Une conversation avec Bolis Pupul

Reconnu mondialement pour son travail avec Charlotte Adigéry, Bolis Pupul a dévoilé début Mars le superbe Letter To Yu, un premier album solo en forme de lettre ouverte à sa mère et de réconciliation avec ses racines. On a longuement échangé avec le belge autour de la création de cet album, de ses influences, de ses collaboration et de la présence de sa mère, forcément.

photo bolis pupul par clara

La Face B : Salut Bolis, comment est-ce que tu vas ?

Bolis Pupul : Je me sens bien, un peu fatigué. J’ai très envie de lancer cet album et maintenant je suis en mode promo donc je fais beaucoup interview et là c’est aussi différent parce que tu commences à parler de ton travail, de comment tu travailles et toute l’histoire devient une histoire et avant ça c’était plutôt quelque chose que j’étais en train de faire et maintenant c’est une histoire que je raconte.


LFB : C’est quelque chose de plus concret finalement, il n’appartient plus qu’à toi finalement cet album, il y a des gens qui ont pu l’écouter et tu t’en sépares un petit peu ?

Bolis Pupul : Oui et maintenant ca devient quelque chose d’autre, c’est toujours un peu bizarre, j’avais ça aussi avec Charlotte, tu travailles tu fais et maintenant tu deviens un peu plus conscient de ce que tu as fait et ça devient quelque chose d’autre, ça transforme dans une autre forme.

LFB : C’est ton premier album solo et c’est déjà une étape importante. Mais je trouve que l’histoire qu’il y autour de l’album elle le rend encore plus important parce qu’il y a quand même une histoire hyper personnelle qui a poussé à la création de cet album qui n’aurait peut-être pas existé autrement ?

Bolis Pupul : Oui c’est vrai, pour moi c’est aussi peut être la première fois que je suis aussi personnel, intime, sur un album. C’est mon premier en solo et je raconte quelque chose qui parle de mes racines, de mon héritage et oui ça a pris un peu de temps d’être confiant, d’être dans cette position de partager mon histoire et l’histoire un peu de ma mère.
Je pensais toujours que ce n’était pas assez intéressant pour d’autres gens mais là j’ai Stephen et David de Soulwax qui m’ont poussé à le partager, à écrire sur mon monde.

LFB : Ce qu’il y a d’intéressant c’est qu’en fait le jour où tu as sorti le premier single de cet album moi je t’ai vu à la Gaité Lyrique avec Charlotte et quand j’ai entendu Completely Half, j’ai eu l’impression de voir Blenda mais sans le cynisme, cette idée reconnexion à ses racines et d’accepter ce que tu étais en fait ?

Bolis Pupul : Ouais il y a une autre émotionpour cet album. Je pense qu’il y a aussi de l’humour sur l’album mais moins qu’avec Charlotte, mais peut-être parce que c’est quelque chose qui est un peu triste… J’ai beaucoup de chansons qui sont plutôt en mineur mais en même temps j’ai fait un album qui est aussi gai, heureux et il y a des chansons qui ne sont pas tristes du tout. Quand j’étais à Hong-Kong j’ai découvert beaucoup de nouvelles choses et pour moi c’était comme un autre monde qui s’ouvre. Et oui je voulais aussi que cette partie fasse partie de l’album.

LFB : J’ai l’impression que la façon dont tu as construit l’album c’est construit comme un voyage, qui est le voyage que tu as fait justement à Hong-Kong mais qui est aussi un voyage intime parce que le premier morceau c’est la lettre que tu as écrit à ta mère mais qui est traitée de telle manière qu’on a l’impression que tu es un peu hors de toi, un peu dans un rêve, dans le traitement de la voix. Et le dernier morceau tu utilises justement des enregistrements vocaux de ta mère, et ce sont deux morceaux très atmosphériques et qui forment un peu une ouverture et une fermeture assez évidentes du voyage que l’on fait en fait à travers les morceaux je trouve ?

Bolis Pupul : Ah oui oui, c’est très bien comment tu expliques ça! Moi je me souviens que l’autre fois Charlotte et moi on avait aussi cette pensée que tu racontes très bien ce qu’on fait ! Et ça me fait du bien que tu dises ça, je suis complètement d’accord. L’ouverture c’est moi qui raconte une histoire à ma mère … Pas forcément une histoire mais la situation dans laquelle j’étais.

J’avais juste besoin de parler avec elle et j’avais plein de petits papiers je lui ai écrit un petit mot et quand j’étais à Gand j’ai écouté avec Stephen et David tout ce que j’avais fait mais aussi je leur avais expliqué que j’avais écrit une lettre à ma mère et eux ils étaient « ah oui on veut lire ça aussi est-ce que tu peux le partager ? » et là j’ai lu la lettre et là on s’est dit que c’était la base pour cette album. Ils m’ont dit que c’était plus clair maintenant, et qu’il fallait que je retourne à Hong-Kong pour écrire plus et encore et aller plus loin dans l’histoire.

Et j’ai fait ça en 2019 et comme ça j’avais beaucoup de chansons, de démos, de maquettes, pour finir à Gand. C’était énorme parce que j’ai fini tous les morceaux en 2023 donc ça a pris beaucoup de temps de finir cet album ! Mais en même temps je pense que les chansons ont eu la chance de grandir.

LFB : Ce qu’il y a d’intéressant avec ce premier morceau c’est que j’ai l’impression qu’il y a vraiment une espèce de pudeur dans la façon dont c’est raconté, avec le traitement que tu donnes à ta voix.

Bolis Pupul : Oui j’avais besoin de me retirer un peu. J’avais besoin d’un peu de distance entre moi et la voix et c’est pour ça que j’ai coupé. Au début j’avais coupé la voix et traitée avec plus d’effet, et Steph et Dave ils ont un peu retiré ça mais on a encore gardé le repitching de la voix . Mais c’est vrai parce que moi je ne me sentais pas à l’aise, naturel avec cette lettre.

LFB : Et finalement ça enchaine avec ce morceau où tu te dévoiles et c’est vrai qu’on a rarement l’occasion de t’entendre chanter en fait, c’est quelque chose qui pour moi était assez nouveau et justement avec un morceau comme ça où tu es très intime…

Bolis Pupul : C’est vrai, j’avais d’autres groupes avant, un groupe qui s’appelait HongKongDong et là je chantais tout le temps ou presque, ensemble avec ma sœur, mais c’est vrai dans mon travail solo je n’ai pas beaucoup chanté, c’était plutôt déclarer des choses ou en chinois.

LFB : Ce qui est marrant c’est qu’en fait sur l’album il y a plusieurs points d’équilibre et il y a un équilibre qui se fait entre les morceaux où tu chantes, où ta sœur chante, où tu racontes des histoires et les morceaux purement électroniques ou musicaux où tu laisses travailler l’imagination des gens sur ce que tu as à raconter, je trouve ?

Bolis Pupul : Oui bien sûr. Oui c’est très vrai.

photo bolis pupul par clara
photo bolis pupul par clara

LFB : Le titre des morceaux raconte une histoire en lui-même, après tu peux laisser ton imagination voyager en fait à travers ce que tu as envie de raconter dans ta musique je trouve ?

Bolis Pupul : Ouais et je pense aussi qu’il y a un peu d’humour, par exemple dans Cantonese, parce que pour moi c’est aussi un peu frustrant de ne pas m’exprimer en chinois mais là c’est en chinois cantonais et mandarin. Quand j’ai pris des cours de chinois j’ai pris des cours de mandarin parce que presque toute la Chine parle le mandarin et le cantonais c’est plutôt à Hong-Kong et d’autres régions. Donc quand j’étais à Hong-Kong j’étais un peu frustré parce que je voulais parler en mandarin mais c’est aussi un peu politique. Ce n’est pas que les gens me détestent et me disent que je ne peux pas parler mandarin mais c’était toujours un peu difficile de parler en mandarin là bas.

LFB : Un morceau comme Spicy Crab par exemple, dans la façon dont il est construit il y a plusieurs évolutions et limite on a l’impression que la personne prend un acide, il y a vraiment l’évolution où on peut ressentir l’effet du crabe sur la personne j’ai l’impression, j’ai l’impression qu’il y a des moments où c’est plus calme et des moments où ça frappe beaucoup plus comme s’il y avait un retour de l’histoire en fait ?

Bolis Pupul : Absolument. Je pense que quand tu manges, manger c’est quelque chose qui a un début, une ouvertur, des fois c’est une composition aussi, tu commences avec certains goûts et tu travailles d’autres côtés, quand tu as fini le dessert il y a une autre dimension et j’ai pris un peu cette idée de construire ce morceau. Je suis content de ce que j’ai pu faire avec cette chanson, l’idée que j’avais de construire un morceau qui parle d’un plat.

LFB : Mais c’est ça comme tu dis, on sent les fluctuations des saveurs du plat en fonction du rythme de la musique je trouve, ça donne presque envie d’aller le manger pour voir si ça fait le même effet que le morceau !

Bolis Pupul : Là c’est bien !

LFB : Pour moi il y a un autre point d’équilibre dans l’album c’est l’équilibre entre tes deux origines, les influences de la Belgique et de la musique que tu fais qui est faite par Deeweeet les influences des musiques plus asiatiques et chinoises et qui viennent se confondre dans les morceaux et je trouve que tu as justement trouvé ce point de balance entre les deux tout au long de l’album, notamment sur un morceau comme Frogs qui est un morceau qui est très percussif, très techno européenne et qui en même temps a beaucoup d’influences asiatiques je trouve ?

Bolis Pupul : Ah oui ? ah super merci. Oui Frogs c’était pour moi aussi un morceau que j’aime bien et là j’ai pris un sample de quelqu’un qui parlait des grenouilles et après j’ai demandé à quelqu’un de traduire les mots en cantonais et elle a parlé tout le texte mais c’est vrai il y a des choses orientales, des petits arpeggio et en même temps il y a de la Chicago House dedans aussi, du new beat, et je suis content parce que pou moi c’est mon identité aussi. J’ai des influences asiatiques dans ma musique mais aussi j’adore un coté club, et en Belgique on a une très riche histoire de la musique électronique.

LFB : Est-ce que c’était important pour toi d’être complet dans ce que tu voulais présenter sur cet album-là, de pas avoir l’impression d’avoir favorisé un côté par rapport à l’autre ? Pour moi il y a tout au long de l’album et selon les morceaux, il y a des moments où ça prend plus le pas mais au final j’ai vraiment l’impression que tu as pu puiser dans ce que tu es pour pouvoir le représenter en musique en fait ?

Bolis Pupul : Oui merci !

photo bolis pupul par clara

LFB : Et justement est-ce que tu as fait des recherches particulières ou est-ce que tu avais des envies particulières dans la création de cet album ?

Bolis Pupul : Hum pour moi le plus dur c’était d’être dans le moment et de traduire ce que j’avais en moi, quand j’étais dans un parc ou à la mer, dans un restaurant, avec un petit clavier et d’écrire ce que je sentais et d’être dans le moment. Et après oui j’ai encore beaucoup de possibilités de traiter les sons, de traiter un montage, mais ce n’était pas … je pense que ce n’est pas facile et en même temps il ne faut pas trop penser, et je pense que c’est un peu la même chose avec la méditation, ce n’est pas simple mais en même temps c’est le plus simple car tu ne dois penser à rien et dans la création de la musique des fois je pense que c’est bien d’écrire sans s’auto-diriger, sans censure, parce que des fois je suis mon propre ennemi, le plus grand ennemi ! Et là j’ai besoin d’être clair dans ma tête et puis il y a quelque chose qui vient, des fois c’est bien des fois c’est moins bien, des fois c’est ridicule !

LFB : Tout au long de l’album il y a un côté un peu alchimiste, un peu magicien, dans le sens où tu laisses entrer des éléments du monde pour les transformer en musique. Quand tu prends des bruit du métro ou des bruits de la ville ou quand tu enregistres le médecin qui te parle pour en faire une chanson, il y a toujours cet espèce de mélange où tu partages ton expérience et tu la transformes en musique.

Bolis Pupul : Oui absolument. Oui c’était aussi le rendez vous avec le médecin c’était très gai, je peux rigoler de cette rencontre mais je ne savais rien et j’avais envie de me faire une petite balance ou de faire comment tu dis une recherche ? donc il m’a, pas recherché, il a fait un check up sur mon corps, j’étais sur sa table et il a mis comme un barbecue sur mon dos et c’était assez chaud et moi j’étais là « ah oui ça fait mal » et lui « non c’est bien c’est bien » et après avec des cups, donc tout mon dos était complètement bleu et violet, c’était dégueulasse… Je voulais savoir ce qu’il pensait de ma santé et il m’a expliqué les choses mais je ne pouvais pas comprendre ce qu’il disait, c’était en mandarin mais je ne l’ai pas appris beaucoup donc j’ai enregistré sa voix pour savoir ce qu’il disait et après j’étais à Gand, j’avais un morceau et je pensais à peut être je peux utiliser quelque chose dessus et j’ai pensé à cet enregistrement et c’était comme un collage qui marchait magnifiquement bien.

LFB : Mais est-ce que tu as l’impression d’avoir été surpris toi-même par là où la musique et là où ces expériences-là t’amenaient par moments ? est-ce qu’il y a des choses dans l’album auxquelles tu t’attendais pas et qui ont justement créé cette espèce de magie comme tu dis, de perfection sans s’y attendre en fait ?

Bolis Pupul : Il y a un autre morceau aussi où j’avais un peu la même chose, c’est Good Night Mister E, et là j’étais dans mon studio, je travaillais sur la mélodie et le séquenceur et en même temps ma sœur m’envoie un lien de Youtube et c’était un lien d’un groupe qui s’appelle Dom, c’est une minorité en Chine.

Et pendant que j’étais en train de faire ce que j’étais en train de créer j’entends les voix, les chœurs, et ça collait complètement à ce que j’étais en train de faire, j’étais là « ah comment. Ah oui je dois utiliser ça » c’est comme un peu de magie aussi et j’ai dit à ma sœur « merci beaucoup je vais l’utiliser ! » et après j’ai envoyé un message au mec qui a enregistré cette vidéo pour savoir si je pouvais utiliser l’audio pour ma musique mais des fois tu as des choses qui sont un peu par hasard et c’est fou !

LFB : Finalement tout ça raconte une histoire même sans le vouloir. L’album raconte des choses sur toi et j’ai l’impression en fait quand tu creusais en toi et que tu apprenais des choses ça t’aidait à construire les morceaux après. Quand tu allais rechercher des choses en toi, un peu plus introspectives, ça t’aidait après à construire les morceaux et à créer une expérience sonore à partager avec les gens ?

Bolis Pupul : Oui absolument. Ça aide et oui je pense toutes mes expériences à Hong-Kong m’ont encore, aussi les 2-3 ans après, influencé pour finir cet album et aussi je pense d’écrire des chansons, je pense à Casual B c’est quelque chose que j’ai commencé à Gand en Belgique mais c’était aussi avec tout ce que j’avais dans ma tête de Hong-Kong donc oui même dans cette direction ça peut aider, influencer.

LFB : Et du coup en parlant d’influences, et en parlant d’éléments importants qui viennent apporter une touche d’émotion sur l’album, est-ce que tu pourrais me parler du morceau que tu partages avec ta sœur, qui est un morceau sur lequel vous parlez de votre mère et qui pour moi est aussi une des pierres angulaires avec le début et la fin de ce que veut raconter l’album ?

Bolis Pupul : Ma Tau Wai Road c’est un morceau qui parle de la rue, de ma mère, mais aussi qui parle plutôt de gratitude et le regret. Donc oui quand j’étais la pour la première fois c’était complètement comme ça que je me sentais, avec gratitude pour ma mère, pour ce qu’elle a fait pour moi et ma sœur, et aussi de regrets d’être là sans elle et je me souviens les premières idées comme par exemple la mélodie, j’ai écrit ça dans une petite chambre dans un hôtel, j’avais un hôtel très proche de la rue Ma Tau Wai Road, juste au coin, et j’ai essayé d’être avec toutes mes pensées dans cet espace et c’est là que j’ai écrit cette mélodie et les premiers accords pour écrire ce morceau.

Et pour moi c’était aussi très important que ma sœur soit sur l’album parce que j’ai fait de la musique avec ma sœur toute ma vie et avec HongKongDong on était tout le temps ensemble et maintenant je suis plutôt en train de tourner avec Charlotte et avec mon propre album et j’ai encore un autre groupe qui s’appelle The Germans et j’avais besoin d’avoir ma sœur près de moi et pour l’album aussi. C’est très personnel, ça raconte ma mère et elle était peut-être la personne la plus importante dans ma vie. Et j’aime bien travailler avec ma sœur aussi, elle chante très bien, elle donne toujours quelque chose de spécial, je lui demande à elle de faire quelque chose.

LFB : J’avais vu que à la base tu avais prévu de la chanter toi-même la chanson c’est ça ? Finalement tu as réalisé que ça fonctionnait pas et tu es allé chercher ta sœur ?

Bolis Pupul : Oui c’est ça, pour moi c’était une solution de lui demander ça, et aussi le thème de la musique c’est logique que je demande à Sarah de chanter ça.

photo bolis pupul par clara

LFB : Je me demandais, si tu as un peu de recul sur la création de l’album, est-ce que au final tu te rends compte que l’album et les thématiques c’est-à-dire créer cet espèce de journal intime un peu sonore et tout ça, d’avoir fait un album sur la vie avec des propos et des émotions qui sont tellement universels qu’en fait t’as réussi à reconnecter ça aux émotions que les gens vont ressentir tu vois, l’absence d’une mère, ou des choses comme ça, c’est tellement universel qu’au final tout le monde va réussir à ressentir et comprendre ce que tu as voulu faire dans cet album je pense ?

Bolis Pupul : Oui mais je ne me suis pas rendu compte du public quand j’étais en train d’écrire et c’est quelque chose j’ai encore du mal à comprendre je pense des fois, aussi avec Charlotte, quand on écrit par exemple Blenda on n’avait pas pensé que c’était quelque chose que des gens pourraient identifier, et peut être avec Completely Half j’ai eu des pensées un peu similaires.

Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont des racines mélangées mais peut être aussi des gens qui ont perdu leur mère… Pour moi c’était personnellement juste ce que moi je vivais et je n’avais pas vraiment d’ambition pour les autres, je ne pensais pas que c’était intéressant pour d’autres personnes, ce que j’étais en train de faire. Et là aussi Stephen et David m’ont donné la confiance d’aller plus loin, d’aller encore… c’était vraiment intéressant et c’est très important que d’avoir des feedbacks des gens qui comprennent ce que tu es en train de faire avant que tu saches ce que tu es en train de faire.

LFB : Est-ce que tu as réussi, au-delà de soigner, pardonner certaines chose à travers la musique, est-ce que tu as l’impression d’avoir évolué grâce à cet album, en tant qu’humain et en tant que musicien ?

Bolis Pupul : Peut-être oui. C’est aussi maintenant quand l’album est fini, je réalise que j’ai beaucoupparlé beaucoup de ma mère, beaucoup plus que d’habitude et ça m’émeut encore, je suis encore ému de parler d’elle et de temps en temps, tous les jours avec ma sœur on parle d’elle et je pense que cet album c’est vraiment mettre ma mère sur un piédestal et honorer ce qu’elle a fait pour moi et ma sœur et je suis très triste encore qu’elle ne soit plus là…

LFB : Oui tu as créé, comment dire, un souvenir sonore de ce qu’elle était et de ce qu’elle te rappelle, cet album-là c’est ça en fait, c’est vraiment, c’est comment dire, un hommage à ce qu’était ta mère et à ce qu’elle t’a poussé à faire, parce que finalement ce voyage là c’était aussi pour te reconnecter à ce qu’elle était et c’est ça qui a créé l’album.

Bolis Pupul : Oui. Elle était avec moi sur tout l’album et oui peut-être ça aboutit aussi que tu as des choses dans ta vie qui sont très négatives ou tristes, et de les transformer en quelque chose qui est plutôt positif, ça m’a pris plus de 15 ans …

LFB : Finalement cet album là c’est de la spiritualité par la danse en fait, parce qu’il y a ce côté spirituel, et ce rapport aux « esprits », des choses qui sont moins européennes qu’asiatiques, parce qu’il y a un rapport beaucoup plus prenant sur les gens qui sont partis et tout ça dans la culture asiatique, et en même temps c’est un album qui est très dansant en fait et qui transforme une peine en quelque chose de joyeux comme tu dis.

Bolis Pupul : Oui c’est vrai, la spiritualité sur le dancefloor…

LFB : Oui c’est ça ! Je pense que ça correspond bien à cet album-là.

Bolis Pupul : OK oui super, j’avais pas vu ça comme ça mais oui je trouve ça très beau.

LFB :  : Et justement en parlant de dancefloor, comment est-ce que tu le vois vivre cet album-là, sur scène ?

Bolis Pupul : Plutôt pour le dancefloor, pour l’instant j’ai un set qui est vraiment complètement pour le dancefloor et c’est plutôt le focus sur les beats et l’énergie que pour les émotions et les subtilités de l’album. Peut être je peux encore changer les choses, je suis encore en train de chercher comment je vais faire, par exemple une chanson comme Good Night Mister Yi, est-ce que ça a une place quand tu es en train de danser ? Ca change un peu l’atmosphère et en même temps j’aime bien laisser les gens danser et de pas être , comment on dit, take them off their cloud…

LFB : Mais j’ai l’impression qu’en fait c’est un album que tu pourrais faire vivre tout seul justement avec ce côté dancefloor, et tu pourrais aussi créer une espèce d’identité avec un groupe qui permettrait justement d’explorer des choses un peu plus live et un peu plus émotionnelles en fait ?

Bolis Pupul : Oui il y a plusieurs couches pour expérimenter l’album et en live plutôt en premier degré mais il y a aussi peut être des choses à faire un peu plus intimes ou avec une autre approche…

LFB : J’ai une dernière question : d’habitude je demande aux gens leurs coups de cœur récents mais là j’ai plutôt envie de te demander s’il y avait des livres, des films, des choses qui t’ont accompagnés pendant la création de cet album et que tu aurais envie de partager avec nous ?

Bolis Pupul : J’avais, c’était plutôt pour la vidéo de Completely Half, j’avais utilisé In The Mood For Love de Wong Kar-Wai comme idée ou première direction et j’avais pris quelques images de son film et j’ai mis ça sur ma musique. Et là j’ai parlé avec Bieke Depoorter qui a réalisé la vidéo et j’ai expliqué que j’avais quelque chose comme ça dans ma tête comme atmosphère et elle a compris ça directement et elle a ajouté beaucoup de son monde aussi donc c’est pas comme une copie de Wong Kar-Wai, ce n’est pas possible aussi parce que là…

LFB : Oui parce qu’il est trop fort !

Bolis Pupul : Il est trop fort c’est impossible de copier ça mais en même temps j’avais le sentiment qu’il était quelque part dans ces images, que je sentais, et jouer avec l’idée de quand je me promène dans la rue il y a des fois où je vois des gens qui ressemblent un peu à ma mère, ou à mon grand-père et c’était juste des millisecondes que j’avais cette idée et de jouer avec cette subtilité. Et Bieke elle a fait un grand boulot là pour réaliser ça parce que c’était pas facile à recréer cette direction mais je suis hyper content qu’elle ait réalisé cette vidéo, elle est très forte dans tout ce qu’elle fait ! C’était un très beau cadeau et avoir Wong Kar-Wai comme influence c’était peut être aussi logique mais en même temps ça marchait assez bien sur ma musique.

Merci beaucoup !

Bolis Pupul : Avec plaisir, j’étais content de te revoir !

Crédit photos : Clara de Latour