A l’occasion du Printemps de Bourges 2025, nous sommes allés à la rencontre des lyonnais d’eat-girls. Le trio lyonnais formé par Amélie, Elisa et Maxence ont sorti un album en fin d’année 2024 : Area Silenzio. Présents dans le cadre des iNOUïS, nous avons pu échanger avec Amélie et Maxence pour savoir ce qui se cache derrière ce trio, décrypter leur univers musical, évoquer les rêveries et le cinéma ou encore allier film et musique. Prochain rendez-vous scénique le 29 mai à l’occasion des Nuits Sonores !

La Face B : Salut les eat-girls, comment ça va ?
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Amélie : Un peu éprouvé quand même, mais ça va !
Maxence : Un peu fatigué, le stress qui redescend aussi parce qu’on sort du concert. Moi, dans mon cas, ça met un moment à redescendre. Fatigué, mais bien content.
LFB : Est-ce que vous pouvez me raconter la genèse d‘eat-girls ?
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Amélie : La naissance au tout début, donc c’est Elisa et moi. Grandes amies depuis super longtemps. Avec Elisa, on était colocs au moment du confinement, on s’est retrouvées toutes les deux à vouloir faire de la musique toutes les deux. Ensuite, on a voulu faire un peu nos premiers concerts et puis on a rencontré assez rapidement Max, qui débarquait à Lyon à ce moment-là dans notre école de musique. On avait une basse toute pourrie qui sortait sur l’ordinateur et on lui a dit, mais comme tu fais de la basse, tu ne veux pas plutôt faire de la basse avec nous sur le concert ? Pour un concert de base.
Maxence : En fait, je ne faisais même pas vraiment de basse, j’étais guitariste.
Amélie : Oui, en plus, on t’a demandé…
Maxence : J’en ai toujours joué comme si je jouais d’une guitare. C’est ça qui est drôle aussi.
Amélie : Le premier concert avec Max, je ne sais pas, c’était super. Bref, on n’avait pas vraiment développé le groupe à ce moment-là.
Maxence : C’était le deuxième concert, en fait.
Amélie : Et on s’est dit, viens, on le fait tous les trois. Et voilà.
Maxence : La formule entre nous trois, en tout cas, a bien pris. On s’est dit qu’on continuerait. Enfin, elles m’ont dit que je pouvais continuer avec elle. Je suis devenu un vrai membre et maintenant on est un trio.
Amélie : Depuis le début, quasiment.
Maxence : Ouais. Au début, j’étais musicien.
LFB : Tu étais déjà dans un autre groupe ?
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Maxence : Moi, pareil, avec le confinement, j’avais un ancien groupe. J’étais avec trois potes, un quatuor de mecs (sourire). J’étais guitariste dans ce groupe-là. J’ai toujours fait de la guitare. Et en fait, pareil, le confinement, ça a un peu séché le groupe en plein vol. Il n’allait pas aller grand part, je pense.
J’ai atterri à Lyon, j’ai rejoint la coloc des filles. J’avais envie de faire de la musique, j’avais envie de faire de la basse, même assez curieusement. Et c’est pile ce qui leur manquait, donc ça s’est fait vraiment naturellement. Parce que j’avais suivi un peu le début de la création du groupe, ayant masterisé le premier EP, de manière très amateur. On se connaissait avant que je rejoigne le projet officiellement. Et j’avais toujours cet espoir un peu secret quand même de jouer avec elles de la basse. Et elles me l’ont proposé sans que je demande.
LFB : Je ne peux pas ne pas vous demander d’où vient l’origine du nom eat-girls (sourire). Parce que je pense qu’il y a un jeu de mots avec it-girl…
eat-girls
Amélie : C’est ça, c’est absolument ça. On devait trouver un nom pour sortir l’EP, on écoutait à ce moment-là une musique des Brian Jonestown Massacre qui s’appelle It Girl. Et on s’est dit, ah marrant et puis on était deux filles à ce moment-là, donc voilà, il y a le girl fashion et tout ça, et on s’est dit, tiens, on va pas le mettre en mode fashion, ce n’est quand même pas très drôle, et puis on va changer le it en E-A-T, voilà.
Maxence : Ouais, c’est juste un jeu de mots, il n’y a même pas vraiment de sens derrière le jeu de mots, c’est juste pour dire de remplacer un mot pour un autre.
Amélie : Ce n’était surtout pas du tout pérenne à ce moment-là, ce n’était pas pour continuer, donc bref, c’était une blague.
LFB : Ceci dit, avec les lettres I et T, ça aurait pu être l’écriture inclusive et de laisser le mystère non-genré…
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Maxence : On ne nous l’a jamais dit, ça. C’est vrai que ce n’est pas si bête.
Amélie : On était toutes les deux de base.
Maxence : Maintenant, on croit que c’est des sous-entendus bizarres. Puis comme maintenant, je suis un mec dans le groupe, il y a des vieux types qui nous sortent « Eh, alors tu manges les filles ? ».
LFB : Est-ce que vous pourriez m’expliquer maintenant, l’origine du titre de l’album ? Area Silenzio, qui est vachement, cinématographique. Je pense que David Lynch n’est pas très loin.
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Maxence : David Lynch a toujours plus ou moins influencé la musique qu’on fait, de manière esthétique, on va dire. Que ce soit les musiques que lui fait dans ses films, sa musique solo, les musiciens qu’il emploie, ses choix de chansons… David Lynch, c’est un truc qui est imprégné de nous trois, vraiment la référence commune qu’on a, je pense que c’est son cinéma.
Mais pour l’album, c’est assez simple en fait. Parfois, il nous arrive de prendre des trains, Trenitalia, qui partent de l’Italie, qui passent par Lyon et qui vont à Paris. Souvent, on prend ces trains-là parce que c’était les trains les moins chers.
Et il y a deux types de wagons, il y a les area allegro, où on peut discuter. Les passagers peuvent plus facilement faire le bruit et il y a la area silenzio qui là sont des wagons pour se reposer, pour dormir. Nous on aimait bien prendre ces wagons-là. Et la première fois qu’on a vu ce nom-là placardé sur la vitre du wagon on s’est dit mais c’est trop beau.
Amélie : En plus il y avait une typographie super belle. Forcément c’est plus inspirant visuellement on a vu le area silenzio un truc un peu italique…
Maxence : Tout de suite le nom a sonné super beau et profond. Je ne sais pas, il y a un truc qui nous a touché, mais un peu inexplicable.
Amélie : Et puis le silence, on aime trop. Ca fait partie de la musique aussi, le silence.
LFB : C’est un symbole à part entière.
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Maxence : Oui, oui. C’est une idée d’un voyage dans un train silencieux. Coller ça à un album qui est un voyage, mais, en musique, avec toute une espèce de thèse-antithèse, contradiction, sans aller chercher trop loin, comme juste l’image nous paraissait évidente et nous plaisait. Je ne sais pas si elle est très explicable, mais en tout cas, pour nous, elle évoque plein de choses. Qui sont très propres à nous trois et à nos imaginaires respectifs et collectifs. Collectifs à nous trois, je dirais, sans les autres autour…
LFB : S’il y a bien quelque chose qui m’a fasciné en écoutant l’album c’est que vous n’avez vraiment aucune uniformisation. C’est-à-dire que vous êtes partis dans différents axes et l’album n’a pas une sorte de ligne conductrice, fil rouge et c’est ça qui est génial. Vous avez plein d’univers, comme tu parles de voyage, ça serait peut-être différentes stations. J’aimerai savoir un peu comment vous avez abordé la création de cet album. Si c’était sur différentes périodes parce que tout n’a pas l’air d’avoir été enregistré en même temps…
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Amélie : Ca vient surtout de la manière dont on compose parce qu’on a beau avoir des mêmes influences musicales au sens large, on a quand même nos influences respectives. Vu qu’on mélange de manière un peu patchwork parfois nos idées, on peut partir un peu dans tous les sens.
Et après, ça, c’est pour un morceau défini, mais du coup, ça rend forcément pareil quand on met les morceaux ensemble, parce que du coup, ils ne se ressemblent pas. Il y a peut-être une musicalité ou en tout cas des sonorités qu’on peut retrouver. Mais oui, on ne s’est même pas trop posé la question.
Maxence : La façon dont on compose aussi, elle est ultra instinctive et intuitive. C’est souvent le premier jet qui sort qu’on va utiliser. Souvent ça nous va très bien tel quel et il y a ce truc très impulsif et très one shot quoi qu’on tient à cœur de garder.
En effet il y a tout ce mélange patchwork. Mais on ne se dit pas ah ouais mais ce morceau il n’irait pas trop avec celui-là parce qu’il ne sonne pas assez il est trop dans tel style. On ne réfléchit pas trop à ça. Juste on a envie de faire ce qui nous plaît, en étant le truc le plus honnête possible pour nous. C’est ça le plus important.
Pour ce qui est de la création de l’album, tous ces morceaux sont nés un peu à des étapes différentes aussi parce qu’il y a des morceaux qui sont plus vieux, qui remontent vraiment quasiment au début du groupe et d’autres, qui sont vraiment nés à la dernière minute de se dire, là, on enregistre tout.
Mais ça nous paraissait important quand même de tous les mettre ensemble. Pour nous, ils racontent tous une histoire et aussi une évolution du groupe, d’où le voyage en train aussi.
LFB : Tout est hyper spontané.
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Amélie : Ouais c’est ça.
Maxence : On essaye d’être le plus spontané possible et honnête envers nous-mêmes.
Amélie : On ne s’est pas dit on fait du rock, on est un groupe de rock, on n’y a même pas pensé, on a juste voulu faire ce qu’on avait envie de faire dans notre coin.
Maxence : On se dit pas ce style-là c’est ce qu’on veut faire, on ne veut pas en bouger, on n’y réfléchit pas en fait.
Amélie : C’est juste plus compliqué pour nous après pour communiquer dessus, parce qu’on doit nous mettre dans un style.
Maxence : Mais même là on finit par galérer (rire)
LFB : Là où j’avais lu, c’était peut-être dans votre bio, où il y avait cette histoire de musique enregistrée dans l’appartement, je me suis dit tiens de la bedroom pop, mais ça vous cloisonne énormément…
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Amélie : Oui, oui, oui.
Maxence : Il y a de ça, un peu.
Amélie : Oui, c’est vrai que c’est enregistré dans la chambre, mais pas au sens bedroom, mais c’est vrai que ça apporte la confusion.
Maxence : C’est de la flat pop. De la pop chiante (sourire). Mais il y a un côté un peu pop quand même, en tout cas chanson, enfin structure, couplet, refrain. Forcément mélangé avec des aspects plus expérimentaux et plus noisy que nous on aime beaucoup, mais voilà encore une fois c’est un grand gloubi-boulga, un grand patchwork de plein de trucs.
LFB : C’est un élément que j’avais remarqué chez zouz. Je ne sais pas si vous étiez déjà arrivés. C’est des spécimens canadiens. Et eux, vraiment, dans l’appellation, ils font de la noise, mais ils ont tenu à garder l’appellation française, donc rock bruitiste. Et vous, c’est aussi ça vous faites de la musique bruitiste parce qu’il y a quand même une dimension industrielle un peu sur les bords.
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Amélie : Oui, carrément. Mais tu vois, si tu écoutes juste Canine, par exemple, j’ai l’impression que les gens ne pourraient pas se dire « Ah, c’est du rock bruitiste ». Donc, tu sais, j’ai l’impression que ça colle à énormément de choses, mais pas à tout.
Maxence : Bien sûr qu’en tout cas, la musique bruitiste, c’est une grande part de notre influence.
Amélie : Ah, mais totalement.
Maxence : La musique industrielle aussi, comme tu dis, il y a des groupes comme Einstürzende Neubauten. Ou même Sonic Youth, en soi c’est tout bête, mais le truc de taper sur sa guitare, c’est trop bien. C’est tellement plus fun, je trouve, de faire de la musique comme ça et de réussir quand même à y incorporer dans un contexte pop, en tout cas chanson, cohérent, pas full bruitiste.
Moi ça m’irait très bien de faire ce genre de musique. Mais c’est cool aussi de mélanger avec plein d’autres trucs. C’est vraiment un jeu un peu de bac à sable pour nous. Vraiment de Lego, de construire des trucs de toutes pièces avec plein de morceaux qui n’ont rien à voir. Nous, en tout cas, c’est ça qui nous anime et c’est ça qui nous fait rire et qui nous procure de l’émotion. C’est d’aller piocher dans tous ces trucs, dont les musiques un peu plus bruitistes et industrielles, je pense.
LFB : Là où toi tu me parles de voyage sous-entendu vers l’extérieur, le dehors, il y a quand même une sorte de voyage intérieur chez vous dans l’album voire même de l’introspection. Vous allez un peu pousser le vice un peu plus loin avec earthcore, notamment. Où je trouve que les introductions, et je me suis laissée porter par l’adjectif. C’est limite chamanique.. Est-ce que vous pourriez me raconter un peu l’histoire autour de ce morceau ? Les percussions et notamment le tambour, c’est des samples ou c’est organique ?
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Maxence : Non, c’est des sons électroniques, c’est vraiment des samples. C’est cool que tu nous parles de ce morceau…
Amélie : Personne ne nous en parle jamais.
Maxence : C’est un des moins streamé, c’est un des morceaux les plus durs aussi à faire en live…
LFB : Quand je vous ai vu tout à l’heure, j’avoue je me suis demandée ; est-ce qu’ils vont le faire ?
Maxence : On ne l’a pas joué pour ces raisons.
Amélie : 30 minutes.
Maxence : Puis ce contexte des iNOUïS, un truc un peu plus grand public. Mais on l’aime beaucoup. C’est un de nos morceaux préférés autant sur l’album qu’en live.
Oui c’est un morceau parle qui parle d’un voyage justement au centre de la Terre. Pas dans le sens où Jules Verne l’entend mais vraiment littéralement traverser les couches, les différents manteaux de la croûte terrestre.
Mais très simplement déjà c’est le seul morceau qui est né d’une jam entre nous trois. Là où d’habitude, comme on t’expliquait on compose plus à distance et par patchwork et à talent est vraiment tous les trois dans la même pièce. Il est né de tous les trois en même temps d’un truc.
Tout de suite, la première image qui nous venait en tête de ces sonorités un peu chamaniques.
Amélie : C’est venu d’une démo. C’est la sonorité de la démo de la drum qui nous a influencé pour le reste.
Maxence : On entendait des trucs d’aller dans les métaux profonds, de traverser la Terre. Directement, la musique nous a évoqué cette image-là. C’est ce qui en est ressorti. On fonctionne comme ça. On fonctionne beaucoup de manière cinématographique. Ce que la musique, elle, te fait sentir, les images qu’elle te renvoie…
Amélie : Ce n’est pas qu’on a fait les drums parce qu’on voulait faire une ambiance chamanique. Enfin, si tu les avais fait les drums ?
Maxence : Non, non du tout. On les a fait sur le moment.
Amélie : Mais bon je ne sais pas, c’est entendre un truc ou juste un rythme qui nous a influencé.
LFB : Donc il y a quand même une idée de voyage vers l’intérieur…
Amélie : Oui, carrément.
Maxence : Mais dans la chanson, c’est vraiment très littéral. Aller au centre des métaux les plus profonds, les plus enfouis, des pétales fracturés…
LFB : Il y a aussi quand même un aspect métaphorique, non ?
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Amélie : Oui, bah oui.
Maxence : Non, mais ce truc très littéral aussi qui nous plaît, mais oui, ça envoie tout plein d’images, forcément. Mais je ne sais pas, il y a un truc un peu effrayant et à la fois fascinant dans le fait de creuser profond, de s’engouffrer, enfin un truc un peu impossible aussi.
Oui, un genre de voyage un peu dangereux et un peu extrême. Et fouiller les tréfonds de son âme. Ce n’est pas forcément toujours bien de fouiller trop au fond de soi. Il y a plein de trucs à imaginer. C’est vrai que c’est un titre un peu particulier sur l’album. Et même pour nous. Bonne pioche !
LFB : Je reviens à l’occasion sur cet aspect cinématographique hyper onirique aussi et quand vous parlez de Lynch, quelle est l’influence du cinéma dans votre œuvre et puis la part du rêve ? Comment vous jonglez sur ces influences ?
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Amélie : là je sais qu’avec Elisa on a depuis longtemps on regarde des films, on est intéressées par tout ça, films d’auteurs, depuis qu’on s’est rencontrées. On a un rapport mais vachement à l’esthétique, à l’image aussi, et puis à présenter quelque chose, notamment un film, avec des angles différents.
Moi, je me rappelle la première fois que j’ai vu peut-être un film différent qui aborde un sujet d’un angle où on ne s’y attend pas. Je me suis dit « Ah, waouh, super, trop bien, on peut aborder n’importe quel sujet ». via un média, mais de n’importe quelle manière aussi. Enfin, je veux dire, cette uniformité n’existe pas. Enfin, bref, je ne sais pas. Et donc forcément, influencée par ce fait de dire qu’on peut prendre n’importe quel bout, n’importe quel sujet. Et puis vachement l’esthétique.
Maxence : C’est des images tout le temps fortes qui nous collent dans la tête. Je pense qu’on a tous les trois un truc très photographique aussi. Où une image même si elle ne parle pas, même si elle est fixe, je pense qu’on entend notre propre musique aussi.
Tous les trois moi je sais que je vois une image et je peux entendre de la musique en voyant quelque chose. Tout de suite il y a un univers qui se crée et du coup moi je maîtrise enfin je pense qu’aucun autre ne maîtrise vraiment le travail de l’image au sens technique du terme. On a ce truc de musique qui vient s’y greffer automatiquement. Et c’est un truc qu’on retrouve beaucoup chez Lynch, la musique est ultra liée à l’image. Je pense qu’on est influencés dans ce sens-là, dans tous ces trucs qu’on a pu ingurgiter.
Et pour le côté onirique… Tous les trois aussi, la manière dont on écrit, c’est très axé sur des choses assez surréalistes, qui viennent du rêve. On écrit beaucoup, je pense, des trucs qu’on a vus dans nos rêves.
Amélie : On doit coller des sujets ensemble. Par exemple, Max va faire un couplet et moi, si je fais un couplet dans la même chanson, on ne se sera pas forcément mis d’accord sur le sujet. C’est comme dans un rêve où tu passes d’un sujet à l’autre.
Maxence : C’est ça en fait. Comme dans le rêve, il n’y a pas forcément de cohérence. D’un morceau à l’autre que ce soit sur l’album ou même d’une phrase que l’un l’une va dire la phrase que la personne d’après chante même des fois des morceaux des sections de musique qui complètement passent à autre chose. C’est très lié au rêve tout ça mais je ne sais pas si on le conscientise vraiment.
LFB : Je ne sais même pas comment ça a un nom. Ca serait une sorte de synesthésie ?
Maxence : Un truc un peu LSD vibe… (rire)
Amélie : Oui, oui, le mélange des sens, ça me parle vachement.
LFB : Après, c’est du Rimbaud, le désordre, le dérèglement des sens…
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Maxence : En fait, nous, on a aussi toute une fascination autour des espaces vides. Area Silenzio, ça l’évoque un peu, ça revient un peu à ça. On a toute une fascination autour des espaces vides et silencieux. Je sais que quand on compose, chacun, je pense à sa manière, on a tous cet espace vide en tête ou en tout cas des images qui nous viennent.
Des fois ça peut être un truc qu’on imagine dans notre tête et des fois ça peut être juste une capture d’écran de film sur laquelle on tombe, une photo qu’on prend quand on est dans des endroits un peu liminaux. Je ne sais pas. C’est très compliqué à expliquer parce que c’est un truc qui est vraiment sur la limite entre le réel et l’irréel.
Amélie : Oui, dans le cerveau.
Maxence : Et en fait, nous, c’est dans cette interstice-là qu’on se retrouve beaucoup. Et c’est ce truc-là qu’on aime beaucoup exploiter, je dirais, et qui nous inspire, en fait, tout simplement.
LFB : Ça se voit sur votre pochette, notamment le fait qu’elle soit un peu épurée et que c’est minimaliste. Mais pourtant, votre univers musical est loin d’être minimaliste.
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Maxence : Il y a de ça, pourtant. On me dit des fois qu’on est minimaliste, mais moi, je ne trouve pas tant non plus. Encore une fois, ça peut dépendre aussi des morceaux. Un morceau comme Canine, par exemple, il est très minimaliste et plus droit au but. Mais comme tu le disais, il n’y a pas tellement de cohérence, en tout cas pas d’uniformité dans les morceaux qu’on fait. Je ne sais plus ce que c’était la question (sourire).
LFB : Je cherchais l’influence du rêve et du cinéma. On parlait beaucoup de Lynch tout à l’heure. Et effectivement, Lynch lui-même, quand il explique ses films, il dit que ça vient de ses rêves. Là, d’un coup, j’y repense, je ne sais pas si vous l’avez vu, le film de Jim Jarmusch Retour à la raison avec des courts-métrages de Man Ray. Et Sqürl a fait de la musique dessus et ils ont fait ça magnifiquement. J’ai fait une sorte de transfert en me disant, il faut que vous fassiez un ciné-concert ! Je vous vois bien dans une ambiance noir et blanc, ça peut s’imaginer parfaitement. Voire avec des touches, un peu de couleurs, parce que pendant votre prestation les couleurs marchaient bien aussi…
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Amélie : Ça c’est pas nous qui avons décidé.
LFB : Ah ce n’était pas vous ? Pour le coup ça vous allez super bien.

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Maxence : C’est au petit bonheur la chance la lumière !
Amélie : Non mais justement on s’habille de la lumière, on a trop hâte parce qu’on pense que ça peut encore décupler.
Maxence : C’est vrai que ce truc de musique à l’image moi personnellement c’est un truc qui me parle bien…
Amélie : Oui, on pourrait même créer de la musique pour un film, je crois.
Maxence : Ça, c’est un peu un big goal, en vrai.
LFB : Des images mais qui n’ont pas forcément de sens, en fait. On reste dans l’idée du rêve.
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Maxence : Bah en fait c’est un peu, je trouve notre clip Unison, ça s’en rapproche un peu, c’est beaucoup d’images assez cryptiques, qui n’ont pas trop de sens, qui sont gluées entre elles, qui se télescopent un peu aussi. Il y a plein de trucs qui partent dans tous les sens et en fait, je sais pas, c’est un peu évident. et en même temps c’est un peu nous ce qui nous fait marrer et ce qui nous plaît aussi. Ce truc très désordonné, un peu à l’Ouest…
LFB : On va finir avec deux petites questions un peu plus faciles. On est au Printemps de Bourges, qu’est-ce ça vous évoque ?
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Maxence : 40 ans de musique, d’émergence musicale (sourire).
Amélie : Attends, tu peux reposer la question ? Désolée, c’est sur les iNOUïS ou sur le Printemps de Bourges ?
LFB : Le Printemps de Bourges et je veux bien que vous me donniez aussi votre vision sur les iNOUïS…
eat-girls
Amélie : Le Printemps de Bourges, nous, c’est une grande première. Même en tant que public, on n’est jamais venu.
Maxence : On sait que c’est un festival légendaire. Pour nous c’est grand festival c’est un nom qu’on entend depuis qu’on est tout petit, des têtes d’affiches, une des références en tout cas en France de festival.
Amélie : Et puis pour les iNOUIïS, je pense que jamais, mais vraiment jamais, on se serait dit qu’on aurait notre place ici. On est assez étonnés, mais on est quand même fiers de représenter cette musique, la musique qu’on fait, ici. Après, dans notre imaginaire, avant de comprendre ce que ça pouvait aussi nous apporter, on avait un regard un peu d’uniformisation de la musique, de toute l’histoire de ce qui est subventionné, ce qui marche commercialement et tout ça. Mais écoute, si on est là, c’est un peu pour défendre peut-être une vision de la musique un peu différente.
Maxence : Sans prétention, bien sûr. Enfin, défendre en tout cas, nous, ce qui nous émeut et ce qui nous touche.
Amélie : En tout cas, on ne changera pas notre musique pour un rendez-vous pro qu’on aura, c’est ce que je veux dire.
LFB : Evidemment, je me doute que vous avez plein de références très riches, dans plein d’univers. Est-ce que vous avez des coups de cœur à partager ? Ça peut être des vieux trucs qui vous ont marqués de manière indélébile, mais ça peut être aussi des choses récentes.
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Amélie : Moi, je dirais Astrid Sonne. Voilà, elle est danoise et vit à Londres. Trop coup de cœur, je ne me lasse pas. J’écoute de moins en moins de musique. Avec l’âge ou je ne sais quoi. Bref, je n’en sais rien. Mais j’écoute de moins en moins de musique. Mais ce que j’aime, je l’écoute à fond. Et c’est vraiment une des seules personnes que j’écoute à fond depuis un moment.
Maxence : Ce serait dur de choisir, j’ai tellement de trucs. Mais dernièrement, quand même, un truc où je me suis bien remis dedans et vraiment, je pense, Stereolab, en vrai, il y a beaucoup de choses qui me touchent chez eux et à plein de périodes différentes en plus de ce qu’ils ont pu faire. Je suis trop content qu’ils se reforment et qu’ils jouent à Grenoble bientôt.
Amélie : On va les voir en concert.
Maxence : On va les voir, je suis trop content. On a eu la chance de rencontrer Laetitia Sadier quand elle est venue jouer à Lyon, super personne, super artiste. Vraiment j’aime beaucoup. En fait ce que j’aime beaucoup en plus chez Stereolab, c’est un peu un truc qu’on retrouve chez nous, mais alors c’est pas évident du coup au premier abord, mais tous ces petits bruits, ces petits détails, ces petites textures sonores.
Amélie : Ces voix.
Maxence : Ouais, les voix qui se croisent, les questions-réponses. En fait, tous les trois, c’est un peu une rêve commune et c’est un peu ce truc-là, vraiment des petits détails, des petits bruits de tu sais pas quoi. Ouais, non, je sais pas. Enfin, un truc qui, moi, me fascine, fascine, fascine. Je suis fasciné par Stereolab.
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