De ses débuts live dans un espace artistique illégal de New York où il jouait Jesus Jazz recouvert de faux sang, à Jazzapocalypse, son dernier EP pop apocalyptique, Jazzboy ne cesse de surprendre et nous plonge avec ce dernier opus, dans un univers sombre à la fois catchy et féérique. Malgré l’annulation du MaMA Festival 2020, nous avons pu poser quelques questions à Jazzboy (Jules Cassignol à la ville) et en avons appris un peu plus sur ses influences, ses inspirations et sur la conception de son E.P….
La Face B : On vient d’apprendre l’annulation du MaMA Festival 2020. Comment te sens-tu face à ce qui se passe ? Arrives-tu à rester créatif et actif en tant qu’artiste ?
Jazzboy : Comme beaucoup de gens je pense, je trouve la période assez étrange, difficile, même si le ralentissement général a eu un effet bénéfique sur pas mal de gens que je connais, et sûrement moi aussi, consciemment ou pas. Mais tout le monde ne vis pas la période de la même façon, selon le travail qu’ils/elles font, le lieu où ils/elles habitent etc… Je suis en train de finaliser mon premier-court métrage, donc j’ai pu profiter du ralentissement forcé pour me focaliser sur l’écriture et la préparation du tournage, puis maintenant le montage et post-production. J’ai beaucoup de chance de pouvoir m’exprimer malgré les restrictions, et en même temps je n’ai pas pu jouer une seule fois mon dernier EP en concert donc c’est assez étrange.
LFB : Quel a été jusqu’ici ton parcours de musicien ? Quand et comment as-tu commencé à faire de la musique ? Et quelles ont été/sont tes influences ?
J : J’ai commencé la musique à 10 ans par la guitare, un peu tout seul en écoutant mes cd’s de métal et de punk, puis j’ai pris des cours, monté un groupe avec mon frère et mes deux meilleur(e)s ami(e)s (The Dodoz puis Las Aves), puis j’ai finalement sorti de la musique seul, alors que je composais des chansons sur garage band depuis assez longtemps.
Ado, j’étais d’abord très nu-métal, j’écoutais beaucoup Deftones, Korn, Limp Bizkit, Marilyn Manson… Puis j’ai découvert le punk et le post-punk avec Television, The Clash, Joy Division, Public Image Ltd, Talking Heads… J’ai beaucoup écouté de glam aussi, toute la période berlinoise de David Bowie, et les premiers Tyranausaurus Rex qui étaient plus acoustiques mais vraiment magnifiques. Puis Pavement, Sonic Youth, beaucoup Fugazi, My Bloody Valentine… Et sûrement encore plein de choses que j’oublie, mais ca a commencé par des choses généralement assez exubérantes, rebelles (rire). Maintenant, j’aime beaucoup Eartheater, James Ferraro, Jonatan Leandoer96, Yves Tumor, les soundtracks de Mica Levi, Daniel Lopatin, la musique d’Arvö Part… C’est difficile pour moi de savoir ce qui m’influence, tout est assez inconscient, et je suis souvent plus inspiré par des situations, des images, des archétypes, des paysages, la mythologie, la religion…
LFB : Comment as-tu choisi ton nom de scène ? Ta musique sonne plus comme électronique et expérimentale que jazz…
J : J’ai toujours aimé le mot Jazz, le son qui se rapproche d’une onomatopée, les lettres… Je m’étais intéressé à l’origine de ce terme, et avait découvert que personne ne pouvait réellement définir sa provenance exacte. J’ai lu qu’il pourrait avoir désigné le « pep’s », l’énergie de vie, et j’avais beaucoup aimé cette idée. J’aimais aussi le côté insaisissable, libre du mot, et ma musique était en effet très éloignée du Jazz, et j »aimais cette fausse piste.
LFB : Le monde de Jazzapocalypse vol. 1 et vol. 2, tes derniers EPs, est à la fois enfantin et féérique et sombre et apocalyptique… Pourrais-tu décrire cet univers à ceux qui ne le connaîtraient pas ?
J : C’est impossible pour moi d’avoir assez de recul sur ce que je fais pour pouvoir le décrire de l’extérieur. Je préfère ne pas mettre de mots, et laisser les gens découvrir le truc à leur rythme, en cherchant un peu, ou en venant aux spectacles quand on pourra en refaire.
LFB : Le volume 1 est composé de chansons apocalyptiques pop et catchy et le volume 2 est instrumental et atmosphérique et pourrait être la bande originale d’un film mystérieux… Quel a été le processus de création de Jazzapocalypse vol.1 & 2 ?
J : J’ai pensé le tout comme une comédie musicale, qui décrirait l’Apocalypse vécue par un personnage. A l’origine, le mot « Apocalypse » signifie « Révélation », et tout le double EP tourne autour de ce sentiment, lorsque l’inéluctable devient visible de façon immédiate et abrupte. J’ai composé le tout en deux fois: une première session dans une cabane en bois dans la montagne ardèchoise, et une deuxième dans une micro maison dans la creuse. Pour moi, c’est toujours un processus assez solitaire et intense, très ramassé sur ces petites périodes. Je ne suis pas trop du genre à aller dans un studio tous les jours et accumuler des choses, je préfère attendre que mon cerveau et mon coeur débordent un peu puis aller tout vomir loin des regards (rires).
LFB : Le thème de métamorphose revient à plusieurs reprises dans les E.P. avec notamment ces paroles de Jazzapocalypse « Why do my skin peels away, I’m not the same one I was yesterday » à la fois organiques et métaphoriques et avec le morceau The Sound of the Metamorphosis. Peux-tu nous en dire plus sur ces métamorphoses ?
J : C’est le fil conducteur de tout le disque. Ca parle de ces « Révélations » brutales, de ne plus reconnaître quelqu’un, le monde, soi-même, ou même l’idée que l’on se faisait de soi.
LFB : Il y a un côté arty à tout ce qui touche à Jazzboy. Les vidéos que tu diriges ou co-diriges nous plongent dans des univers très particuliers étranges et mystérieux. (Celle de Xmas Never Happen Again nous fait assister à l’enterrement du Père Noël en plein tundra, celle de Jazzapocalypse est une « tragédie en noir et blanc » dans un décor de film noir, et le « roman visuel » de Jazz & Lizzie vous met en scène avec Lizzie, nus à travers champs dans des images à basse définition…). Comment abordes-tu les aspects artistiques de Jazzboy ?
J : Ma seule façon de les aborder est de n’y mettre aucune limite, aucune censure. Mon but est d’appréhender des sentiments qui se rapprochent un peu de l’ineffable, et de les traduire en sons, en images, en histoires. Je cherche à « peindre » ce sentiment assez bien pour que la personne qui le reçoive soit traversée par quelque chose de fort, ou en tous cas quelque chose de vrai. Tout le reste (les personnages, les costumes, les lieux, les moyens techniques) ne sont que des outils pour arriver à exprimer et faire ressentir. Je travaille aussi avec beaucoup d’ami(e)s talentueux(ses), sans qui tout ça serait quasiment impossible.
LFB : Le prénom de Lizzie est mentionné dans plusieurs titres (Jazz & Lizzie, The Song of Lizzie) et elle apparaît sur quelques morceaux et dans une vidéo. Peux-tu nous parler de votre collaboration ?
J : Lizzie est un personnage, au même titre que Jazz. Lucie Garrigues incarne ce personnage, et je collabore avec elle depuis le début du « projet » (je déteste ce terme!!). Elle est comédienne, elle vient plutôt du théâtre, de la mise en scène un peu aussi. Je la trouve simplement très talentueuse, habitée, sensible, donc on aime beaucoup amener des personnages à la vie ensemble, raconter des histoires… Je crois qu’on se comprends très vite artistiquement, et elle a quelque chose d’un peu extra-terrestre, que je trouve très rare et précieux.
LFB : As-tu d’autres projets en préparation?
J : Je suis en train de finir le montage de mon premier court-métrage, dont l’OST est le Vol.2 du double EP que j’ai sorti en Juin.
LFB : Y-a-t-il quelque chose que nous n’avons pas abordé dont tu souhaiterais parler ?
J : J’espère qu’on va tou.s.ttes trouver des solutions pour s’exprimer dans ce nouveau monde un peu bizarre! <3
LFB : Y-a-t-il quelque chose que tu as découvert récemment (pas nécessairement de la musique) que tu voudrais partager avec nous ?
J : J’ai vu un superbe film réalisé par une amie qui s’appelle Eléonore Berrubé. Le film s’appelle Fille de la Mer Baltique, c’est un moyen métrage et c’est magnifique!