Julia Jacklin décortique le plaisir sur Pre Pleasure

Quel est le sentiment que l’on éprouve pendant les secondes qui précèdent le plaisir intense ? Ce moment de battement où le bonheur est présent mais pas encore à son comble ? C’est le titre du dernier album de la chanteuse Julia Jacklin, Pre Pleasure, qui nous met en garde avant de nous envelopper de bien-être avec un ensemble de 10 titres paru le 26 août.

Nous n’avions plus entendu parler de l’australienne depuis son album Crushing, un opus rempli de bonnes ondes, indie rock et peuplé d’histoires d’amour. Ce nouvel album arrive après quelques réapparitions pour des singles éparpillés, par exemple pour Noël, avec Baby Jesus is nobody’s baby now, où la chanteuse s’était présentée en véritable mère Noël moderne. Sa fraîcheur et son esthétique toujours très colorée se retrouvent dans tous ses projets. Julia aime la couleur, s’amuser, se déguiser, rien ne l’arrête, comme une grande enfant qui crée son univers tendre. L’album Pre Pleasure est plus épuré que le précédent. Sur la pochette de ce dernier, la photographie occupait l’entièreté de l’image avec des couleurs, des fleurs, la chanteuse riant et un arrière-plan pour le moins kitch. Ici, la majorité de l’image est laissée à un large cadre blanc qui entoure une photo tout aussi colorée, avec deux représentations de la chanteuse (une de sa tête en gros plan et l’autre de dos, mains collées à l’image). Une photo en deux temps où la Julia de dos semble comme censurer le gros plan d’un Julia en extase. 

Comme dit plus haut, Julia Jacklin raffole des couleurs, un petit arc en ciel à elle toute seule, elle a ses teintes favorites selon ses albums. Saturées au maximum, les couleurs tendent tantôt vers le vert sur Crushing, sa couleur fétiche, mais passe maintenant aux coloris plus violets et roses pour Pre Pleasure. Des couleurs plus pastels, qui s’adoucissent avec le temps, sans pour autant être édulcorées. L’esthétique de Julia, à travers ses clips ou ses visuels, est pop et irradie de bonne humeur. Son côté vintage oscille entre les années 70 et les années 90, créant une atmosphère tout à fait spéciale pour porter sa musique.

Dans sa manière d’écrire, Julia Jacklin ne mâche pas ses mots. Ses paroles tiennent une place centrale dans son projet, la musique étant là pour accompagner ses poèmes et les rendre d’autant plus intenses. Ses histoires sont intimes et traitent pour la majeure partie de l’amour, sous toutes ses formes. Sur Pre Pleasure, sorti trois ans après Crushing, l’amour est abordé de manière plus sexuelle, moins romantisée, plus abrupte. On a affaire à une prise de conscience, comme si les histoires à l’eau de rose n’intéressaient plus la chanteuse, laissant place à l’amour passionnel. Par exemple, le titre I’m too in love to die nous emporte dans un amour tragique à la Roméo et Juliette.

Julia Jacklin conte les différentes manières d’aimer, avec par exemple l’amour mère-fille dans Less of a Stranger, ou encore la fin d’une amitié sur End of a Friendship.

Pre Pleasure est fait de contrastes et comme de montagnes russes : parfois très calme, avec des balades acoustiques guitare-voix comme sur Less of a Stranger ou encore Magic, légèrement plus produit. D’autres fois avec des pics très intenses qui pourraient presque se rapprocher des titres salvateurs de Mitski. Sur Love, Try not to Let go c’est au sein du titre même que des changements de rythme se réalisent. 

La musique de Julia Jacklin est lourde de sens, elle met sa vie au service de son art, pour parler de sentiments parlant à chacun.e. Mais rien n’empêche l’artiste de se lâcher plutôt dans l’auto-dérision et le burlesque dans ses clips et visuels, qu’elle veut très décalés.

Pour aller écouter son nouvel album et sa voix douce sur fond de guitare indie rock, Julia Jacklin nous donne rendez-vous au Café de la Danse le 13 novembre.