« La chanteuse aux trois prénoms », Julia Jean-Baptiste, nous fait voyager avec la sortie de son premier disque. A l’écoute de cet album, nous parcourons des routes goudronnées de groove, de samba ou de bossa. A la manière d’un Cinérama, des décors défilent sous nos yeux. Ils sont ceux de l’intime et du sensible.
Pellicule et chansons qui défilent
La pochette de Cinérama donne le ton : il sera question de mouvement. Car il est capturé, sur le vif, un visage qui semble être celui de Julia Jean-Baptiste. Le flou de l’image laisse supposer un état de transe ou de danse. Dans son ensemble, Cinérama est un album très dansant. Les pointes de douceur ou de nostalgie rappellent au saudade, sentiment où la joie et la peine s’entremêlent. Un appel aux souvenirs, à des images qui défilent dans notre tête, comme une invitation à la contemplation.
Cette tentation à prendre le temps de se laisser aller s’écoute dans certains titres. La ville fait s’arrêter l’horloge. Il n’y a plus d’heures, ni de secondes. Julia Jean-Baptiste observe de sa fenêtre des rues remplies de solitude et de calme. Elle nous raconte ce qu’elle voit d’une voix tantôt parlée, tantôt chantée, dont le feutré nous rappelle Barbara Carlotti. Puis la nuit tombe, laissant apparaître la Pleine lune. Le chant, les violons en arrière-plan, nous invitent à écouter le décor nocturne qui se dessine. Pourtant, le rythme impressionniste est ternaire, proche d’un cha-cha-cha. Nous ressentons comme un tiraillement vers un ailleurs.
Cet ailleurs pourrait se cartographier musicalement et personnellement en Amérique latine. Julia Jean-Baptiste confiait à La Face B (juste ici), son émotion pour la musique brésilienne, en citant João Gilberto. Alors ce n’est pas un hasard si la chanteuse nous fait grimper le mont Serra Do Mar avec un titre éponyme. Mais le voyage musicale le plus intime s’incarne dans Madinina. L’artiste rend hommage à son île de racine et d’origine : la Martinique, se prononçant « Madinina » en créole.
« Quand la lumière s’allume ! … »
Si les puristes ont pu connaître Julia Jean-Baptiste sous les strass et les confettis, la chanteuse conserve cette empreinte avec des titres autant vibrants que dansants. Pour preuve, elle le clame haut et fort : Je continue à danser. Cet hymne au mouvement est au croisement entre la bossa et la disco. Il se situe à l’avant-dernière place de l’album, comme un post-it que nous glisserions dans un livre pour ne pas en oublier les mots. Il y a quelque chose qui nous contamine à travers Je continue à danser. L’envie de danser devient irrésistible, tant le rythme de la musique et des mots est endiablé.
Lorsque l’on imagine Julia, nous pensons instantanément au titre Music-hall. On y devine une mise en abîme à l’écoute des paroles : « Quand la lumière s’allume, Elle redevient l’idole, Qu’il brille le costume, De la danseuse du music-hall. » D’autant plus que Simon Vanrie, le réalisateur du clip, fait danser la chanteuse entre des rubans de violet, tout comme une autre dame que l’on devine incarner la grand-mère de Julia Jean-Baptiste. Le titre Music-hall est dédiée à la grand-mère de l’artiste, affectueusement surnommée « Mamie Doudou ». Bien que très dansant, ce morceau est touchant par sa sincérité et sa sensibilité. Julia Jean-Baptiste témoigne d’une grande admiration pour sa grand-mère, également chanteuse. Elle en retient des souvenirs aussi précis que précieux, qu’elle évoque au travers de sa robe rose et bleue ou de la circulation sur le boulevard Saint-Marcel.
Sans artifice, ni maquillage
Avec ce premier album réussi, Julia Jean-Baptiste se livre à nous et se met à nue. Pour preuve, elle le chante dans le morceau Avant ou après : « Au futur, au passé, ma tête est dépassée, elle fait des allers-retours, en manque d’ancrage, j’en perd mon maquillage. » Sous ces airs de zook, Avant ou après aurait pu être une page de journal. Elle décrit avec intimité sa difficulté d’être dans l’instant présent, prise par ses pensées, éprise par ses émotions. Elle se confie sur son empathie à travers un titre éponyme. Empathie pourrait se résumer par cette phrase marquante : « On me dit détends-toi, mais je peux rien n’y faire, je sais j’exagère de toujours m’en faire pour toi. »
Si les sentiments tiraillents, ils soignent aussi. Nous ressentons beaucoup d’amour et de douceur au coeur de l’album. En évoquant une certaine Camille, l’artiste évoque Le désamour. Même si le titre pourrait faire penser le contraire, ce morceau n’est en aucun cas triste. Il traduit le temps qui délie les liens avec un certain réconfort. Pourtant, il y a des liens qui semblent perdurer, comme le décrit Adlib. Un sentiment d’éternité s’en dégage. La même douceur s’illustre dans le morceau Ce matin. Nous sommes comme plongés dans un film digne de Christophe Honnoré à travers un duo matinal, où s’entremêlent des mots doux sucrés.
Mais si l’amour est synonyme de certitude, il est aussi le fruit du hasard. Un peu comme dans le clip Amour toujours, de Clara Luciani, la chanteuse Julia Jean-Baptiste voit l’amour comme un jeu. Elle nous parle d’ailleurs de La loterie de l’amour, avec assurance et confiance au destin… Faites vos jeux !