L’odyssée mélancolique de Holdan Sutton entre solitude et réminiscences

Le 5 juillet 2024 dernier, Holdan Sutton délivrait un onze titres sur lequel nous tombons presque par hasard, suggéré par l’algorithme d’une plateforme de streaming et de son équipe Indie. On se lance directement vers l’inconnu avec Vagabond, un projet qui attrape le cœur sans crier gare.

C’est une première rencontre nous concernant, alors évidemment nous cherchons à en apprendre plus sur sa personne, surtout quand on découvre une musique qui nous touche aussi rapidement. Sur les plateformes de streaming, les premières traces d’Holdan Sutton remontent à 2022 avec un EP de huit titres intitulé Swan. Une recherche sur Internet n’offre que peu d’informations pour satisfaire notre curiosité : une interview, quelques articles, mais rien de plus.

Pourtant, il ne semble pas être un novice dans le monde de la musique. Sur Instagram, l’annonce de son album a suscité des félicitations de ses pairs, parmi lesquels Omar Apollo, The Marias, Deb Never, Isaac Dunbar, et Spill Tab, qui le soutiennent publiquement dans les commentaires. Son style musical, qu’on pourrait qualifier d’une indie pop teintée de mélancolie qui fait la part belle aux synthés tout en tirant ses influences dans la soul et le funk, se révèle déjà bien défini et mature, témoignant d’une maîtrise certaine.

Mais alors, d’où vient ce jeune homme à la longue chevelure ? On apprend qu’il est originaire de Floride, qu’il vit à Los Angeles comme beaucoup, et qu’il a joué dans plusieurs groupes avant de décider de se tenir en coulisses, en travaillant sur le merchandising pour la tournée d’Omar Apollo. Avec le temps, il renforce ses relations dans le milieu et il se lance finalement en solo. En 2022 ? Pas exactement. En fouillant davantage, on découvre un premier EP sorti en 2019, intitulé I Lost My Friend in the Spring, dans un style similaire. Publié sous le nom de Holdan, cet EP n’est aujourd’hui plus disponible, bien qu’il ait été bien accueilli à l’époque.

Vagabond se déploie sur 39 minutes, oscillant entre folk nostalgique et production moderne, il mêle une variété d’influences dans une œuvre intimiste qui nous plonge dans son univers, où l’on se sent immédiatement attiré par le besoin d’en découvrir plus. Ce projet a une écriture très personelle, où il explore des thèmes comme la solitude et le retour sur d’anciennes relations. On y retrouve autant « elle » que « je », une manière pour l’artiste de garder une certaine distance, en parlant souvent à la troisième personne plutôt qu’en s’adressant directement à un « tu ».

Cette approche crée une séparation entre lui et ce passé qui semble aujourd’hui bien lointain. Il y aborde notamment ce sentiment d’attachement à une ancienne partenaire, même en sachant que la relation n’est pas faite pour durer, et cette douloureuse prise de conscience que, malgré tout, on a envie de continuer, tout en sentant qu’on court à sa propre perte. Puis de savoir que la personne est passée à autre chose alors qu’on a toujours du mal à la sortir de notre tête.

L’album commence avec une introduction marquée par la voix féminine de Hannah Dobson, puis Sara King fait son apparition sur la fin du deuxième morceau, Mood, apportant une touche en plus vraiment appréciable et de la diversité au projet qui ne compte aucun featuring à proprement parler. Cette chanson évoque une prise de conscience quand l’amour qu’on reçoit n’est pas dirigé vers la personne que vous êtes vraiment, mais vers ce que vous représentez. Avec une envolée mémorable sur le refrain où la production s’enrichit, elle reflète la difficulté de quitter une relation quand des sentiments contradictoires viennent compliquer la situation, en faisant un des morceaux phares du projet.

Whispered Words quant à elle, plonge dans une nostalgie douce-amère, évoquant un amour passé et les cicatrices émotionnelles laissées derrière. Il nous parle de Caroline, une femme qui attire l’attention partout où elle va, dont le nom reviendra également dans la ballade Shattercane. Il y a un sentiment de désir, de perte, et de sentiments non résolus tout au long, alors que Holdan se remémore leur relation.

Les paroles dépeignent des images vives, la femme étant comparée à un vent insaisissable, tandis qu’Holdan, se sentant un peu perdu émotionnellement parlant, cherche un réconfort temporaire dans l’alcool. Malgré la douleur, un désir persiste, celui de renouer avec cette personne, comme en témoignent les paroles : « She was my lover and a friend / I’d love to talk to her again ». 

Au cœur de l’album, Too Timid se distingue comme le morceau le plus écouté, bien qu’il ne soit pas sorti en single. Était-ce une surprise délibérée ou l’artiste avait-il sous-estimé son impact ? Ce morceau aborde la solitude volontaire, le désir de se couper du monde, et la peur de ne pas être à la hauteur, d’être en retard par rapport aux autres, tandis que le temps file et que les opportunités semblent lui échapper. Dans le milieu créatif tout particulièrement, bien trop souvent marqué par la comparaison, la course au succès peut être longue, et ce sentiment de décalage est ici exploré avec une sensibilité sincère. On retiendra également l’excellent Know she loves dont l’Outro reprend les mêmes notes au piano.

Sa voix est plus travaillée que sur son précédent projet, moins brute, parfois modifiée, avec une évolution maîtrisée de sa production, en continuant d’exploiter les sonorités déjà abordées, ici d’une manière bien plus aboutie.

Alors que l’ensemble de l’album traite plus ou moins de la même relation et des mêmes émotions, et malgré ses talents de parolier indéniables, sa véritable force réside dans sa capacité à façonner les sonorités. Il parvient à maintenir une cohérence sans devenir monotone, en alternant des morceaux dominés par une guitare acoustique, d’autres enrichis de notes de piano ou de synthé, tout en proposant une évolution constante dans la structure de chaque titre.

Retrouvez Holdan Sutton sur Instagram.