Quoi de meilleur support que l’utopie pour commencer l’écriture d’un disque ? Car l’utopie est le lieu même de l’imaginaire. Il est possible d’y créer en toute liberté, comme on pourrait le faire avec un EP. Et c’est ce que nous prouve Venus VNR en nommant leur dernier EP Idéal Turfu. Pourtant, lorsque l’on plonge dans l’univers du duo pop, la réalité est toujours proche et il n’y a rien d’idyllique. En faisant leurs premiers pas en parlant d’angoisse profonde ou de mort, Venus VNR revient avec des thèmes tout aussi importants, en usant toujours de second degré.
Le son futuriste et Idéal
A ce sujet, Félix (une des deux têtes pensantes du duo) nous explique : « Le deuxième EP décrit surtout le passage à l’âge adulte. Comment tu traverses ta vingtaine pour aller vers tes trente ans. C’est beaucoup de questionnements sur son avenir. Un peu comme si on était au bord de la falaise à se demander comment trouver un sens à sa vie. Idéal turfu c’est cet idéal qui tu essayes d’atteindre et que la plupart du temps tu n’atteins pas. On trouvait que c’était une bonne synthèse. C’est un gars ou une meuf en l’occurrence qui est bloqué dans son canapé car elle a peur de faire quelque chose. Elle a la pression. Venus VNR c’est un projet d’angoissé de toute façon ! » En somme, Idéal Turfu est l’apothéose que l’on souhaite, que l’on projette qui n’arrivera pas, ou bien pas au moment souhaité. Alors il faut oublier le futur, ne plus penser à rien et vivre l’instant présent, pour éviter toute désillusion. Se réfugier dans l’illusion. Quitte à se perdre dans des paradis perdus, comme le refrain nous incite à le faire : « alors je fume un peu, le cendrier en dit long, j’traîne du lundi au dimanche »
Une passivité, une flemme, qui pourrait passer comme quelque chose de dérisoire, voire même de condamnable. Mais il s’agit peut-être d’un acte de force, voire de résilience : laisser se faire les choses, lâcher-prise. En somme, faire comme un de leur titre : J’attends que ça passe. Le clip est à l’image du clip car on voit l’autre tête pensante du duo, Laurène, avachi sur un canapé à regarder la télévision. Une belle transition pour les couplets chantés par le rapper Spider Zed. Si l’identité musicale de Venus VNR tendait vers une pop autant acidulée et qu’énervée, ce morceau renoue avec des empreintes plus urbaines. Les sons électroniques sont imposants, puissants, portées par des chœurs en auto-tune. Le contraste donne un aspect décalé et marrant au morceau, à l’image du duo. Puis, c’est peut-être tout l’art du clash qui se retranscrit dans ce morceau comme dans l’âme du projet.
Venus énervée, ne reste pas de marbre
Sous ses airs légers et ironiques, le projet renferme une grande profondeur dans les thèmes abordés. Félix explique : « On fait attention au second degré sans tomber dans la blague. On est pas un groupe de parodie, de satire ou autre. Par contre, on aime bien discuter de sujets sérieux avec humour, peut être pour dédramatiser ou pour atténuer le message. Au fond, généralement, on a jamais fait de chansons avec uniquement un “sujet blague”. C’est-à-dire qu’on peut parler de la mort ou de la dépendance aux anxiolytiques sous forme de blagues. » C’est d’ailleurs le sujet abordé par leur premier titre Phoque : « C’est une histoire vraie. J’ai fait de longues études et à la fin, j’ai bossé quelques semaines ou quelques mois dans une entreprise. C’était vraiment très désagréable donc j’ai essayé de retranscrire cette ambiance. C’était marrant de commencer la projet avec ce titre la, qui fait comme une transition de la vie de bureau à la vie d’artiste. » Une transition que le groupe poursuit et approfondit en abordant de multiples thèmes importants bien que faisant partis du quotidien : la mort, l’addiction, les relations sentimentales plus ou moins foireuses, la dépression ou encore le porno.
Venus VNR dédie un titre entier à la pornographie. Intitulé Pop P*rn, il nous chatouille les oreilles et les sens. La musique est vibrante, presque hypnotisante, addictive comme l’addiction que nous évoque le duo : « J’ai trop trainé sur internet, Maté des compil de branlettes, J’ai trop trainé sur internet, J’ai cassé un truc dans ma tête. » Un morceau que remixe le groupe Bagarre, lui donnant un rythme plus lent et des allures de techno, proche de la musique de club.
Au-delà du porno, il y a l’amour, le vrai et puis l’amour, le faux. Celui que l’on prétend pouvoir trouver sur les réseaux ou les sites de rencontre. Le morceau Traquenard parle de dates un peu bizarres, les chelou ou ceux qui nous font carrément flipper, que l’on peut faire sur internet. Ceux où la personne ne correspond pas tout à fait au profil, à la photo. Le match ne passe plus. La musique est douce, presque comme une comptine, donnant un aspect doux et léger alors que les paroles sont parfois crues, souvent clash : « tu m’avais pas dit que tu pissais encore au lit ? » Comme si la vie n’était pas si dure comme cela, les galères ne s’arrêtent pas au sentimental. En cause des Tarbas qui traînent et nous poursuivent de l’enfance à l’âge adulte, en passant bien évidemment à l’adolescence. Ce titre sonne comme une ode au retournement de situation, avec ou sens l’aide du Karma.
Crédit photo : Silvere Koulouris