Entretien avec Glauque pour leur premier album

« On te met vraiment dans les meilleures conditions pour les interviews « , cette petite sentence de Louis se fait entre deux rires et une bouchée de crêpes. Car c’est bien autour d’une table qu’on a retrouvé les belges de Glauque pour parler de les gens passent, le temps reste, leur premier album. L’occasion de discuter de leur évolution, de la structure de l’album et du live.

glauque portrait

La Face B : Comment ça va ?

Aadriejan : Ah tranquille. Ouais ça va.

Louis : Fatigué à mort.

Baptiste : Fatigué un petit peu quand même.

LFB : L’élément central de votre album, c’est le temps. Et je me demandais si pour la création de cet album-là, le temps n’avait pas finalement été votre meilleur allié ?

Louis : Oh waouh. Ah t’as fait un petit jeu de mots. T’as travaillé.

LFB : Ouais ouais, j’ai travaillé.

Louis : Euh… Bah si, dans un sens si. Parce que… Comme on l’a fait vraiment genre… Premier confinement, tu vois. Il n’y avait aucun morceau avant le premier confinement, si ? De ceux-là ? Il y avait des idées, mais rien qui ressemblait … parce que ouais, pendant le premier confinement on a fait que de la musique tout le temps et… Un milliard d’essais de trucs. Et après, choisir dans ce milliard de… Parce que franchement on avait quoi ? 70 maquettes ?

Lucas : Ouais. Quasi. Une cinquantaine.

Louis : Ouais. Ouais une cinquantaine peut-être de trucs finis. Enfin de trucs finis… De trois minutes et des trucs de débuts d’une minute à gauche à droite de partout. Donc ouais quand même parce que ça nous a permis de faire plein de trucs qu’on n’avait jamais testés. Et en fait on n’avait jamais fait vraiment de morceaux autres que pour le live. Tu vois genre… On n’avait jamais fait d’essais en fait. On avait eu que des morceaux où on faisait le morceau et puis on le jouait. Et puis soit on le sortait soit on ne le sortait pas. Mais je veux dire c’était des versions définitives. Et là ce n’était pas le cas tu vois. On avait vraiment des essais. Et du coup ouais.

LFB : Pour plein de gens le confinement entre guillemets ça a été un peu une catastrophe. Mais j’ai l’impression que vous, justement, ça vous a aidé. Tu vois ne serait-ce qu’avec la réécriture et le fait de pouvoir justement te plonger plus dans le studio. Et vraiment de pouvoir bosser plus que structurer là-dessus. Ça vous a été vachement utile quoi…

Louis : Ouais parce qu’en plus comme on vivait tous à deux minutes et demie, on se voyait quand même. Maintenant on peut le dire il y a trois ans de prescription (rires). On se voyait quand même de temps à autre. Mais tout le monde bossait chez lui sur des trucs dans son coin. Moi je n’avais pas de taf à l’époque. Enfin je n’ai pas de taf maintenant non plus en fait (rires). Mais… J’ai eu un travail ! Mais bref. Du coup aucun d’entre nous n’avait rien d’autre à faire entre guillemets tu vois. Ce qui n’avait jamais été le cas de se consacrer vraiment à ça. Et à faire du son.

Lucas : Au niveau de la production il y a beaucoup de choses qui ont pu évoluer grâce à ce temps-là aussi. Parce qu’on a pris ce temps-là. Mais en fait on l’avait pas avant quoi. On a taffé.

Louis : Ça a grinde. Ça a grinde de l’XP ! Et puis ça a mangé de la carte graphique (rires).

LFB : Et puis tu vois au-delà de ça il y a aussi, tu sais de se détacher de ce buzz un peu où on vous plaçait tout de suite sur un énorme piédestal alors que vous aviez sorti trois morceaux.

Louis : À mort. Parce que… C’était sorti genre vraiment de nulle part. On a sorti le premier EP pendant le confinement du coup. La date était fixée bien avant mais c’est tombé première semaine de confinement je crois. Ou peut-être juste avant mais bref ça nous a baisé la tournée qui suivait tu vois. Les dates de concerts qu’on avait et tout. Mais on s’est très vite détachés de tout ce truc-là, pour faire de la musique tu vois. Dans ces questions-là qui étaient en plus dans une sphère strictement de la musique. Ça c’était un engouement qui n’existait pas d’un point de vue public. C’était juste un engouement de professionnels de la musique. De journalistes et de gens de labels, du milieu quoi. On n’avait même pas de concert à notre nom. C’était un festival. Mais du coup ouais ouais de ce point de vue-là, ça a un peu calmé… Bon on l’a payé après aussi quand on a cherché avec qui bosser pour l’album. Mais sur le moment ça n’était pas plus mal, je crois.

LFB : Maintenant tu vois finalement tu veux dire… Parce que là vous êtes pas full indé mais presque. De se dire que ce que vous faites, ça vous appartient. Et qu’il n’y a pas de parasites extérieurs. Plus ou moins pour vous.

Louis : Bah c’est sûr le truc… C’est une notion super bizarre indé quand les gens en parlent. Ouais. Que tu vois les gens ils parlent toujours genre on est en indé. Mais en fait il y a plein de gens ils ont quand même une distrib derrière. Donc c’est quand même toujours paradoxal. Il n’y a jamais personne vraiment qui est en indé total. Et qui fait tout dans son coin tu vois. Nous on contrôle le max de ce qu’on peut artistiquement parlant. Encore plus sur l’album et sur les derniers clips où en effet on est vraiment en autoprod. (rires) Mais… Je ne sais pas si on est en indé.

LFB : Ouais vous avez une distrib, vous avez un tourneur, vous avez un management. Un label.

Louis : Donc c’est toujours bizarre un peu comme appellation. Parce que c’est ultra flou. Les gens revendiquent de ça à crever. Alors que… En fait en vrai de vrai ils sont pas en indé. Et nous non plus. Du coup…

LFB : J’ai une question. Parce que je vous connais un peu. La grande question que je me pose c’est est-ce que vous êtes fiers de cet album ? Je veux dire est-ce que vous avez l’impression d’avoir atteint ce que vous vouliez faire avec cet album ?

Lukas: C’est une bonne question. Moi personnellement je dirais pas entièrement. Mais en ayant quand même conscience que c’était au mieux et au maximum de ce qu’on pouvait faire à ce moment-là. Parce qu’il y a quand même pas mal de recul déjà depuis. Les morceaux sont faits depuis longtemps, c’est mixé depuis longtemps. Il y a à la fois des morceaux qu’on connaissait dès le début, l’impact qu’ils avaient pour nous et qu’on espérait qu’ils auraient pour le public et qu’on savait qu’on voulait les amener à un certain point.

Et là je parle aussi musicalement en termes de production et d’autres choses. Mais qui sont par la force des choses liées aux compétences et aux acquis qu’on avait à tel ou tel moment. À l’expérience qu’on a au moment donné. Et du coup il y en a où… Personnellement c’est difficile de le voir sur le global. C’est plus facile de dire, tiens tel morceau, ça, ça sonne très bien et ça c’est une réussite. Tel autre morceau, le morceau global énergie c’est très cool mais est-ce qu’il aurait pu être amené plus loin ? La forme n’est pas exactement ok. Il y a toujours des choses mais en même temps on ne les a pas trouvées au moment où c’était le cas.

Il y a eu énormément d’aller-retours sur beaucoup de morceaux pour essayer de les pousser au plus loin. Mais c’était au mieux de ce qu’on pouvait faire à ce moment-là. Avec le recul, je pense que c’est impossible. Ce sera toujours la même chose sur l’étape suivante. Du coup, tu peux globalement être fier du travail accompli. Être fier de la finalité… c’est ça que je trouve ça complexe. C’est plus compliqué d’être fier de la finalité que de ce que tu as fait entre-temps et du chemin parcouru. Et pareil en termes de satisfaction. Ce n’est pas pour autant de regrets ou de quoique ce soit. C’est plus spécifique que ça. Et c’est plus compliqué de le faire sur le global. De dire que l’entièreté de l’album, c’est exactement… Non, parce qu’il aurait fallu le jouer. Ou parler de ça alors au moment exact où tout était décidé, que l’on a décidé ça. Il y a aussi un moment où on a figé certaines choses.

LFB : C’est la différence du live.

Lucas: Oui, c’est ça. Avec des sacrifices de certains morceaux qui ne servent pas. Même si on les aimait beaucoup aussi. Et on n’a pas trouvé comment les faire fonctionner. Tu joues au puzzle et tu as des pièces manquantes. Certaines qu’on a trouvées, d’autres qu’on a remplacées par d’autres. Bref, je pense que c’était très complexe de pouvoir répondre que tu as eu toutes les pièces parfaites qui s’emboîtent parfaitement. On a toutes les pièces qu’on avait au mieux qui s’agencent comme on le voulait par rapport à ce qu’on voulait raconter. Et le reste, c’est plus à nous d’en juger.

LFB : J’ai une question pour toi. L’album commence avec Plusieurs mois, finit par Deuil. Et j’ai l’impression que dans l’agencement, chaque morceau est un questionnement qui permet à la personne du début de retrouver son unicité. Je me demandais si tu l’avais pensé comme ça et comment vous l’aviez structuré en termes d’émotions.

Louis : C’est un truc qui a été plus de tête. Dans la sélection des morceaux et dans l’ordre dans lequel on les agençait. Parce que globalement, le chemin qu’on voulait que cet album emprunte, on l’a eu assez tôt. Une fois qu’on avait les morceaux charnières, une fois qu’on avait Plusieurs mois, qu’on avait Deuil, qu’on avait Ego, qu’on avait Rance, des trucs où on savait qu’ils étaient forcément dedans, dans toutes les maquettes. Il fallait qu’on trouve un moyen pour que ces morceaux fonctionnent. Peu importe réellement si la maquette était bien ou pas bien. On savait qu’il nous les fallait. On avait une chiée d’autres trucs qui pouvaient rentrer dedans ou ne pas rentrer dedans. Et qui étaient des choix musicaux de base de ce qui marche ou ne marche pas.

Lucas : Il y a des trucs aussi qui étaient très précis. Dès que Deuil était défini, on savait qu’il fallait qu’il y ait un climax avant ça pour pouvoir assumer 10 minutes derrière. Il y a énormément de calme aussi. Il fallait qu’il y ait assez d’intensité pour pouvoir construire ces structures-là, ça ne pouvait pas être placé ailleurs. On savait qu’on voulait une intro. C’était d’avoir un morceau en ternaire qu’on n’avait pas. C’était quand même très spécifique aussi. C’était un truc qu’on voulait. Pas spécialement balade comme ça l’était. Mais du coup, c’est construit autour aussi.

Louis : Ca s’est construit autour de ces quelques morceaux qui étaient charnières. Pour l’ordre définitif, j’en me rappelle, je vivais chez mes parents à ce moment-là. Fin ou début 2021. Bref, de cette année-là. Mon frère venait les week-ends pour qu’on se fasse des playlists d’écoutes des morceaux que l’on avait sectionnés de l’album dans différents ordres. On se laissait une marge de 1 ou 2 morceaux qu’on rajoute ou qu’on enlève. Ça a été assez galère de trouver un truc qu’on trouvait convaincant et dans le fond et dans la forme. Mais ça a été assez tôt dans le processus qu’on voulait que ça se soit effectivement construit. Et qu’on ne voulait pas se dire « Bon, tant pis, ce morceau, on l’adore, du coup on le met dedans. » Même s’il n’a pas sa place là. Du coup, il y a des morceaux qui sont passés à la trappe uniquement pour ça. Parce que l’énergie ou la couleur du morceau ne se retrouvait pas dedans. Même si on l’aimait vraiment bien.

LFB : Ce qui est marrant, c’est que vous parlez de fond et de forme. Et qu’en fait, tout l’album, c’est un peu un travail d’équilibriste entre ça. Et au final, tu finis par « Deuil », qui est clairement une dichotomie en sachant que le texte et la musique sont séparés quasiment. Tu as quasiment un a cappella avec une instrumentale.

Louis: À fond. C’est vrai que je n’y ai pas réfléchi comme ça, mais à fond. À fond, c’est vrai que nous, rien qu’en termes d’aspect technique, quand on a commencé à bosser sur l’album, le nombre d’aller-retour avec notre ingé son, pour ne pas avoir de combat constant entre la prod et la voix et trouver comment faire de la place pour l’un et pour l’autre, ça a été une énorme partie du travail de trouver sur chaque morceau cet équilibre-là. J’avais pas réfléchi qu’en fait, sur Deuil, on l’a évité comme des puces. On a dit « Vas-y, on fait l’un puis l’autre » (rires).

Lucas : Il y a eu des essais avec voix sur la toute fin.

Louis : Oui, il y a eu des essais avec voix sur la toute fin, mais qui n’étaient pas du tout concluants. Donc on n’a pas forcé.

LFB : Ce qui est marrant, c’est que finalement, tu as vraiment tout l’album où tu as cette idée presque de symbiose. C’est-à-dire que le texte nourrit la musique, et la musique nourrit le texte. Et finalement, sur le morceau de fin qui est censé être un morceau d’apaisement, où tu te dis que les choses sont comme ça et pas autrement, tu as une explosion entre les deux.

Louis : Mec, tu es trop malin pour nous. Qu’est-ce que tu veux que je te dise d’autre ? Note-le textuellement. (rires)

Aadriejan : On fait des discours, on va faire quelques interviews la semaine prochaine. Ce serait bien ça.

Louis : Oui, franchement, tu pourrais prendre notre place à ce stade.

Baptiste : Tu peux mettre ton carnet de notes ici. Qu’est-ce que tu veux que je te dise d’autre ?

Louis : Ce n’est pas des questions, là tu fais des constats sur notre musique. Je veux dire, fais-le à notre place. (rires)

LFB : C’est pour vous faire réagir aussi…

Louis : Mais non, mais c’est vrai ce que tu dis. Non, mais qu’est-ce que tu veux que je te dise d’autre ? Ce n’est pas le truc auquel… (rires) Oui, on ne les a pas intellectualisés. Mais en fait, oui, tu as raison, on est des génies. Venons-en au fait. (rires)

LFB : J’aimerais quand même parler du travail sur la voix, qui vous concerne aussi. J’ai l’impression que la voix est malgré tout un instrument à part entière et que c’est beaucoup moins monocorde que ce que tu as pu faire auparavant. Je me demandais comment vous aviez réfléchi à ça, au fait que la voix, elle devait exister aussi en tant qu’instrument avec de la variation et de…

Louis : Mais ça, c’est vrai que c’est un truc… Ça s’est fait naturellement, parce qu’on a essayé…

Lucas : Ça s’est fait naturellement, mais on a changé…

Louis : Ça a mis du temps avant qu’on se dise, bah tiens, même si en fait je ne chante pas, il y a des tonalités de prod où naturellement je poserai ma voix et ça sonnera mieux de base. Et c’est des trucs où au tout début, enfin les deux, trois premières années, on ne faisait pas spécialement en fonction de ça. Et du coup, c’est à force, ouais, juste d’avoir le temps de tenter des trucs et de faire des choses différentes et de poser sur plein de types de prod et de trucs différents que… Moi aussi, j’ai été forcé, en fait, même dans… Au tout début, ça m’arrivait encore d’avoir des textes que je voulais absolument mettre sur un truc et où du coup, quand ils m’envoyaient un truc où c’était plus ou moins le même BPM, j’essayais de mettre ce texte là-dessus, mais où sur l’album, je pensais qu’il n’y a que des morceaux où j’ai écrit sur la prod. Donc à chaque fois, je devais m’adapter à ce que je recevais et à ce sur quoi je devais écrire. Donc comme ça s’est fait vraiment dans ce sens-là, je pense que plus naturellement, il y a eu aussi une manière de poser qui était directement adaptée à la musique, ce qui était moins le cas avant, tu vois, où le processus d’écriture était plus aléatoire, où vraiment ça pouvait aller dans tous les sens. Et puis je pense qu’il y a eu aussi le truc d’avant où…

Lucas : Tu voulais faire du rap ?

Louis : Oui, c’est ça. Ou avant, je voulais vraiment faire du rap. Et en fait, quand on a commencé à bosser sur l’album, j’ai plus du tout réfléchi à ça.

Aadriejan : Tout doucement, orienté. Ouais.

Louis : Je me poussais dans le droit chemin.

LFB : Vous avez poussé le mindset, quoi.

Baptiste : Sans en parler, hein. Très insidieux comme processus.

LFB : Je vous en avais parlé à la release, mais moi je trouve qu’il y a un élément qui est aussi hyper important dans l’album et c’est l’utilisation du silence qui est là pour… Autant comme une aération pour moi. C’est-à-dire qu’il y a quand même des morceaux qui sont très lourds et qu’il y a quand même une tension tout au long de l’album. Mais c’est aussi, je trouve, un vrai élément émotionnel de la musique, en fait, tu vois. De permettre au vide de rentrer dans la musique. Et du coup, je me demandais comment vous aviez travaillé ça. Et pareil, ne me dites pas que c’est venu naturellement (sourire).

Louis : Ah merde !

LFB : Non, non, mais tu vois, il y a vraiment… Par rapport aux premiers morceaux… Enfin, tu vois, si on compare au premier EP ou des choses comme ça, où t’avais un peu ce trop-plein-là, et là, je trouve qu’il y a quand même… Tu vois, de s’autoriser à faire des pauses dans les morceaux, tout le monde ne fait pas ça, en fait, tu vois.

Louis : Moi, la musique, moi, je sais pas faire. (rires)

Lucas : Quand tu parles de s’autoriser à faire des pauses dans les morceaux, t’as un truc en particulier en tête ?

LFB : Ben, il y a des morceaux où des fois t’as l’impression que le morceau s’arrête pour reprendre ensuite, tu vois. Comme si le morceau respirait, en fait, tu vois.

Aadriejan  : Je crois qu’il y a ça dans Bleu.e et Deuil.

Baptiste : Friable aussi, il y a quand même des moments où tu te dis… Et puis…

Lucas : Ben… Non, franchement, il y a des schémas de ce genre musical qui sont des trucs qu’on a tous aimé écouter. Des trucs que peut-être au début du groupe, en pensant à Son Lux, par exemple joue beaucoup sur ce genre de choses et c’est aussi des formules qu’on a eu beaucoup sur le live au début. Mais… D’ailleurs, même c’est plutôt dans l’autre sens. Il y a des trucs où ça venait naturellement. Je pense que quand tu travailles beaucoup de manière répétitive sur des morceaux, tu finis par trop t’habituer à avoir envie de changement et donc créer ce genre de choses. Et il y en a d’ailleurs qu’on a fini par retirer parce que c’est au final plus forcé. Il y en a peut-être encore qui le sont d’ailleurs si on les écoute objectivement, entre guillemets. Et d’autres qui sont restés, qui sont venus d’envie d’avoir ces moments-là mais pas de… Je pense intellectuellement se dire « Tiens, il faudrait absolument intégrer ça tout au long de tel ou tel truc. » Après, c’est sûr qu’une fois qu’on avait ces morceaux-là finis, ça s’est peut-être aussi… Ça s’est aussi naturellement construit en cherchant ces moments dans l’agencement de l’album à l’intérieur de ces morceaux-là. Ça a été beaucoup ça. Celui-là avant, il ne marche pas du tout. Mais c’est à chaque fois en recommençant du début. C’est pour ça, par exemple, pour nous, Deuil ce n’était pas un truc que tu mets au début, que tu écoutes de manière isolée. Parce qu’avant de pouvoir accepter d’avoir autant de calme pendant un moment, il faut que tu te sois pris beaucoup de choses dans la gueule. Et là, ça te fait l’effet escompté. Parce qu’on a en plus la nécessité de te mettre dans le bon état d’esprit pour commencer quelque chose où ne se passe globalement rien entre guillemets. C’est beaucoup plus compliqué à installer. En tout cas, dans ce qu’on fait comme musique et par rapport aux autres morceaux aussi. Ça s’est fait après, effectivement, entre l’agencement des morceaux aussi.

LFB : Tu parles de Deuil, où là c’est beaucoup plus évident. Mais moi, je trouve que la grande beauté de l’album, c’est que la musique, elle exprime autant de choses que les mots. Ce n’est pas toujours évident sur des genres de musique comme vous faites. Des fois, la musique est juste là pour… Comme support. Alors que là, pas du tout. Il y a même des moments où tu as une espèce de clash ou des choses qui se contraignent l’un vers l’autre. Mais je trouve que la musique, elle exprime autant, voire certaines fois, plus de choses que le texte.

Lucas : Ça, c’était quand même le plus gros challenge.On avait conscience des premiers morceaux aussi.

Aadriej an : C’est pourquoi on a passé le plus de temps.

Lucas : Oui, c’était plus en lutte avant. Et c’est peut-être plus en travaillant sur l’envie que globalement, ça sonne mieux en termes de résultat final. Et là, on parle de choses qui intéressent peut-être pas tant de gens que ça en termes de chansons, mais qui nous était un aspect qu’on avait envie de pouvoir travailler et développer, avant tout nous aussi. Et en cherchant ça, avec une voix parlée la plupart du temps, il n’y avait pas le choix. On a dû accepter, entre guillemets, certaines choses qu’on nous répétait, qu’on essayait de comprendre et qu’on a amenées à d’autres endroits, mais pour faire exister effectivement ces éléments-là. Et encore une fois, avec des choses où là-dedans, il y a des choses beaucoup plus honteuses qu’on n’a pas gardées, et d’autres qui marchent bien aussi.

Et aussi, parfois, on s’avouait un peu vaincus. Louis, il fait un truc type beat, on peut essayer tout ce qu’on veut derrière, il n’y a rien à faire. Ça marche sur le type beat, c’est fait pour ça aussi, parce que c’est des styles musicaux où il y a énormément de place pour la voix. C’est sûr qu’on a fait beaucoup d’aller-retours entre là il y a trop, ou il n’y a pas assez, et comment est-ce qu’on l’amène et comment est-ce qu’on laisse la place pour les autres. Je ne suis pas sûr que partout, d’ailleurs, on ait la formule idéale, mais en tout cas, c’est sûr qu’il y a eu énormément d’aller-retours, de trucs où il y avait de la voix à un moment, il n’y en a juste pas du tout, dans un sens comme dans l’autre.

LFB : Est-ce que tu les laissais intervenir sur le texte, ou couper des trucs ?

Louis : Non, pas couper.

Lucas : Dans la censure ? (rires)

LFB : Oui, c’est ça que j’avais demandé aussi.

Louis : Non, mais globalement, ça depuis le début, s’ils n’aimaient pas un truc, il ne sortait pas. Il n’y a jamais eu de conflit de « non, il faut absolument que je garde ce texte ». S’ils n’aimaient pas le texte, je ne le garde pas, et point. Mais dans les morceaux qu’on a gardés pour l’album et même globalement dans les morceaux, c’est soit ils aiment, soit ils n’aiment pas. S’ils n’aiment pas, on ne garde pas, et s’ils aiment, je changerai après. Ça, j’avoue, je suis, pour les textes, c’est soit on les prend, soit on ne les prend pas. Mais les seuls modifs que j’ai fait sur des textes, c’est…

Aadriejan : Quelques rares trucs de placement…

Louis : Oui, des trucs de placement rythmique. Des placements rythmiques. Ça, ça s’est fait. Ou des trucs de… Par exemple, Noir, ça, je sais bien que ça a été galère. Ils me disent, je ne sais plus si c’était le premier ou le deuxième.

Aadriejan :Le premier couplet.

Louis : On me dit que la fin du premier couplet, ça ne va pas. J’ai testé plein de versions du premier couplet, mais parce que musicalement, ça ne marchait pas. Ce n’était pas qu’une question de texte. Et du coup, ça se modifiait comme ça.

LFB : Tu vas parler de censure ou de choses… Parce que c’est quand même très intime, ce que tu écris. Ça marche aussi dans l’album, entre Plan large et Plan serré. Mais je trouve que là aussi, c’est pour moi une réussite dans l’album, c’est que même si c’est intime, on n’est pas dans un truc de bête ego-trip ou d’anti-ego-trip, de destruction de soi. J’ai l’impression que tes textes sont quand même écrits pour que même si ça te représente toi, ça puisse toucher les autres.

Louis : C’est le but. Je veux dire, c’est déjà une démarche chelou quand tu ne prends rien de recul, de te dire j’écris des trucs et je les partage parce que j’estime que ça a le mérite d’être partagé. Mais à partir du moment où tu le fais que pour toi, ne le fais pas. Oui, il y a plein de gens qui le font, alors si, ça peut être marrant, ça peut être marrant sur la forme, mais ça, ça voudrait dire faire des trucs qui ne sont destinés qu’à moi. Je ne vais pas impliquer d’autres gens dans des trucs qui… Dans ce cas-là, je fais un projet solo, je ne fais pas un truc avec des gens si ça n’implique vraiment que moi. Donc ça, c’est un truc dont on n’a pas spécialement discuté. Mais moi, de mon côté, dans ce que j’essayais, ou même dans ce qu’on a gardé, c’était que des trucs qui, oui, j’estimais présenter un intérêt potentiellement pour les gens. Sinon, je ne fais pas de musique. Enfin si, moi, j’en fais, des trucs comme ça, mais pour moi. Et je les écoute, moi. Sur des type beats dégueulasses de YouTube.

LFB : On en parlait au début. Je trouve que les visuels, ils ont une grosse importance aussi. Que ce soit la pochette, qui est assez radicale dans la façon dont elle est faite. Ou ce que vous avez présenté lors des release parties. Même les clips, je trouve, sont beaucoup plus secs, entre guillemets, en termes de couleurs et de choix de choses. Parce que, justement, c’était important pour vous de… Parce que c’est limite noir et blanc, en fait. Il y a quelque chose de très tranché dans la façon dont les clips sont faits. Et dont les visuels sont faits. Que ça représente quelque chose qui vit indépendamment, mais qui, en même temps, se fond dans ce qui est Glauque, en fait.

Baptiste : Pour répondre sur la pochette, c’est un truc qui est venu… Qui a été une évidence dans le sens où… Par rapport à la densité de l’énergie qu’il y avait dans les morceaux, ou la densité dans les mots, dans l’urgence, dans le truc. C’est vrai que, quand on a discuté de la pochette, on s’est dit, en fait, ce contraste-là est super intéressant et, en même temps, ultra minimaliste et un peu universel, parce que c’est juste, entre guillemets, un trou déchiré dans du papier. Il y avait tout ce concept, aussi, de recoudre. Et donc, tout ça s’est vite connecté avec le thème de l’album. Et pour les clips, ça a été… Je pense pas qu’on avait une idée. Par exemple, quand Plan Large est sorti, on n’avait pas encore une idée, une vision. On ne savait pas encore où on allait, en fait. On avait des idées et tout, donc on s’entourait de gens, mais pas toujours… Sans savoir vraiment quel résultat on allait avoir, en faisant confiance, en apprenant, en découvrant ce monde. Et après, on a voulu… On a eu les idées plus claires et on a voulu faire beaucoup plus de choses nous-mêmes, en essayant d’intégrer cette histoire de trou recousu, tout ce qui est papeterie, écriture manuscrite et tout. Et après, par rapport à la colorimétrie et à ces choses très noir et blanc, on aime bien tout ce qui est analogique, tout ce qui est texture et on trouve que c’est aussi juste des choses qu’on a découvert grâce notamment à Insta et tout. On découvre plein d’artistes qui font plein de trucs, des édits super intéressants et tout ça. Et effectivement, c’était des choses qui me semblaient coller. En tout cas, c’était cette étiquette-là qu’on avait envie de donner à cet album. Il y a notre univers de manière générale.

LFB : En termes de ce qu’il apporte, le clip de Rance, par exemple, le dernier qui est sorti, moi je le trouve hyper impressionnant. Dans ce jeu de miroir encore, qui est aussi dans l’album, entre l’adulte et l’enfant, des trucs d’écriture sur la peau. Je trouve que la recherche est poussée très très loin.

Baptiste : Effectivement, ce qui était difficile avec Rance, c’est de mettre en image les chansons et les textes de Louis. C’est tellement dense et il y a déjà tellement beaucoup de descriptions et de mots qu’il faut trouver une autre manière de pouvoir le mettre en images. Parce que si on ne fait qu’entre guillemets re-souligner des choses ou mettre en évidence des choses, on passe à côté de mettre en valeur d’autres disciplines. Et ici, notamment pour Rance, c’était à travers des styles performances, en allant chercher des références dans les époques, des performances contemporaines, allemands, plein d’artistes qui ont fait ce genre de performances. Je retrouvais ce côté avec le corps et qui raconte beaucoup de choses par rapport au transfert d’un enfant avec son père ou avec sa famille. Et donc, on aime tous l’art de manière générale et ça nous semblait intéressant de…

Louis : Moi pas !

Baptiste : Toi moins, peut-être moins. C’est vrai que oui, toi moins. (rires)

Louis : Je suis honnête ! (rires)

Baptiste : Mais effectivement, ça a permis de venir mettre des images sur une densité de mots et de faire des parallèles qui pouvaient bien résonner avec le texte.

LFB : J’ai une dernière question après j’arrête de vous embêter. Et celle-là, elle est un peu… Juste pour t’embêter toi, en fait.

Louis : Qu’est-ce que tu vas me faire chier ? (rires)

LFB : Projet fini, prochain jamais, info ou intox ?

Louis : Info. Je maintiens !

LFB : Et pour vous ? Info ou intox ?

Baptiste : Moi je suis Louis ! On se suit !

Louis : Info jusqu’à nouvel ordre. Mais info, pas intox.

Crédit Photos : David Tabary
Retrouvez notre chronique de Les gens passent, le temps reste de Glauque ici

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