Karkwa n’échappe pas à son destin

Vous le savez, à La Face B on aime souvent écouter ce qu’il se passe de l’autre côté de l’Atlantique, que ce soit des nouveaux arrivants sur la scène musicale ou certains qui les ont inspirés. 12 ans après son dernier album, le groupe québécois Karkwa sort Dans la seconde, un album nourrit par ces années durant lesquelles chaque membre du groupe a fait son bout de chemin… Et pour le mieux !

Quelques années, quelques enfants, des carrières en solo, des tournées à droite à gauche, des réalisations d’albums, de musiques de film ou encore d’un studio à Montréal… C’est ce qu’il aura fallu aux membres de Karkwa pour réaliser ce dernier album qui est sans doute le meilleur de leur carrière. Le band, composé de Louis Jean Cormier, Stéphane Bergeron, Martin Lamontagne, François Lafontaine et Julien Sagot, nous offre ici une demi-heure de musique largement teintée de rock mais aussi d’expérimentations sonores qui font du bien à nos oreilles.

L’album s’ouvre sur une pièce instrumentale annonçant la précision déroutante qui va être son fil conducteur du début jusqu’à la fin. Des percussions mêlées à un bourdon au synthétiseur nous plongent dans l’univers du groupe dès les premières secondes, les mêmes qui nous hypnotisent avec l’arrivée progressive de guitares et d’un arpegiattor dont le motif se répète encore et encore. On est frappé par la simplicité harmonique du morceau qui en fait la richesse sonore.

Parfaite à l’écran, deuxième morceau de l’album, nous avait déjà séduits au printemps avec son clip signé par Charles-Antoine Olivier et Xavier Bossé. On retrouve la pâte rock des début de Karkwa, sa poésie, avec un brin de claviers complètement fous qui portent à merveille les paroles.

Avec Karkwa on ne s’ennuie jamais. La chanson se fond avec la suivante, À bout portant, témoignage de la faculté du groupe à trouver le beau dans le laid. Le texte est toujours à la lisière de la poésie malgré sa violence, et se mêle parfaitement à la composition la plus épurée de l’album, une sorte de bossa enrichie de sonorités qui viennent appuyer son propos. Une chose en entraînant une autre, Gravité nous ramène au rock. Avec ses synthés qui semblent tout droits venus des années 80, c’est la chanson parfaite pour annoncer la seconde partie de l’album.

Plus calme que les précédents, Miroir de John Wayne met le texte au premier plan sonore. Un peu comme les morceaux enivrants d’Alt-J, la musique se déploie petit à petit, comme le calme avant la tempête qu’est Nouvelle Vague. C’est le slow trippant que tout le monde à le goût d’écouter ou aurait aimé écrire : Qu’est-ce que la noirceur / Peut bien crisser de ma lumière ? / Une étincelle craquée dans un vieux cœur de pierre.

Et c’est comme ça que Dans la seconde nous prend au tripes avec ce qui pourrait ressembler au début d’une chanson de Sufjan Stevens. Mais Karkwa étant Karkwa, la fin de la chanson nous noie dans un bain sonore complètement fou qui annonce L’échafaud dont les paroles et la musique nous amènent de la lumière.

L’album se clôt sur Du courage pour deux, dont les modulations et les distorsions nous emmènent (littéralement) dans l’espace, avec une incroyable fin en full band qui nous rappellent encore une fois qu’on est heureux que Karkwa soit de retour.

Dans la seconde, c’est un album qui s’écoute dans l’ordre et qui nous dit beaucoup de choses. À l’image de sa pochette réalisée par Bertrand Lavoie, il est aussi unique qu’éclectique. Et après l’avoir écouté, on en reprendrait encore et encore.