Il y a près d’un mois, nous avons rencontrés les fabuleux Johnnie Carwash à l’occasion de la sortie de leur premier (et excellent) album : Teenage Ends. Rencontre durant laquelle on y a parlé des groupes qui ont inspirés la création de leur projet, de leur rébellion innée ou encore de leur relation avec la scène. Retour sur cet échange.
La Face B : Ça fait un petit moment que l’on vous suit à La Face B, pourtant on ignore encore comment est né ce projet. Racontez-moi alors comment tout ça a vu le jour.
Manon : On s’est rencontrés dans des jams à Lyon, on les organisait illégalement dans un appart et on vendait de l’alcool à un euro, ce qui nous a permis de financer le disque. On jouait avec une autre personne à l’époque puis on s’est dit qu’on voulait plutôt jouer ensemble donc on s’est mis dans un garage et ça a bien marché.
Maxime : On s’est rendu compte qu’on voulait faire la même musique.
Manon : On allait aux mêmes concerts, on écoutait la même chose et on a voulu faire ce genre de musique ensemble.
Maxime : On aime tous les sushis aussi.
Manon : Ah oui, c’est vrai ça. (rires)
LFB : Vous êtes donc basés à Lyon. Est-ce qu’il y a des artistes de la scène lyonnaise qui vous ont inspirés dans la création de Johnnie Carwash ?
Bastien : Bien sûr ! On peut citer DECIBELLES qui aujourd’hui n’existe plus mais renaît de ses cendres sous le nom de IRNINI MONS et puis les gens avec qui on a récupéré le local dans lequel on a créé le groupe, c’est-à-dire Satellite Jockey ou encore KCIDY, des groupes qui nous ont influencé musicalement et dans leur parcours. Il y aussi d’autres groupes de la scène française…
Maxime : Oui, comme MNNQNS, We Hate You Please Die ou encore Johnny Mafia.
LFB : En cherchant des infos sur vous, j’ai cru comprendre que vous étiez vraiment fans de Johnny Mafia…
Maxime : C’est eux qui sont fans de nous, on les aime pas mais à chaque fois qu’on les croise ils sont là « Ouais, Johnnie Carwash ! Venez on passe une soirée ensemble ! » et voilà ce que ça donne au final, quand on ne sait pas dire non… (rires)
LFB : Dans dix jours sortira votre premier album (interview réalisée le 18 janvier, ndlr), Teenage Ends. Ça fait d’ailleurs déjà un moment que vous présentez certains de ses titres en live. J’en déduis que ça doit être un véritable soulagement que de les voir enfin se matérialiser en un disque ?
Maxime : On est vraiment très contents. L’élaboration de cet album s’est faite en plusieurs phases car il y a eu le covid entre temps donc c’est vrai qu’il y a des chansons qui sont plus vieilles que d’autres dans l’album, mais néanmoins il y a quand même une cohérence, un thème récurrent autour de l’album.
Manon : On a hâte de passer à autre chose finalement.
Maxime : Ca fait du bien de pouvoir mettre des chansons sur un disque.
Bastien : Et de tourner une page avec cette tournée d’adieu numéro une. (rires)
Manon : Avec l’album qui s’apprête à sortir et la tournée qui l’accompagne, on a l’impression d’avancer.
Maxime : Carrément.
LFB : Et bien que certains morceaux datent, l’envie de les défendre sur scène est-elle restée la même au fil du temps ?
Bastien : Oui, absolument. Que ce soit sur scène ou sur disque d’ailleurs, car personne ne les a jamais entendus dans leur format figé.
Maxime : Personne ne les a jamais entendus bien joués surtout ! (rires)
Manon : Il y a aussi des choses sur disque qu’il n’y a pas en live car même si on a un truc très très brut, on se permet en studio de rajouter quelques guitares ou des notes de synthé que l’on ne retrouve pas en live.
LFB : Vous dites faire de la pop garage, pourtant si l’on compare votre EP Mom Is a Punk! à votre album, vous semblez ici avoir pris un tournant majoritairement plus rock garage que pop. Opter pour plus de fun, moins de sérieux c’était la règle d’or à suivre pendant la composition de cet album ?
Maxime : Honnêtement, c’est la même recette. C’est autant de fun et autant sérieux, c’est-à-dire zéro. (rires)
Bastien : Il n’y a pas zéro de sérieux quand même.
Maxime : Oh ça va.
Bastien : C’est pas toi qui chantes, ça se voit. (rires)
Maxime : Le chant c’est très sérieux, le reste pas du tout. (rires)
Manon : Peut-être que ce qui donne l’impression que ce soit plus pop, c’est le son. Sinon, je trouve qu’il reste encore pop que ce soit dans la structure ou même dans l’esprit.
Bastien : Tout en restant fidèles aux sonorités du groupe.
Maxime : Dans l’écriture des titres c’est pop et pour le son, c’est vrai que pour cet album on a eu l’occasion de sortir de ce que l’on avait trop fait. Avant on jouait sur des petits instruments et là on a utilisé d’autres amplis, une autre batterie et on a grossi le son. Globalement, il y a eu un petit level up sur cet album et qu’il y aura aussi beaucoup sur le live de cette tournée.
LFB : De manière générale, dans quel état d’esprit étiez-vous lors de la composition de cet album ?
Manon : C’est une bonne question.
Bastien : Il y a beaucoup de sentiments différents qui traversent l’album. Il y a de la hargne, de la mélancolie, de l’amour, de la colère, de la joie…
Manon : C’est un mélange de toutes les émotions par lesquelles tu passes quand tu es ado ou même maintenant.
LFB : Je trouve justement qu’il se dégage de Teenage Ends une intensité, une hargne, presque une sorte de rébellion même, des qualités qui sont souvent propres à l’adolescence. L’énergie qui s’en dégage est-elle alors fidèle aux adolescents que vous étiez ?
Bastien : C’est fidèle aux adolescents que l’on était et aux adolescents que l’on est encore un peu.
Maxime : C’est toujours d’actualité.
Manon : Je crois qu’on a un album qui parle aussi bien aux ados que l’on était et aux nous d’aujourd’hui aussi.
LFB : Des rebelles dans l’âme donc ?
Maxime : Absolument !
Manon : Dans l’âme mais pas très visibles quand même. (rires)
Bastien : Je crois qu’on n’a jamais été dans la norme…Enfin si, mais pas moi.
Maxime : Qu’est-ce qu’il raconte ? (rires)
Manon : Il a dit qu’il n’était pas normal. (rires)
Maxime : Je suis en train de réfléchir à si j’étais rebelle mais j’allais dire des conneries. Passons ! (rires)
LFB : Bien que vous concernant ce soit une période de vie révolue, l’adolescence est un thème récurrent dans cet album. En quoi vous inspire-t-il?
Manon : Je crois que ça nous a inspiré sans qu’on s’en rende compte car on a écrit plusieurs morceaux et il y avait Teenage Ends dedans même si ce n’était pas forcément le titre de l’album auquel on avait pensé. Puis quand on a fait la tracklist, qu’on a rassemblé tout ça, on s’est dit qu’il y avait surtout ce thème commun du conflit qui se rapporte à l’adolescence, ce qui marchait bien.
Bastien : C’est pas tant un album sur l’adolescence que sur une phase de transition, les doutes et les changements qui vont avec. (rires)
Maxime : C’est cucu mais c’est beau. (rires)
Bastien : C’est pas vraiment ce que je voulais dire mais ce n’est pas grave. (rires) En soi, l’adolescence n’est pas une période qui est si révolue que ça et c’est un peu le propos du morceau Teenage Ends, on croit que ça va passer mais ça ne passe jamais vraiment, on est un peu dans l’attente.
LFB : Quand on n’est pas familiers avec votre projet, on pourrait être amenés à croire que vous n’êtes pas français, que ce soit avec votre nom de groupe à consonance anglophone ou aussi et surtout vos influences musicales évidentes. D’ailleurs, si je vous demandais à chacun de me citer les disques qui tournaient en boucle dans votre chambre d’ado, quels seraient-ils ?
Maxime : Très jeune je dirais AC/DC, Sum 41, Nirvana. Et moins jeune, Chuck Berry.
Bastien : C’est très vaste. (rires)
Manon : Moins jeune, avant Johnnie Carwash, je dirais aussi FIDLAR, Frankie Cosmos ou encore Shannon And The Clams.
Bastien : Ce sont vraiment ces groupes qui nous ont inspirés pour lancer Johnnie Carwash.
Maxime : Il y a aussi des groupes de la scène française et toute la scène américaine garage comme Ty Segall, The OhSees etc.
LFB : Pour en revenir à l’intensité qui se dégage de votre album, je trouve que celle-ci est accentuée avec la durée des morceaux dont le format dépasse rarement les trois minutes, à l’exception de quelques titres. C’était volontaire de votre part de faire des morceaux qui ne traînent pas en longueur ?
Manon : Volontaire oui et non. Je n’aime pas les morceaux qui s’étirent en longueur quand il n’y a plus rien à dire. S’il y a quelque chose à dire, ça se sent et on l’a fait pour quelques morceaux, ce qui a du sens. Pour les autres, ça ne sert à rien de rajouter des solos pour rajouter des solos, j’aime bien les choses qui sont assez directes et c’est ce que je trouve bien avec le garage.
Maxime : C’est très frontal. Il y a aussi le format pop qui joue, ça ne s’étire pas trop et il y a également des morceaux avec des tempos assez rapides, ce qui fait que c’est court.
Manon : Ça se fait assez naturellement au final.
LFB : Plus c’est expéditif, plus c’est efficace.
Manon : Absolument ! Et il y aussi ce truc que j’aime beaucoup personnellement quand je vais voir un concert, c’est que parfois ça se finit et t’es un peu frustré que ça soit finit car tu en voudrais plus et j’aime bien cette sensation, je la préfère à celle où tu te dis « C’était bien mais un peu long ». Inconsciemment, je crois qu’on essaie aussi de faire ça pour ne pas lasser les gens.
Maxime : Tu as vachement bien parlé, c’était super. (rires)
Bastien : Tu en as presque trop dit. (rires)
LFB : Comme dit précédemment, les morceaux sont dans la grande majorité très énergiques. Est-ce qu’il y a alors, à travers leur interprétation live, un désir de faire les gens se rassembler ?
Bastien : Oui, oui, oui. C’est la finalité de notre musique, on essaie de trouver un socle commun qui fait que ça parle à tout le monde.
Maxime : Après je dirais aussi que ce n’est pas quelque chose qui est calculé.
Manon : Quand on écrit, on ne pense pas à ça.
Maxime : Ce n’est pas calculé mais c’est un peu la cerise sur le gâteau si beaucoup de gens s’y retrouvent. Après, même si moins de gens s’y retrouvaient, on ferait quand même la même chose. C’est terrible ce que je viens de dire. On est des salauds d’égoïstes et tout ce que l’on fait, on le fait pour nous. (rires)
Bastien : Après tu as raison, quand tu fais de la musique tu le fais pour toi à la base.
Maxime : Il faut faire les choses pour soi pour que ce soit honnête.
Bastien : On a une esthétique qui respecte des codes.
Maxime : Bien sûr.
LFB : Quand on vous voit jouer, il y a une vraie complicité, une véritable communion qui se dégagent. À l’instar de vos performances scéniques, la composition de vos morceaux a-t-elle elle aussi été le fruit d’un travail collectif ?
Manon : On a beaucoup travaillé à trois et c’est ça qui fait que l’on trouve chacun sa place dans un morceau où chacun est libre d’exprimer ce qu’il a envie.
Bastien : Après c’est quand même Manon qui ramène les ébauches.
Manon : Je ramène une petite base.
Maxime : C’est un processus créatif où l’on est tout le temps ensemble dans l’élaboration des morceaux. Je viens de paraphraser. (rires)
LFB : Même en étant fiers de l’album dans sa totalité, quel est le morceau de Teenage Ends qui compte le plus pour vous ? Celui que vous affectionnez particulièrement ?
Maxime : Oh la la !
Bastien : Je crois que c’est un peu comme demander à un parent de choisir son enfant préféré. (rires)
Maxime : Moi je pourrais. Et d’ailleurs, si mes enfants me lisent, Timéo et Roger, je vous aime tous les deux. (rires)
Manon : Tous les morceaux ont une histoire différente mais qui reste importante. Il y a un morceau qui s’appelle Francis Cosmic qui divise pas mal car certains l’aiment et d’autres non, et moi je l’aime beaucoup, enfin on l’aime beaucoup tous les trois, ce qui est bien. On le défend tout le temps, même quand d’autres nous disent qu’il n’a pas sa place. Il nous ressemble beaucoup, il est assez rapide, très pop.
Bastien : Il est très pop et en même temps pas du tout.
Maxime : Exactement. J’aurais dit le même morceau d’ailleurs car il divise et plus je l’écoute, plus je me demande comment tout ça est sorti.
Manon : Il est sorti assez vite, on l’a joué et je crois qu’en une journée il était terminé.
Maxime : C’est l’un des morceaux les plus simples et les plus complexes à la fois.
LFB : Au-delà d’un son propre à vous, Johnnie Carwash c’est aussi une esthétique qui l’est tout autant. La plupart de vos visuels sont d’ailleurs réalisés par le couteau-suisse qu’est Margot Jaudinaud. Est-ce que vous pouvez me parler de votre rencontre et des collaborations qui ont suivies ?
Manon : Margot est une amie en commun que l’on a rencontrée à Lyon dans les jams, exactement comme nous on s’est rencontrés. Puis nous sommes restés amis, on part en vacances ensemble.
Maxime : On a construit des cabanes ensemble.
Manon : C’est vrai. (rires) On lui a juste demandé une fois de nous faire un dessin pour une couverture Facebook et elle a tellement bien capté l’univers tout de suite que ça s’est transformé en un clip qui est celui de Forever Yours. À partir de là, on a toujours continué à travailler ensemble, on a totalement confiance en elle donc on lui laisse carte blanche et elle vise toujours juste. Elle a aussi travaillé sur le clip de Slut Skirt, elle voulait faire un clip pour ce titre et elle a réussi à faire quelque chose d’incroyable.
Bastien : Elle a aussi fait notre pochette d’album.
Maxime : Et nos visuels de tournée.
Bastien : On est vraiment contents de cette pochette car il y a un truc qui colle physiquement avec la musique. C’était le premier essai et on est restés sur celui-ci car c’est celui qui marchait le mieux.
Manon : Quand on regardait le dessin, on avait l’impression de pouvoir voir la musique.
LFB : J’en déduis que vous aimeriez voir cette collaboration perdurer ?
Maxime : Ah ! C’est à elle de nous le dire, la balle est dans son camp. (rires)
Manon : Elle est très occupée après, très talentueuse car elle a aussi un groupe de musique qui s’appelle Ottis Coeur qui est super bien et qui selon moi va faire que monter, monter, monter donc je ne suis pas sûre qu’elle aura encore beaucoup de temps pour faire des visuels. D’un côté, ce n’est pas forcément grave car peut-être qu’on aura l’occasion de travailler avec d’autres personnes.
Bastien : Margot, si tu nous lis, on veut continuer à travailler avec toi.
LFB : Bien que le 2 février commencera votre première tournée d’album, vous semblez déjà être bien rodés avec la scène live depuis la sortie de vos tout premiers singles. Comment votre relation avec la scène a-t-elle évoluée depuis vos débuts ?
Bastien : Elle a très bien évoluée.
Maxime : Elle a évolué dans la durée du set car pour notre premier concert, on a dû jouer vingt minutes et ça n’arrête pas d’augmenter depuis.
Bastien : Je crois qu’on gagne une minute par mois à peu près, c’est long.
Manon : Pendant très longtemps, on n’arrivait pas à atteindre les quarante minutes, on rajoutait des morceaux et même les trente minutes, on n’arrivait pas à les atteindre car on rajoutait des titres de une minute ou deux minutes, c’était ridicule. Avec notre tournée faite en décembre, je crois qu’on s’est pas mal rodés même s’il faut encore qu’on tourne car on est encore des bébés. Hâte que ça reprenne !
Bastien : En tout cas, on n’est pas du tout lassés de tourner pour l’instant, bien au contraire.
LFB : Vous pouvez aussi essayer de faire la conversation avec le public, histoire de gratter quelques minutes.
Manon : C’est vrai mais ce n’est pas notre fort. On enchaîne les morceaux, on va vite et en plus on ne parle pas. (rires)
Maxime : Mais si, on parle. On dit bonjour et hop. (rires)
LFB : Enfin, auriez-vous des coups de cœur récents à partager avec nous ?
Manon : J’ai envie de dire DYE CRAP, je trouve ça incroyable et aussi JP Goulag, un groupe de Lyon qui va faire parler de lui je pense.
Maxime : Il y a IRNINI MONS, le nouveau groupe de DECIBELLES à suivre de très très près.
Bastien : Je vais choisir un coup de cœur littéraire qui est L’espoir malgré tout d’Emile Bravo qui reprend le personnage de Spirou, c’est en quatre volumes et il y en a déjà trois de sortis. Bravo monsieur ! (rires)
Maxime : C’est nul, zéro pointé, carton rouge ! (rires)
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