La Face B s’est déplacée à la Java, dans le 10ème arrondissement de Paris, le temps d’un soir pour assister à une série de quatre concerts plus un DJ-set : la Kimono Party, édition II. En soi, il s’agit d’une sorte de mini-festival d’une soirée réunissant une bande d’artistes amis de la scène française aux goûts éclectiques.
La toute première édition avait eu lieu à L’International lors de la fête de la musique de cette année, une belle date symbolique pour lancer un projet musical. Comme promis, la programmation, toujours diversifiée, diffère un peu pour présenter de nouveaux artistes : exit Aghiad (en solo), Kosko et Banditoto et bienvenue à Le Renard et la Tortue, Ian Caulfield et Aghiad & Refuge, en DJ-set, qui rejoignent sans surprise Tomasi et Trente déjà présents la première fois.
Le duo Le Renard et la Tortue ouvre le bal de la soirée dès 20h. Malheureusement, on a été retardé par l’incontournable « régulation de trafic » de la ligne 4. Arrivés à temps pour assister à la fin du live, le duo de rappeurs a déjà conquis le public sur place. Très scéniques et fraternels sur scène, ils s’amusent à tourner en dérision leurs péripéties à l’image des fables de La Fontaine. Le titre Olé illustre bien cela, en plus d’animer et égayer le public. Le duo peut faire penser à Bigflo & Oli par leur complicité et leur naïveté attachante dans leurs textes, cependant le style reste différent : plus instrumental avec un guitariste sur scène et plus dynamique. Une bonne entrée en matière donc. On pourra les découvrir davantage à la Boule Noire le 7 décembre.
Petite pause de 10 minutes en attendant le prochain artiste. On profite ainsi des boissons plus abordables qu’en mode club de la Java. Dans le même temps, on a le plaisir d’entendre See Me, Feel Me des Who proposé par l’ingénieur son.
Trente débarque pour défendre, entre autres, son dernier EP : Selection 46. Seul sur scène, sa prestation n’en reste pas moins vivante car elle se révèle très gestuelle en fonction de ses textes et de sa musique qui oscille entre pop et électro. Quiberon résume le mieux cette ambiance vibrante. Débutant par des notes sombres, le titre s’emballe à l’aide de la boîte à rythme au bout d’une minute avant de partir sur un trip électro faisant bouger le public. La danse se poursuit ensuite avec Dans Les Gares qui débute comme un bon titre de surf rock pour finir sur une boucle enragée de « Jamais » qui excitera la foule. On n’était pas loin du pogo. Le public est conquis. De la ballade folk de Été P2 au lancinant titre éponyme du dernier EP Selection 46, Trente a démontré l’étendue de son talent avec ses compositions mélodiques et minutieuses.
Place à deuxième pause. On part se rafraîchir avec une autre bière et … tiens ! Encore See Me, Feel Me des Who. L’ingé son doit être un grand fan du groupe britannique.
Ian Caulfield est ensuite apparu sur scène, en salopette et petit béret avec sa guitare et… un clown triste pour l’accompagner. Curieux contraste entre un chanteur à l’allure de petit gamin débraillé oscillant sur une scène trop petite pour lui, et un grand monsieur en costume de Pierrot et la mine sombre, qui jouait de la batterie derrière lui ! Ian Caulfield nous vient de Reims, il avait fait une première percée assez fulgurante en 2018 avec son titre Winter Leaf produit par Guillaume Brière de The Shoes, ce qui lui avait valu une bonne presse dans les médias. Des premiers morceaux en anglais, cultivant un look de slacker (« branleur »)…
Caulfield a présenté à la Java de nouveaux morceaux, en français cette fois-ci, mais conservant sa verve mélancolique et un style très touchant. Pour ce nouveau projet il s’est d’ailleurs entouré du batteur de Woodkid et de The Shoes, grimé en clown triste ou en Pierrot. Tandis que sur scène, la gestuelle de Ian donne l’impression de voir une marionnette animée, ou un épouvantail avec ses cheveux blonds qui dépassent de son béret et sa salopette ! Il nous fait aussi penser à un gamin un peu fou, surtout quand il part des transes musicales complètement illuminées avec sa guitare…
Nouvelle pause, nouvelle bière. Ah ! Et encore See Me, Feel Me des Who, bien entendu !
Tête d’affiche du line-up, Tomasi débarque enfin sur scène, à la fois déchaîné et ravi d’en découdre, habillé bien entendu de son habituel peignoir rouge. Les hostilités commencent par Round 2, première piste de son nouvel EP Somnanbule. Le public est déjà emballé. L’artiste défend logiquement ses derniers titres avec Avatoru ou encore le surprenant Somnanbule. Sur ce dernier tube, on peut apprécier l’artiste prendre sa guitare après un flow énergique et rapide pour ensuite finir en duo avec Trente sur le passage nerveux « La seule réponse, c’est pas de question ». L’occasion est trop belle, les deux chanteurs en profitent pour jouer Ma faute provenant de l’EP Selection 46 de son compère Trente. Les conséquences sont irrémédiables : le pogo dans la foule est lancé et ne s’arrêtera plus sur ce titre aux aspérités punk.
Les duos s’enchaînent. Tomasi invite Yoanna, une jeune artiste à la voix douce et envoûtante qui joue le contraste avec son attitude déterminée et enragée. Leur titre s’appelle J’ai plus peur. Encore inédit, il a déjà tout d’un tube : la fusion pop et rap, dont l’artiste a le secret, nous fait à la fois dandiner et bondir sur place. On retrouve ensuite la jolie ballade Dans les reflets qui se révèle être un bon morceau de fin avec son refrain qui nous lance cet indice : « Reste un peu, je ne veux pas m’en aller ». En effet, on a eu le droit à un rappel et un nouveau peignoir, plus chic, pour Tomasi qui ne voulait donc pas s’en aller. Heureusement, car il manquait à la liste les deux derniers singles, Menteur Menteur et l’incontournable Du sperme sur le peignoir qui entraînera, comme il se le doit, un pogo général et déjanté dans la foule. Le concert se termine et met tout le monde d’accord sur la prestation qui fut de qualité et consistante. Il n’y a pas eu de temps mort.
Il est minuit passé. Épuisés, on décide de s’arrêter sur cette note positive malgré le DJ-set de Aghiad & Refuge. Cette soirée Kimono fut une réussite et il n’est pas étonnant qu’une autre date en novembre soit en prévision. On repart prendre le métro (pas la ligne 4 qui est déjà fermée…argh !) avec la joie d’avoir vu l’émergence d’une scène musicale française enjouée, vivante, et qui assume pleinement ses influences, ses pensées, ses compositions originales et perfectionnistes. L’avenir est prometteur : vivement la suite !
Crédit photos : Léo Adrover.