Comment traduire en musique le futur désarticulé d’une génération hantée par la nostalgie, vouée à rejouer les phénomènes musicaux du passé ? À l’issue du Pitchfork Avant-Garde édition 2022, nous avions été saisies par la réponse clairvoyante qu’offrait Nukuluk à ce qui nous semblait être une impasse de la nouveauté au sein de la nouvelle scène indie. Qualifié d’expérimental depuis ses débuts en 2020, le collectif londonien sait conjuguer hip hop et musique à guitares sans se perdre dans le chaos des genres, lézardant au passage une certaine idée de la musique alternative actuelle. Ambitieusement située entre leur maîtrise de la production électronique et une approche émotive et visuelle du son, la musique de Nukuluk constitue bien une « nouvelle réponse contemporaine à l’art des années 1990 ». Rencontre au complet avec Luke/Syd (chant, guitare, production), Louis (batterie, production), Olivia (synthés, production), Mateo (basse, visuels), et Charles/Monika (chant).
La Face B : Outre votre travail de musicien.ne.s, certains d’entre vous sont aussi artistes visuels et vidéastes. Quelle importance le visuel a-t-il dans le projet Nukuluk ?
Mateo : Lier l’image et le son nous a toujours semblé naturel. Luke et moi travaillons ensemble dans le cinéma, Olivia et moi avons réalisé avec un ami le clip de Feel So… Les projets précédents de Charles nous ont aussi ouverts à l’idée que nous pouvions faire ce que nous voulions en tant qu’artistes. C’est très important pour nous d’avoir cet environnement, dans lequel nous nous sentons à l’aise pour créer tant de la musique que de l’art visuel, des vidéos, etc. Espérons que cela continue ainsi.
Charles : Oui, on aime beaucoup créer des passerelles entre ces mondes. C’est amusant de travailler sur la manière dont on passe des paroles et de la production d’un morceau à sa transcription visuelle. De se demander, « Dans quelle catégorie va-t-on classer cette vidéo » ? Cela permet d’étendre l’histoire, de la rendre plus large. De la raconter d’une autre manière, aussi.
Luke : C’était super d’avoir cette démarche sur notre EP, parce que les paroles de Charles contiennent énormément de choses et c’était vraiment fun d’en faire un script. En faisant nos propres vidéos, on se permet de travailler avec encore plus de gens. À Londres, on fait partie d’une grande famille faite de pleins d’artistes géniaux qui nous aident.
La Face B : Charles, dans quelle mesure cela fait-il écho à ton processus d’écriture ? Cherches-tu à écrire des paroles visuellement percutantes ?
Charles : Je ne suis toujours pas certain de la manière dont je procède. L’un de mes processus d’écriture consiste en la visualisation d’une image pour la traduire ensuite en mots. Les images sont à la base de mon travail d’écriture. Parfois, j’écris des textes dans l’unique but de susciter des images. J’ai écrit un texte sur une salle des machines mystérieuse, et les gens sont partis de là pour la vision globale de la vidéo.
Luke : Avec Charles, on a pris l’habitude étrange de s’expliquer nos paroles à chacun afin que l’autre puisse écrire l’autre couplet, et c’est une partie de notre méthode que j’estime beaucoup. Souvent, les paroles sont un moyen d’expression personnelle qui, tout en évoquant des images, demeurent profondément ambigües, tandis qu’en écrivant à deux, je sens que je dois expliquer en détail à Charles ce qui serait resté ambigu. Cela rend plus expressives les images invoquées dans nos chansons.
Charles : La qualité de l’écriture de Luke tient dans ce jeu entre sa grande expressivité, dans le sens où je sais quelle émotion cette personne ressent et cherche à me communiquer, et son ambiguïté, où ce n’est pas toujours évident de savoir à propos de quoi ou à qui il s’adresse… Tout en étant très personnel, car il ne fait pas de déclarations vides sur l’amour ou la haine de manière générale – elles viennent de lui. La majorité de mes écrits vient en réponse aux siens et à nos échanges autour. Luke est mon inspiration principale.
La Face B : Y a-t-il des références cinématographiques qui inspirent la façon dont vous concevez le son et l’esthétique visuelle de Nukuluk ?
Luke : Je pense souvent à Eternal Sunshine of the Spotless Mind quand je réfléchis à de nouveaux morceaux et à des visuels ; ce mariage entre un concept futuriste de science-fiction et l’histoire de gens qui cherchent à faire quelque chose d’aussi simple que de se remettre d’une rupture dévastatrice ou d’un traumatisme m’intéresse beaucoup. L’étrange solitude qui ressort de certaines scènes du film – je me souviens de cette scène où Kate Winslet et Jim Carrey sont dans une maison sur la plage dont le sol est recouvert d’eau – m’a marqué pendant des années, et c’est ce genre de choses que je veux mettre en musique.
Charles : La dernière que j’ai en tête, c’est Full Metal Alchemist. C’est une série à propos de deux frères génies de l’alchimie, qui perdent leurs corps dans une tentative vaine de ressusciter leur mère. J’avais un tas de textes que je n’arrivais pas à lier, et cette série a fourni le fil conducteur entre la sorcellerie, le sacrifice et la métamorphose. Dans le morceau Kick Snare, qui figure sur notre prochain EP, je suis brûlé vif pour hérésie, mais cela fait partie de mes plans : en brûlant, je trace dans la cendre un cercle de transmutation sur le sol, et je deviens le sacrifice final permettant l’invocation d’une nouvelle planète.
« Les images sont à la base de mon travail d’écriture. »
La Face B : Nukuluk serait-il un projet artistique collaboratif plutôt qu’un groupe au sens traditionnel du terme ?
Charles : C’est ce qu’on essaye de faire, oui.
Luke : Et on est extrêmement chanceux d’être entourés d’autant d’ami.e.s talentueux.ses !
Charles : On a eu un chouette moment rétrospectif récemment, quand quelqu’un avec qui on avait collaboré sur une de nos vidéos a posté son travail sur instagram et que tout le monde a commenté en se rappelant à quel point c’était génial de travailler ensemble. On a tous.tes aimé collaborer ensemble, au-delà de la musique. Cela faisait vraiment du bien de le constater.
La Face B : Vous habitez dans le sud de Londres, un endroit où la scène émergente artistique et musicale est bouillonnante. Comment évoluez-vous au sein de cet environnement ?
Luke : Il n’y a que Mateo qui est originaire de ce quartier, on l’a tous.tes suivi (rires). Il n’y avait rien pour les jeunes artistes là où j’ai grandi. Pas de scène, rien d’intéressant à voir, on sentait qu’il n’y avait pas de lieux de création ou de gens qui faisaient des choses assez intéressantes pour te faire sentir inclus.e dans une communauté plus large. Dans les quartiers sud de Londres, il y a tellement de salles et tellement de gens qui se démènent pour créer… Quand tu vois ça à 19 ans, tu te dis : « Qu’est-ce que j’irais faire ailleurs ?! » (rires).
Olivia : Et tout le monde est très sympa. Tu te fais assez vite un cercle d’ami.e.s qui font toutes et tous de la musique ou de l’art, tout le monde est très chaleureux. Les gens sont sincères et humbles. Ce n’est pas prétentieux. C’est vraiment chouette !
Mateo : En outre, on aime tout ce qui se fait autour de nous. Le fait que les gens qu’on apprécie fassent des choses que l’on apprécie également nous facilite beaucoup les choses. C’est comme si ce n’était pas du travail.
Charles : On a joué au festival End of The Road récemment, une institution ici, parmi un grand nombre de gens qui réussissent plutôt bien dans la musique. Être avec elles.eux et se voir participer à la vie musicale de ce pays, c’était… Putain ! On est vraiment déterminé.e.s à faire du son pour les gens !
Louis : Je crois que ça tient à ça aussi. Genre, si tu veux en être, heureusement, tu seras très bien accueilli.e et il y a pleins de projets artistiques cools qui se font ici, mais en même temps, il faut travailler ardemment pour garder le rythme et ne pas perdre ta place. Avoir un groupe à Londres, ça signifie qu’il faut se préparer à se dépasser pour produire du son à la hauteur des standards de l’industrie musicale, sans nécessairement avoir le soutien de celle-ci. Donc avoir sa communauté et se sentir chez soi dans différentes salles et tout… Enfin, j’ai l’impression que ça nous a pris du temps de trouver notre famille, et qu’on cherche encore.
Mateo : À mon sens, ce qu’on a pour nous, c’est une certaine fraîcheur dans la production. On s’est beaucoup inspiré.e.s de projets expérimentaux venus des États-Unis, tandis que le hip hop expérimental n’était pas vraiment représenté dans le sud de Londres. Donc on a intégré ça à notre son, tout en faisant de la « musique à guitares », et maintenant d’autres groupes font ce genre de choses aussi. Ça peut paraître décourageant, mais je pense que cet aspect original nous rassure dans notre démarche. C’est différent, et c’est galvanisant et amusant de faire partie de la nouveauté.
La Face B : Dans ce cas, comment définiriez-vous votre style ? Le hip hop expérimental, ça se résume difficilement.
Luke : Oui, je trouve que c’est sympa, mais ce n’est pas exactement le bon terme. On ne fait pas de hip hop expérimental, on ne fait pas de trip hop non plus… Il y a quelques années, je pensais qu’on ferait du trip hop, mais en fait non.
Charles : On a quelques éléments de trip hop cela dit, il y a des gens qui viennent aux concerts et qui me pointent du doigt en mode… ‘Tricky !’ (rires).
Luke : Mais bon, c’est possible, après tout Mateo est probablement le meilleur bassiste de nu metal de Londres actuellement (rires), vous l’entendrez ce soir.
Mateo : En vrai, c’est comme ça qu’on pourrait le résumer : Nukuluk, ce sont cinq personnes qui ont écouté des genres musicaux différents, mais qui fonctionnent très bien ensemble.
« Avoir un groupe à Londres, cela signifie qu’il faut se préparer à se dépasser pour produire du son à la hauteur des standards de l’industrie musicale, sans nécessairement avoir son soutien. »
La Face B : Avez-vous une influence commune, malgré tout ?
Louis : Je m’intéresse aux goûts de tout le monde. On aime plein de choses.
Luke : On a joué au Pitchfork Londres il y a quelques semaines aux côtés de Injury Reserve et billy woods, et c’était fantastique. billy woods est l’un des meilleurs rappeurs que j’ai pu voir en concert, et on était à fond dans Injury Reserve quand on a commencé le groupe. Leur dernier album nous a impressionné.e.s. JPEGMAFIA est aussi une inspiration majeure pour moi, et pour quelque uns d’entre nous aussi, je crois…
Mateo : Peut-être Gorillaz, et Yves Tumor… Le Yves Tumor à l’ancienne.
La Face B : Oui, parce que Yves Tumor est devenu pop depuis quelques temps (rires).
Luke : Ouais, c’est devenu une star de pop rock !
Charles : Et puis il y a SOPHIE, c’est à elle que je me réfère quand je pense au travail de production de musique électronique.
La Face B : Dans la chanson Ooh Ah, tu dis, Charles, que tu préférerais « chanter le blues » plutôt que rapper. Peux-tu nous expliquer cette phrase ? Qu’est-ce qui t’a amené dans ce collectif à te sentir suffisamment à l’aise pour rapper ?
Charles : Le genre d’expression musicale qui me venait le plus naturellement a pendant longtemps été le chant. Je suis un grand fan des archives Lomax, qui documentent de nombreux enregistrements de chansons de blues de la fin des années 1970, et j’ai passé beaucoup de temps à les regarder et à les chanter. Je pense que le rap a été ma porte d’entrée dans le monde de la musique, car je savais que je pouvais le faire, donc j’ai saisi cette opportunité de rejoindre un projet sur la base de mon rap quand elle s’est présentée. Ensuite, il y a eu une période bizarre pendant laquelle j’avais le cœur brisé : j’essayais d’écrire du rap mais je ne faisais que chanter ces chansons de blues tristes. C’est à ce moment-là que j’ai écrit ces paroles.
La Face B : Au sein de votre scène, y a-t-il un.e artiste ou un groupe que vous recommanderiez ?
Olivia : Robbie & Mona sont vraiment bons !
Louis : On vient d’ailleurs de tourner un de leurs clips (rires).
Luke : Leur nouvel album est incroyable… Et il y a ce mec dedans (en montrant Charles) ! On est aussi assez proches de Teeth Machine. Deux d’entre eux ont collaboré sur un de nos clips, et ils ont présenté leur EP lors de notre release party l’année dernière. Ils viennent de se former et ils vont être énormes.
Charles : Ils sont aussi excellents en live.
Luke : On a ouvert le concert de Dos Monos la dernière fois au Windmill. C’est un groupe japonais de hip hop qui a fait la première partie de black midi sur leur tournée japonaise, ils sont incroyablement bons en live. Je n’avais jamais vu de rappeurs japonais comme ça, c’était très, très cool. Ils ont un bon univers visuel aussi, et ne sont d’ailleurs pas très éloignés de nous en terme de son.
Charles : Sinon, on a vu QuinzeQuinze cet été et ils nous ont retourné le cerveau.
Luke : Mandy, Indiana jouent ce soir en même temps que nous, c’est drôle parce qu’on se ressemble juste parce que leur chanteuse est française et que tout le reste du groupe est anglais (rires).
La Face B : C’est important pour vous de jouer au Pitchfork Paris ?
Louis : C’est une grande étape, oui.
Luke : On doit se battre pour avoir l’opportunité de faire entendre notre musique aux gens. Cela fait pas mal de temps qu’on crée ensemble, on bosse dur, on fait de la musique difficile à produire… Ces festivals sont une bonne occasion de rencontrer un public susceptible d’aimer notre musique sans avoir à dépenser une fortune dans une équipe de relations publiques. Donc c’est important. Au-delà de ça, c’est énorme de de voir autant de gens enthousiasmés par ce qu’on fait.
Charles : Et notre grande force… C’est drôle parce que j’ai tendance à oublier que la plupart des groupes n’ont pas de producteur.ice.s parmi leurs membres, alors que nous, on a trois producteurs géniaux. Donc jouer en live est d’autant plus important pour nous qu’on peut montrer l’étendue de nos capacités hors studio.
« Nous voulons que tout soit humain. La musique doit être un peu brute, un peu imparfaite. »
La Face B : Avec un usage aussi poussé de la production, de quelle manière envisagez-vous votre son en live ?
Charles : Ça prend beaucoup de temps (rires).
Luke : La pandémie est arrivée au moment où nous débutions. Dans un sens, c’était une aubaine, parce que cela nous a donné le temps d’apprendre à adapter les chansons qu’on avait dans nos ordinateurs en morceaux live. On a acheté des samplers, mais après on passait des plombes à exporter nos fichiers et à se partager chacun.e nos fichiers par petits bouts… Et à la fin, on se retrouvait en répétition et ça sonnait affreusement mal (rires). On a eu huit mois avant notre premier concert, donc on a travaillé dur pour trouver la bonne méthode. Ce soir, on jouera aussi des morceaux qui ont été créés en live et qui n’ont pas démarré sur un ordinateur par une seule personne. C’est passionnant d’explorer ces deux versants. On aime autant créer des beats sur notre ordinateur que se retrouver ensemble dans une salle de répétition, donc on fera les deux.
Olivia : C’est cool d’avoir réussi à composer de manière à ce que les deux méthodes donnent le même style musical. Genre, quelqu’un écrit un morceau sur son ordinateur dans sa chambre, mais le groupe joue aussi de son côté en studio, et finalement les morceaux sont tous cohérents.
Luke : Oui, et c’était dur (rires).
« Jockstrap sont les anges éthérés, je veux être le démon qui a été banni sur Terre. »
La Face B : On a beaucoup parlé de hip hop, mais pendant votre concert j’ai aussi entendu l’héritage de Pavement et d’autres groupes de rock alternatif des années 1990, notamment dans le chant et le jeu de guitare de Luke. J’ai notamment pensé à Slint. La manière dont vous construisez votre son et vos morceaux, en mêlant des productions électroniques d’avant-garde avec une influence 90’s, me rappelle aussi le travail actuel de Jockstrap. Comment vous situez-vous par rapport à cette nouvelle scène ?
Luke : Je suis content que tu en parles ! Je n’écoute pas beaucoup Pavement, à vrai dire, mais c’est sûr que des groupes comme Slint, et plus encore Elliot Smith, Failure, Duster, Radiohead, My Bloody Valentine, Smashing Pumpkins… sont extrêmement importants pour moi et, je pense, pour d’autres dans le groupe. On peut entendre cette influence dans notre son en concert, c’est certain, et on la retrouvera aussi sur notre prochain album.
Louis : On a tous.tes eu plus ou moins l’expérience de jouer ce genre de musique dans d’autres groupes, ou même dans des projets actuels, donc cette énergie vient naturellement quand on joue tous.tes ensemble. Maintenant qu’on compose encore plus qu’avant avec nos instruments, ce son devient beaucoup plus évident. Je n’y avais pas pensé avant que Luke n’en parle à l’instant, mais la place qu’a créé Radiohead pour le rock angoissé sur fond d’ambiance électronique, et qui laisse aussi de l’espace pour les projets solos créatifs dans le cadre plus large de leur groupe, est quelque chose de très inspirant. Comme une sorte de groupe de soutien sonore. Cela se traduit dans le hip hop avec des collectifs comme le Wu-Tang. J’imagine que c’est pour ça que tu parles de Jockstrap, puisqu’iels ont aussi su créer un environnement sonore vaste et neuf qui leur offre le luxe d’être versatiles dans leur son.
Luke : Je suis tout à fait d’accord avec toi pour Jockstrap – la première fois que j’ai écouté leur album I Love You, Jennifer B, j’ai été soufflé par les fusions qu’iels faisaient. J’ai l’impression de faire partie d’une nouvelle réponse contemporaine à l’art des années 1990. Je pense que les musicien.nes de notre époque ont été très inspiré.e.s par la composition et la production électronique digitale, mais qu’iels viennent aussi du milieu de l’écriture de chansons rock nerveuses et sincères, et quand tu es en studio avec l’impression de faire partie de tous ces mondes différents, tu as vraiment la sensation de faire « la nouveauté ». Une chose que l’on semble bizarrement tous.tes partager dans le groupe, c’est notre amour pour à la fois l’ambient, le hip hop old school, le hip hop moderne et le post punk, et notre volonté de trouver les meilleurs ponts entre ces genres – c’est un espace rare qui réunit pleins d’intérêts.
Mark Fisher a écrit quelque chose à propos de Tricky dans son livre Ghosts Of My Life, sur la façon dont le trip hop a représenté ce « futur perdu » (« lost futures » est un terme théorisé par le philosophe britannique pour désigner l’idée d’un futur qui n’est jamais arrivé, annihilé par le néolibéralisme, NDLR) de la musique britannique – pendant un temps, Portishead, Massive Attack, Lamb, etc. expérimentaient tous en réinterprétant la musique rock par l’usage poussé des samples, les techniques hip hop et l’électronica leftfield, mais ça s’est quelque peu éteint dans les années 2000… Je sens que beaucoup de gens redécouvrent aujourd’hui cette philosophie et cette méthodologie, et ça me remplit de joie et d’espoir !
Charles : Notre projet et celui de Jockstrap sont des cousins éloignés. Tout d’abord, je les adore et j’écouterai tout ce qu’iels sortent aussi longtemps que je vivrai. Mais il y a aussi des choses qui nous différencient vraiment. Nous voulons que tout soit humain. C’est vraiment l’expression qui compte, et la musique doit être un peu brute, un peu imparfaite. C’est là que les influences de l’alt-rock et du punk entrent en jeu : ces styles d’interprétation et de création musicale maintiennent la personne au premier plan et c’est ce qui me correspond en tant qu’artiste. Jockstrap sont les anges éthérés, je veux être le démon qui a été banni sur Terre.
La Face B : Comment se profile l’avenir pour Nukuluk ?
Luke : On sort un nouveau disque cette année, il n’y a pas encore de date annoncée, mais on peut déjà vous dire qu’il sera accompagné d’une sortie physique incluant pas mal de choses sympas. Il faudra nous suivre pour en savoir plus !
English version
La Face B: Aside from being musicians, some of you do visuals as well. How important is this part of the project for the band?
Mateo: I think it’s always been part of what we’ve done. Me and Luke also work in film together. Me and Olivia directed the Feel So video with a friend. The things that Charles has put out in the past also has created space for us to be artists, to make what we want to make. And that’s really important, it’s like a safe space for us to create music, art, visuals, video. Hopefully it keeps on growing that way.
Charles: Yeah, there’s loads of world building we like doing. It’s a really fun process to go from the lyrics and the production of the song into how you make that world visually afterwards. Like, what genre of the video is that gonna be? And you can kind of expand the story, make it bigger. You have another way to tell it.
Luke: On our last release, that was so fun, because Charles writes so many things in his lyrics, and turning that into a script is super cool and super fun. And we get to work with loads more people by doing videos. We got a big family back in London, greats artists who help us out.
La Face B: Charles, how does that resonate with your songwriting process? Do you want your lyrics to be visually striking?
Charles: I’m still not quite sure how things work in my head. I think one of my writing processes involves picturing the image first and then describing it with words. I imagine images to ground my writing process. Sometimes, I write texts solely for the purpose of inspiring visuals. I wrote a text about a cryptic engine room and I think people drew on that for the feel of the video.
Luke: Just to add here, Charles and I have to do this strange process of explaining our lyrics to each other so that the other can write the other section, which is a part of the process I really value a lot. Often lyrics can be this personal self-expressive thing that can stay deeply ambiguous whilst conjuring images, but I often find when writing songs with Charles that I have to explain things in detail that may have stayed ambiguous to me, and this makes some of the images conjured in songs that bit more expressive and important.
Charles: Luke’s writing has that quality to it, where it’s extremely expressive, I know what emotion this person is feeling and they are communicating it to me, very ambiguous, it’s not very clear exactly what he is talking about or to, but also deeply personal, it’s not a vacuous statement about love in general or hate in general, it comes from a person. The majority of my writing is in response to his, and to our conversations around it. Luke is my main inspiration.
La Face B: Any film reference you’d like to share, that inspires the way you design the Nukuluk sound and visuals?
Luke: Eternal Sunshine of the Spotless Mind is coming up in my mind loads whilst thinking about some of the new music and visuals; this marriage of a sci-fi futuristic concept and people wanting to do something as simple as get over a devastating break-up or personal trauma is so exciting to me. The strange loneliness of certain scenes in that film – I remember this scene with Kate Winslet and Jim Carrey at a house on the beach with water covering the floor – had stayed with me for years and is something I often want to put into music.
Charles: The latest I became aware of was Full Metal Alchemist. It’s a show about two genius alchemist brothers who lose their bodies in failing to resurrect their dead mother. I had a bunch of lyrics which I couldn’t really make heads or tails of. The show provided the thread between witchcraft, sacrifice, transformation. In the song Kick Snare which is on our new EP, I’m burned alive for heresy, but it’s part of my plan, as I’m burning I trace a transmutation circle in ash on the floor. I become the final sacrifice for the invocation of a whole new planet.
La Face B: Is Nukuluk more of a collaborative, artistic project than a traditional band?
Charles: We’re trying to do that, yeah.
Luke: And we’re very lucky that we got a lot of friends who are very good at making stuff as well!
Charles: Recently we had a little retrospective moment on one of the videos that we had, and that felt really nice. Someone posted on instagram about the work they did on the video and then everyone was just piling in like, ‘Oh it was so sick to work on this project’, etc. Like, everyone feels good about having worked on it, and it feels like people keep things in addition to the music. That was a really good feeling for me.
La Face B: You’re based in South London, a place where there is a crazy amount of musicians and lots of new emerging artists. How do you navigate into this scene?
Luke: Only Mateo is from South London, we all moved there (laughs). You know, where I grew up, there was nothing for young artists. There was no scene, no exciting thing going on, like you didn’t feel that that area had venues or people making stuff that made you excited or made you know that you’d be a part of it. South London, there’s so many venues and so many people trying to do things… You just know it, like if you’re 19 you’re like, ‘Where else am I gonna move?!’ (laughs).
Olivia: Everyone’s really friendly as well. You quite quickly get a big community of friends who are all making music or art, and people are welcoming. It’s really nice!
Mateo: And we actually like everything that’s being made around us, so what’s made it really easy for us to work is that the people we like make stuff that we like. It doesn’t feel like work.
Olivia: People are quite honest and earnest as well. It doesn’t feel that pretentious, it just feels like everyone is really kind.
Charles: We played at the End of the Road festival recently, which is quite an institution, and we hung out with a big group of people who are doing quite well and who were all playing that festival. Seeing that we were all participating to the musical life of this country, it felt like… Fuck, we’re really putting in the Lord’s work to bring sounds to people!
Louis: I think that’s the thing there as well, like, if you want to be a part of it, it is fortunate that it’s super welcoming and there’s so much cool art being made within that kind of space in London, but it also simultaneously makes you put so much effort to keep up with it. Having a band in London, you have to be prepared to go above and beyond to produce industry standard material without necessarily having industry standard backing. So the fact that you have your community and your home in different venues and stuff… I mean I feel like it took us a while to find our people, and we’re still looking!
Mateo: One thing we do have is, I think, we feel quite new and our project does feel quite fresh. We were really inspired by a lot of American experimental acts, and there wasn’t really much representation of experimental hip hop in South London. And we’ve pulled that into our sound whilst doing guitar music, and now there’s bands that are doing similar ideas as well. That seems daunting, but it does feel we have an element of newness to what we’re doing which helps us not feel nervous in what we’re doing. It’s different, it’s exciting and fun to be new.
La Face B: How would you define your style then? You mentioned experimental hip hop, but it’s a hard one to define.
Luke: Yeah, I think it’s nice but it’s not really the right word. It’s not experimental hip hop, it’s not trip hop… I thought it would be trip hop years ago, but it’s not.
Charles: There are some trip hop vibes though, like there’s people who come up to the show and go like… ‘Tricky!’ (laughs).
Luke: But then like, Mateo’s probably the best nu metal bassist in London at the moment (laughs), which you’ll hear tonight.
Mateo: But that’s what it is though, it’s like five people who may have listened to quite different music but come together really well.
La Face B: Have you got a mutual influence though?
Louis: I’m interested in everybody’s interests. We like a lot of things.
Luke: We played at Pitchfork London a couple weeks ago with Injury Reserve and billy woods, and that was amazing. billy woods is one of the best rappers I’ve seen live, and when we started this project we were really into Injury Reserve. Their last record blew us away. JPEGMAFIA is also a really big one for me, and I think for a few of us…
Mateo: Gorillaz maybe, and Yves Tumor… Older Yves Tumor.
La Face B: Right because now Yves Tumor’s gotten pop (laughs).
Luke: A rock pop star yeah!
Charles: And there’s SOPHIE. When I’m thinking about electronic music producing, that’s who I’m looking up to.
La Face B: Charles, in Ooh Ah, you say you’d rather ‘sing the blues‘ than rap. Can you explain this line? What led you to feel comfortable enough to rap in the collective?
Charles: For a long while, the type of musical expression that came most naturally to me was singing. I’m a big fan of the Lomax Archive which has loads of recordings of late 70s blues songs. I spent a lot of time watching and singing along to it. I think rapping was my ticket into the music world, I knew I could do it, and when I saw the opportunity to join a project on the strength of my rapping I seized it. But then there was this strange period when I was heartbroken, singing these sad blues songs all the time and trying to make rap music, that’s when I wrote those lyrics.
La Face B: Is there a band or an artist from your scene that you would recommend?
Olivia: Robbie & Mona! They’re so good.
Louis: We just made a video for them (laughs).
Luke: Their new album is amazing… Also this guy’s on it (pointing to Charles)! We’re pretty good friends with Teeth Machine as well. Two of them worked on one of our music videos, and they played their EP at our launch party last year. They just started to come up and they’re gonna be huge!
Charles: They’re really, really good live as well.
Luke: We supported Dos Monos the other day at The Windmill in South London. They supported black midi on their Japan tour. Japanese hip hop group, ridiculously good live. I had never seen Japanese rappers like that, they were very, very cool. They’re very visually motivated too, and not a million miles away from us soundwise.
Charles: QuinzeQuinze also, we saw them this summer and it blew our minds.
Luke: Mandy, Indiana is playing tonight as well, which is funny because they’re similar to us in the way that the lead vocalist is French and everyone else is British (laughs).
La Face B: How are you feeling about playing Pitchfork Paris?
Louis: It’s a big step for us, yeah.
Luke: We have to fight to get the opportunity to get people to hear our music. We’ve been working together for a while now, been working really hard, making difficult music for us to make… These festivals, I think, are important because you get to meet people, like the type of people that like your stuff without having to pay PR loads of money and stuff. And that’s great. To see many people get excited by what we’re doing is sick.
Charles: And our big strength is that… It’s funny because I tend to forget that lots of bands don’t have producers among them, whereas we have like three amazing producers in this band. Playing live is important to us because we get to show we can actually play these sounds.
La Face B: How do you approach your live setup with such an extensive use of production then?
Charles: It’s taking a long time (laughs).
Luke: Well the pandemic happened when we were starting, which in a way was really good because we got the time to learn how to turn these songs in our computers into live tracks. We all got samplers, but then you spend ages doing file admin, exporting your things, and then you all get together in the rehearsal room and it sounds terrible (laughs). We then had eight months before playing a gig, hard working, like ‘What’s the method to turn this music into that music?’. But now we’ve started to… Like, tonight, we’ll play some songs that came about just by as being live as well, you know, not starting on a computer and not starting with one person. It’s really exciting to explore doing both of those things. We all love making beats on our computers and we all love being in the rehearsal room, so we’re gonna do both.
Olivia: It’s cool that we made it so that they both fit into the same category as well. Like, one person starting a song on a computer in their bedroom, but then also a band in a rehearsal space and the songs sound coherent together. I think that’s cool.
Luke: Yeah. And that was tough (laughs).
La Face B: We talked a lot about hip hop, but after seeing you live I’ve also heard an influence from Pavement and other 90s alt rock bands, especially Luke in your vocals and guitar play. Slint also came to my mind. I wanted you to expand on that, the fact that you’re mixing avant-garde electronic productions with a 90s inspo. In some way, the way you construct your music reminds me of Jockstrap‘s work and so I’d love to hear your opinion about this new scene!
Luke: Yeah I’m glad you bring that up! I actually don’t listen to Pavement much, but for sure the likes of Slint, and more so Elliot Smith, Failure, Duster, Radiohead, MBV, Smashing Pumpkins – these are all bands that are massively important to me and I think a few of us in the band. The influence finds its way into our sound live for sure, and will do a little more on our next record.
Louis: More or less we all have a lot of experience playing that genre of music in other bands or current projects even. So that energy comes naturally when we all play together. Now that we’re writing with our instruments a lot more than we have before, that sound is becoming more apparent. I haven’t acknowledged this until Luke just mentioned them, I feel the space Radiohead has created allows room for angsty rock but simultaneously electronic ambience, as well as allowing room for creative solo projects in the broader scale of their band, is something very inspiring. A sort of sonic support group. It translates to hip-hop when you look at collectives like Wu-Tang. Which I guess is why you ask about Jockstrap because they too seem to have a sonic environment which is so fresh and broad, which they have created themselves, that gifts themselves the opportunity to be versatile with their sound.
Luke: I totally agree with you on the Jockstrap front – when I first listened to I Love You, Jennifer B I was blown away by the fusions they were doing. I feel very much a part of a new contemporary response to 90s art; I think musicians of our age have been so inspired by digital electronic production and composition, but have also come from a context of this edgy heartfelt rock-songwriting, and when you’re in the studio feeling like a part of all of these different worlds it truly feels like you’re making “the new”. One thing we bizarrely all seem to share in the band is we love ambient music, old school hip-hop, modern hip-hop and post-punk at the same time, and want to find the best bridges between them – it’s a rare space where everyone is into so many different things.
There’s this thing Mark Fisher wrote about with regards to Tricky in his Ghosts Of My Life book, about how trip-hop kind of represented this lost-future of British music – for a brief moment you had Portishead, Massive Attack, Lamb etc. all experimenting with reinterpreting ‘rock’ music by using heavy sampling, hip-hop techniques and leftfield electronica, but by the 00s it has somewhat fizzled out… I feel a lot of people are rediscovering that philosophy and methodology and that gives me a lot of joy and a lot of hope!
Charles: Our project and Jockstrap are distant cousins. First of all, I love them, and will listen to everything they put out for as long as I live. But also, there are ways in which we’re really different. I think we want everything to feel really human. It’s really about expression and the music needs to feel a little raw, a little imperfect. That’s where alt-rock and punk influences come in, that style of performing and making music keeps the person at the forefront and that’s what I resonate with as an artist. Jockstrap are the ethereal angels, I want to be the demon that was banished to earth.
La Face B: What’s coming up next for you?
Luke: We’re gonna have a new record out next year, we don’t have a date yet but we’re also gonna have a nice physical release which will include some other things. You’re gonna have to follow us to know more!