Josman, la force tranquille

Il y a des artistes comme Josman : invisibles dans les médias, mais qui donnent une petite claque bien placée à chaque sortie d’un nouveau projet. Avec DOM PERIGNON CRYING, il prouve une nouvelle fois que la sobriété et la discrétion sont les meilleurs atouts pour sublimer son art. Un quatrième album efficace, réfléchi et introspectif, où il se penche sur sa vie de nouveau riche.

La recette Josman

Aujourd’hui, alors que beaucoup d’artistes enchaînent les posts TikTok, les lives Insta et les provocations sur X, Josman semble évoluer à contre-courant. Un artiste presque silencieux sur les réseaux, concentré sur sa musique pour se faire plaisir, et de plus en plus pour ses fans aussi. Le résultat est parlant : un rythme de travail quand même impressionnant quand on y regarde de plus près (troisième album en quatre ans après M.A.N. en 2022 et J.000.$ en 2023) et des chiffres qui confirment son impact. Trois projets certifiés plus tard, Josman façonne peu à peu une discographie cohérente, solide, et une réputation d’artiste qui ne se loupe presque jamais.

DOM PERIGNON CRYING s’inscrit dans cette dynamique. Plus besoin de prouver quoi que ce soit, il le dit, il le vit. Entouré de son équipe, de sa famille, il semble avoir trouvé son équilibre.

Et si la recette reste la même, elle continue d’opérer. On retrouve cette manière unique de mêler égotrip et mélancolie, posée sur des prods millimétrées signées Eazy Dew et Mystr en général, mais également entouré d’une belle équipe pour sublimer la voix et les écrits du J.O.S. Une écriture lucide, souvent personnelle, où il parle d’argent, de réussite, et parfois de doute sur son nouveau statut, sans posture ni artifice. Plutôt que de changer de cap, Josman affine son univers à chaque projet. Avec DOM PERIGNON CRYING, il confirme une évidence : la constance peut aussi être une forme d’évolution.

Nouveau riche, nouveau feeling

Dès l’ouverture avec Panorama, Josman pose son cadre. On sent un mec qui a réussi, mais qui garde toujours ce doute intérieur, cette impression que tout n’est pas si simple. L’image du “lion dans les feuillages” traduit bien cette dualité : la puissance tranquille, la maîtrise, mais aussi la solitude qui accompagne le succès.

Très vite dans le projet, le morceau éponyme arrive, Dom Perignon Crying, et concentre parfaitement ce contraste entre luxe et mélancolie. Josman parle de champagne, de montres et de fêtes, mais derrière les paillettes, c’est la recherche de sens qui domine. “Les billets arc-en-ciel ne peuvent rien face aux nuages gris dans l’ciel.” Il le dit lui-même : “J’suis né dust, j’repartirai dust, avant ça j’veux le must.” Il a tout, mais il reste lucide. Être nouveau riche, chez lui, ce n’est pas une posture, c’est une réalité qu’il questionne. Il ne s’en vante pas, il l’observe, avec ce mélange d’amertume et de recul qu’on lui connaît.

Il poursuit cette réflexion avec Spotlight. Sous les projecteurs, l’image est brillante, mais l’intérieur reste fragile. Le contraste entre ce qu’il montre et ce qu’il ressent devient presque le moteur du projet. Josman parle de la vie sous les lumières, mais ce qu’il éclaire surtout, c’est ce qu’il y a derrière : le vide, la fatigue, la tension. Une tension que son invité surprise connaît bien, puisque nul autre que le Belge Hamza signe le seul featuring du projet sur Sloppy Toppy. Une collaboration presque évidente tant leurs parcours se répondent. Si le Saucegod se distingue par des sonorités plus mélodieuses et un ego trip plus affirmé, les deux partagent ce goût pour la discrétion, l’indépendance et cette manière de concilier succès massif et introspection.

Avec L’Eau (Part II), il revient à une forme de réalité plus brute. Le morceau sert de rappel. Oui, il profite de sa réussite, mais il n’oublie pas d’où il vient. Il reste conscient du système, de ses failles, et de la fragilité de son statut. Il est peut-être nouveau riche, mais n’oublie absolument pas le d’où il vient, et le chemin qu’il a parcouru.

L’album se clôt avec l’incroyable Tendu. Un titre qui résume bien son état d’esprit. “Le temps passe et s’ne rattrape pas… Malgré tout, les nerfs sont tendus… Moi, j’ai pas mordu, j’suis pas un vendu malgré tout ce que j’ai pondu…” Pas de happy end. Pas de triomphe facile. Juste un constat lucide : il a grimpé, il s’est installé, mais rien n’est jamais acquis. Il garde les yeux ouverts, les nerfs à vif.

Les autres titres du projet continuent de nourrir cette même ligne. Mateus par exemple, évoque encore une fois la fête, les îles, les bouteilles, mais toujours avec cette pointe de désillusion : “J’ai tout vu, même l’envers du décor.” Dans Nerveux 72bpm, il joue avec le tempo, comme une métaphore de son état intérieur : calme en apparence, tendu à l’intérieur. Et sur Platinum Sniper ou New Villa, il peint le décor du luxe, la villa, la réussite, la platine, mais sans jamais glorifier. Il garde ce ton observateur, presque critique, comme s’il prenait de la distance avec son propre succès.

Mais si DOM PERIGNON CRYING confirme tout ce que Josman sait faire, il expose aussi sa limite la plus évidente : il ne se réinvente pas vraiment. Le projet est solide, maîtrisé, cohérent… peut-être même un peu trop. On retrouve les thèmes qu’il affectionne, les prods léchées de son équipe présente depuis longtemps, cette manière unique de mêler luxe et spleen, réussite et doute, mais sans vrai virage, sans prise de risque qui viendrait bousculer son univers. Hors d’un Mateus qui surprend un peu par sa rythmique, comme une petite tentative d’écart qui montre qu’il pourrait aller plus loin s’il le voulait, Josman affine, polit, consolide, mais reste dans un cadre qu’il connaît par cœur. À force de perfectionner la même formule, il frôle parfois un confort artistique qui empêche l’album d’avoir l’impact ou la surprise que J.000.$ ou M.A.N. avaient pu provoquer. Il ne se trompe pas, mais il ne s’étonne pas non plus. Et c’est peut-être là la seule vraie critique qu’on peut adresser au projet : la maîtrise est là, incontestable, mais on aimerait parfois sentir un peu plus de vertige.

Alors avec Josman, il y a rarement de happy end. Oui, il a réussi. Oui, il peut vivre de sa musique, en profiter, et offrir ce qu’il aime à son public. Oui, il peut presque tout se permettre aujourd’hui. Mais il n’est pas dupe. Il sait que rien n’est jamais acquis, et c’est justement ce qui rend cet album bien humain. Pas besoin de réinventer la formule quand il continue, projet après projet, à maîtriser ce qu’il fait de mieux.

Vous pouvez retrouver Josman sur Instagram

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