En 2020, on retrouvait Hervé assis et masqué chez le Grand Mix pour la tournée de son album Hyper. Quatre ans plus tard, c’est dans une salle remplie et surchauffée que le musicien venait présenter son troisième album, adrénaline. On l’a rencontré juste avant le concert pour une conversation autour de ce nouveau projet, mais faisant aussi le pont avec notre précédente rencontre et son second album Intérieur Vie.
La Face B : Salut Hervé, comment ça va ?
Hervé : Ça va super bien. Je suis trop content de repartir en tournée. J’ai beaucoup tourné. J’ai fait trois albums en quatre ans, donc je n’ai pas chômé. Je sortais d’une grosse tournée de SMAC, de festivals. J’avais envie de revenir dans les clubs. Ici par exemple, j’ai joué, c’était masqué et assis. Tous les clubs, je les ai fait assis et masqués sur ma première tournée. Par exemple, la Maroquinerie, on en fait cinq. Je n’ai jamais eu la chance de la faire parce que j’ai fait une Maro qui s’est transformée en Cigale, qui s’est transformée en Olympia. Je n’ai jamais pu la faire et j’ai envie de revenir à cette énergie de club. Là, ce sont que mes potes sur ma tournée.
LFB : Ça correspond bien aussi à l’identité de l’album, qui est beaucoup plus humain.
Hervé : Carrément. C’était toute l’idée, de revenir à un truc où il n’y a pas de calcul, juste du kiffe et on va vite. On ne réfléchit pas et c’est parti.
LFB : Par rapport au deuxième album mais aussi par rapport au troisième, est-ce que tu as l’impression qu’il y avait une mésentente sur qui était Hervé suite à la sortie du premier album ?
Hervé : C’est une bonne question. Au premier album, tu ne choisis pas vraiment ce qui va te représenter. Si bien du mal, c’est devenu le truc où sur tous les plateaux j’arrivais et j’ai beaucoup d’énergie, je danse beaucoup. Donc dans le deuxième album, je voulais vraiment raconter une autre face de moi, la saison 2. Raconter ce truc qu’il y a un parcours, un chemin. Tout ce background qui est là et que je ne suis pas simplement le gars dans une cuisine qui danse, qui amuse la galerie et qui quand il vient, met la banane à tout le monde. Il y a aussi ce truc de raconter quelque chose, cette passion de la chanson à texte. Je pense qu’au deuxième, j’avais vraiment envie de faire un album plus intime et plus perso.
LFB : Il y a ce truc aussi d’origine. J’ai l’impression que sur le premier album, on t’avait un peu catégorisé dans le genre nouveau projet parisien. Ça ne te correspondait pas forcément.
Hervé : Ouais, malgré toi. Rapidement, il y avait un décalage entre mon image, le son, ce que la presse en disait. Ce truc très pointu. D’un autre côté, les gens disaient que dans la vraie vie, je souris tout le temps, je suis normal. Il y avait ce truc-là. C’était ça que je voulais raconter aussi. La Bretagne, mon histoire, celle de ma mère, la banlieue, ce truc qu’on observait souvent, ce décalage entre ma musique et moi. Ça c’est normal, c’est ce qui est intéressant. Je voulais quand même un peu rétablir ça.
LFB : C’est marrant que tu parles de ça parce qu’il y a un truc hyper intéressant avec cet album, c’est que dès le départ, c’est la première pochette d’album sur laquelle tu souris.
Hervé : Exactement.
LFB : Je trouve que ça correspond totalement à l’album et à ton évolution.
Hervé : À fond. Pour la pochette, c’est ma femme qui a fait les photos. Je voulais avoir ce truc où c’est ma femme qui fait les photos, le porte bébé, l’Angleterre. On fait plein de photos et si jamais là-dedans il y a une pochette, tant mieux. Ce n’était pas calculé et c’est mon meilleur pote qui m’a fait une blague en me disant que je ne souriais que sur commande maintenant vu que j’étais devenu une rockstar. Là, j’explose de rire et ma femme fait la photo. Il y avait 400 photos, je suis parti déposer les films, on récupère les scans et tout, là on regarde et on se dit que c’est celle-là. C’est ce que je voulais raconter.
LFB : Pour moi, adrénaline est ton album le plus apaisé. J’ai l’impression qu’il y a depuis le début, cette espèce de chemin vers un truc beaucoup plus solaire et vers la paix intérieure. J’ai l’impression que ta musique raconte ça.
Hervé : Bien sûr. Je n’avais pas trop décidé d’être chanteur. Je n’avais pas trop envie. Pour être honnête, je n’aime pas trop chanter. Ce n’est pas ce que je préfère faire. Je n’ai jamais eu de groupe au collège ou au lycée. Je n’aime pas trop chanter. Je suis plutôt un producteur qui s’est mis à écrire et à chanter. J’ai beaucoup utilisé la voix comme un instrument et dans les textes, je suis allé puiser assez loin. Je pense que ça m’a aidé à me réparer, ce truc de sortir des disques et surtout sortir des disques sans calculs. Il y a ce truc de spontanéité qui m’a aidé malgré moi à me reconstruire et à évoluer socialement, avec du monde. J’étais tout seul sur scène, maintenant on est dix. Être au contact des autres. À m’accepter, à résoudre en fait au fur et à mesure. Je parle comme un vieux mais ça m’a aidé à résoudre plein, plein de noeuds que j’avais. La musique m’a guéri, m’a réparé, m’a fait du bien. Aussi bien le fait d’en faire que le fait que de la pratiquer, avec mon staff qui est le même depuis mon tout premier concert et qui s’est agrandi. Ça serait difficile que je fasse une rétrospective de ma vie sans voir ce que la musique m’a apporté, mais aussi ce que ça m’a coûté.
LFB : Il y a cette phrase qui est intéressante que tu dis : « plus j’essaie d’être honnête, plus j’ai l’air con ». J’ai l’impression que c’est un peu l’inverse. Justement, si les gens aiment ta musique, c’est justement parce que tu es honnête et tu n’as pas peur d’être con dans ta musique.
Hervé : D’être sincère. Oui, c’est sûr. Cette phrase-là, c’était plus parce que souvent, plus j’essaie d’expliquer ce qu’il se passe dans ma tête, plus j’ai l’air fou. Je le vois en société. Je suis obligé de me maintenir à l’aliéna I. B) parce qu’après ils sont morts de rire. Le truc, c’est que je ne mens pas. Je ne mens jamais. Donc si tu me dis que mon costume pour le mariage est beau alors qu’il est dégueulasse, c’est impossible pour moi. Ceux qui sont devant la salle aujourd’hui, je les connais tous. Je sais exactement qui est là, qui j’ai vu il y a trois concerts, qui j’ai vu au dernier. J’ai la chance d’être à un niveau où c’est parfait parce que je peux me rappeler des gens. Ça va vite mais ça ne va pas trop vite. Ce n’est pas débile. Il n’y a pas d’idolâtrie. Les gens sont juste ultra motivés de venir tout casser tout à l’heure. C’est trop bien. Il y a ce truc de relations horizontales avec les gens qui est hyper important pour moi et qui est normal.
LFB : adrénaline est sorti très vite après Intérieur Vie. Pour moi, Intérieur Vie est un album qui est vraiment sombre sur plein d’aspects, qui est aussi hyper produit avec beaucoup d’utilisations de samples, qui est presque hip hop sur certains trucs. adrénaline est l’exact opposé. Je me demandais si tu faisais tes albums en réaction à ceux d’avant, avec un refus de l’ennui et de la répétition ?
Hervé : En réaction, c’est la meilleure définition qu’on puisse donner à ce deuxième album. C’est une réaction, c’est-à-dire 2022, je sors des Victoires pour la scène, tu sors tu es révélation masculine. Tu as une réaction. C’est allé doucement mais quand même, ce genre d’accélérations de particules, c’est révélateur de plein de choses. Comme chaque évènement dans la vie, ça te fait remonter plein de trucs. J’ai eu de la chance, ça a été hyper sain pour moi. Ce n’est pas des éclairs à la Angèle ou Dua Lipa, des trucs où d’un coup tu ne peux plus marcher dans la rue. Mais moi qui ne voulais pas du tout montrer ma gueule sur un CD et tout, tu te retrouves quand même à t’habituer à te voir sur des grosses affiches, à te voir dans le métro, à la télé.
Il y a eu un truc de réaction dans le sens où je ne voulais absolument pas faire le même album. Il était hors de question que je fasse HYPER 2, que je confirme quoi que ce soit ou que je fasse de la musique pour les journalistes, avoir des super critiques. Ce n’était pas ça l’idée. Je le vois beaucoup dans le documentaire de Mehdi d’ailleurs, quand il dit qu’il ne fait jamais deux fois le même album.
Mehdi était dans ma bio de mon premier EP. Ça fait partie pour moi des héros de la production, de la direction artistique. Il y a ce truc où on l’a fait donc on ne va pas refaire. Du coup, tu te mets en danger, donc à un moment tu es à poil. Au moment où ça sort, je me dis que 2022, c’est ça. Très vite, je fais Ultra Chelou, très vite j’ai envie de repartir en Angleterre et d’enchaîner pour casser aussi ce modèle de chanson française d’un album, la promo, une tournée, une pause, un album… Tu le vois le truc classique très français. Moi au final, j’étais plus à l’école anglaise. Tant qu’il y a un truc à dire, on y va.
LFB : Pour moi, ta musique est une musique en expansion. C’est un truc qui grandit et qui continue de se nourrir et d’évoluer. C’est peut-être un élément qui est limite en dehors de ton contrôle.
Hervé : Grave. J’avais ce truc où je voulais faire un album électronique. Après j’ai fait un album breakbeat avec des samples où je voulais vraiment me raconter. Ce n’était pas le truc d’arrêter de croire que je suis le couillon qui danse dans sa cuisine. Je ne suis pas un clown. Je ne suis pas un rigolo. J’ai des sentiments. Mon label s’appelle Mélancolie F.C.. Il y a ce paradigme. J’essaie toujours d’être le plus joyeux possible et d’être le plus cool possible avec tout le monde. Mais forcément, j’ai mes failles et tout. Ce deuxième album servait à ça. Du coup, en promo et en tournée, je disais des trucs hyper intimes. Il y a des morceaux où il y a des phrases que je ne pouvais pas dire en public.
LFB : Quand tu parles presque de suicide sur certains morceaux ou de choses comme ça, comme tu le dis, ce truc de casser l’image est là aussi.
Hervé : C’est de la sincérité en fait. Pour moi, c’était de la transparence. Ce truc d’urgence, quand je parle de ces périodes-là, je parle de l’adolescence, de l’enfance. Souvent, c’est ce que j’appelle la saison 2 quoi. La saison 1, tu as un peu la présentation des personnages, tu vois que l’autre est un gros con et tu te demandes comment il peut être aussi con. À la saison 2, tu vois qu’il lui est arrivé une dinguerie en fait.
LFB : C’est un peu comme les personnages dans Skins.
Hervé : Exactement. Quand tu vois le panel, tu es séduit, tu es content. La première saison va vite. Et la deuxième saison, c’est parfois plus dur à regarder et à écouter parce que d’un coup, c’est carte sur table et il n’y a plus de filtres. En tout cas, c’est le pari que j’ai pris. Aujourd’hui je le vis bien.
LFB : Du coup, sur ce troisième album, il y a quand même un truc hyper important dans l’évolution, c’est l’apport de la guitare acoustique qui change complètement et qui ramène un côté très anglais, très organique. Un truc très ancré dans la terre je trouve.
Hervé : À fond. Comme je suis producteur, un nouvel élément est une matière pour moi qui est énorme. D’un coup, je me dis qu’on peut le faire. Avec mon clavier, je ne peux pas le faire, ce truc de turbine qui tourne. Par exemple, sur Encore ou Rien de personnel. Des trucs à la Stranglers que j’adore. Tous ces groupes des années 80. J’avais pu réussir sur le premier album à faire l’aspect un peu synthétique, boite à rythmes et la voix très soufflée et tout. Là, avec la guitare, le champ des possibles est vaste. Un la ne sonne pas pareil. Je me suis dit qu’on pourrait tourner avec un guitariste et tout. Incroyable. C’était un peu ce que je voulais faire au deuxième. Sauf que j’ai fait des trucs samplés autour de moi et tout. Je me suis résigné mais j’avais toujours ça dans un coin de ma tête. Je me disais qu’un jour je ferais un album avec de la guitare.
LFB : Ça va aussi avec l’évolution de ta voix je trouve. Parce que vraiment, depuis Va Piano où c’était limite un élément caché, maintenant c’est un élément complètement assumé dans lequel tu mets énormément de nuances. Ce qui n’était pas le cas sur HYPER d’ailleurs.
Hervé : Ouais. HYPER, c’est mon premier vrai album. C’était mon vrai premier test. On ressemble beaucoup à ce qu’on écoute. C’est un truc où c’est comme ça avec des accents de voix. Je me rends compte que c’était mon vrai premier album donc vocalement, j’avais jamais chanté avant. Ça a été le mystère de tout le monde de dire comment il va réussir à chanter avec sa voix pleine. C’était l’angoisse autour de moi au label à l’époque, en train de se dire qu’il fallait faire des cours de chant et trouver un moyen que cette voix sorte. Je suis content que tu vois toutes les petites subtilités. À force de concerts, de festivals, de tests, on finit par y arriver.
LFB : Ça vient bien avec le côté très anglais de l’album. Il y a un côté très anglais dans la sonorité mais je trouve qu’il y a un côté très anglais dans l’âme de l’album, dans ce truc très humain.
Hervé : Grave. Toutes les voix de l’album, ce sont des démos. Il n’y a aucune voix que j’ai refaite en studio comme je le fais d’habitude. Je m’enfermais dans la chambre de mon fils parce que c’est hyper mat. Le truc, c’est que tu ne peux pas être debout dedans donc j’ai fait toutes mes voix en tailleur sur le futon, avec mon sonizer MK3 en faisant attention qu’on n’entende pas la ventilation ou quand il y a une bagnole qui passait en bas. Il faisait hyper chaud, et j’ai fait toutes mes voix comme ça. En me disant qu’évidemment, avant le mixage, j’irai en studio et que je ferai des voix pro. Écoute, que dalle. J’ai dit que l’album, c’était l’instinct. On a trouvé un truc avec un plug-in pour enlever les bruits.
LFB : Ça va avec l’idée de sincérité.
Hervé : Exactement. On était en tournée quand je faisais l’album, donc c’était les premiers à me dire qu’on s’en foutait, que la voix était trop bien, qu’il fallait la garder comme ça. Qu’on allait entendre toute l’âme, la pièce et tout.
LFB : Pour moi, c’est un album avec de l’âme et le monde autour qui existe à travers la musique.
Hervé : C’était complètement ça. D’habitude, je loue une maison tout seul et je fais un album. Là, comme j’étais en tournée en train d’écrire les chansons et les produire, je leur ai dit qu’on allait tous partir en Angleterre, prendre un van et qu’on ferait toutes les photos là-bas, tout filmer. Que ça nous ferait des clips, des sessions live. Je voulais qu’on soit tous ensemble. Je voulais qu’on foute le matos dans la maison. J’ai loué une maison sur Airbnb et par hasard, cette maison appartient au frère de l’un des propriétaires d’Abbey Road. Donc l’ampli qui était dans la salle de billard, c’était l’ampli de McCartney. Il y a une pochette pour Sémaphore où il y a un ampli à côté, c’était lui. Donc déjà en arrivant, il essayait d’expliquer un peu à ma famille, qui ne parle absolument pas anglais, parce que je n’avais pas prévenu que j’allais faire un album dans la maison donc j’avais envoyé les gens qui parlaient le plus mal anglais pour être sûr que le gars ne comprenne pas que dans la nuit, j’arrivais avec un van rempli de matos, neuf gugus et qu’on allait faire du son dedans. Juste, j’ai dit qu’on partait et qu’on revenait avec un album. Qu’on mixait et salut quoi. Je n’ai jamais refait les voix.
LFB : Pour rester sur la thématique de l’adrénaline et de l’Angleterre, ça fait quoi d’avoir le King sur son album ?
Hervé : C’est cool. C’est incroyable. Ça faisait un moment qu’on se parlait. Je lui avais dit que s’il avait un texte, une envie de chanter, il fallait qu’on fasse un truc ensemble. Je m’étais dit que j’allais trouver un texte, qu’il allait m’écrire un truc, que j’allais le faire intervenir mais je ne savais pas comment. À un moment, j’avais cet instrumental-là et il y avait un message que j’ai dans mon téléphone. « Cantona Voicemail ». Je l’ai en 72 exemplaires, c’est le premier message qu’il me laisse. Là, je me dis ok c’est parfait. Je l’ai mis et voilà, c’était ça. Je lui ai envoyé, il a kiffé. Je lui ai envoyé l’album et il a fait la photo avec le maillot et tout. Magnifique.
LFB : Ce qu’il y a d’hyper marrant, c’est que finalement c’est un clin d’oeil à tout ce que tu es : le foot, le côté anglais, le côté producteur parce que c’est un morceau instrumental. Ça condense toute la période des cinq dernières années d’Hervé j’ai l’impression.
Hervé : Grave. Ce truc où il prend la parole et après tout le monde la ferme, c’est juste la zik. C’est un album de bagnole. On a pris le ferry, le van et tout donc dans ma tête, ça défilait tout le temps. Je voulais que ça soit agréable. Par exemple, les moments où je suis le plus sincère, le plus intime sur certaines lines, ça vient vraiment sur des morceaux comme Rien de personnel. C’est mon morceau le plus personnel de l’album. Que ça vienne au milieu de phrases plus cryptiques, qu’il y ait une poésie et que quand tu lis le texte, tu vois que la septième phrase, je parle d’un truc qui est dur. Mais tout ça enrobé dans un truc que tu peux écouter chez toi en fait. Je trouve qu’Intérieur Vie est super. Il y a des trucs que je suis obligé de jouer, genre Ultra Chelou, Ça ira mieux demain, D’où je viens, tout ça je suis obligé de les jouer. J’adore. J’ai quand même la chance d’avoir ces morceaux-là qui sont sortis.
LFB : Pour moi, Intérieur Vie est vraiment dark. Je ne sais pas si tu t’en rendais compte quand tu l’as fait.
Hervé : Ouais, je m’en suis rendu compte. J’ai sorti l’album et un mois après, j’étais sur scène. Même pas, je jouais deux semaines après à la Cigale. En chantant, je fais trois dates en Province et à un moment je joue, il y a ma famille dans la salle et là… Quand l’album est sorti, j’ai tout dit. J’ai fait une psychanalyse en dix titres. En parler, c’est dur. J’allais en interview, c’était dur parce que je parle de ma famille, de mon père, de ma mère, de ma santé mentale, des maladies psychiques, du suicide. Je parle vraiment de tout ça. Je livre un peu ça. Mais d’en parler, c’était compliqué.
LFB : Avec le recul, limite c’était un suicide commercial aussi un peu. C’était peut-être de la réussite aussi à un moment donné. Comme tu le dis, il y avait l’envie de ne pas faire de la redite mais il y avait peut-être aussi ce truc que tu n’avais peut-être pas envie de faire des zéniths et des trucs inhumains toute ta vie.
Hervé : Ouais, tu as tout dit. C’est con. C’est bête de dire qu’on n’a pas envie de faire des zéniths. En fait, je m’en rends compte avec les années que le zénith, ce game de salle, ça change tout. Mes potes qui sont passés de l’Aéronef, Grand mix comme on joue nous à des grosses, grosses salles, ce n’est plus le même métier. C’est exactement ce que je leur disais dans le bus ce matin. Il y a trop de monde. C’est un autre taff. Le gars à la lumière, faut lui dire que sur tel morceau, il faut aller à la croix-là sinon il ne peut pas t’éclairer. Je l’avais vécu avec Eddy de Pretto en première partie. Je ne sais pas si je me suis tiré une balle dans le pied mais il y a un truc où je ne ferais pas de compromis. Quand j’ai écrit ce texte où je parle de mes grands-parents, de ma mère, de mon frère, de mon oncle, d’où on vient, ce milieu d’où on vient, cet univers qui est mon quotidien, on ne pouvait pas commencer autrement que comme ça. C’était une succession de choix et à un moment je me demandais ce que j’avais fait. Ça me réveillait la nuit. Je n’en ai pas trop parlé mais c’est vrai. À un moment, je me demandais ce que j’avais branlé. C’était parfait, je n’avais rien à faire, juste continuer dans ce truc que je savais faire.
LFB : D’être piégé un peu.
Hervé : Ouais, ça me réveillait. Et là, en ayant fait le troisième, je comprends le deuxième. Je l’ai compris en faisant le troisième, pas avant. Pendant le deuxième, c’était trop perso. Une psychanalyse à ciel ouvert. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait, et en même temps ça marchait parce qu’on n’a jamais rempli des salles aussi grandes qu’au deuxième. On n’est jamais autant passés en radio qu’au deuxième. Il y avait un truc où ça marchait.
LFB : J’ai l’impression qu’il y a une obsession des gens pour savoir l’intime. Ça vient aussi des réseaux sociaux.
Hervé : Un truc que j’adore chez plein d’artistes. Genre on peut parler d’Orel, quand il se met à faire Suicide social, je trouve ça cool. À partir du moment où il se met à faire San, je peux l’écouter tous les jours. Le gars est carte sur table.
LFB : Tu parlais de musique de voiture tout à l’heure. Est-ce que tu peux me confirmer que le CD de Luis Fonsi est une vraie histoire ?
Hervé : C’est vrai, c’est une vraie histoire. La veille, les fans commencent à recevoir la précommande. J’avais checké les vinyles parce que j’avais fait les vidéos là-bas. Je les avais testés avec la dame qui s’occupe de tester ça. C’est de l’industrie donc c’est carré. La veille, je suis en promo, je cours pas mal. D’un coup, je prends un taxi, je commence à recevoir des vidéos de gens avec juste l’album posé comme ça et le son derrière. Je me dis que ce sont des fans qui veulent me parler. Il savent que j’ai de l’humour et ils veulent me mettre un petit coup de stress la veille de la sortie ou que je réponde. Et en fait, non. Parce que j’en reçois un, deux, trois. Là j’appelle Pierre, je lui dis que je crois que sur les CDs ce n’est pas nous et il me dit que peut-être que ce n’est que la FNAC ou que l’édition blanche ou je ne sais pas trop quoi. Non, des milliers de CDs. Là, tout le monde me dit de faire profil bas, qu’on ferait une story le lendemain en disant qu’il y avait une erreur. C’est la honte. Je dis que j’allais dans la bagnole, je fais une vidéo, on la monte, on la poste et on verra. Je remate la vidéo avant de poster, je me demande si c’est drôle ou pas mais de toute façon, il faut que je le dise, que je l’assume. Je poste. Et là, c’est un raz-de-marrée. En quinze minutes. J’étais sur mon scout’, je rentrais de promo et j’ai ma femme qui m’appelle en me disant que la vidéo avait 100 000 vues. On venait de poster quinze minutes avant. J’ai reçu des tonnes de messages. Évidemment, le label disait que ce n’était pas possible. Le téléphone ne faisait que de sonner. Je ne suis pas allé voir les réactions parce que quand je poste un truc sur mes réseaux après, je ne regarde pas. Il vit. Ça marche, ça ne marche pas, je n’ai pas envie de rentrer là-dedans. En fait, énorme buzz. Je crois que la première journée, il y a eu 120 papiers. Juste sur ça.
LFB : Et limite tu vas avoir des gens qui vont acheter l’album juste pour voir l’album foiré.
Hervé : Ouais, il a été supprimé des magasins et le soir-même, il était à 60 balles sur Amazon. Ce n’est quand même pas un mauvais prix pour un album de chanteur moyen de chanson française. (rires)
Ça a été dingue. On parlait du chaud/froid, ce qui était bien c’est qu’en face j’avais Sémaphore, ballade tournée au 16 millimètres, hyper à fleur de peau. Ça faisait un chaud/froid qui était parfait. Parce que je pense que si j’avais envoyé Encore à ce moment-là, j’étais mort.
LFB : Tu parles de balades. Tu as fait une tournée des festivals cet été, qui était encore sur l’énergie de l’ancien album et tout ça. Là le fait d’avoir cet album qui ramène énormément de nuances, d’intensité, qu’est-ce que ça apporte à ta setlist ?
Hervé : C’est la première fois que je me retrouve dans une situation où j’ai des doutes sur des placements de morceau. Je me dis putain, celui-là je ne sais pas où le mettre. La chanson, je l’adore mais je ne sais pas où la mettre parce que je suis entre Trésor et Tout ira mieux demain par exemple. Cet après-midi, on a trainé jusqu’à la fin des balances pour mettre en place les morceaux. Je ne sais pas, la guitare et tout, ça pose et ça met les mots devant. C’est un gros kiffe.
J’ai toujours mes petits trucs. Sur l’album j’en ai, des Moins une, Comme tout le monde, Encore, tout ça, ça bastonne donc c’est parfait.
LFB : À la Rochelle, tu n’étais pas harnaché.
Hervé : Non je ne le suis jamais.
LFB : À Tallanges, tu l’étais.
Hervé : Oui, mais c’est parce que je suis parrain du festival donc les gars m’avaient prévu une installation. Ils m’ont fait un truc sur une échelle à soixante mètres de haut. Et la Rochelle, c’était cool aussi. On avait dormi vingt minutes parce qu’on avait eu une panne de bus la veille. Du coup, on avait fini en car scolaire. Donc on est arrivés aux Franco en cas scolaire. Tu vois l’image avec tout le monde qui te filme ? Mais un car pour aller à la piscine quoi. C’était assez drôle.
LFB : Comment tu le vois vivre cet album ? Je trouve ça super intéressant de revenir sur des salles comme ça et un rapport très humain à la musique.
Hervé : J’espère super longtemps en fait. J’ai l’impression que dans le truc Hervé chanson, j’ai un peu atteint un truc que je voulais faire depuis longtemps. J’espère qu’il va vivre longtemps, au moins jusqu’à l’été prochain. Là, j’ai dit beaucoup dans cet album et je suis trop content. Il n’y a pas ce truc qu’il ne faut pas y toucher parce que c’est parfait mais il y a quand même ce truc où je suis avec une bande de potes, on est encore trop contents de faire des concerts, tournées. On est encore trop contents. Et moi j’ai envie de rester content. J’ai envie d’être content de faire des interviews, d’échanger comme ça, de parler zik. De monter sur scène, de sentir les gens, de les voir. Franchement, j’ai envie que ça reste comme ça. Et ce truc de non aux zéniths, c’est juste que ce n’est pas vraiment dans notre ADN quoi. On est dans un truc de partage, d’être là, de prendre le temps. C’est une tournée ultra familiale.
Crédit photos : David Tabary