Nous vous en parlions il y a quelques semaines, la Party Remise du festival niortais Nouvelle(s) Scène(s) a bel et bien vu son édition de rattrapage se dérouler au cœur de la ville du 18 au 25 septembre dernier. L’événement qui accueillait des artistes émergents, mais pas que, leur on permit de se produire sur les différentes scènes de la ville. L’occasion pour nous d’en retrouver certains. Aujourd’hui, nous partons à la rencontre du duo Kim & Cléa, dans les entrailles des Tumulus de Bougon.
LFB: Comment allez-vous?
Kim: Ça va super bien!
Cléa: Ça va! J’ai un élan en tant que musicienne. Je ne sais pas ce qui se passe, mais j’ai l’impression que des cases se sont ouvertes dans mon cerveau. Je raccroche des wagons en ce moment au niveau de la cartographie du clavier.J’ai des blocages qui sont partis. J’entends de nouvelles gammes. Quand je me mets derrière un piano, c’est comme lorsque je joue ce que j’ai envie de jouer. Alors qu’avant, j’avais l’impression d’être bloquée, plus restreinte. Il me reste encore une tonne de travail. Je suis loin d’être arrivé mais il s’est passé quelque chose. C’est comme si en voiture, j’avais une vitesse de plus! C’est peut-être dû au fait d’avoir été restreinte vis-à-vis du Covid. Maintenant, on peut lâcher les chiens car quelque part, d’un coup on se dit “mais pourquoi on ne le fait pas? Il faut le faire!”
« On a fait énormément de chose car on n’a pas peur d’essayer » (kim et cléa)
LFB : Je ne crois pas que ce soit la première fois que vous venez à Niort. Est-ce que Nouvelle(s) Scène(s) est un festival que vous attendiez? Est-ce que vous aviez des attentes avant de venir?
Cléa: Il y a peu d’endroits en France comme celui-ci où quand je viens, je sais que je vais voir des gens que je connais et que j’adore. Sur la carte de l’hexagone, Niort, les Deux-Sèvres, Poitiers et ses environs, sont des endroits où j’ai bien développé mes amitiés et je suis toujours contente de revenir. Il y a Bordeaux aussi, à force. L’Est de la France aussi, où j’ai quelques repères. Ce sont les trois points de la carte où lorsque que j’arrive, je sais qui je vais voir, ce que je vais manger. C’est un repère ici.
Kim: Il y a un label qui m’avait sorti un disque, il y a 25 ans de ça ici, en solo. Sur une vingtaine d’années, ça m’est souvent arrivé de jouer à Niort. Dont un festival, dont je n’arrive pas à me rappeler le nom!
Cléa: C’est quand même marrant. Il y a vraiment un truc à Niort. Ce n’est pas une énorme ville non plus et pourtant c’est un point de rendez-vous. C’est bien plus petit que Nice, par exemple, et Nice on y va jamais.
Kim: Ils ont la mer! Et c’est loin aussi.
Cléa: Oui, c’est loin, c’est presque un autre pays en fait.
LFB: D’où est née votre rencontre?
Kim: On s’est rencontrés vers octobre 2009.
Cléa: Kim, il a une mémoire des dates hallucinante!
Kim: Il se trouve qu’en 2009, c’était à un moment où j’animais un open-mic pendant quelques années avec un musicien qui s’appelle Guillaume Léglise, que l’on a longtemps accompagné avec Cléa. Il y a eu une période où des gens venaient jouer et nous, on les présentait au micro. Un jour, Cléa est arrivé pour chanter. C’est comme ça que l’on s’est rencontrés. On l’a toute de suite adoré. Autant lui, que moi. À cette époque-là, lui il cherchait une pianiste pour l’accompagner. J’étais déjà à la batterie avec lui. Moi, je cherchais quelqu’un pour terminer des chansons que j’avais de côté. Elle en avait aussi à terminer donc on a commencé à en écrire ensemble. Ça c’est 2009, on écrivait ensemble.
Cléa: On en rentrés direct en contact, mais que sur le côté musical.
Kim: Cléa ne jouait pas encore en solo. En 2009, ça faisait déjà 15 ans que je jouais en solo de mon côté. On accompagnait Guillaume, Cléa a fait ses premiers concerts. On a enregistré des bouts de chansons.
Cléa: On jouait en binômes parfois, Kim m’accompagnait à la guitare.
Kim: Cléa elle a eu un groupe de Bossa Nova. Je n’aime pas ce son parce que ça fait plus de la samba que de la Bossa Nova. Ça m’est arrivé de remplacer son batteur. Elle a flashé sur des chansons d’un groupe qui s’appelle Les Chansons de ma Tante. Ensuite, on a fait une résidence. On jouait à une certaine fréquence dans un lieu de Paris. On jouait des chansons que l’on a écrites. Quand on s’est rencontrés, on a flashé sur Agathe Labernia, du groupe Regrets. On l’a contacté pour lui dire qu’un jour, on aimerait bien la faire remonter sur scène. Il se trouve qu’elle avait des brouillons de chansons. On les a mis en place. On a fait un set d’une demi-heure avec elle.
Cléa: Elle nous a envoyé des mémos vocaux sans instru et nous, on jouait derrière.
« On a essayé de survivre finalement. Ce n’était pas forcément politique »
Kim: Ensuite, tu as commencé à m’accompagner au clavier et aux chœurs depuis 2016. On écrit pour les disques des uns, des autres. Quand on écrit on ne sait jamais où ça va. Ça va souvent dans les disques de Cléa. Il y a une que j’ai mis dans mon disque récemment. Cette année, on a fait pour la première fois, des 45 tours en duo. On a un groupe de jazz aussi ensemble! La musique de Sooo Pop, l’émission de Cléa, on l’a réalisé ensemble aussi!
Cléa: On a fait énormément de chose car on n’a pas peur d’essayer, de faire des choses bien différentes.
Kim: Il n’y a rien de gravé dans le marbre. De temps en temps on s’appelle, on essaye plein de choses, on a de nouvelles idées, on retravaille les idées déjà existantes. On a fait des concerts de déambulation pendant le Covid. Histoire de résister un peu contre les restrictions. On n’est pas anti-vax mais plus anti restrictions.
Cléa: Ou plutôt, on a essayé de survivre finalement. Ce n’était pas forcément politique. C’était plus pour nous-même.
Kim: Oui, et puis dire que la musique n’est pas le problème et que l’on voulait jouer tout de même et faire notre métier. On a eu l’occasion de montrer que c’était faisable. On a fait des concerts en petit déj, lorsqu’il y a eu les premiers couvre-feux.
Cléa: J’ai fait une tournée des jardins et d’ailleurs j’ai joué à Niort!
Kim: Les concerts déambulatoires, c’était une entrée payante et on donnait un rendez-vous. On partait direct et les gens devaient nous suivre. Ça permettait de ne pas créer de foule. Maintenant, on a aussi écrit et produit un single pour une personne qui s’appelle Coralie.
Cléa: Kim sait produire la musique, moi j’ai quelques micros dans mon studio donc on fait des prods à deux. Ou lui fait l’instru, moi je fais les voix à la maison. Par contre, Kim n’a pas chez lui la pièce pour faire les prises de voix. On est assez complémentaires.
Kim: Il y a un projet de Cléa qui est devenu accidentellement quelque chose qui est marqué à mon nom. Elle a monté un projet qui s’appelle les Sessions du Carreau car elle est au Studio du Temple avec son studio et elle fait venir des gens qui viennent enregistrer chez elle. Dans le lot, je suis venu aussi et j’ai enregistré un album! L’album s’appelle les Sessions du Carreau, capturé par Cléa Vincent. Je suis au piano-voix et il y a un morceau où elle joue du piano. Ça s’est interrompu avec le Covid. Elle n’a pas pu continuer sa compilation.
Cléa: Il faut être honnête, j’ai aussi perdu la flamme. J’ai enregistré 4 artistes, je vais en avoir une dizaine.
LFB: Vous avez joué cet après-midi aux Tumulus de Bougon, qui est tout de même un lieu assez chouette pour donner un concert. Est-ce qu’il y a des lieux comme celui-ci où vous avez auparavant joué un concert et qui ont pu vous marquer?
Kim: T’imagine même pas! Je trouve tout intéressant. On a tous les deux en commun, que l’on a appris le jazz à l’école. Dans le jazz, c’est largement plébiscité que l’on doit jouer partout et tout le temps. il n’y a pas de mauvaise scène ou de mauvais lieu. Nos idoles du jazz ont très souvent fait des bals du jazz et nous on aime cette idée-là.
Cléa: On a pas fait de plans tellement chelou..
Kim: Quand je disais que n’imagines même pas, je pensais au moment où j’ai joué avec un groupe dans des paellas géantes, des parcs à huîtres, sous la neige, sans vêtements, dans des brouettes en action! Avec Cléa, on a fait déambulatoire en marchant dans Montmartre. On a joué dans des festivals technos aussi, on a un groupe. Le petit-dej, ça c’était vraiment cool! Et ça marche très bien.
« C’est la bonne occasion d’apprendre quelque chose »
LFB: Et ça ne vous intéresse pas de continuer la même chose sans la pandémie?
Kim: Si, bien sûr que si! Bien que l’endroit où on le fasse soit moins motivé car le matin à nouveau, il y a de la clientèle.
Cléa: On a joué dans des boîtes aussi, au Carmen. Genre à 1h du matin, à jouer notre petit jazz et les gens étaient devant, à fond! ils tripaient complets mais c’est un de mes meilleurs souvenirs de concert. C’était presque en acoustique en plus!
Kim: Il faut savoir que l’on a une passion pour l’acoustique ou très peu de choses. On a fait des concerts sans public pendant le confinement, il y en a un que l’on peut voir sur internet. On aime aussi jouer en groupe. Faire des fêtes de la musique aussi, de plusieurs heures.
Cléa: La plupart du temps, on fait des formats assez minimalistes mais lorsque l’on se retrouve à plusieurs, à beaucoup sur scène, c’est la fête quand même! On ne peut pas toujours se le permettre. C’est comme un chef, il y a pas le budget pour un homard et bien ce n’est pas grave, ce sera quand même très bon.
Kim: Aussi, on aime beaucoup s’adapter aux situations. C’est la grande différence entre le pis aller et la sérendipité. C’est la bonne occasion d’apprendre quelque chose. Si on se retrouve à deux, d’abord on aime ça mais ce n’est pas faute de mieux, ce n’est pas au rabais.
Cléa: Ça demande des efforts. Quand tu arrives en groupe, tu es porté par l’énergie et là tu la portes toute seule. Ce n’est pas l’exercice le plus simple.
Kim: Sur des concerts solo, je me suis déjà retrouvé où la sono pète. Donc en a cappella, sans sono. C’est une bonne occasion pour apprendre à reporter la voix. En jazz, il y a vachement ça, il n’y a que de la sérendipité.
Cléa: En fait le résumé, c’est faire avec l’existant. Ça rend très humble par rapport à la musique. Il faut toujours accueillir les occasions. Finalement, on a le contrôle de rien du tout. Plus tu essayes de contrôler, de te montrer sur telle forme et pas d’autre forme que, plus t’es rigide, moins tu as de boulot.
Kim: À contrôler la réception des gens. Ce que font beaucoup de gens de la pop. Après, nous on joue de la pop mais c’est dans le fond de ce que l’on a appris quand on était petits. Cléa de son côté, et moi du mien, comme c’est du jazz, on ne peut pas se le permettre. Ce n’est pas comme ça que l’on aura l’esprit de la musique. On veut vraiment être modestes vis-à-vis de ça. C’est Gartner qui disait ça, une fausse note si on la joue deux fois, elle est bonne.
Cléa: Tu as des personnes qui disent “non mais moi, je ne me produis jamais sans violoncelle.. » Donc ils disent non non non, et à un moment bon, oui une super date. Nous, on dit oui oui oui, et sur les trois premiers oui, on va attraper trois supers plans en full-band. Il y a un espèce de calcul où tu as un effort à faire car tu portes à moins nombreux ton projet. Mais derrière, souvent ça ouvre des portes finalement. Ce sont des vases communicants.
Kim: Après, dans la pop que l’on pratique et que l’on aime, qui est une musique que l’on joue aussi, on a cette petite déception qui ne sont pas les cultures que l’on peut trouver dans le jazz ou dans le blues. Par exemple, le fait de se croiser pour des lives. Là, on vient de faire un duo, les blues mans, ils font vachement ça! Quand ils se croisent sur la route, ils font une date ensemble. Et il n’y a pas de “tu fais ma première partie ou je fais la tienne?” Ça nous est arrivé avec nos musiciens que l’on a en commun, de faire un seul répertoire. C’est vrai que les gens de la pop ne comprennent pas forcément… Mais on y arrivera! Ça se libérera aussi pour des questions économiques aussi. Dans les années 2000, personne ne voulait venir à moins de 15 musiciens et quand il n’y avait plus de thune ils sont venus à moins.
LFB: Kim, tu es intervenu dans des écoles hier. Comment s’est passée cette rencontre?
« A ma grande surprise, ils voulaient tous chanter comme IAM et NTM » (kim & cléa)
Kim: Pour recentrer le fait que l’on soit avec Cléa là, Cléa le fait aussi très souvent. Parfois on le fait même ensemble aussi. Pas plus tard qu’à Poitiers en juin dernier. Ce sont des ateliers d’écriture avec un rendu à la fin. Là, le défi était très court car j’arrivais à l’ouverture, 8h30 je crois et 15h00, je devais rendre quelque chose. Il y avait 150 élèves, divisés par 6 classes.
On définit une direction avec les premiers, le fondement va être défini par les premiers élèves que l’on rencontre. C’était des CM2, Ils avaient envie de faire du rap mais sans forcément savoir de quoi ils avaient envie de parler. On a fait ce que l’on appelle, faire tomber le texte. Comme chez le psy, on fait du Kamoulox, il y en a un qui dit pomme, l’autre dit chaise. Puis, lorsque ça commence à avoir une couleur, on range par champ lexicaux et apparaît soudain un thème. Dès que l’on voit le thème, il n’y a pas de problème! C’était bien évidemment, la fin du Covid, comme très souvent en ce moment.
C’est intéressant mais si on veut parler de la fin du Covid et que l’on dit “moi je veux que ça s’arrête le Covid,” ce sera un article de presse, pas une chanson. Si jamais tu veux le développer sur ce que ça t’as fait, ce sera une œuvre littéraire, comme un journal, mais ça ne sera pas une chanson. Être parolier, ce n’est pas être auteur et réciproquement. Être parolier, ça tient plus du slogan. Il faut du sous-texte, il faut de la mise en abyme, de la métaphore..
L’autre classe a travaillé sur cette fameuse mise en perspective de ce que l’on avait trouvé avec le premier groupe. Deuxième groupe, ils arrivent et on définit ce que l’on va faire quelque chose autour de 2022. Là, ça commence à avoir du sens. On n’est pas en 2022! Donc la chanson parle du futur. Alors du coup, là c’est parti!
Dès qu’on est sur le futur, sur 2022, l’imaginaire on y est! Le champ lexical il y en avait! Les robots etc.. ils étaient au taquet.
« On la mit dans l’école pour l’écouter et là c’est monté, on a tous hurlé »
Autre classe, ils sont arrivés. Il y avait un CP qui n’avait aucune envie de faire du texte. Eux, ils ont modifié le morceau. Musicalement, ils l’ont vraiment fait bouger ailleurs. ils aimaient le rock. Ils voulaient de la guitare électrique. J’utilise un IPad, dans lequel il y a beaucoup d’instruments. Ils voulaient du AC/DC en gros! C’est pour ça qu’on entend de la guitare électrique dans le morceau. C’est leur idée, c’est leur apport. Eux, ils ont énormément accéléré le morceau. Ce qui est tout à fait possible avec le robot qu’est l’IPad. Et là, je me suis dit que le prochain groupe allait être en grande difficulté car le rythme était très rapide. A ma grande surprise, ils voulaient tous chanter comme IAM et NTM.
Enfin, l’après-midi, on commençait à avoir quelque chose qui était solide. J’ai fait des prises-voix. L’avant-dernière classe a livré un nouveau refrain. À la fin, il fallait que je fasse une petite édition musicale, informatique. Et voilà! On la mit dans l’école pour l’écouter et là c’est monté, on a tous hurlé comme des ânes! On s’est bien marré quoi!
LFB: Pouvez-vous nous parler de l’importance du catering en festival ?
Cléa: Le café! Comme on n’est jamais chez nous, avoir à manger c’est important tout de même. C’est la carence affective, mais il y a quelque chose où l’on est un peu déraciné donc c’est un repère la bouffe. C’est important qu’il y ait un peu d’amour dedans. Que l’on sente que les gens ont cherché à nous accueillir, à nous faire plaisir et déjà on se sent chez nous.
Kim: Une tomate coupée en deux, c’est préférable à un taboulé acheté au supermarché. Au final, c’est rentable pour tout le monde en plus. Le taboulé, ce n’est pas que ce soit triste. On ne va pas faire la gueule parce qu’il y a un taboulé acheté au supermarché, ce n’est pas grave mais finalement ça prend moins de temps de faire Marc Veyrat et c’est parti! Ça fait plus plaisir.