Il est probablement l’auteur des textes les plus beaux et intéressants du moment. Il manie une écriture fine et précise sur les thèmes les plus contemporains. Jean Felzine chanteur du Groupe Mustang et du duo qu’il forme avec Jo Wedin s’est assit devant son clavier pour nous concocter un album solo magnifique, fort et touchant. Chord Memory s’impose comme un disque de chansons française bien décidé à faire bouger les lignes. C’est dans son fief de Montreuil que nous le retrouvons autour d’un verre pour parler rap, jeux vidéos, et masculinité, rien que ça. Il sera en concert le 22 mars au PopUp à Paris.
La Face B : Salut Jean, je suis super content de te rencontrer. J’espère que tu vas bien et que cette sortie d’album se passe comme tu l’espérais.
Jean Felzine : Merci. Heu oui, alors oui et non. Ce qui est chiant, c’est que je n’ai pas réussi à avoir le disque physique en même temps que le digital. Mais l’album a été plutôt bien reçu ce qui me fait plaisir, c’est la première fois que je fais un album que j’enregistre tout seul. Donc déjà content qu’il sorte parce que ça a été long à faire sortir.
LFB : Ça fait longtemps que tu l’as en tête cet album solo?
JF : Ça fait surtout longtemps que je l’ai commencé. En 2019 à la sortie de l’EP, j’ai continué à enregistrer des morceaux. J’avais un petit stage pour apprendre à m’enregistrer à Montreuil. Ce qui a été long, c’était surtout de trouver un moyen de le sortir. C’est à dire des thunes quoi, c’est ça le truc.
LFB : Cet Ep était déjà une façon d’amorcer l’album avec son esthétique.
JF : Oui. La différence est que sur l’EP, je n’étais pas encore sûr de moi. Je l’avais enregistré seul pour une grande partie et il y avait Apollo Noir, un artiste d’ électro qui m’avait aidé. En tout cas, c’était le point de départ de faire des ballades électroniques. Il y avait des chansons de ce type là que je semais parfois sur les disques de Mustang et avec le temps je me suis qu’il valait mieux séparer et faire quelque chose de particulier.
LFB : Tu collabores avec Adrien Durand de Bon Voyage organisation aussi sur ce disque?
JF : Il l’a mixé tout simplement. En fait, l’album de Jo et Jean il l’a réalisé, c’était la première fois qu’on travaillait ensemble. On s’entend plutôt bien sur plein de choses, notamment sur une vision de la musique en France. Et pendant qu’on faisait l’enregistrement de cet album, très vite je lui ai dit » Tiens, j’ai fais un album à la maison, ça t’intéresse d’écouter, de mixer… ? » et de file en aiguille, il a fait un super truc. Il a bien réussi à magnifier ce que j’avais fait chez moi.
LFB : Il y a des chansons que tu avais depuis longtemps ou tu as écrit les chansons après l’EP?
JF : J’avais depuis le début l’idée de faire cet album. J’aime pas l’idée de s’arrêter juste sur un petit format. Je voulais aller au bout de ce truc là.
LFB : Tu disais même déjà en quelques mots » Par ce que j’aime les ballades, les chansons d’amour et les synthétiseurs »
JF : Oui, enfin l’amour c’était surtout pour l’Ep.
LFB : Oui j’ai vu que tu l’avais enlever de ta description sur Spotify.
JF : J’essaye d’être cohérent à mon petit niveau (rires)
LFB : Entre Mustang, Jo et Jean et Jean tout seul, c’est trois style différents, ici l’idée était elle d’évincer un peu le côté rockeur?
JF : Oui, l’idée était qu’il n’y ait pas où peu de guitare, en tout cas pas à la même place que dans les autres disques. la guitare passe de personnage principal à cosmétique un peu. La plus part des morceaux ont été construit au piano. Après ce qui ne change pas c’est ma méthode de travail. Je fais des chansons à l’ancienne : harmonie, voix , mélodie. Il faut que ça tienne comme ça, j’enregistre, j’écoute, je retravaille. Je peux faire toutes ces chansons en piano/voix. C’est surement ça le point commun entre tout ce que je fait. Je trouve que cette méthode est solide, je ne dis pas que c’est la meilleure. Je travaille comme on le faisait il y a 70 ans à New York. Tu plaques des accords, la mélodie, le texte, il faut que ça, ça soit déjà une chanson et après je l’habille.
LFB: La chanson Chord Memory représente t-elle ce changement stylistique ? C’est la guitare jalouse du synthé?
JF : Il y a des gens qui l’on interprétée comme ça. Je comprends. Je ne pas pensé spécifiquement adieu le rockeur. C’était plus perso que ça. C’est une chanson que j’ai faite quand j’ai arrêté de boire et qu’on s’est séparé du batteur historique de Mustang. Personnellement, il y a eu une période de chamboulement . Alors c’est pas mal si ça permet d’introduire l’album en donnant cette impression, mais c’est pas d’un coup, je change de costume. Au fond c’est toujours un peu le même genre de chanson.
LFB: Ces trois entités vont continuer en parallèle?
JF : Oui, alors Jo et Jean, c’est pas sûr mais Mustang oui, on a quasiment terminé le cinquième album.
LFB : Comment on fait? C’est un peu comme changer de langue?
JF : C’est vrai que ça rend un peu schizo. C’est surtout sur scène. Sur Jo et Jean, je suis en retrait à la guitare, dans Mustang, on est 3, c’est une autre dynamique et là, je suis seul sur scène. On peu pas avoir les mêmes attitudes. D’habitude j’ai la guitare, là je suis pas mal au clavier. Tout ça c’est nouveau pour moi et il y a plein de moment où j’ai juste le micro main libre et ça c’est un défi. C’est marrant.
LFB : On s’attendait, étant l’album solo, le plus intime, à un disque plus inspiré par tes références de chanteur blues ou country.
JF : C’est vrai que j’aime ces musiques assez concises. Déjà, j’aime les chansons efficaces, j’ai toujours adoré ça. j’aime bien les refrains, les ponts, une façon d’écrire aussi mais ça n’aurait aucun sens que je fasse de la country en français. C’est comme si un Texan débarquait en France et disait » Je veux faire du Juliette Gréco« . Et puis, je n’aime pas que ça. J’adore les B.O. de japan animation des 90’s, des jeux vidéos. Vraiment ça ne m’a jamais intéresser de faire un album de revival, vraiment jamais. Je pourrais faire un album de reprises, j’adore ça, mais pas de pastiche.
LFB : Il y a certains thèmes que tu abordes qui était déjà présents dans Jo et Jean, notamment dans Je vis quand même.
JF : Je lui avait déjà proposé à l’époque. Elle en a pas voulu. C’est la plus country de toute d’ailleurs. C’est peut être ça qui ne lui avait pas plu à Johanna.
LFB : Ce sont des thème existentiels. Que penses tu quand on dit que tu fais de la musique pour adulte?
JF: Oui moi je pense qu’il faut faire des trucs de son âge. Moi j’ai 35 ans, il faut parler de ce qu’on connait. Je ne parle que de ça. A Blanc, voilà fallait que j’en parle. Il y a des gens qui on un journal intime, d’autres qui font de la peinture, moi, la chanson, c’est mon moyen d’expression.
LFB : C’est aussi l’occasion de retaper un coup sur la masculinité?
JF : Je pense que oui. Les types dont je parle n’ont jamais été des hommes en majesté, loin de là. Roy Orbison est mon chanteur préféré aussi pour ça. il venait d’une écurie d’une terreur machiste, Jerry Lee Lewis , Elvis faisaient des chansons très viriles et lui sa première chanson c’est Chicken-Hearted, poule mouillée. C’est pas commun comme posture de chanson. Il était pas aussi beau que les autres, il a prit ce chemin là et ça a fait plein de petit après comme Robert Smith. Et ça, ça me plait, je m’y retrouve.
LFB : Il y a aussi ces titres érotico digital à la Polnareff.
JF : Le cyber-sex en chanson, tout à fait, il a été l’un des pionnier. Le titre Ordi dis-moi, j’avais essayer de l’enregistrer avec Mustang il y a 12 ans. Je me souvient au studio ICP pendant qu’on enregistrait Tabou.
LFB : Donc ça fait longtemps que le thème est là ?
JF : Ouais ça m’a toujours intéressé. Faut dire qu’on était vraiment des gros geeks dans Mustang. Quand on se voit avec Jo le bassiste, il y a toujours un moment où on va parler de jeux vidéos et de musiques de jeux vidéos. Ça a toujours était un truc dans Mustang mais les journalistes préféraient nous faire parler d’Elvis. Ce sont des sujets qu’on connait bien. C’est pas un truc que je regarde de loin, c’est un truc que je connais de l’intérieur. Et puis, dans Fanfiction, ça me faisais marrer de faire un refrain qui dit » Je bande sous mon caleçon », c’est marrant à dire.
LFB : Ce thème là, comme celui de A Blanc semblent résonner comme des tabous. C’est ce que tu penses?
JF : Dans la chanson française classique, il y a plein de tabous. Par contre dans le rap, ils disent ce qu’il veulent. Orelsan peut parler de se branler devant un film mais dans ma discipline ça ne se fait pas. J’ai toujours réclamé la même liberté de ton que les rappeurs. Peut être grâce au rap, la chanson française peut évoluer. Il y a des choses que je dis maintenant qui passent, ce n’était pas le cas il y a encore pas longtemps.
LFB : L’humour arrive à dédramatiser les sujets compliqués?
JF: Moi, ce que j’essaie surtout, c’est de mettre ça sur des belles mélodies. J’ai une écriture qui peut être assez crue, assez simple, directe et c’est par la musique que j’essaie de rendre ça un peu plus beau. Avec une belle mélodie, ça peut passer.
LFB : C’est quoi le point commun entre Aristide Bruant et Roy Orbison ?
JF : Beh il y en aucun. C’est moi le point commun (rires). Disons, ce sont les deux pôles que j’essaie de faire, quelque chose de chanté, qui n’a pas peur d’être lyrique et des textes qui ne cherchent pas la coquetterie poétique. Même si au fond, c’est très beau Bruant. C’est deux axes que j’essaie de marier, ça ne marche pas toujours, mais quand ça marche c’est bien comme sur Pôle emploi de Mustang. La voix est catchy, la musique peut être émouvante même si ça commence par un mec qui pète sur son sofa. C’est peut être mon truc en fin de compte.
LFB : Cette chanson Dans la rue, elle est quasiment rappée ?
JF : Ouais c’est ce que je voulais. Ca aussi c’est l’un des apport du rap. La chanson française ne se gène pas aujourd’hui pour prendre un peu dedans. Elle a raison. Même si là je suis aller dans le cliché, ça m’a beaucoup amusé.
LFB : Jean Felzine qui rappe du Aristide Bruant
JF : C’est sûr que dis comme ça , ça fait peur. On dirait un sujet d’atelier d’écriture à la con. (rire)
LFB : Il y a un dernier thème, c’est le retour en enfance.
JF : Je pense qu’on est très encouragé à revenir vers les trucs qu’on aimait gamin. Moi aussi je le fais, pourquoi ? c’est absurde. J’ai beaucoup joué à Final Fantasy et c’est comme Star Wars, c’est devenu une marque. Tous les ans, il y a des mecs qui passent à la caisse pour le remake , le truc. Je comprends très bien, j’aime bien et en même temps c’est très mortifère. Aujourd’hui c’est une culture qui règne et ça c’est dommage, il y a pas que ça. Il faut être capable d’être un adulte et ne pas rester là dedans par ce que c’est quand même infantilisant. C’est bien de garder son âme d’enfant mais pas d’en faire un totem identitaire.
LFB : Tu as des concerts de prévus ?
JF : Le PopUp, le 22 mars. J’aurais les CD, je viens d’avoir un mail d’UPS, ça doit être bon. Je cherche un tourneur pour plus de dates.
LFB : Dernière question, Tu écoutes quoi en ce moment?
JF : Que des vieux trucs en ce moment, Niels Diamond, l’album Stones. J’écoute peu de musique en fait , j’en fait tellement tout le temps.
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CREDIT PHOTO : Jonathan Le Monnier