Les Kasabian ne pouvaient pas choisir meilleur titre pour leur 8e album avec Happenings. Une promesse en forme de teasing qui nous titille les oreilles. La bande de Pizzorno nous livre un opus assez audacieux et peu semblable aux précédents, où elle continue d’explorer de nouvelles sonorités plus pop.
Avant même de lancer la première écoute, la pochette nous donne de sérieux indices sur la démarche artistique qui a guidé le groupe pour Happenings. Sur un fond beige des plus neutres, le nom du groupe est relativement discret, dans la typo noire signature du groupe (typo qu’on n’avait pas vue sur l’album précédent The alchemist euphoria, le premier depuis le départ du chanteur leader Tom Meighan en 2020). Comme pour nous dire que son ADN est bien là, mais que ce n’est pas le plus important. La part belle est faite au titre ultra coloré Happenings, dont le design nous fait penser aux 70’s. L’intérieur de la pochette vient confirmer l’intuition, avec boule à facettes, botte à semelle ultra compensée, le tout dans un univers totalement psychédélique. Prenez place dans le combi Volkswagen (motorisation hybride), on vous emmène faire un petit tour !
Disco mania
On connaît la curiosité du groupe, sa façon d’explorer et de mélanger les sonorités. Eh bien dans Happenings, on est servi ! On retrouve le rock, l’électro, l’utilisation de l’autotune à haute dose comme dans Call ou How far will you go. Mais on découvre aussi de nouveaux sons pour le moins surprenants parmi lesquels le disco, particulièrement dans Darkest lullaby ou Come back to me good.
L’album débute par Happening, morceau instrumental de 52 secondes qui nous plonge dans une atmosphère énigmatique, vaporeuse. Quelques notes de synthé, comme suspendues, nous annoncent un évènement imminent. On a presque l’impression qu’on va rencontrer des petits hommes verts. Finalement, en guise d’hommes verts, ce sont les notes de Darkest lullaby qui résonnent.
Après un instant de sidération, il faut bien l’avouer, et si on a un tant soit peu d’ouverture d’esprit, on se laisse finalement emporter par le côté disco du titre. Et le choix de ces sonorités disco, plutôt lumineuses, est assez intéressant pour ce morceau assez sombre dans lequel Pizzorno raconte un amour perdu, son envie de recommencer l’histoire au début et sa tristesse laissée par la cicatrice de la rupture. A moins qu’il ne s’agisse d’une métaphore dans laquelle Pizzorno ferait part de ses doutes quant à la direction à donner à Kasabian ? La question traverse tout l’album, sans jamais véritablement trouver de réponse.
Call, un concept à lui-seul
Dans Call, on retrouve les sonorités habituelles du groupe. Un morceau qui raconte l’attente, l’impatience et l’euphorie d’une relation amoureuse. Le son est parfaitement complémentaire des paroles : tout est travaillé comme un appel téléphonique, avec des sonorités qui évoquent des touches de clavier, la sonnerie du téléphone, la conversation. Un concept à lui-seul.
Ensuite, on augmente le tempo avec l’électro-punk How far will you go, morceau le plus punchy de l’album. Des riffs endiablés de guitare, soutenus par une batterie percutante, l’autotune à fond : on a le souffle coupé. Pizzorno crie sa colère et son exaspération face à une compagne qui est visiblement allée trop loin, pour finir le morceau en lui demandant de partir.
Retour au disco dans le morceau suivant, plus apaisé. Dans Coming back to me good, on retrouve un Sergio Pizzorno dans de meilleures dispositions, finalement prêt à donner une nouvelle chance à l’histoire d’amour à laquelle il venait de mettre un terme ! Un titre plein d’optimisme et de résilience, lumineux, qui nous donne instantanément envie de nous trémousser sous la boule à facettes.
Un festival d’influences
Sur un rythme assez lent et très groovy, on enchaine avec G.O.A.T., greatest of all time. Un hymne à la confiance en soi et au dépassement pour atteindre ses objectifs. Parfait pour se donner du courage en s’imaginant dans la peau d’un Rocky des temps modernes, prêt à en découdre.
On change encore de sonorités sur Passengers. Cette fois, Kasabian nous offre un morceau très red-hot-chilly-peppersien pour accompagner des paroles très sombres pour aborder le thème de la perte, de la mort, à grand renfort de « Oh oh oh ».
Et nouveau changement d’univers sur Hell of it. Le morceau démarre avec des riffs de guitare addictifs et une batterie syncopée puis bascule dans un son très électro, underground, pour finir avec une pointe de disco. Sans doute le morceau aux sons les plus mixés de l’album, que Pizzorno semble avoir pris du plaisir à composer à en juger par le titre (pour le plaisir / pour le fun) !
Retour à la pop, avec des touches de disco et gros « Oh oh oh oh oh » et « da da da da » sur Italian horror, dansant et à l’énergie communicative. Puis cap vers un morceau aux sonorités très électro avec Bird in a cage, où les instrus acoustiques ont disparu. En résulte un morceau assez froid, même s’il reste agréable à l’écoute.
L’album se termine enfin par Algorithms, un hymne pop à la vie et aux émotions face à l’invasion exponentielle et inexorable de l’intelligence artificielle.
Un album fait pour danser
Et voilà, c’est déjà fini ! Les 11 morceaux de l’album ont défilé en moins de 30 minutes. Un peu court tout de même, tant on aurait aimé que ce Happenings fasse durer le plaisir non dissimulé qui nous a parcouru à son écoute. D’abord déstabilisante, puis intéressante et définitivement réjouissante. Un album fait pour danser, comme Kasabian sait si bien le faire, et dans lequel il s’affranchit des étiquettes et continue plus que jamais d’expérimenter et de mélanger les sonorités, quitte à prendre le risque de perdre ses premiers fans.
Etre ou ne pas être ? Là se trouve finalement LA question à laquelle les formations musicales et plus globalement les artistes sont confrontés. Comment continuer à faire sa musique / pratiquer son art ? Est-ce que ce n’est pas cela le plus intéressant, l’exploration pour se renouveler sans cesse ? Un art dans lequel les Kasabian sont maîtres.