JPEGMAFIA : Permission de tout exploser ?

Entre folie du bon rythme et syndrome post-dynamique : le tant attendu 5ème album du vétéran Barrington Hendricks, alias JPEGMAFIA (Peggy pour les intimes).

N.B. : L’artiste souligne lui-même son engagement militaire, sur ses réseaux sociaux comme dans ses lyrics, et nous allons vite comprendre comment ce « passé belliqueux » peut se traduire en musique, ici.

Avant tout, l’album a été teasé par un clip vidéo à l’ambiance assez inattendue. Entre un audio aérien et des images oniriques ; un chœur féminin et une guitare acoustique… Quand on connaît les précédents opus on s’attend à un loup…

Au fur et à mesure qu’on entre dans le 14-titres on retrouve ce style brut que peaufine le Californien, depuis Black Ben Carson (1er projet sous cet alias). Glitchs, riffs de guitare, souffles et samples viennent s’articuler autour d’instru’ agressives aux influences de trap et de hardcore.

Il faut savoir que JPEGMAFIA, autodidacte de son état, est son propre beatmaker ! En résulte une cohérence de prod’ qui profite grandement à l’écoute, dans son ensemble.

On ne passe pas du coq à l’âne, pour le dire simplement.


"your tragically online." -JPEGMAFIA

SIN MIEDO, l’un des deux singles du projet, est le morceau le plus streamé à l’heure actuelle. Il est intelligemment placé en seconde position, juste après une intro qui vient poser le ton de l’album en se construisant autour d’un tic-tac de cymbale et d’un riff de guitare intermittent.

SIN MIEDO, ‘‘Sans peur’’, en espagnol, embraye rapidement sur des couplets de trap-metal. Un sous-genre fusion très présent dans la discographie de Hendricks. Ici, on le doit à un solo de guitare, un rythme énergique et de la punchline en bonus : I’m G.I. Joe falling down them steps.

Ce morceau est particulièrement dansant et le fait de l’avoir pré-sorti en single était, en effet, bien senti. Un clip l’avait, d’ailleurs, lancé sur les drapeaux (étoilés) de (4) roues (motrices) ! Comprenne qui verra le clip en question.


Le switch (on l’attendait) se fait à la 11ème track. Et ira clore l’album avec quatre morceaux beaucoup plus détendus du treillis.

JPEGMAFIA parlait surtout de flingues et de drogues. Classique. Depuis ce renversement, les lyrics tournent autour de sujets plus « terre à terre » comme la dépression, l’addiction, etc.

Intéressant de noter que la piste qui introduit cette partie est elle-même introduite par un court sample : « I’ve named this one : JPEG ». Comme si l’artiste nous invitait à écouter l’album dans l’album… Celui qui parle de lui et non d’une réalité fantasmée où tout n’est que légèreté et récréation. Un sample, emprunté dans un morceau de Future (« Turn off the light »), est tant transformé qu’on ne reconnaît plus du tout la version originale !

On comprend que la bande sonore toute douce du teaser était, en fait, un extrait du morceau Don’t Put Anything on the Bible. D’où cette scénographie religieuse reproduisant des baptêmes, notamment).

JPEGMAFIA sur scène.

Le titre justifie aussi la mise en scène de la pochette d’album. On y voit, en effet, le rappeur, visage masqué, qui se tient à côté d’une croix. Mmh… Via le titre de l’album, traduisible par « JE TE DONNE MA VIE » (c’est bien en majuscules, il n’y a pas d’erreur), l’artiste s’adresse peut-être à Dieu, directement..?

On retiendra Buzzy Lee qui nous livre une superbe performance de chant dans son featuring (track 13). « Like hell, my hands will give up to twenty times ». La voix, presque angélique, de Buzzy vogue sereinement au fil d’un arpège de guitare. Alors que des bruitages de brouillages sont de plus en plus fréquents et cela, jusqu’au relai du couplet de JPEGMAFIA. Qui s’arrange comme une reprise de morceau avec un tempo légèrement différent et sur une nouvelle tonalité.

i recovered from this, placé en outro et comprenant des samples de Janet Jackson qui se loop au fil du morceau, est une Master Class de sampling en plus de porter un texte très touchant, délivré avec une technique remarquable. L’intro de la piste, bien que tirée d’un morceau pop, prend des airs de folk avec ce nouvel arrangement. La Janet virtuelle sera rejointe par une guitare et un ensemble à cordes aux influences Jazz.

Pour résumer, si on dansait sur la 1ère partie de l’opus, on va plus naturellement écouter cette dernière partie. Elle et ses motifs Swing autant que ses lyrics introspectifs.

Beaucoup de fans n’avaient pas accroché avec Scaring the Hoes, sa dernière sortie, en collaboration avec Danny Brown

Mais Hendricks nous offre, dans ce projet solo, un retour aux sources radical. En s’autorisant, néanmoins, quelques sorties de routes plutôt agréables. Comme faire un stop à Florence en allant à Rome !

D’ailleurs, il semble que toutes les routes du vétéran mènent (et mèneront) à ce combo contrepied-contrepoing unique qui pourra rallier beaucoup d’amateur·ices de Hip-Hop sous la même bannière.


I Lay Down My Life for You c’est… un air de saxophone au milieu d’un champ de bataille ou bien la chambre en pagaille d’un gastronome.


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