Rencontre avec Zoo Baby

Xavier Dufour-Thériault s’est créé un alter-ego nommé Zoo Baby. Un moyen pour lui d’exprimer certaines choses personnelles à travers sa musique tout en gardant un côté entertainment qui nous plait énormément. Après un Volume 1 de très bonne facture, le québécois enfonce le clou avec Volume 2, un album varié et néanmoins bien plus personnel. C’est à l’occasion de son bref passage français au BISE Festival que nous l’avons rencontré pour parler de ce nouvel opus.

portrait zoo baby

La Face B : Salut Xavier, comment ça va ? 

Zoo Baby : Ça va super bien, j’ai dormi environ huit heures en tout les trois premiers jours où j’étais à Nantes, puis là j’ai dormi une nuit de treize heures, je ne savais pas que c’était possible, puis j’ai un niveau d’énergie, je ne sais pas du tout quoi faire avec, fek ça va être extrêmement bien. 

La Face B : C’est bon pour le concert ça ! 

Zoo Baby : Ah ouais, c’est sûr ! 

La Face B : Ton premier album avait été plutôt bien accueilli et avait eu des bons retours, et je me demandais comment tu avais envisagé justement la création de ce volume 2 et l’attente qui pouvait en sortir un peu ? 

Zoo Baby : Ben je pense que… J’ai aussi un groupe de rock que j’ai depuis que je suis ado qui s’appelle Gazoline. On a fait un album entre Zoo Baby 1 et Zoo Baby 2. Je pense que j’étais tellement focussé sur ce qui définissait ce projet-là, puis ce qui le représentait, que sans vouloir refaire le 1, j’ai l’impression que c’est encore plus clair, cet univers-là, ce que je veux donner, ce que je veux chanter. Sans essayer de recopier quelque chose j’ai juste essayé de l’amener plus haut, c’est comme Zoo Baby 1 mais en plus élevé. Je voulais faire comme du Prince un peu sur le premier, puis là je pense que c’est plus moi, il y a toujours du funk, il y a toujours du folk, mais je pense que c’est un peu plus élégant, un peu plus intelligent, puis je suis vraiment super fier de cet album. 

La Face B : Moi, si je dis qu’à écoute, je te sens beaucoup plus libéré d’un point de vue musical, dans le sens où j’ai l’impression que tu t’es autorisé à t’ouvrir encore plus de genre et à l’échelle t’amuser avec les genres musicaux à les mélanger justement à prendre de la funk, des trucs un peu plus downtempo, tout ça, est ce que c’est une idée qui te convient ? 

Zoo Baby : Oui, c’est, je pense que c’est bien dit. Il y a beaucoup de de trucs que j’ai toujours voulu faire, puis je pense que pour la première fois, j’avais les outils et j’avais l’expérience, puis l’envie de faire tous ces styles-là, puis de réussir à les mélanger assez bien, je pense que c’est cohérent comme projet aussi. Et puis pour moi, je ne suis pas un gars de genre musical, pour moi tout est de la pop, je voulais faire un super album pop, puis je pense que je ne suis pas loin de ça. 

La Face B : L’une des grosses évolutions, je trouve, c’est qu’il est beaucoup moins synthétique par rapport au premier. Je trouve que tu as utilisé beaucoup plus de cuivres, des cordes, tout ça, ça donne un côté beaucoup plus chaleureux et un supplément d’âme, entre guillemets. Je trouve à la musique de ce volume 2. 

Zoo Baby : Je pense que sur Zoo Baby 1, j’avais un truc à me prouver un peu à moi-même, je voulais vraiment faire tout, tout seul. Mais là, ça fait du bien de justement de briser un peu mon ego pour inviter des amis, puis inviter d’autres éléments, puis sortir de de ma chambre. Tu sais, c’est un peu une bedroom pop, c’est un peu ce que je voulais faire, puis là je veux faire de la musique ambitieuse, puis j’ai le goût de traîner avec moi.  

La Face B : Là, ce qui est marrant, c’est que si on prend des comparaisons qui ont été faites en Europe sur le premier, on le comparait beaucoup à Julian Casablancas, et là, on a l’impression qu’on est plus sur du Prince  

Zoo Baby : Bah c’est deux idoles, je suis capable de gérer les deux avec plaisir. 

C’est Julian Casablancas, qui, quand il a sorti son album solo, c’était pas mal dans la mentalité que j’avais de vouloir faire quelque chose tout seul, qui était juste un développement des démos que je fais depuis que je suis jeune, puis de pouvoir donner un produit qui est plus proche de ça avant qu’il rencontre un groupe, tout ça.

Puis là bin, je m’amuse plus comme un Prince, à rester dans cet esprit-là assez home made mais en utilisant les outils que je ne me permettais pas d’utiliser avant. Aussi avec l’idée de comment vont marcher ces chansons pendant le show.

Parce que quand j’ai fait Zoo Baby 1, je n’avais jamais fait de show de Zoo Baby, alors que là je l’ai fait, et je sais ce que je veux rendre en show, ce que je veux donner au monde, puis quelle toune manque à mon set pour que ce soit vraiment solide. 

La Face B : Et justement, le fait de d’avoir rajouté des cuivres, des cordes, tout ça, est-ce que tu as vu, certaines limitations et ce que t’as recherché un peu à transformer un peu les morceaux pour la scène ? 

Zoo Baby : On utilise un clavier un peu. C’est sûr que là j’ai plein d’idées dans la tête, si l’occasion se présente, j’ai le goût de réinviter ces cuivres-là pour les amener en live, tout ça. Mais j’ai des bons musiciens avec moi, puis on fait fonctionner ça. Je me laisse la latitude de donner une autre dimension à l’album quand elle arrive là, tant que l’émotion est là, puis que le fun est là et qu’on est capable de rejoindre le monde de la même manière, je pense que je suis capable de faire des compromis, que ça fonctionne bien. 

La Face B : Si on parlait de d’un point de colonne vertébrale entre le premier album et le second, c’est que l’amour est toujours hyper présent sur les deux, mais j’ai l’impression qu’il est vécu d’une manière un peu différente que sur le premier je trouve. Il y a un côté un peu moins un peu moins cynique et désespéré sur certaines choses. 

Zoo Baby : Désespéré, c’est le mot. Sur le premier, c’est vraiment un album de dépression. J’avais une blonde pendant des années et des années, puis elle m’a laissé comme une vieille guenille, elle m’a détruit, j’étais à terre, fallait que je chante mon désespoir.

Mais of course, sur des musiques groove puis des trucs cool, parce que ce n’est pas mon genre de pleurer dans un micro pendant une heure, je n’ai vraiment pas envie de faire.

Puis là, j’ai recommencé à flirter, j’ai des copines, puis je voulais que ça apparaisse dans cet album-là, la séduction, le côté flirt, ma vie de Bachelor (rires). Je pense que c’est facile à rendre ça fun, mais toujours avec la même distance un peu, puis un côté cynique face à ça, parce que je reste blessé malgré tout. 

La Face B : Ce qui est marrant, c’est que je trouve justement que le « personnage » de Zoo Baby, il s’adoucit clairement au fil de l’album. Il y a un peu plus de failles de choses comme ça, mais il y a aussi une grosse part d’égo trip, parce que, un morceau comme All Night long, qui ouvre l’album, il est quand même très ego trip, flamboyant sur le personnage en fait. 

Zoo Baby : Ouais, je trouvais ça drôle. Tu sais, il y a des chansons dont j’écris le texte parce que j’ai besoin de dire quelque chose, mais là je voulais juste vraiment… J’écoute beaucoup Dua Lipa, puis des trucs pop américains, super « Top 40” tout ça.

Je sais que je n’ai pas le goût de faire ça, cette production-là, tout ça, ça me ressemble pas puis ça me plaît pas, ce n’est pas mon intention, mais d’essayer de transmettre mes goûts un peu plus punk rock tout ça. Et puis je voulais faire une toune trippante qui rappelle le “Top 40” tout ça, puis avec cette attitude-là, “I’m the best, je suis trop fort pour la Ligue, dites mon nom, c’est Zoo Baby”, c’est sans subtilité, juste du fun, puis c’est j’essaie d’avoir du fun là-dedans finalement. 

La Face B : Ce qui est intéressant sur ce personnage, c’est que j’ai l’impression que tu t’autorises à justement y mettre des failles et à pas le rendre aimable et appréciable sur certains aspects. Il y a, sur le premier aussi, des côtés un peu toxiques de temps en temps que t’assumes complètement ça et tu joues avec ça, sur ce personnage qui n’est pas parfait, justement. 

Zoo Baby : C’est ce que je t’ai dit, je suis un peu dans ma période Bachelor, puis ça vient avec beaucoup de remises en question. Comme on dit, l’intimidateur est intimidé, tu sais, c’est des patterns pas cools que j’ai eus, parce que quand tu fréquentes beaucoup de filles, tout ça, je suis capable de me voir aussi dans un miroir, puis de projeter ça… Je pense que si je ne suis pas vulnérable et honnête dans mes tounes, ça se sent. Si je ne donne pas cette dimension-là, et cet envers de la médaille sur l’album, ça va devenir un peu rigide, un peu odieux, et puis je n’ai pas le goût de faire ça, je veux que ça soit vrai, je veux que ça me ressemble, puis of course, il fallait que j’aille creuser dans le bobo un petit peu. 

La Face B : Et justement, pour que ça te ressemble, tu mets quelle part de toi-même dans ces morceaux-là ? 

Zoo Baby : Je dirais que je ne suis pas super introspectif au point d’en verser des larmes, au point que ce soit super viscéral, je pense que je garde toujours une distance, comme une caméra dans le coin de la pièce qui me filme. Je pense qu’il y a 50% de moi, comment je me sens, puis des trucs comme des phrases qui me viennent et que je n’ai pas le choix d’écrire parce que je me dis ça, ça va être puissant sur un disque, puis ça va marcher, puis ça va vraiment toucher le monde comme moi ça me touche. Juste d’y avoir pensé parce que c’est troublant de vérité et d’honnêteté.

Et il y a 50% ce personnage-là. Tu sais, je me suis trouvé un nom d’artiste, Zoo Baby justement parce que je voulais pouvoir dépasser un peu les limites de la vérité pour créer quelque chose qui est un peu plus grand que moi, et puis pouvoir, genre, grossir mes qualités, grossir mes défauts aussi, puis devenir une espèce de mascotte de moi-même, que je peux aussi jouer quand j’arrive en en faisant des shows, parce que j’suis un gars assez timide mais quand je suis en show, j’aime ça être puissant. Donc, il faut que ce personnage là que je crée avec l’album, soit un peu plus grand que nature. 

La Face B : Il faut trouver l’équilibre l’Entertainment et la sincérité quoi… 

Zoo Baby : Ouais, je pense que j’suis pas pire là-dedans. 

La Face B : Je trouve que c’est bien dosé justement, parce qu’au final, malgré les défauts, on s’attache au personnage, on s’y attachait déjà sur le premier album, et je trouve que là y a une vraie continuité sur le personnage, on le voit évoluer, on le voit grandir, on le voit changer, et c’est hyper intéressant. 

Zoo Baby : Je pense que je suis un peu un ado éternel, mais j’e nai pas le goût de faire comme si c’était super cool d’être un ado éternel. Je n’ai pas envie d’être comme Mötley Crüe à 45 ans. Je veux assumer cette partie-là, mais je veux aussi soulever toute l’absurdité de cette situation là aussi, puis m’en éloigner quand c’est le temps d’être vrai, puis de dire quelque chose qui est profond.  

La Face B : Ouais, parce qu’il y a des morceaux comme ça sur l’album où tu retires la carapace… Tu vois sur un morceau comme Ton appartement qui est le premier morceau que tu as sorti, il était surprenant parce qu’au vu de ce que t’avais fait avant, on ne s’attendait pas forcément à ce genre de choses. 

Zoo Baby : Puis même les personnes avec qui je travaille à la maison de disque, moi j’étais là comme « Ah premier extrait, All Night Long » quelque chose de plus cocky pour montrer que, I’m back, the sale mother fuckers always  je sais pas, puis on m’a dit “Ah, on dirait que ça serait bien de te découvrir sous cet angle, de surprendre le monde avec ta fragilité, puis avec quelque chose d’autre”. Je suis content de l’avoir fait finalement, parce que la réception était bonne aussi, et ça va être encore plus surprenant quand ils vont voir mon côté givré (rires). 

La Face B : Le premier titre de l’album est risque aussi de surprendre pas mal de monde mais ce qu’il y a d’intéressant avec ce titre-là, c’est qu’il permet aussi de découvrir une autre notion qui est hyper importante, sur volume 2, c’est la notion d’enfermement, parce qu’il y a vraiment un vocabulaire de l’enfermement et quelque chose comme ça qui vit dans l’album, dans les relations, des choses comme ça, en fait. 

Zoo Baby : Je pense que j’ai fait quelques clins d’œil au lockdown, la COVID, tout ça parce que je me disais, si je réussis à garder ça, c’est subtil. Ça va rester universel, mais je pense que c’était vraiment spécial ce qu’on a vécu.

L’amour au temps COVID, comme dans le temps du choléra, et puis j’ai gardé une distance, mais je me disais, “ça réarrivera pas ça là” fek il faut que je réussisse à capturer cette émotion-là, puis, je pense que je l’ai fait un peu. 

La Face B : Je trouve que l’album se termine sur une forme d’apaisement pour le personnage. Du coup je demandais si toi tu te sentais apaisée et en quoi la musique t’aidait justement à apaiser certaines de tes émotions. 

Zoo Baby : Moi j’ai toujours assez grosse carapace. J’étais un enfant assez mélancolique, et puis j’ai perdu mon père super jeun… Ça a fait une espèce de blocage qui fait que je suis plus du genre à blaguer, au lieu de parler de mes émotions, tout ça.

Et je pense que quand j’étais jeune, j’ai trouvé un équilibre là-dedans, à écrire, puis à faire des chansons, puis à m’ouvrir de cette façon-là. Je pense que des tounes comme la dernière chanson de l’album, d’être capable d’être honnête, puis de me vider de ça, ça me garde assez mentalement stable. Puis ça fait que je vais être encore là au prochain album (rires). 

La Face B : Justement, c’est une ouverture pour la suite qui peut être intéressante quoi. 

Zoo Baby : Ouais, c’est ça, parce que je veux pas être prisonnier, je veux pas être juste un flux de sentiments jusqu’à ma musique. Je veux pas m’appuyer sur l’auditeur pour être supporté là-dedans. Je veux juste qu’on connecte et qu’on parle de sujets qui nous ressemblent, puis pour ça, il faut que je m’ouvre un petit peu. Mais juste assez. 

Crédit Photos : Clara de Latour

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