Nés d’un joyeux chaos et d’une furieuse envie de continuer à faire du bruit, les trois garçons de Shaker Poisson ont transformé une blague de studio en véritable machine à danser. Entre dérision assumée et envie de foutre le feu aux scènes de France, le trio parisien bouscule les codes et secoue la scène indé avec un son coloré et contagieux. À quelques minutes de leur showcase au MaMA Music & Convention 2025, on a discuté avec eux de débuts improvisés, de “bullshit jobs”, de skateparks et d’un premier EP au titre évocateur : dance punk.

La Face B : Racontez-moi d’où vous venez, comment vous vous êtes rencontrés, et comment est né Shaker Poisson ?
Vincent (chanteur) : Au début, on avait un projet avec Nico, le bassiste, qui a splitté. On arrivait à un âge où on s’est dit qu’on voulait continuer dans la musique. Du coup, on s’est dit : “Allez, on le fait, on remonte quelque chose.”
À ce moment-là, j’avais un bullshit job, genre remplir des tableaux Excel et ça me rendait fou. J’écrivais déjà des chansons dans mon ancien projet. Dans Shaker Poisson, je suis guitariste-chanteur, et Nico est bassiste, mais à la base je suis batteur. Ilyes et Nico sont guitaristes. On s’est tapé un espèce de délire en changeant nos instruments en studio, on a commencé à jouer mes compos au début, et le projet s’est fait comme ça.
Mine de rien, les gens ont kiffé. Nous aussi. Alors qu’à la base, c’était une sorte de blague. Du coup, on a poursuivi.
La Face B : Du coup, c’est l’histoire d’un batteur qui devient guitariste, d’un guitariste qui devient bassiste ?
Ilyes (batteur) : Oui voilà, à la Foo Fighters (rires).
La Face B : Et alors, qui assume le mieux son nouvel instrument ?
Vincent (chanteur) : C’est moi (rires) ! En fait, je suis content d’avoir ce rôle de frontman. Tu as la partie chant et scénique qui rentre en compte. Derrière la batterie, tu vois à peine le public.
La Face B : Une question qui mérite d’être posée : pourquoi “Shaker Poisson” comme nom de groupe ?
Vincent (chanteur) : Il y a deux choses. La première, c’est que je suis allé voir un groupe en live au Supersonic en 2018 qui s’appelait Spaghetta Orghasmmond avec notre ancien booker, et le chanteur du groupe a sorti un shaker en forme de poisson. Il tapait dessus avec des baguettes. En rentrant, dans le RER, j’en parlais avec notre booker et je lui ai dit : “En vrai, c’est un putain de nom de groupe !”

La Face B : Si vous deviez choisir trois mots pour vous décrire à quelqu’un qui ne vous connaît absolument pas ? Je propose que vous en disiez un chacun.
Nico (bassiste) : Dance
Vincent (chanteur) : Punk
Ilyes (batteur) : Et re-dance ! (rires)
La Face B : Le premier single “Noise” est sorti en juin 2023. Ça envoie, ça pousse, le ton est donné. De quoi parle ce morceau ?
Vincent (chanteur) : C’est la fondation de base. C’est les premiers émois, on va dire, un peu les premières caricatures du monde que je me faisais à l’époque : la vie bien rangée, le bullshit job, les tableaux Excel, tu rentres à la maison, t’attends ta meuf, c’est super cool… Et du coup, j’ai commencé à écrire par rapport à ça : Est-ce que j’ai envie d’une vie classique ? Est-ce que je veux continuer comme ça ? En vrai, si j’avais continué, j’ai quasi 30 piges aujourd’hui, je pense que j’aurais déjà des gosses.
La Face B : Parlons un peu de vos sources d’inspiration. Quels artistes vous inspiraient en 2023 quand vous avez créé le projet ?
Nico (bassiste) : En 2023, on écoutait Shame, Idles, Fontaines D.C., tu peux aussi mettre Biffy Clyro et Frank Carter & The Rattlesnakes.
La Face B : Et maintenant, en 2025, vous écoutez qui ?
Nico (bassiste) : Viagra Boys
Vincent (chanteur) : Cleopatrick !
Ilyes (batteur) : Turnstile (à voix basse)
Vincent (chanteur) : Oui, Turnstile en 2025, ils font un truc incroyable, c’est vrai ! Ils ont réussi à sortir de la scène hardcore pour toucher plus de gens sans perdre leur identité. En vrai, on aimerait assumer plus le côté dance-punk et proposer quelque chose de plus produit, mais avec toujours une énergie punk.
La Face B : “Space Rocket”, votre dernier single, est sorti avec un clip. Quelle évolution traduit-il par rapport aux tout premiers morceaux ?
Vincent (chanteur) : Justement, ce single, c’est un peu la dernière brique de la première salve, de Shaker 1.0. On avait décidé de ne pas sortir d’EP tout de suite, histoire de tester. Sur Space Rocket, il y a plus de sarcasme, et ça représente bien le projet qu’on veut faire décoller.
La Face B : Quand on vous écoute, on se dit que vous êtes un groupe de live. Comment décririez-vous votre show à quelqu’un qui ne vous connaît pas ?

Vincent (chanteur) : Je dirais : coloré et good vibes. On le dit pas souvent, mais on pense que c’est important de rire dans ce milieu qui peut être stressant. Après, c’est un peu bateau, mais l’énergie et le lâcher-prise, c’est vraiment ce qu’on veut transmettre, même si on porte des costumes !
La Face B : Parlons du MaMA. Comment vous retrouvez-vous ici ? Quelle est la petite histoire derrière ?
Vincent (chanteur) : On a commencé à être suivis par la SMAC Paul B de Massy un an après le début du projet. Ça nous a permis de rentrer dans le circuit. Il y a eu aussi pas mal d’échanges culturels avec le réseau Rif : on a été coaché, il y avait plein de pros, et ça nous a permis de faire tourner notre nom dans le réseau professionnel d’Île-de-France.
La Face B : Vous avez des enjeux ce soir avec ce showcase au MaMA ?
Nico (bassiste) : Gagner de l’argent (rires).
Vincent (chanteur) : Ce qui est génial, c’est qu’il y a plein de programmateurs de France qui sont réunis. Donc oui, l’idée c’est de tenter d’exporter le projet un peu partout, parce qu’on veut bouger et se faire connaître. Au-delà de l’aspect “avec quels pros on va parler”, le fait de dire qu’on a joué au MaMA, ça change un peu le regard des programmateurs.
La Face B : Et comment on prépare un concert devant des pros ?
Vincent (chanteur) : De la même façon qu’un concert lambda. On veut désacraliser le truc. On fait ce qu’on fait et on joue de la même manière que quand on est au Supersonic ou à la Fête de l’Huma. Ce serait une grosse erreur de vouloir changer.
Ilyes (batteur) : De toute façon, à partir du moment où tu as confiance en ce que tu fais, il faut y aller.

La Face B : C’est quoi votre meilleur souvenir de concert, en tant qu’artistes ?
Ilyes (batteur) : Le meilleur concert qu’on a fait, c’était au skate park du Cosa Nostra. C’était cool.
Vincent (chanteur) : C’était la Californie !
Ilyes (batteur) : On a vécu un moment de malade.
Vincent (chanteur) : Quand tu joues du punk et que tu as des skateurs qui s’éclatent tout autour de toi, t’as l’impression d’être dans un clip des années 2000.
La Face B : Et les projets pour les mois à venir ?
Vincent (chanteur) : Eh bien, le premier EP. Enfin ! On se décide à sauter le pas. Tu veux une exclu pour conclure cette interview ? Il va s’appeler Dance Punk, et sortira à priori pour début 2026, mais on a pas encore de date précise.
La Face B : Merci pour ces quelques minutes, passez un bon concert !
Vincent (chanteur) : Merci à vous, passez un bon MaMA !