Hoorsees : « C’est une question de renouveau plutôt que de maturité »

Le 12 janvier, il y a environ deux semaines, le génial quatuor parisien Hoorsees revenait à l’abordage de la scène rock indie et alternative avec un troisième enfant du nom de Big. Sorti sur Howlin Banana et Kanine Records, ce troisième chapitre fait office d’un renouveau esthétique, et artistique, plus que marqué pour le groupe. À l’occasion de cette nouvelle sortie, on a pu discuter pendant une trentaine de minutes par visioconférence avec Zoé (basse, chant), Alex (guitare, chant) et Thomas (guitare, chant). On a parlé du processus de création autour de ce nouvel album par rapport aux deux précédents, mais aussi des États-Unis, de l’intermittence, de l’état de la scène alternative en France et plus généralement de la question du streaming. Une discussion spontanée et honnête.

Hoorsees : Zoé (basse, chant), Thomas (guitare, chant), Nicolas (batterie), Alex (guitare, chant).

La Face B : Est-ce qu’on est bon ? Oui, ça enregistre ! Nickel ! On a vu il y a quelques jours que vous passiez dans l’émission Côté Club sur France Inter, vous avez aussi commencé à annoncer la future tournée de cette année 2024… Comment est-ce que vous vous sentez ?

Alex : Euh… Attends excuse-moi j’étais en train de regarder ce que Thomas disait, j’arrive..

La Face B : Pas de souci (rires) !

Alex : On a annoncé une partie de la tournée ? Ah oui, c’est vrai, on a annoncé quelques dates… Et bien, comment on se sent ?… Comment tu te sens toi Zoé ?

Zoé : Moi je me sens très bien, ça fait du bien de voir que tout commence à se passer, même si ce n’est que le début… On est content de sortir enfin l’album parce que c’est ça qui va déclencher certaines choses ensuite. Et je crois que c’est ce qu’on attend depuis un petit moment ! Donc bon, on ne sait pas trop comment ça va se passer parce que pour l’instant on n’a que quelques dates de prévues mais on espère qu’il y a d’autres choses qui vont tomber encore. Mais oui, plutôt contents et soulagés que l’album soit enfin sorti !

La Face B : Ok, carrément. Oui, pour l’instant vous n’avez que quelques dates de prévues mais vous comptez beaucoup tourner cette année non ?

Alex : Est-ce qu’on compte beaucoup tourner cette année ?… Écoute, oui, on l’espère ! Là tu vois on vient de signer avec un tourneur européen, donc on compte faire des dates à l’étranger, un peu plus en tout cas. Et puis oui, il y a quelques trucs dans les tuyaux pour cet été, pour avant aussi… Ça ne dépendra pas que de nous mais oui c’est un peu l’objectif !

Zoé : Oui clairement, l’objectif ça reste de tourner au maximum et de pouvoir défendre l’album ! Tu vois, on n’a pas suffisamment tourné selon nous l’année dernière donc on espère pouvoir en faire un peu plus… L’année dernière, en 2023, on est parti aux États-Unis, on aimerait bien pouvoir y repartir ! Faire un peu d’autres pays effectivement, comme disait Alex, avec le tourneur européen aussi, pour aller explorer ce qu’on n’a pas exploré encore. Donc voilà, il y a plein de choses qui peuvent potentiellement se faire mais pour l’instant on ne sait pas encore trop quoi…

La Face B : Ok, ça marche. Et justement en parlant des États-Unis… Ça fait quoi pour un groupe français de rock indé de s’exporter là-bas ?

Zoé : En fait, bizarrement, ils adorent ! Comme nous en tant que français on adore le fait que des groupes viennent des États-Unis pour jouer ici, eux ils adorent le fait que tu viennes jouer chez eux aussi ! D’autant plus que c’est tellement compliqué en tant qu’artiste d’aller là-bas pour jouer si tu n’as pas le bon visa… Du coup c’est très rare pour eux, je pense, de pouvoir voir des groupes autres que ceux qui sont très connus avec le visa artiste ou de manière général tous les gros groupes européens… Donc en fait, quand on y est allé, ils étaient hyper à l’écoute ! Et puis ce qui est aussi très agréable c’est qu’ils ont vraiment cette culture rock indé là-bas, du coup ils captent tout de suite les références que tu as.

La Face B : Yes ! Bon, on va parler de ce nouvel album qui sort dans très peu de temps, c’est à dire demain… On a pu l’écouter déjà en amont, c’est votre troisième album du coup, et on sent véritablement une grosse évolution dans le son. Dans le sens où l’esthétique commence à être de plus en plus pop et de plus en plus léchée. Est-ce qu’il y a une volonté profonde de votre part de transformer la direction artistique du projet et d’accéder à des esthétiques différentes ?

Alex : Mmmmmh. (pause) En partie je pense, oui ! Après, au fond, ce n’était pas vraiment un choix réfléchi non plus. Ça s’est fait assez naturellement. Car au début ça ne ressemblait pas à ça du tout. L’album ressemblait beaucoup plus aux deux précédents. Il n’y avait pas spécialement un gros travail de production à la base, même, pour tout te dire l’idée initiale était de faire quelque chose d’assez « sous-produit » avec juste trois micros. Puis, au fur et à mesure, avec tout ce qu’on écoute au quotidien aussi, ce qu’on aime, ce qu’on aime moins… Ça a évolué. En fait on avait tous envie de tenter des choses différentes. Et puis, le monde se serait bien passé d’un troisième album d’Hoorsees similaire aux deux premiers, c’était pas la peine d’en faire un troisième pareil (rires), donc c’était l’occasion de tenter quelque chose de différent pour nous ! Après pour plein de gens ça reste très basique ! C’est simplement que nous, on n’était pas habitué à faire des trucs plus électroniques et plus pop. Mais grâce aux gens qu’on a rencontré, ça a permis d’avoir un son plus collégial et également que tout le monde y mette un peu de sa patte… Donc tout ça a été pour le mieux je pense.

La Face B : D’accord ! Et justement, dans le processus de création et de composition, est-ce qu’il y en a un d’entre vous en particulier qui compose plus que les autres ? Comment vous assemblez vos idées ?

Alex : En fait, au début je fais des démos dans lesquelles je compose un peu les parties de tout le monde que j’envoie à tout le groupe ensuite. Et après on l’enregistre tous ensemble d’un coup pour qu’il y ait ce « truc » de groupe un peu quand même ! On ne fait pas trop de… Ah tiens !

Thomas : (rejoignant la visioconférence)

Zoé : Thomas s’est joint à nous finalement !

La Face B : Salut !

Thomas : Salut ! Je ne sais pas si vous m’entendez…

Alex : Si si, ça marche c’est bon !

Thomas : Super alors, ça va ?

Alex : Oui et toi ?

Thomas : Ça va !

Alex : Du coup… Je ne sais plus ce que je disais… Ah oui oui d’accord, c’est bon ! Donc une fois qu’il y a la base des morceaux, on les fait sonner tous ensemble. Pour Big ça aurait pu s’arrêter là, car c’est ce qu’on avait fait pour les deux premiers albums, sauf que là ce qu’il s’est passé c’est qu’on a passé environ six mois avec Joseph Signoret qui joue dans Keep Dancing Inc pour faire toute la production de l’album et pour essayer d’embellir et d’étoffer le son. Ça c’était la deuxième étape en quelque sorte. Et puis après on a fait plusieurs essais de mixage infructueux qui nous ont bien pris 6 mois voire un an, pour que derrière, au final, on rajoute en plus par dessus des nouveaux éléments de production avec le monsieur qui a mixé l’album qui s’appelle Maxime Maurel. Donc voilà, en gros il y a eu trois étapes… Beaucoup trop d’étapes… (rires)

La Face B : Ok, très bien… Sincèrement, on déteste énormément cette expression mais il y a souvent des personnes qui parlent de l’album de la « maturité ». Est-ce que vous, quand vous prenez du recul sur tout votre parcours et que voyez l’évolution de votre son, vous avez la sensation de justement tendre vers quelque chose de plus mature et de plus construit avec Big ? Ou alors, est-ce que ça vous est tout simplement égal ?

Alex : … Je ne sais pas si quelqu’un veut répondre… Thomas, tu veux répondre ?

Zoé : Allez Thomas, inaugure ton arrivée ! (rires)

Thomas : Ah, c’est à moi ? (rires) Ah, bon, et bien je dirais que moi personnellement je n’ai en effet jamais pensé à cette notion de l’album de maturité… En revanche, ce qui est intéressant, c’est qu’il y a effectivement un gros virage esthétique sur ce nouvel album. Et c’est vrai que c’est des choix qu’on fait sans vraiment se poser de question… On le fait vraiment par envie et je pense qu’on est tous à peu près d’accord, à chaque fois, sur la direction qu’on prend même si c’est drastique. Pour moi, il faut plus voir ça comme le cheminement d’un groupe. Si tu regardes nos trois albums, tu vois à peu près le chemin qu’on a emprunté naturellement… En fait on a un peu utilisé une machine, pas à remonter dans le temps mais à avancer dans l’ancien temps (rires) ! C’est à dire qu’on est passé des années 90 aux années 2000, maintenant on avance encore un peu plus vers les années 2010, donc peut-être que le quatrième album sera enfin dans l’air du temps (rire général) ! Mais pour moi c’est un cheminement, tout simplement. Je ne sais pas de quoi sera fait la suite, mais en tout cas pour l’instant on explore. C’est aussi peut-être par rapport à ce qu’on écoute collectivement ! Évidemment, nos influences jouent beaucoup là-dessus… Ce qu’on écoute dans la voiture, ça évolue aussi beaucoup (rires) ! On verra, peut-être qu’on fera un tribute to Linkin Park prochainement (rires) ! Voilà, je ne sais pas si j’ai bien répondu à la question, j’ai été un peu pris de court…

Alex : Moi tu vois je dirais que c’est plus une question de renouveau plutôt que de maturité. En fait il n’y a pas de maturité, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’audience pour que ça donne un album de la maturité. Dans le sens où personne ne nous attend, on peut vraiment faire ce qu’on veut, et c’est quand même un avantage. Ça peut bien sûr être un inconvénient, mais là pour le coup c’est un avantage. Et puis là, en l’occurence, je pense que le but, pour n’importe quel groupe d’ailleurs, c’est d’arriver à trouver le son qui soit le plus personnel possible. C’est d’arriver à trouver le son le plus « digéré » en terme d’influences, pour que l’objet musical final soit propre tout en reflétant quand même les références du groupe. Et justement, je trouve que Big, c’est finalement le premier album sur lequel le son du groupe est le plus reconnaissable, et également sur lequel on s’est le plus libéré de nos influences.

La Face B : Justement, en parlant d’influences, est-ce qu’on peut un peu creuser dans ce sens ? Qui écoute quoi au sein du groupe ? Est-ce que vous partagez les mêmes références ? Et comment vous distillez tout ça dans votre musique ?

Zoé : Je pense qu’on écoute tous des choses un peu différentes, même si effectivement on a des influences communes. Étant donné qu’on passe beaucoup de temps dans la Dacia Sandero de la maman de Nicolas, le batteur, (rires) forcément on finit inévitablement par écouter les mêmes choses. Donc au-delà d’Affaires Sensibles de Fabrice Drouelle (rire général) on écoute beaucoup de choses en voiture. Genre Phoenix mais aussi Linkin Park effectivement, même si ça ne se retrouve pas du tout dans notre musique… Et après chacun écoute des choses un peu différentes. Par exemple moi cette année j’ai beaucoup écouté le nouvel album de Slow Pulp, mais aussi Momma, enfin bref toute cette scène rock indé… Pour les autres, je ne sais pas trop !

Alex : En fait je ne pense pas qu’on soit tous très d’accord sur ce que chacun de nous écoute à vrai dire ! Surtout Thomas (rires), qui écoute des choses bien dans son style à lui… (rires) Après oui, c’est une histoire de point de convergence, il faut toujours en trouver un… Mais voilà, en tout cas on ne va pas du tout écouter des trucs de niche. Majoritairement ça va être des albums que tout le monde connait.

La Face B : Ok d’accord ! Donc ça a été un vecteur, justement, au niveau de votre rencontre musical tous les quatre, de mettre ces influences en commun ? Ou au contraire pas du tout et ça s’est fait naturellement autrement ?

Zoé : Et bien je pense que ça s’est surtout fait avec le temps. En fait, les deux fois où on est allé aux États-Unis, on s’est rendu compte que les gens là-bas connaissaient beaucoup les groupes français de toute cette scène « French Touch ». Et il y a beaucoup de gens, quand on était à New-York notamment, qui nous ont parlé de Phoenix en nous disant que notre musique leur ressemblait un peu. Du coup je pense que c’est aussi à partir de là qu’on a commencé à creuser le truc un peu plus « électro » qu’il y a dans les morceaux du nouvel album. Et puis de toute façon on écoutait tous effectivement beaucoup Phoenix quoi qu’il arrive, c’est juste que ça ne se sentait pas forcément avant. Après, au niveau des rencontres… Ça fait quand même un moment qu’on se connait… En fait je crois qu’il n’y a pas vraiment eu d’éléments déclencheurs par rapport à notre rencontre…

Alex : Non, non, c’est vrai… Ça a été un processus tellement long pour n’aboutir qu’à neuf morceaux sur le dernier album qu’en fait, en vrai, je ne me rappelle de plus grand chose… De manière générale il n’y a pas vraiment eu de morceau déclencheur qui nous a fait nous dire : « ça c’est super, il faut absolument qu’on fasse ça ! ». Ça a été plus comme un fil qu’on suit, morceau par morceau… Et par exemple, il pouvait y avoir un titre qui prenait une direction plus électro à la base, donc par la suite il fallait tout remettre à niveau, et ça a été extrêmement long de réussir à trouver une ligne de production cohérente.

La Face B : D’accord, et là pour le coup tu parles uniquement du troisième et dernier album, Big, ou alors c’est aussi valable pour les deux premiers ?

Alex : Non non, oui, je parle uniquement du nouvel album là. Les deux autres ça a été beaucoup plus instinctif dans le sens où ils ont été faits en une semaine. Bien sûr il fallait aussi prendre le temps du mixage et de tout ça… Mais pour les deux premiers l’enregistrement durait une semaine et c’était fini. Là, sur Big, on a vraiment essayé d’en faire un peu plus, et comme c’était un peu nouveau pour moi comme manière de faire, ça a été un peu difficile parfois. C’est à dire que ça t’emmène dans des directions, puis ensuite il faut arriver à lisser le tout pour que ça soit cohérent donc bon…

Zoé : C’est ça ! Et puis, il y a vraiment eu différentes étapes. Quand on était en Ardèche, on a enregistré toute la partie instrumentale en une semaine. On avait pas encore enregistré les voix à ce stade là. Ensuite Alex a bossé sur les arrangements et sur la partie de la production plus électronique avec Joseph. Ce n’est qu’ensuite qu’on a fait les voix. Donc chaque chose s’est ajoutée petit à petit. Ça a doucement évolué au fil du temps.

Alex : Oui ! Et puis en plus quand on a fait les voix on s’est rendu compte qu’il y avait certaines chansons sur lesquelles il ne fallait pas que je chante, ou inversement certaines où il le fallait… Donc ça a été extrêmement long pour arriver au résultat final.

Zoé : Oui, jusqu’à la fin, sur certains morceaux on doutait beaucoup et on ne savait pas si ça devait être Alex ou moi qui devait chanter… Donc voilà !

La Face B : D’accord, donc vous êtes vraiment dans une démarche naturelle, vous voyez au fur et à mesure comment ça s’agence sans vous prendre la tête ?

Alex : C’est ça ! C’est beaucoup d’expérimentations sur la manière dont on va construire un morceau vers une direction ou vers une autre en rajoutant telle ou telle chose, et il y a des fois où justement on rajoutait beaucoup trop de choses qu’on enlevait par la suite. Le but c’était vraiment d’arriver à trouver le bon équilibre pour avoir le son le plus personnel possible.

Zoé : Et il y a même des choses qui ont été rajoutées pendant le mixage aussi ! Donc vraiment ça a beaucoup bougé jusqu’à la toute fin.

Alex : Oui, c’est vrai que le morceau Ikea Boy par exemple, à la base il ne faisait que deux minutes je crois, et toute la fin qu’on a rajouté c’est des samples de choses qu’on avait déjà enregistré et qu’on a agencé autrement, un peu dans le désordre, finalement ça fait comme si c’était une nouvelle partie d’un nouveau morceau. Au final il y pas mal de choses qu’on a composé et modifié avec l’aide d’un ordinateur sur cet album.

La Face B : Ok d’accord ! Et donc, Big est sur le point de sortir, il y a également une tournée qui s’annonce… Est-ce que vous avez déjà discuté de la suite ? Est-ce que vous arrivez à vous projeter ou alors même là-dessus vous ne vous prenez pas la tête et vous voyez au jour le jour ?

Zoé : C’est plutôt au jour le jour en effet. C’est la première fois qu’on sort un album et qu’on n’a rien de prêt derrière. Donc je pense qu’on se laisse aussi le temps de voir un peu comment cette nouvelle esthétique passe. On verra aussi quelles opportunités on pourra avoir, et aussi peut-être voir comment on pourrait s’améliorer dans le processus de création. Car pour l’instant c’est Alex qui écrit tout. Peut-être qu’avec le temps on commencera éventuellement à composer tous les quatre et que tout le monde mettra un peu plus la main à la patte dans l’écriture. Mais pour l’instant, on se laisse le temps ! C’est un peu la première fois qu’on peut vraiment profiter de la sortie d’un nouvel album sans avoir à penser tout de suite à l’étape suivante…

Alex : Oui, c’est vrai que normalement il y a toujours eu un disque d’avance quand on en sortait un, jusqu’à aujourd’hui. Parce que j’ai peur du vide. Mais là, c’est pas le cas, du tout. Finalement, le seul projet au fond c’est de continuer à être intermittent cette année.

La Face B : Justement, ça tombe bien car ça fait le lien avec la question suivante. Est-ce que vous arrivez à vivre de tout ça ? Est-ce que dans le groupe vous êtes tous intermittents ?

Alex : Oui, on est tous intermittents !

La Face B : Ok. Et ça fait longtemps que vous l’êtes tous ?

Alex : Moi ça fait deux ans !

Zoé : Moi je débute ma deuxième année d’intermittence.

Thomas : Pareil ! Et je voulais aussi revenir sur la question que tu as posé juste avant. On a quand même pour projet de véritablement se mettre à tourner en dehors de la France qu’on a, il faut le dire, bien sillonné comme il faut. On vient donc de signer avec un tourneur européen, donc on verra ce que ça nous apportera, mais il est clair que l’ambition qu’on a c’est d’arriver à accéder à d’autres territoires. En fait, rien que quand on est allé aux États-Unis on a bien senti que la réception de notre musique était complètement différente qu’en France. Et surtout, quand on a vu ce que donnaient les autres groupes là-bas, on a bien ressenti que c’était bien en accord avec notre esthétique. Finalement c’était un peu nous les imposteurs là-bas (rires). Moi j’ai vraiment trouvé que les groupes locaux étaient tous excellents à chaque fois.

Zoé : C’est vrai ! Et pour en revenir à l’intermittence, en fait c’est plus un moyen de faire ce qu’on fait mais ce n’est clairement pas une fin en soi, en tout cas pour nous. L’idée ce n’est pas juste de faire la tournée des SMAC pour enchainer encore sur un nouvel album, puis de refaire la tournée des SMAC encore l’année suivante. On fait de la musique simplement parce qu’on a envie de faire ce qui nous plait, puis de le partager ailleurs ensuite.

Alex : Oui c’est vrai qu’il y a un truc un peu limitant dans le système de l’intermittence en France. Attention, ça reste très bien, le problème c’est que tu joues pas forcément là où tu intéresses les gens mais plutôt là où tu peux être déclaré pour continuer à vivre. C’est le même problème pour beaucoup d’artistes en France. Donc il faut réussir à trouver cette balance entre le fait de pouvoir jouer là où ça intéresse un certain public et là où ça continue de déclarer en cachets. Finalement elle est peut-être aussi là l’ambition. C’est d’arriver à lier les deux.

La Face B : Oui, absolument… On va essayer d’aller un peu plus en profondeur. Au-delà de l’intermittence vous êtes également tous musicien.n.e.s depuis longtemps également ? La rencontre et la naissance d’Hoorsees, tout ça s’est produit à travers et grâce à vos différents parcours musicaux ou alors à côté ?

Zoé : En fait, Alex a commencé à sortir des démos de Hoorsees sur Bandcamp sous la forme d’un projet solo en 2017. Lui et moi c’est à peu près à ce moment là qu’on s’est rencontré à La Mécanique Ondulatoire à force de trainer dans les mêmes concerts. Et il se trouve qu’à l’époque j’ai des amis qui m’ont offert une basse pour mon anniversaire. Alex s’est proposé de me donner des cours de basse, et au bout de quelques cours il m’a carrément proposé de rejoindre le groupe qu’il était en train de monter avec deux autres membres à ce moment là. Donc voilà, j’ai commencé la basse en rentrant dans Hoorsees ! Quand Thomas et Nico nous ont rejoint, eux ils avaient déjà des connaissances et des assez grosses bases en musique. Thomas, tu avais fait le conservatoire toi non ?

Thomas : Non du tout, moi j’ai fait l’école de musique municipale de La Salvetat-Saint-Gilles (rires) ! Enfin oui, par la suite j’ai aussi fait une fac de musique sur Paris mais perso ça s’arrête là au niveau de mes études musicales. Parce que oui, tu poses la question des écoles et des formations, mais Alex est allé au conservatoire en jazz lui ! Et Nico pareil, mais sur le tard : c’est à dire que d’abord il a été urbaniste. Il a abandonné l’urbanisme peu de temps après avoir intégré Hoorsees, puis il a intégré le conservatoire en jazz aussi.

Alex : En fait on n’est pas vraiment raccord à ce niveau là dans le groupe je pense. Il n’y a pas de réelle unité.

Thomas : Oui, chacun a son parcours. C’est ce qu’on disait à la radio l’autre jour. Alex et Zoé faisaient déjà des concerts ensemble avec d’autres personnes avant. Au bout d’un moment ces personnes là sont parties, et c’est à ce moment là qu’Alex m’a contacté pour rentrer dans le groupe et vu qu’il cherchait aussi un batteur j’ai branché Nico, que je connaissais déjà de mon côté, sur le projet. C’est vrai que lui venait initialement plus de la sphère jazz mais vu qu’il était aussi intéressé par tout ce qui est rock indé ça l’a fait. Voilà, the rest is history (rires) !

Zoé : Thomas a même assisté à notre premier concert, je m’en souviens très bien…

Thomas : Exactement ! Je m’en rappelle très bien aussi… D’ailleurs c’était Fernando des Bad Pelicans qui jouait dans le groupe !

Hoorsees : Zoé (basse, chant), Thomas (guitare, chant), Alex (guitare, chant) et Nicolas (batterie).

La Face B : Ok excellent… Tiens, petite question supplémentaire ! Qu’est-ce que vous pensez de l’état de la scène rock en France ? Comment vous vous situez au sein de celle-ci ?

Alex : Aïe, elle est piège un peu cette question… (rires) C’est la meilleure pour la fin… Quelqu’un veut répondre ?

Thomas : J’ai peut-être une chose à dire dessus oui… Je pense que c’est une très très bonne scène rock, mais j’ai quand même l’impression qu’elle rétrécit d’année en année…

Zoé : Oui mais je pense aussi qu’on s’y intéresse moins qu’avant… J’avoue que moi par exemple je sors beaucoup moins voir des concerts qu’avant. J’ai plutôt tendance, par flemme je pense, à juste aller voir les groupes de mes potes, qui sont excellents par ailleurs… Alors que la démarche de découvrir de nouveaux groupes je l’ai un peu perdu. Au-delà de la flemme c’est peut-être aussi le fait de vieillir qui amène ça (rires).

Alex : C’est ça ! Je crois qu’on commence à être trop vieux pour avoir un réel avis maintenant… Je sais pas, la trentaine est passée quoi… À mon avis, oui, bien sur qu’il y a toujours une belle scène mais on est trop ringard pour savoir où elle se passe, savoir qui fait quoi, etc… En tout cas, il y a dix ans, à Paris, c’était sympa ! Pour être honnête aujourd’hui j’en sais trop rien, on reste la plupart du temps dans nos appartements respectifs et on fout un peu rien (rires) donc je ne pense pas qu’on puisse te donner un réel avis sur ce qu’il se passe…

Thomas : Après, c’est comme une plaque tournante quoi, il y a des groupes d’il y a dix ans qui ont disparu du circuit, et puis t’entends toujours des nouvelles choses par la suite, etc… Mais le rock, vraiment le rock indé… Le style évolue avec le temps en fait, et on est moins familier avec la métamorphose de cette scène aujourd’hui… Je sais pas trop, j’ai peut-être quelques exemples qui me trainent en tête, mais c’est des groupes, quand tu les écoutes tu sens vraiment que ça sonne 2023, je ne sais pas comment l’expliquer (rires) ! Quand on écoute Spotify et toutes les playlists « indé » qu’il y a dessus… On se rend effectivement compte qu’il y a beaucoup de choses qui sont dans un style qui n’existait pas il y a dix ans justement… En fait aujourd’hui, c’est vraiment cette « pop rock », en 2023, qui a ce nouveau son bien définissable, et il y a plein de groupes et de projets qui sont très bien dans cette veine, mais il y a aussi beaucoup de choses auxquelles j’accroche carrément moins personnellement…

Zoé : Après ce qui est cool c’est que j’ai l’impression qu’il y a de plus en plus de groupes français qui s’exportent et qui marchent à l’étranger… Je pense notamment à En Attendant Ana qui ont énormément de succès, que ce soit aux États-Unis, en Angleterre ou même en Allemagne… Unschooling aussi, je crois qu’ils tournent beaucoup et principalement à l’étranger !

Thomas : Johnny Mafia aussi !

Zoé : Exactement, eux aussi ! Donc voilà, ça fait plaisir de voir qu’on se bouge tous un peu pour ne pas stagner en France. Et puis dans ce milieu on se connait aussi tous un peu, on finit forcément par se croiser à des concerts ou même lors de co-plateaux ! Finalement c’est plutôt encourageant moi je trouve… Après, c’était peut-être déjà comme ça il y a dix ans mais je ne m’en rendais pas compte !

Alex : Alors, ça va être un peu une réflexion de boomer mais moi j’ai l’impression qu’il y a dix ans il y avait peut-être un plus grand sentiment de camaraderie dans cette scène, à Paris notamment… Enfin, pas vraiment de la camaraderie mais plus une réelle entraide entre les groupes, un vrai sentiment de « scène ». Peut-être qu’aujourd’hui dans d’autres villes il existe encore ce sentiment là, car tout le monde se connait… J’avoue que ça, ça s’est un petit peu perdu, sûrement parce que les lieux ont fermé aussi… Donc moi, si je peux parler de mon expérience personnelle, je trouve qu’à Paris en tant que musicien on se sent un peu seul au monde, noyé dans la masse. J’avoue que, par exemple, si ce soir je voulais sortir pour rencontrer du monde, je ne saurais même pas où aller en fait. Voilà mon avis.

La Face B : Ok… Et justement, tant qu’on parle des plateformes de streaming genre Spotify, Deezer, etc… Est-ce que vous pensez que cette « course » à l’écoute et que cette nouvelle manière de consommer la musique sont des choses qui tuent le milieu alternatif et underground ? Ou au contraire vous trouvez que ça aide ?

Alex : Moi je ne trouve pas du tout que ça tue quoi que ce soit.

Zoé : Je ne sais pas… Ça rajoute quand même un gros stress je trouve. En plus du fait de devoir être bon, d’avoir des followers sur les réseaux sociaux, de faire des vidéos, etc.. C’est pas évident.

Thomas : Moi je ne pense pas que ça tue la scène, je pense que ça tue les humains, tout simplement (rires). Ça rejoint Instagram et tous les réseaux sociaux genre TikTok, etc… Y’a une facilité à devenir esclave de tout ça et de tomber sous l’emprise du truc. De manière générale ça peut vite devenir une obsession et prendre le pas sur ta vie, c’est la que ça devient chaud. À contrario, si ça fonctionne et que c’est utilisé correctement ça peut justement aider une « scène » à se développer et faire passer du statut d’underground à… plus du tout underground (rires).

Zoé : Oui et non ! Parce qu’on se rend aussi compte qu’il y a des groupes qui sont énormément streamés mais qui ne tournent pas du tout, et inversement il y a aussi des groupes qui ont peu d’écoutes sur les plateformes mais qui à côté font des tournées de 40, 50, 60 dates à l’année… Il faut prendre un peu de recul par rapport à tout ça je pense… C’est « cool » si tu es dans une playlist, clairement, mais si tu ne joues pas du tout à côté, bon…

Alex : Au fond, c’est juste un déplacement du problème moi je pense. Parce qu’historiquement, à l’époque c’était les maisons de disque qui avaient ce pouvoir et cette mainmise. Donc en soi le souci reste le même à chaque fois. C’est difficile d’avoir un projet et que majoritairement, les gens s’en foutent. Après, est-ce que Spotify se fait de l’argent sur le dos des artistes ? C’est une évidence. Mais peut-être pas plus qu’une maison de disque il y a des années de ça…

La Face B : Oui, complètement… Et bien sur ces mots de la fin très joyeux est-ce que vous avez autre chose à ajouter (rires) ?

Alex : Et bien, écoute à part remercier La Face B, pas grand chose, merci beaucoup pour l’interview ! Et puis à très vite !

La Face B : Merci à vous trois ! À plus !

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