Le Post-Metal et les mouvances progressives modernes ont explosé ces dernières années. Cette côte de popularité grandissante a notamment été permise par des formations avant-gardistes, toujours dans la recherche et l’évolution. L’une de ces dernières se présente cette année, avec un virage stylistique osé mais attendu. Ce 19 mai, The Ocean sort son dixième album, Holocene.
Les fondateurs de Pelagic Records entretiennent ce que l’on peut appeler une constance hors-normes. Au fil des années et des projets, le groupe a toujours su renouveler sa formule, sans perdre en qualité. Mais cette fois-ci, c’est différent. Robin Staps et ses compères opèrent un virage à 90°. Initialement connu pour une musique lourde et violente, la donne a changé et laisse place à d’autres influences. C’est le groupe lui-même qui en fait part.
Lors d’une interview avec Loïc Rossetti, chanteur du collectif (disponible sur le site), nous avons pu constater cette inspiration grâce à ses mots à ce propos. Ce dixième album marche dans les traces des musiques électroniques et de la mouvance Trip-Hop. La formation européenne affirme d’ailleurs clairement son influence de Massive Attack. Le groupe arrive à capter la saleté noble de la musique du duo britannique tout en gardant son ADN.
Cette crasse distinguée se fait ressentir tout particulièrement sur certaines pistes pesantes dans leurs atmosphères. L’illustration parfaite étant Sea of Reeds. Le morceau labyrinthique et envoûtant présente un mélange parfaitement maitrisé entre les deux styles. Cette volonté de joindre deux bouts opposés s’adjoint à la présence de cuivres.
Omniprésents tout au long du disque, ils apportent beaucoup de richesse et d’ambivalence mélodique. Cette ambigüité est servie par un tapis vocal beaucoup plus fin. Le chant crié est beaucoup moins présent, laissant bien plus de place à la clarté de la voix de Loïc Rossetti. Ce caractère plus calme permet de donner beaucoup plus de force et d’impact aux passages violents parsemés ici et là.
Un autre changement majeur réside dans la méthode adoptée. Contrairement à d’habitude, ce n’est pas Robin Staps à l’origine des morceaux, mais bien Peter Voigtmann, le claviériste du groupe. Conçues pendant la pandémie, les premières démos ont ensuite été retravaillées. Initialement uniquement dans les sphères électroniques, des guitares et batteries ont été rajoutées, et les maquettes réarrangées.
The Ocean n’abandonne ni son ADN ni ses racines. On retrouve une certaine explosivité avec par exemple le climax de Preboreal, le morceau d’ouverture. On peut aussi citer Atlantic, Subboreal, Subbatlantic ou encore le merveilleux Unconformities.
Ce dernier cité fait œuvre d’une autre qualité bien connue du groupe : les morceaux longs. La formation arrive toujours à proposer des pièces hors des standards radiophoniques admirablement bien construites. On retrouve dans Holocene trois pistes excédant les huit minutes, prouvant à quel point la versatilité du groupe est immuable.
Le reste du projet se concentre sur des sonorités plus apaisées et ambiantes. On y entend une majorité de guitares clean, une basse inondée d’overdrive, des claviers nuageux et une batterie très subtile. En apparence, le groupe simplifie son propos mais fait en réalité preuve d’une extrême finesse.
Cette délicatesse confère un besoin d’écouter attentivement le projet, plusieurs fois, pour bien percevoir toutes ses finauderies.
Le mix et la productions englobent une myriade de détails infimes que l’on découvre progressivement. Le disque est fin, habile et tortueux. Par certains aspects, le son et sa tournure rappellent les travaux de Tool dans toute sa complexité et sa candeur.
En résulte une empreinte très raffinée, impression renforcée par les différents arrangements riches et variés. Les morceaux se construisent, progressent lentement, langoureusement, jusqu’à atteindre un point d’orgue épique et grandiose.
Avec Holocene, The Ocean signe un dixième album différent, mais paradoxalement toujours aussi fidèle à sa splendeur. Le tout s’adoucit, mûrit et gagne encore en finesse. Ce nouveau projet fait part d’une maturité toujours aussi impressionnante de la part de la formation. C’est un nouveau sans-faute sous fond de prise de risque magistrale.