H-BURNS est de retour. Après Midlife sortie en 2019, il revient aujourd’hui avec Burns on the Wire, album hommage à Léonard Cohen, 5 ans après sa disparition. Des reprises bien menées, puisées dans les quatre premiers albums de l’auteur. Un album ou H-BURNS délivre son amour pour l’artiste avec des invités de marque en la présence de Pomme, Lou Doillon, Bertrand Belin et Kevin Morby.
La Face B: Salut H-BURNS, ça va?
H-BURNS: Ça va, je suis en studio.
LFB: Tu travailles sur quoi?
H-BURNS: Et bien je sors un album demain mais là je suis déjà en train de préparer le prochain ! Des chansons inédites qui sortiront dans un an.
LFB: Tu prépares déjà la suite?
H-BURNS: Ouais c’est toujours un peu décalé entre l’envie et la sortie… Là on avait l’opportunité donc on y est allé.
LFB: J’ai écouté Burn on the Wire. J’ai redécouvert pleins de morceaux de Léonard Cohen, ça fait deux jours que je suis à fond dedans. Merci pour ce moment.
H-BURNS: Avec plaisir, on a fait ça pour ça.
LFB: C’est quoi ton rapport à Léonard Cohen, ta première rencontre avec lui?
H-BURNS: Les vinyles que j’écoutais avec mes parents à la maison. On pouvait jouer ce genre de chansons au coin du feu, donc c’est un vrai un truc de l’enfance. Après j’ai commencé à apprendre à les jouer. Puis en passant beaucoup de temps à Montréal, j’ai fait tout un petit pèlerinage. Autour de sa maison, des quartiers dont il parle dans ses chansons, je me suis fait mon petit trip intérieur. C’est un rapport qui remonte donc assez loin, j’avais déjà envie de faire cet album du temps de son vivant. C’était important à faire pour moi.
LFB: Léonard Cohen est mort il y a près de 5 ans. C’est cet événement qui t’a poussé à lui rendre hommage?
H-BURNS: À ce moment là, je me suis replongé dans toutes ses chansons. Puis je me suis aussi dit qu’à ce stade de ma carrière discographique, je voulais faire autre chose que mes propres chansons. Là ça va être mon neuvième ou dixième album je sais même plus… Donc à un moment c’est intéressant de se mettre dans la peau et le cerveau de quelqu’un d’autre. Ça permet de comprendre d’autres mécanismes de composition, d’écriture, de casser des automatismes et sortir la tête du nombrilisme. On peut prendre un peu de hauteur, surtout avec Cohen qui a une oeuvre très spirituelle dans son rapport aux mots et à la musique. Ça élève un peu tu vois…
LFB: Et dans l’album sur lequel tu travailles actuellement? Après avoir autant disséquer l’oeuvre de Cohen, tu ressens plus son influence que d’habitude?
H-BURNS: Je pense que je vais le remarquer. Je me permet de faire cet album en deux temps. Là on enregistre tous les instrumentaux et j’ai mes lignes de chant en tête. Puis je vais travailler les paroles au mois de décembre/janvier et aller les enregistrer à Los Angeles, donc la aussi un autre lieu important de la vie de Cohen puisque c’est là qu’il est mort et là ou il passait le plus clair de son temps. Donc à ce moment là j’observerai la portée de l’influence. Là j’ai encore la tête dedans, c’est pour ça aussi que je me suis laissé du temps pour travailler mes textes, pour être moins collé à son oeuvre. Mais ça peut être très bénéfique, du moins je l’espère.
LFB: Et comment s’est fait le choix des morceaux, tu as pioché dans 3 ou 4 albums de Léonard Cohen?
H-BURNS: Les 4 premiers précisément. C’est le rapport que j’ai à sa discographie. Ce sont ses quatre albums « folk » on va dire. Après il a traversé d’autres époques, avec Phil Spector il a commencé à expérimenter d’autres choses puis il s’est dirigé vers quelque chose de plus « crooner » même si dans ses textes et ses mélodies il a su conserver une cohérence. Mais dans mon rapport personnel, ce sont ces quatre albums qui m’ont donnés l’envie de faire de la musique. Et même quand on invitait des guests dans l’album on leur a demandé de choisir dedans. C’était important de garder ce cap.
LFB: Il y a donc quatre invités sur l’album, ils te soumettaient des envies de titres?
H-BURNS: Ça dépendait, c’était au cas par cas. Des fois je suggérais un morceau puis ça rebondissait et on m’en suggérait un autre. Par exemple pour Bertrand Belin que je connais bien, je lui ai proposé Avalanche et il me dit : « tiens c’est justement le morceau auquel je pensais ! ». Kevin Morby et Pomme ça a été assez fluide aussi. Le morceau en français avec Lou Doillon c’était marrant, elle ne savait même pas qu’elle allait le faire en rentrant en studio ! À la base elle venait juste pour So Long Marianne en anglais. Et on l’a rentré tellement vite que je lui ai proposé à l’improviste de faire un petit duo sur une chanson en français (Goodbye). Elle l’avait jamais fait et moi non plus, donc c’était notre première fois ensemble, c’était marrant.
LFB: Sur ta version de The Partisan avec Kevin Morby, on redécouvre vraiment le texte en français déjà présent sur l’originale. Et aussi le choix de Pomme sur Suzanne, on sent qu’elle a mangée du Léonard Cohen, ça fonctionne vraiment bien.
H-BURNS: Elle passe beaucoup de temps à Montréal, c’est quelque chose qu’elle a dans sa culture. Même si on a une différence d’âge ça nous touche. C’est ce qui est cool avec l’oeuvre de Cohen. Et mon propos c’était également de transmettre et Pomme s’adresse aussi à un public plus jeune donc en cela c’est intéressant aussi je trouve.
LFB: Comment as tu abordé les arrangements des morceaux notamment avec l’ajout d’un ensemble de cordes ?
H-BURNS: Il fallait la jouer fine parce-que selon moi il fallait être hyper respectueux. Quand on touche à une oeuvre on se doit de respecter la structure et les mélodies sinon on fait un autre morceau et c’est même pas légal on va dire… Et donc ça donne un cadre que j’ai pas du tout vu comme une contrainte, au contraire. Le cahier des charges c’était surtout d’être respectueux. L’ajout de cordes par exemple se prêtait vraiment bien à Léonard Cohen. Chez lui c’était toujours suggéré, jamais très devant mais il y en a toujours eu un peu. On a travaillé avec un Quartet, il y avait vraiment la volonté de mettre des cordes et des choeurs féminins qui sont une part importante de son oeuvre. Et quand tu t’empares d’une chanson, il y a quelque chose d’hyper évident et d’immédiat, et ça venait un peu tout seul ces arrangements la. En tous cas, ça a été le cas pour nous.
LFB: Les arrangements ont étés travaillés avec le Stranger Quartet?
H-BURNS: Oui. J’ai réalisé l’album artistiquement, et mon guitariste qui s’appelle Antoine Pinet a écrit toutes les parties cordes avec Marie-Hortense Lacroix qui dirige un orchestre dans mon bled d’origine Romans-sur-Isere. Et le Stranger Quartet sont partie prenante de l’enregistrement comme de la tournée.
LFB: Vous avez beaucoup travaillé un enregistrement analogique, cette démarche était importante?
H-BURNS: Oui, le studio CBE ou on a enregistré à Paris est vraiment un studio mythique des années 60, tout est dans son jus, rien n’a bougé. C’est assez dingue de voir les mêmes pianos et micros qui ont enregistrés Françoise Hardy, Serge Gainsbourg…un vrai studio des années 60 à Paris. Donc il y a une âme dans ce genre de studio, si Cohen était passé à Paris il aurait pu enregistrer quelques chansons là bas, comme l’ont fait Paul Simon ou Lee Hazlewood. J’avais l’impression qu’on été en toute cohérence, et qu’on aurait pu être dans un studio de chez Columbia Records à l’époque. C’était important pour la mise en abime ainsi que pour le côté vintage du son, d’avoir cette façon de travailler avec ces techniques d’enregistrement pas si éloignées de ce qu’il se faisait dans les années 60.
LFB: Un enregistrement sur bande analogique sans passer par un ordinateur?
H-BURNS: Si on a transité par un ordinateur mais on est repassés par des bandes pour garder une chaleur et tout le matériel d’enregistrement est vraiment vintage la bas.
LFB: J’ai cherché la version originale de (Hey, That’s No Way to Say) Goodbye que tu reprends avec Lou Doillon. Je pensais tomber sur Graeme Allwright mais non…
H-BURNS: C’est une adaptation de Georges Chelon ! Un chansonnier des 60’s. Et j’ai trouvé sa version hyper réussie. Dans sa traduction, je l’ai trouvé moins littéral que les traductions de Graeme Allwright.
LFB: C’est un artiste que tu as aussi écouté?
H-BURNS: J’ai de la sympathie pour ce qu’il a fait. C’est à dire transmettre. C’est quand même lui le premier passeur de Cohen en France au même titre que Hugues Aufray l’était pour Bob Dylan. Mais si je devais faire un « reproche » c’est que je trouvais ses traductions très littérales, il était lui même anglophone donc la transmission était la mais la poésie de la traduction l’était peut-être un peu moins…
LFB: On peut perdre souvent en qualité dans les traductions… tu parlais de Paul Simon. La version de 50 Ways to Leave your Lover par Michel Fugain et Michel Delpech qui devient 30 manières de quitter une fille…
H-BURNS: Ah ouais, ça doit faire mal.
LFB: Mais pour le coup la version de Georges Chelon est assez canon je trouve.
H-BURNS: Assez brillante je trouve aussi.
LFB: J’irai réécouter sa version.
H-BURNS: Elle est cool, la version live comme studio.
LFB: Il y aurait d’autres artistes, comme ça, ou tu te verrai reprendre leurs chansons?
H-BURNS: Oui bien-sur, j’adorerai explorer l’oeuvre de Bruce Springsteen évidemment. il y a tellement d’albums qui ont subis les années 80 en termes de production mais avec des chansons magnifiques au milieu ! Il y aurait vraiment un truc intéressant en prenant la mélodie originale et faire fi de la production pour retrouver les chansons de bases qui sont des chefs d’oeuvres parfois masqués sous des tonnes de claviers et de reverbs…
LFB: Enlever tous les ornements superflus…
H-BURNS: C’est ça, pour retrouver ces chansons qui sont très souvent hyper bien écrites. Même si je suis pas prêt de le faire tout de suite, c’est une idée…
LFB: En écoutant Burns on the Wire, je t’imaginais bien collaborer avec des artistes comme Smog/Bill Callahan…
H-BURNS: Ah ouais Bill Callahan… Ça aurait pu être un des enfant de Cohen à peu de choses prêt. Lui est quelqu’un de très important dans ma vie musicale et même personnelle. Quand tu t’intéresse à son oeuvre, tu as l’impression d’avoir un rapport hyper intime avec lui puisque tu le vois évoluer depuis sa chambre d’adolescent jusqu’à son côté crooner d’aujourd’hui, c’est assez chouette. Il se livre beaucoup, pour moi c’est un digne héritier de Cohen, d’ailleurs il avait repris So Long, Marianne brillamment.
LFB: Que je vais aller écouter de ce pas.
H-BURNS: Ah So Long, Marianne par Bill Callahan, tu vas être bien…