. Il ne faut pas que ce soit trop collégial, que ça reste un peu à l’arrache ! 

Romain : En live on fait un peu des arrangements, on tord les trucs pour que ce soit efficace, mais la composition ça leur appartient ! 

LFB : Comment vous décrieriez leur musique en trois mots ?

Maëlan : Enorme, tout simplement énorme. Cold, désenchantée et sulfureuse.

Romain : Je déteste faire des listes, alors je dirais Hyper Hyper Bien. (rires)

FIN DE L’INTERLUDE PAUSE PIPI

LFB : Du coup musicalement, on est entre le slam post punk contrasté par une instrumentale cold wave à la Mochat Doma. C’est quoi vos inspirations ? 

Pierre : Pour ce projet, la cold wave carrément. Ensuite pour le côté parlé, la scène française de l’Est.


Mickael : Oui, la grande triple alliance de l’Est, genre The DreamsTête de cerfVentre de Biche

LFB : Pas très vegan tout ça.

Pierre : Par contre pour le côté parlé, on n’écoute pas trop de slam ou de rap, d’ailleurs je n’ai pas l’impression qu’on fasse trop du slam !

LFB : Vous êtes régulièrement comparés à Fauve. Perso, je trouve que vous êtes la version upgradée de cette idée, plus trash et bien foutu, la hype en moins.

Pierre : Parfait. (rires) Fauve qui aurait mal tourné.

Mickael : Fauve le lendemain de soirée. (rires)

LFB : Ils ont mal tourné de toute façon. Que peut on vous souhaiter pour la suite ? 

Pierre : De continuer de faire de la musique avec nos copains…

Maëlan : Et faire de la thune !

Pierre : Rester nous-mêmes et se marrer. Faut garder un peu de loose quand même. (rires)

Mickael : Oui faire de la musique avec tous les copaings ! (imitation d’accent non identifié)

Pierre : Réunir une communauté de gens avec nous, follow nous sur instagram. (rires) Remettre les préoccupations sociales en perspectives et au centre de la table. 

LFB : Gwendoline 2022 ?

Mickael : ça va être chaud, mais 2027 ouais. (rires)

LFB : Et après c’est concert !

Mickael : J’espère juste que j’aurais pas envie de pisser !

Gwendoline avec Gwendoline
Crédits: Eva Duc

Retrouvez notre chronique d’Après c’est gobelet ici