Après plus de dix ans de carrière, il est bon de laisser libre-cours à ses envies de changement. C’est exactement ce que Ben l’Oncle Soul, ou plus simplement Ben, a décidé de faire. À l’occasion de la sortie de son sixième album, Is It You?, nous avons eu la chance de nous entretenir avec lui.

La Face B : Salut ! Comment tu vas ?
Ben l’Oncle Soul : Yo ! Bah écoute ça va pas trop mal. On est plutôt excités à l’idée de sortir un album bientôt, là.
La Face B : Oui je me doute !
Ben : Et les fêtes de fin d’année se sont passées à merveille, j’avais du temps puisqu’on n’avait pas de dates sur le mois de décembre ni janvier, puisque ce mois-ci on s’est gardé la fenêtre pour les promos de l’album. Donc on reprend la tournée début février là.
La Face B : Eh bien super ! Déjà, merci beaucoup de m’accorder un peu de ton temps, ça me fait très plaisir. Ton prochain album, Is It You?, sort le 17. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur le processus de création ? Combien de temps tu as pu travailler dessus ou même combien de temps l’écriture ou l’enregistrement ont duré ?
Ben l’Oncle Soul : En gros, quand ils ont déclaré l’état d’urgence avec le Covid, là, très honnêtement, j’ai pas réussi à travailler, j’ai pas eu envie de faire la musique, au moins tout le premier mois. Le temps de comprendre tout ce qui était en train de se passer, enfin franchement, on était dans des trucs un peu anxiogènes et puis surtout, j’arrivais pas trop à comprendre où est-ce que ça allait et ce que c’était réellement. Et une fois que j’ai capté les confinements etc, que j’ai réussi à remettre un peu de sérénité à l’intérieur de ma demeure, c’était cool de se retrouver tout d’un coup et d’avoir analysé le truc en me disant qu’il n’y avait pas de concert, qu’on allait pas voir les potes et donc forcément, pas de jam à droite à gauche pour faire du son avec eux.
La Face B : Ce qui au final pour l’écriture est quand même vachement important.
Ben l’Oncle Soul : Ouais, en tout cas moi depuis que je suis à Paris, donc ça fait douze ans, c’est un peu comme ça que les albums naissaient, en faisant des jams avec les potes, quoi. Mon deuxième, je l’ai fait avec les Monophonics, des Américains de San Francisco, c’était exactement de procédé de travail. On a jammé et on a fait des morceaux comme ça. Donc ce qui veut dire qu’en gros, ça m’a replongé et ça, c’était assez intéressant déjà, dans une espèce de bilan où ça me disait : “Qu’est-ce que toi tu es capable de faire en musique tout seul, sans l’aide des copains ?”. Ça, ça m’a remis forcément derrière mon instrument, mon premier instrument, qui est le piano. Et là, il a fallu que je pratique, et ça m’a renvoyé à la découverte de la musique avec le piano qui était chez ma mère, qui était un piano droit. Dont elle ne jouait pas, elle n’en a jamais joué, elle s’est acheté un piano droit, va savoir pourquoi. Le truc auquel ça servait, c’était de mettre des photos de famille dessus, tu vois (rires).
La Face B : Ouais, c’était pour faire joli (rires) !
Ben l’Oncle Soul : Ouais voilà, et en fait je pense qu’elle est tellement mélomane et amoureuse de la musique, et puis ça faisait un bel objet de déco sans doute, t’as raison. Donc du coup, il y avait un piano droit à la maison et comme elle ne m’a tenu aucun discours ni même incité trop à en faire, moi je savais pas trop si j’avais le droit d’en jouer ou pas. Donc dès qu’il y avait un moment d’absence, où elle allait faire les courses ou si elle partait au travail et que j’étais encore à la maison, j’en jouais. Il y avait une petite couverture rouge qui se mettait sur les touches pour pas qu’elles prennent la poussière, comme il yen a sur beaucoup de pianos droits quand il y a pas de clavier. Et en fait, ma hantise, c’était qu’elle le voit parce que je l’avais mal remis dans la précipitation en entendant les clés quand elle ouvrait la porte, tu vois. Et moi j’ai découvert la musique comme ça, en pianotant, en cherchant, sans connaître le solfège, vraiment en autodidacte. Et en m’amusant à reproduire des morceaux. C’est marrant parce qu’à la fois, la composition faisait vraiment partie de la découverte de l’instrument, et la reproduction de sonorités que j’avais déjà entendues aussi. C’est-à-dire qu’une mélodie que j’avais entendue, à l’époque, le premier morceau que j’avais essayé de refaire, je pense que c’était Tears in Heaven d’Eric Clapton. J’essayais de reproduire l’accompagnement, de le transposer au piano, vu que c’est joué à la guitare. Donc c’est comme ça que j’ai appris à jouer de la musique et en fait finalement, depuis que je fais réellement de la musique presque professionnellement, avec des musiciens, avec des albums, des compos etc… je ne travaille plus du tout comme ça. Le confinement m’a servi à me rappeler comment dans mon esprit d’enfant, je composais de la musique. Et finalement, ça a vraiment été une belle découverte, et j’ai réussi à tirer un fil comme ça, dès que j’ai compris que c’était la genèse de mon amour avec la musique. Je me suis dit que ça allait être un album intéressant puisque dans ce confinement, j’allais devoir retrouver mes “premiers amours”. Il y a beaucoup de contexte à mettre, pour le coup.
La Face B : Non mais il n’y a pas de soucis, c’est intéressant !
Ben l’Oncle Soul : Et donc le temps de composition, ça a été celui du confinement, et je me suis arrêté de composer à la fin. Je me suis dit que ces morceaux-là, c’était aussi le temps de mon interrogation. C’est-à-dire que les portes de la vie “normale” se sont rouvertes, qu’on a pu refaire des concerts etc.. moi, j’ai arrêté de faire des morceaux pour cet album. Et puis l’enregistrement, on s’est tous réunis, les musiciens qui m’accompagnent sur scène et moi, dans un studio qui s’appelle la Red House, qui est à Forestière. C’est le premier studio de Lucas Medus, qui est un jeune acousticien ultra talentueux qui fait les studios de tout le monde en ce moment, notamment celui de Matthieu Chedid, qui s’est bien fait plaisir ces derniers mois. Il a aménagé une grange incroyable avec des panneaux qui réagissent, qu’on peut tourner, tout un système en bois ou il n’y a pas d’électricité. Il est parti dans un délire assez incroyable. Tu peux voir les photos et vidéos sur Instagram. Je crois que Matthieu Chedid aussi l’a partagé. Et du coup, c’est un gars qui a réquisitionné un lieu qui était l’ancienne maison familiale, et qui en a fait son showroom parce que lui voulait devenir acousticien et il voulait avoir un espèce d’endroit où il pouvait montrer ses qualités. Le mieux, c’était donc effectivement de faire un studio, et c’est ce qu’il a fait et ce lieu est franchement hors du temps. C’est une espèce de maison, donc il y a du logement sur place ; nous, on est parti trois jours en immersion.
La Face B : Donc c’est comme un séminaire au final ?
Ben l’Oncle Soul : Ouais c’est ça ! Comme un petit workshop, un petit séminaire, on est partis deux fois trois jours en fait. En gros, l’album a été enregistré en deux sessions et à chaque fois, c’était le même principe. Ils découvraient les morceaux en studio, je leur faisais part de mon travail de confinement. L’idée c’était qu’ils ne soient pas préparés à jouer les morceaux. Je voulais garder une sorte de fraîcheur et de spontanéité, le moins possible passer par l’intellect ou le travail d’arrangement, et de leur raconter une histoire, comme ça, de leur raconter les chansons, juste piano-voix, pour qu’on arrive ensuite à faire un enregistrement avec tout le monde. Ça a été vraiment super intéressant de capturer ces moments-là, parce que moi je voulais vraiment enregistrer en live, avoir une prise qui nous plaît, ne pas forcément en refaire 150. De toute façon, en cinq jours on n’avait pas non plus le temps de faire dix mille prises, il fallait donc trouver les manières de jouer les plus naturelles possible, les mettre en place le plus simplement, facilement.
La Face B : Oui, parce que du coup l’album a été enregistré dans des conditions de live, comme si vous étiez sur scène, mais en studio. Cette idée-là, elle est prépondérante, ou tout justement ça t’es venu pendant le confinement ?
Ben l’Oncle Soul : En fait, c’est une réflexion qui est là depuis le début. J’essaye d’enregistrer mes albums en live. Sur mon premier album ça a été un échec, c’est-à-dire que c’était mes musiciens de tour avec qui on faisait les premières scènes et quand on nous a filé les clés d’un studio pour aller enregistrer, on s’est rendu compte que ça sonnait comme un concert mais que ça sonnait pas comme un album. On a été super déçus, on s’est rendu compte qu’on n’avait pas du tout le niveau pour enregistrer live. Et c’est là qu’on a commencé à bénéficier du numérique et des moyens plus modernes de pouvoir enregistrer, éditer, se réenregistrer, chercher le son pour tel instrument parce que finalement celui-là ne convient pas. Et en fait, commencer à bidouiller le travail de l’arrangement etc… Ce qui a été en fait très formateur et super intéressant, notamment en recherche de son, mais ce qui nous a aidé à trouver un son ensemble, c’est le live et les concerts. Et ça, on en avait peut-être pas fait assez à l’époque, et aujourd’hui ça fait douze ans que je joue avec eux, et donc on a trouvé un espèce de truc où finalement, j’ai l’impression que la qualité sonore du live a rejoint celle de l’album. Il y a un truc qui est fondu entre les deux, qui fait qu’aujourd’hui, enregistrer dans les conditions du live, ça nous a plu à l’écoute et on s’est dit que ça sonnait comme un album. Du coup, on est content de cette progression, mais on a rien sans rien, on a eu douze ans de travail sur scène, qui fait qu’aujourd’hui on est satisfaits d’avoir trouvé le clic et on partage un vrai truc fort en live. La raison pour laquelle on a fait un album live, c’est que mon album préféré de tous les temps c’est l’unplugged d’Eric Clapton. Et c’était une belle manière aussi d’avoir une cohérence sonore sur tous les morceaux, même si les compos étaient très différentes. Je me suis dit qu’enregistrer tout dans la même pièce avec le même son, quasiment sur tous les titres, ça donnerait une belle homogénéité à l’album. Le but aussi était de faire une espèce d’instantané et d’arriver à capturer des moments, presque des moments de vie, parce que l’idée, c’était aussi d’être dans la joie de se retrouver après trois ans où on était chacun chez soi.
La Face B : En parlant des compos de l’album, je trouve qu’il est vraiment très bon, il s’écoute vraiment très bien. Je me suis fait une remarque pendant mes écoutes, je le trouve très inspiré des deux premiers albums de Leon Bridges, je trouve qu’il y a une petite patte même dans l’utilisation de la voix. Est-ce que je me trompe ?
Ben l’Oncle Soul : On se trompe pas quand on entend des influences, parce que là ou tu ne te trompes pas, c’est que j’adore son premier album. Si je ne dis pas de bêtise, il a été enregistré à Abbey Road, ou en tout cas dans un studio qui était très typé. Et c’est un peu ce qu’on a fait avec le Red House, c’est d’arriver à trouver un endroit ou à la fois ça utilise que du matériel vintage, c’était un peu le but hein, c’était d’avoir un son qui rend hommage à la musique qu’on a toujours écoutée et adoré, principalement celles des années 60s et 70s. Et du coup, de trouver un endroit où il y a ce genre de studio, ce genre de pièces et ce genre d’instruments et de machines, quoi. Donc il y avait le bon préampli, la bonne table, les bons micros. On savait que c’était dans un lieu comme ça qu’on voulait enregistrer, et en plus de ça on l’a trouvé à Paris, à une heure de chez nous, à la campagne. De le faire quasiment à l’endroit ou j’ai composé, enfin, à quelques minutes de là, c’était aussi important pour pas trop sortir de cette espèce de bulle que je m’étais fabriquée pendant tout le confinement. Et c’est vrai je pense que la méthodologie d’enregistrement de Leon Bridges sur ce disque doit être assez similaire.
La Face B : Et du coup, pour continuer sur les influences. Au-delà de Leon Bridges, est-ce qu’il y a d’autres albums ou artistes que tu citerais comme étant des influences pour ce disque-là ou pas ?
Ben l’Oncle Soul : Michael Kiwanuka, Home Again ça reste un des morceaux qui m’a le plus marqué de lui. Alors nous, on ne voulait pas aller jusqu’à rajouter des cordes, des cuivres etc… j’avais vraiment envie d’avoir quelque chose de plus acoustique, de plus Folk. J’ai toujours trouvé que dans la Country par exemple ,ça mettait en valeur le côté songwriting, la mélodie et les paroles d’une chanson. Néanmoins, j’avais pas du tout exploré ce genre de sonorités, du coup je trouvais ça sympa. J’ai beaucoup échangé pendant le confinement avec Gunnar Ellwanger, le chanteur de Greenwood, et c’est un groupe qui reprend des trad irlandais, c’est très influencé par la musique irlandaise. Ils font des compos aussi, mais c’est vraiment dans cette lignée acoustique et vocale irlandaises. Donc du coup, je l’ai invité à venir enregistrer avec nous, donc c’est un peu celui qui s’est rajouté à l’équipe des soulmen de Tours ; c’est le guitariste de Folk d’origine allemande et irlandaise. Je suis fan, très fan d’Otis Redding, et il y a ce morceau, The Dock of The Bay qui est son morceau qui est sorti posthume, c’est son dernier morceau enregistré. J’ai lu un jour une phrase. Je l’adore cette chanson, mais je la trouvais un peu différente de ce qu’il avait pu faire. Bon déjà il y a plusieurs choses, c’était en réalité une maquette et il n’avait pas fini de l’enregistrer quand il est décédé. C’est sorti aussi un peu dans cette ambiance d’une démo, d’une maquette. Pas forcément avec l’effort d’interprétation qu’il aurait pu donner si c’était la version qui allait sortir. Mais ça on le saura jamais, peut-être qu’il aurait fait exactement la même chose… mais en finissant par contre au moins son troisième couplet, parce que ça s’arrête un peu comme ça, et il finit par siffler puisqu’il n’a pas la mélodie de fin, il n’avait pas les paroles de la fin de la chanson. Et en fait, j’ai lu un truc sur la réflexion qu’il a eue sur ce morceau-là, en fait il a passé du temps à San Francisco, un peu pour se ressourcer. Il était fatigué, il en avait marre de tourner. Et il a dit sur The Dock of the Bay à un ami à lui qu’il venait de trouver une nouvelle manière de chanter, une nouvelle manière de partager la musique. Et en fait on sentait qu’avec ce morceau, il venait de trouver peut-être une porte à une nouvelle ère d’Otis Redding. Peut-être sans les cuivres et sans l’énergie et le côté Rock n’ Roll, sans le groove quoi, juste peut-être avec des chansons calmes, des balades. En tout cas, cette chanson-là est aussi devenu une espèce de point de départ, puisque je le considère un peu comme mon père spirituel dans la musique, je l’adore, et je me suis dit que ça serait cool, une belle image que de penser que cette porte qu’il a entre-ouverte, j’essaye de l’explorer avec une nouvelle manière de chanter, plus posée, plus intime. Plus à l’intérieur, moins projeté tout ça…
La Face B : Au final, c’est une sorte de manière de rendre hommage à l’héritage qu’il a laissé ?
Ben l’Oncle Soul : Exactement, exactement !
La Face B : Et pour continuer à parler de l’album, on sent que sur l’album tu actives presque le mode tranquille ; loin de moi l’idée de faire un reproche, bien au contraire, parce que l’album est très reposant. Mais on sent que dans ton approche, que ce soit l’écriture ou le chant, tu es très serein, que tu maîtrises ce que tu fais. Qu’est-ce qui t’as donné envie de donner ce ton très posé et doux à l’album ?
Ben l’Oncle Soul : Le fait d’être en confinement. Moi, j’ai dû ouvrir ma bulle artistique et musicale à ma petite famille, qui vit sous le même toit que moi. Avant, j’avais la chance de pouvoir aller au studio et de faire du son un peu dans mon univers. C’est-à-dire que moi à la maison, j’étais pas le chanteur, mais j’étais juste le père et le mari. Et le moment où le confinement est arrivé, évidemment ils venaient me voir de temps en temps en concert et ils connaissaient très bien mes amis, mais le fait de devoir vivre sous le même toit et de faire de la musique… puisqu’en fait, moi c’est quand même ce qui me fait du bien et c’est mon activité préférée (rires). Mais l’air de rien, je me suis rendu compte qu’il a fallu un peu agrandir la bulle, parce que quand je commence à jouer, ma fille de 4 ans vient aussi jouer à côté de moi. Quand j’ai une idée en tête, un truc à sortir, parce que je le ressens, c’est un peu compulsif d’une certaine manière, il faut aussi que j’abandonne cette idée assez rapidement parce que ma fille fout le bordel à côté et elle a pas du tout envie que je trouve cette mélodie, donc elle m’emmène ailleurs (rires). Au début, c’était un peu frustrant, et ensuite c’est devenu de la transmission pure et dure, et j’adore ces moments où on se met au piano ensemble et où on joue. Ce côté intimiste ressemble vraiment à l’énergie que j’avais pendant l’écriture de l’album. C’est-à-dire que j’essayais aussi de faire de la musique de manière à ce que ça ne gêne pas trop ma femme et mes enfants, qui faisaient d’autres choses à côté. Et je me suis dit aussi que c’était aussi le moment d’essayer cette énergie dont Otis parlait, qui est quelque chose de plus soft, et je me disais que c’était chouette de faire de la musique et de pas monopoliser l’espace et toute l’attention. Faire de la musique où on pouvait continuer de discuter à côté. J’essayais de rentrer dans une énergie où la musique ne devient pas un divertissement ou un spectacle, mais ou elle fait partie de nos vies, tout simplement.
La Face B : Oui donc c’est une façon plus pure de faire de la musique ? Quelque chose de beaucoup plus simple, de moins gourmand en termes d’attention ?
Ben l’Oncle Soul : C’est ça ! Ouais ouais ouais, tout à fait ça. C’est bien résumé (rires).

La Face B : D’ailleurs, cet album-là je le trouve très actuel au final dans sa construction, ses influences, etc… On ressent évidemment des influences de la Soul, bien sûr, mais aussi je ressens un petit peu de RnB. Est-ce que c’est quelque chose qui tu as sciemment mis en œuvre, comme avec Otis Redding, ou tu voulais insuffler quelque chose, ou alors c’est venu naturellement juste en écrivant ?
Ben l’Oncle Soul : Je vais peut-être me tromper, mais j’assumerai mes propos (rires). Je dirais que le RnB c’est plus de l’attitude, et donc c’est quelque chose que j’ai trouvé en enregistrant avec les musiciens. Parce que tout d’un coup, il y a le groove de la basse, et il y a la batterie, donc ça me donne aussi une attitude dans la voix, où je vais avoir envie de trouver un placement intéressant rythmiquement. Alors que quand j’étais tout seul au piano, certains morceaux étaient assez éloignés de ce qu’on en a fait. Finalement, ce côté RnB est arrivé dans le mélange, mais les compositions en elles-mêmes étaient assez simples. J’essayais même pas d’appartenir à un certain style musical, j’étais très ouvert à ce moment-là. Je me disais juste que j’avais envie de trouver des mélodies qui vibraient en moi, de raconter des histoires, des questionnements que je me posais, j’avais envie de les coucher sur papier. En gros, je trouve que le RnB est arrivé avec Stan et Olivier parce qu’ils ont cette culture du RnB aussi. Enfin, Oliv’ a une culture très ouverte, très Soul et très groove, ce qui fait que je trouve que ça correspond bien au son de basse des années 90s, plus au niveau du groove quoi. Et la drum, c’est clair que Stan il a adoré le RnB, donc forcément ça doit transpirer quelque part dans les sonorités de sa batterie (rires). Moi j’étais plus, au contraire, dans une démarche de ne pas essayer de mettre trop d’étiquettes et de rester très neutre, simple et libre par rapport à ma manière de chanter. Après on ne va pas se cacher, moi le RnB, j’adore ça !
La Face B : Oui bien sûr, je me doute !
Ben l’Oncle Soul : J’en ai écouté énormément et je pense qu’aujourd’hui il y a un gros retour à ça. J’ai redécouvert des artistes comme Lucky Daye en ce moment par exemple et que j’aime bien. Il y a une nana qui s’appelle Pip Millett, qui fait un très qui mélange Soul et RnB, c’est une anglaise et je trouve ça mortel. Même des trucs comme Summer Walker, c’est des trucs que j’écoute pas mal.
La Face B : Je trouve qu’il y a une vraie renaissance pas nécessairement du RnB pur, mais on sent qu’il y a beaucoup de sonorités. On a parlé de Leon Bridges juste avant, moi j’ai aussi en tête l’exemple de Tom Misch, où ça transpire le RnB.
Ben l’Oncle Soul : Ouais ouais à fond, j’adore !
La Face B : Et effectivement, je trouve qu’il y a vraiment une renaissance et un nouvel engouement autour de ça qui est super intéressant.
Ben l’Oncle Soul : Ouais, mais même Jorja Smith, ce qu’elle a apporté et remis sur le devant de la scène, moi je trouve ça génial parce que je me rends compte que tout ça c’est l’héritage de la musique afro-américaine. Et aujourd’hui, on a plus besoin d’être afro-américain pour faire cette musique, et en tant que métis, je trouve qu’il y a un pont qui a été créé entre l’histoire de la musique noire et la musique pop qui est assez belle.
La Face B : Pour continuer sur ton rapport au groupe, tu tournes pas mal, que ce soit en France ou à l’étranger. D’ailleurs, j’ai vu que tu avais des dates annoncées à Londres. Comment est-ce que tu te sens avec ces nouveaux morceaux et ta nouvelle direction sur scène ? Comment est-ce que tu ressens le retour du public par rapport à ça ?
Ben l’Oncle Soul : Bah c’est très cool ! Là, on repart avec une équipe qui ressemble à celle de l’enregistrement de l’album, sans Gunnar parce qu’il a des dates avec Gunwood. Mais en gros, on est dans la cellule la plus intimiste possible avec un orgue Hammond, avec mon ami Damien Cornélis, ce genre d’instrument c’est un meuble hein, mais qui ramène ce côté Gospel que j’ai un peu voulu transmettre avec l’album. S’il y a un mot que j’aurais dû garder pour être une sorte de fil conducteur entre les morceaux, j’aurais dit “Gospel”, par rapport à sa signification et l’importance de la voix dans cette musique-là. Je dirais que c’est un album Gospel parce que je m’interroge aussi sur ma foi, sur la question de Dieu, etc.. du coup je trouvais ça cool de me dire que c’était un album de Gospel mais sans chœur et l’attitude inhérente. C’est plus intime, mais finalement cette bonne vieille scène nous fait transpirer quand même, et puis on joue pas que cet album-là, on joue aussi des titres des cinq d’avant. Le mélange de tout ça fait que j’ai quand même voulu retrouver cette ambiance de studio sur scène. On a les tapis, on est dans un truc un peu plus intimiste. Mais bon, ça finit quand même par danser hein (rires). Mais oui, on est moins nombreux sur scène et il n’y a pas de choriste ni de cuivres, ce qui était un peu mon habitude, d’avoir un soutien à ce niveau-là mais là on est vraiment dans la sonorité qui ressemble le plus à l’album.
La Face B : Et du coup, tu as mis le français de côté, pour préférer à l’anglais. C’est la seule langue présente sur l’album. Est-ce que c’est un choix purement artistique, motivé par sa sonorité, ou c’était peut-être aussi une volonté de t’exporter ?
Ben l’Oncle Soul : C’était une volonté d’être très honnête avec mes envies du moment (rires). La langue anglaise est le berceau de la musique que j’adule. En tant que passionné de la musique afro-américaine, je l’ai découverte avec cette langue. Ça me semble très difficile de le faire dans une autre langue, mais ça reste encore très subjectif. Le fait est que pour le coup ça m’a amené dans un univers un peu différent de ce qu’on était en train de vivre avec les mauvaises nouvelles, la télé, les mauvaises informations en permanence, les prises de parole du Président, et j’en passe. En gros, le français était un peu à ce moment-là, à part dans l’échange positif avec mes enfants et ma femme, mais c’était devenu la langue de mon problème principal et de mon enfermement à ce moment-là. Je me suis dit que l’anglais là était plus associé à tous mes voyages, et la langue qui me permettait de communiquer avec des gens à l’autre bout du monde quand j’avais la chance de pouvoir y aller en voyage. Donc en gros, l’anglais me permettait de me rappeler que j’étais connecté avec les autres et avec le monde entier finalement, même si j’étais isolé chez moi devant mon piano. C’était aussi la volonté de se connecter avec le reste du monde, et puis de se connecter avec la musique.

La Face B : Ok super ! Alors il y a une question que j’aime bien poser aux artistes. Est-ce que tu as en ce moment des projets que tu écoutes, des artistes, des albums ou même juste des morceaux ? Des choses qui tournent beaucoup dans tes oreilles en ce moment ?
Ben l’Oncle Soul : En ce moment, il y a un morceau que j’écoute vraiment tout le temps, je l’adore, je l’écoute tout le temps (rires). C’est un morceau de Marlon Coles, que je découvre, je l’ai entendu dans une série sur Mike Tyson. Je l’ai Shazam direct. Je crois qu’il y avait 300 vues sur le bordel donc c’est vraiment un mec qui a pas nécessairement l’air d’être connu. Le morceau s’appelle Lay My Burdens. Il y a quasiment pas de refrain, c’est une espèce de ritournelle avec toujours la même mélodie qui tourne en boucle et ça m’a rendu complètement heureux (rires) !
La Face B : C’est le genre de boucles hyper satisfaisantes sur lesquelles t’as envie de retourner à chaque fois. Limite de la mettre en boucle.
Ben l’Oncle Soul : Exactement ! Ouais, en plus je crois que le morceau est assez court. Il dure genre 2:20, donc à chaque fois que t’as fini il y a un goût de reviens-y. C’est pas systématique, mais je trouve ça cool quand on redécouvre ce plaisir qu’est le truc de la rengaine, de le remettre 36000 fois pour kiffer.
La Face B : Ouais, la découverte dont on ne peut pas se passer et qu’on est toujours en train d’écouter.
Ben l’Oncle Soul : Ouais ouais ! Qui au final est assez proche du plaisir que peut avoir ma fille à regarder exactement le même épisode de Tchoupi tous les matins, et je me dis : “C’est incroyable, tu connais les dialogues par cœur. Quel est le but ?”. Et tout justement, je crois que c’est très rassurant de finir par connaître une œuvre ou quelque chose quasiment par cœur dans toute sa complexité, et en même temps c’est sans doute sa simplicité qui nous a appelés vers elle au départ. C’est intéressant d’avoir des choses comme ça qu’on connaît vraiment sur le bout des doigts.
La Face B : Oui, et puis ça permet de créer un lien limite très intime avec l’œuvre en fait.
Ben l’Oncle Soul : Ouais, carrément ! Et ça me rappelle mon fils qui, je sais pas pourquoi, a eu sa période Un Prince à New York, donc avec Eddy Murphy. Et il l’a vu 13 fois d’affilée ! Au début, j’ai commencé à l’engueuler en lui disant que c’était pas possible, qu’il déconnait. Et après, j’ai commencé à rentrer dans son délire, et c’était assez plaisant de se lever et de vivre le film tous les matins, avec la même histoire. Je me levais et il y avait Un Prince à New York dans le salon. Il y a tout ce truc de la vie qui recommence, j’adore ! En fait ça m’a fait kiffer à la fin.
La Face B : Ok ! Eh bien écoute, merci beaucoup de m’avoir accordé un peu de ton temps. Ça m’a fait très plaisir !
Ben l’Oncle Soul : Bah merci à toi mec !
La Face B : Avant qu’on mette fin à l’interview, est-ce que tu aurais peut-être un petit mot de fin pour nos lecteurs ou tes auditeurs ?
Ben l’Oncle Soul : Oui ! Je suis assez content de pouvoir donner de nouveaux morceaux à écouter. Et j’espère que cet album vous plaira, parce que c’est vraiment quelque chose que j’ai fait dans le creux de mon cœur, de très sincère. En tout cas, d’essayer d’enlever, parce que c’est difficile quand c’est notre métier, d’essayer de livrer le truc le plus honnêtement possible. Et en plus de ça, on est contents du résultat avec les musiciens (rires) ! On s’est dit que c’était cool d’avoir réussi à donner ce côté intimiste et on espère que ça vous plaira. Bonne écoute et gardez la pêche !