Interview B.F.F #2 : Martin Luminet & TERRIER

B.F.F ; Best Friends Forever. Dans ce format, on interroge le rapport amical et l’influence qu’il peut avoir sur la musique de deux artistes. Dans ce second épisode, on s’est posé autour d’un verre avec Martin Luminet et TERRIER.

Martin Luminet TERRIER

La Face B : Comment est-ce que vous allez messieurs ?

Terrier : Bien.

Martin Luminet : Très bien.

La Face B : Quelle définition vous donneriez à BFF ?

Martin Luminet : Comment on va déjà t’as dit !!

Terrier : Ca veut dire quoi ? Best Friends Forever c’est ça ?

Martin Luminet : Ah… Moi j’croyais que c’était Burger For Friends… (rires)

La Face B : Burger Frites Fondue…

Martin Luminet : Nan mais je vais raconter ce que je dis à tout le monde, je viens de Lyon et je suis venu à Paris pour la musique. Et j’aime bien rencontrer des gens mais c’est vrai que tu viens pas pour te faire des amis. Tu viens pour bosser puis faire des rencontres et tout… Et avec David, le fait d’avoir fait le Chantier (des Francofolies) ensemble et puis il m’avait écrit sur Soundcloud quand j’avais commencé à créer des premiers sons…

Terrier : C’est au moment où je me mettais au français.

Martin Luminet : Et en vrai, ça a été la première rencontre que j’ai faite à Paris et c’est devenu un ami du point de vue intime. Et ça je ne m’y attendais pas trop. Parce que tu te dis à notre âge, on a déjà nos amis, on n’a pas besoin de ça. Et ça c’est assez cool de te dire que dans la musique tu peux rencontrer des gens. Et quand on se voit on se parle moins de musique.

Terrier : C’est un métier où j’ai l’impression qu’en fait indirectement tous les gens sont vite en compétition et peuvent vite se le dire. Et même si tu as des bandes de personnes qui sont musiciens qui s’entendent bien et qui sont soi-disant potes. Je trouve que cette relation elle ne se définit pas ce truc-là. Il y a eu grâce à la musique notre rencontre mais je pense qu’on pourrait être très bien potes comme on est aujourd’hui sans la musique. On se voit, on peut bouffer ensemble sans pour autant parler de trucs… On peut bitcher sur Vianney sans problème, si c’est ça parler musique mais plus parler des trucs communs… Tu ne m’écoutes pas, Charles ! (sourire)

Martin Luminet : (rire)

La Face B : Si si (sourire) Tu veux Vianney vanner ? (rires) Bon. Quelle influence a votre amitié sur vos projets artistiques et quel rôle joue l’autre sur le regard que vous portez à votre musique ?

Martin Luminet : Je fais écouter à peu de personnes ce que je fais à l’état de maquette. Ben (Benjamin Geffen) parce qu’il les fait avec moi, je fais écouter à Marion (Marion Richeux) évidemment parce qu’elle bosse avec moi et David ça doit être la troisième personne qui écoute chacune de mes maquettes à chaque fois, parce que j’ai confiance en lui sur le texte, je sais qu’il m’a capté. Je sais pas comment dire. Il a compris ce que je voulais faire, ce que je voulais être et pour moi l’influence que ça a c’est pas musical, c’est simplement le fait de savoir que quelqu’un te connaît et sera là pour te dire quand t’es en train de t’éloigner de ton axe ou que tu pourrais aller plus loin ou que t’as déjà dit ça…

Le vrai indicateur d’amitié dans la musique c’est les personnes qui te disent ce qu’il faut améliorer pas les gens qui disent que tout va bien, que ce que tu fais est super et tout. C’est parce que tu prends un risque à dire ça aussi, à dire « tu pourrais améliorer ci, améliorer ça » mais ça, pour le coup, je trouve qu’on le fait assez bien. On se préserve aussi, on se le dit bien. Mais je sais qu’à chaque fois que j’ai un son, j’ai aucune chanson que je ne t’ai pas fait écouter… C’est ça l’influence que ça a. C’est une étape qui est devenue un peu incontournable pour moi dans mon cheminement artistique. J’ai fini ma première partie de réponse.

Terrier : J’ai rien à ajouter mais c’est exactement pareil. C’est le rôle d’un pote, c’est quand tu fais de la merde, qu’il sache te le dire avec les mots et tout ça. J’apporte beaucoup de crédibilité à Martin parce qu’à partir du moment où je me suis mis au français, c’est là que je lui ai envoyé un message… C’est le titre Garçon qu’il avait sorti en démo, c’est un des titres où je me suis dit « oh putain en fait le français ça me plaît » et il y avait peu de titres dans le paysage musical français où je me disais « putain ça me plaît ». Dans ce titre-là, je me retrouvais, il y avait un truc qui me plaisait où je me disais « oh c’est bien, oh ça avance » Pour moi, c’était un peu le titre diapositive où t’as plein d’exemples qui s’y collaient, je me retrouvais dans le thème, j’me disais tu peux raconter des trucs cool en français donc en fait savoir raconter des histoires, savoir raconter des trucs cool Martin sait le faire depuis longtemps et moi c’est un objectif et donc quand je fais un texte, j’adore avoir son avis parce que si jamais ce truc n’est pas là, je sais qu’il me le dira !

La Face B : C’est quoi votre morceau préféré de l’autre et pourquoi ?

Terrier : C’est Garçon encore. Parce que c’est comme ça que j’ai découvert Martin et je pense qu’en fait il aura beau créé n’importe quel chef-d’œuvre possible ça restera mon morceau préféré. Nan vraiment. C’est plus qu’un morceau où on s’échange des trucs tout ça, c’est un souvenir. J’ai le souvenir d’avoir découvert Martin comme ça et en général quand tu découvres quelqu’un artistiquement et que t’as un crush, en plus que t’aimes la musique, t’aimes le texte, c’est une émotion très forte. Et même si c’est ça sur plein d’autres de ses titres, cette émotion-là elle est tellement complète que… Peut-être un jour… Peut-être que s’il parle de ma mère (rires).

Martin Luminet : (rires) Moi c’est Naissance, c’est bien Naissance le dernier titre de l’EP ? (rires)

Terrier : Où je parle de ma mère ? Ouais… (rires)

Martin Luminet : C’est le titre qui me fumait le plus de David. Parce que c’est la partie la plus dépouillée de lui… C’est ce genre de morceaux où moi ça m’emporte… J’aime bien voir chez les artistes le côté où on se désarme parce qu’on est toujours en train de s’accrocher au peu de confiance qu’on a en nous et une fois que t’as cette confiance, je trouve que le vrai risque c’est d’accepter de lâcher un peu le bord, lâcher l’armure, la garde…

Sur Naissance ça m’a vraiment fait chialer, un truc à me dire « putain il a réussi au plus près de ce qu’il est dans la vie » où t’assumes, de dire à nu et y a une autre chanson qui m’avait vraiment frappée, c’est Traversée punk. Je me souviens exactement de ce que je faisais le jour où je l’ai écoutée. C’était le deuxième ou le troisième jour du confinement. J’attaquais mon confinement et on se parlait un peu mais on n’était pas encore non plus bien potes quoi… Traversée punk sort avec le clip, je me souviens que j’étais en train de faire plein de trucs, j’avais mis le clip au bord de ma cuisine et je me suis arrêté de tout faire parce qu’y avait un truc dans mon téléphone qui m’emmenait au-delà de mon appart, c’était sur les plages et tout. Ca partait sur les plages en noir et blanc et tout. J’me souviens m’être dit « je serai content quand le confinement sera terminé parce que je vais retrouver ce gars-là que je trouve assez cool » et je faisais des pommes dauphine à ce moment-là d’ailleurs.

Martin Luminet TERRIER
Martin Luminet TERRIER

La Face B : Qu’est-ce que vous aimeriez voler chez l’autre ?

Terrier : J’aimerais voler ses blagues sur scène et sa sensibilité, un truc très premier degré pour en faire quelque chose de second degré et qui passe extrêmement bien. Parce qu’en fait la double émotion ça me torture, ça va me broyer à l’intérieur et à la fois t’as envie de chialer, t’as la boule au ventre, y a un truc qui se serre et en même temps t’es content, tu sors de ça, tu t’es pris une vague et en fait y a peu de gens qui l’ont. C’est un truc que je cherche à faire et à travailler, c’est un truc qui me plait, que j’aimerai beaucoup avoir.

Martin Luminet : Mercredi aprèm j’fais des cours, « la double é ». J’espère que tu comprends rien (rires).

Un chien fait son irruption à la table.

Terrier : Oh c’est un chien magnifique ça !!

Martin Luminet : Il est trop beau, il a les yeux bleus et tout !

Terrier : C’est un berger australien ? Eh viens là le chien !

Martin Luminet : Viens ici tout de suite ! Viens montrer comme t’es magnifique ! (rires) Viens là le chien ! Les pauvres chiens, ce qui se prennent dans la bouille n’empêche, personne sait leur parler ! Et c’est qui le pépère ?

Le chien repart.

La Face B : Et toi du coup ? J’ai l’impression d’être prof d’école (sourire)

Terrier : Il va dire « son niveau à Fifa » (rires) Ca lui ferait du bien.

Martin Luminet : Il y a rien, y a rien. Son sang-froid à Fifa, ouais ! Le truc où je sens que moi j’ai du chemin à faire c’est le degré de prendre des risques, de ne pas avoir peur de tout miser. Je m’explique : c’est que là, tu as fait le concert au PopUp avec tout le nouveau répertoire et je me souviens qu’au moment où tu étais en train de réécrire tout le nouveau répertoire, je n’ai pas peur de me dire que la vie c’est des cycles, je passe à un autre cycle, je repars de zéro et j’ai pas peur de partir sur des nouvelles chansons, de reconsidérer mon image, de reconsidérer tout…

Terrier : Là où t’es con c’est que si, j’ai peur (rires)

Martin Luminet : Nan mais je sais bien. Ce que je veux dire c’est que tu le montres pas, tu vas au bout du truc. Ta peur l’emporte pas. Ce qui m’impressionne c’est de pas avoir peur de se jeter dans le feu et de vraiment tout jouer. C’est pas genre je mise petit à petit et j’y vais à tâtons. C’est je joue tout et je me souviens que tu m’avais dit « si les nouveaux morceaux prennent pas, tout le monde s’en fout, j’arrête tout, j’arrête Terrier » et je sais que t’es sincère quand tu le dis. Moi je me dis mais jamais je laisserai mon cerveau penser ça parce que je céderai au bout d’un moment de me dire « bon bah évidemment j’arrête » mais là j’me suis dit putain…

Faut être courageux pour dire ça parce que franchement y a peu de gens qui se l’avouent ça « ok si je suis pas entendu, j’suis pas écouté, ce qu’il faut que je fasse c’est pas que je m’acharne sur ma musique, sur les gens bah j’arrêterai » et en fait, la plupart du temps, quand t’y vas comme ça et que t’as rien à perdre, c’est là où t’es le plus vrai. Et moi ça m’a bluffé. Surtout que c’était une période où on est souvent traversés par plein de doutes, plein de choses et plein d’épreuves et au milieu de ces épreuves, arriver à se dire « Vas-y là, je parie que je vais rebondir sur que du neuf. C’est-à-dire que je vais prendre zéro repère, zéro balise. » Ca, ça m’a fumé. Et je pense que j’en doutais pas à l’époque que ça marcherait. En voyant le concert d’hier et tout le chemin parcouru, la sortie de titre, la tournure que prennent les choses, j’me dis « Ca a marché, c’est fou ». Un peu tête brûlée, quoi.

Terrier : Nan mais c’est foncer tête baissée mais en vrai…

Martin Luminet : Tout en réfléchissant…

Terrier : Nan mais je bosse comme si c’était des titres sous casque tu vois…

La Face B : Chaque jour comme le dernier palapapa (sourire)

Martin Luminet : Palapapa exactement. Nan mais j’trouve ça beau !

Terrier : Toute façon j’ai pas le choix ! (rires)

La Face B : Est-ce que vous avez une qualité et un défaut à nous donner de l’autre ?

Martin Luminet : On ne parle pas à Fifa hein !!

Terrier : J’ai le défaut, direct ! Et la qualité aussi. C’est la personne la plus bienveillante que je connaisse et c’est la personne la plus en retard que je connaisse !

Martin Luminet : Ouais c’est vrai, c’est vrai… Mais tu as vu à quelle heure je suis arrivé ? Moi je dirai que David c’est la personne la plus intègre que je connaisse. Autant moi, je peux me faire corrompre et des fois je peux être gentil par peur d’être méchant, des fois c’est pas de la méchanceté que d’être honnête et David je ne l’ai jamais vu être malhonnête. Vraiment. Même quand tu parles d’autres gens, il y a toujours un truc où je me dis le gars est droit…

Terrier : C’est pour ça qu’y a plein de gens qui m’aiment pas (rires)

Martin Luminet : C’est une qualité que j’admire. Le défaut de David… ? J’en ai plusieurs en tête mais c’est vrai que c’est toujours en rapport avec le foot du lundi soir. Il vient pas au foot. (rires) Nan j’sais pas, il a pas de défaut !

Terrier : Je pète énormément !

Martin Luminet : (rires) Attends, je cherche un truc intéressant à dire ! Je cherche un défaut qui me rend fou.

Terrier : Arrête, tu fais ton lèche-cul là !

Martin Luminet : Nan attends ! T’es un canard !! Tu vois plus ta meuf que tes potes, ça me rend ouf !! (sourire)

Terrier : Ca me rend heureux !

Martin Luminet : Nan mais je sais bien c’est pour ça que je t’en veux pas ! Du coup ça a un rapport avec le foot du lundi soir (rires)


La Face B : Est-ce que vous avez un secret à nous révéler sur l’un ou sur l’autre ?

Martin Luminet : Non non pas de secret. Je crois que c’est ça aussi le truc de l’amitié, c’est pas de secret et s’il y en a, tu ne les trahis pas quoi. Même si c’est une merde à Fifa. Il a pas de pouce gauche à Fifa ! Il n’a qu’un pouce droit !

Terrier : (rires) Nan mais y en a pas.

La Face B : Un jour, il est arrivé à l’heure !

Martin Luminet : Nan mais les gars. C’est pas de ma faute, c’est les Velib ! C’est jamais de ma faute, c’est les Velib !

Terrier : Tu peux le prévoir, ça !

Martin Luminet : Je sais que de chez toi à chez moi, je mets 7 minutes en Velib ! Je pars des fois 40 minutes avant et j’arrive à arriver en retard !!

La Face B : Quel champion !

Crédit Photos : Céline Non

Martin Luminet TERRIER