L’Impératrice : « Le nouvel album a été marqué par tous les concerts qu’on a fait »

À l’occasion de leur passage au Pop Factory, Flore, Charles et Hagni de L’Impératrice ont pris le temps d’un échange avec nous. L’occasion de discuter de leur album à venir et de leur mode de fonctionnement.

L'Impératrice by David Tabary
© David Tabary

La Face B : Qu’est-ce que ça vous a fait d’apprendre que vous alliez jouer à Coachella ?

Flore : J’ai cru que tu allais nous demander ce que ça nous faisait de jouer au Grand Mix (rires).

Charles : Ça fait un moment qu’on le sait en fait, du coup c’était excitant de voir notre nom sur l’affiche. Pour nous c’est assez gratifiant parce qu’on se dit qu’il y a peu de groupes Français qui sont programmés là-bas, donc c’est assez élogieux.

Hagni : Une anecdote assez drôle, il y a des leaks de la programmation qui arrivent en amont de l’annonce officielle, quelques mois avant, et on était quand même dedans alors que c’était un fake.

F : On avait déjà été contactés mais il n’y avait pas eu d’annonce du tout. On n’avait aucune idée du reste de la programmation donc on ne savait pas si c’était la vraie.

C : C’est assez fou, c’est un festival qui est plus une vitrine qu’un vrai kiff artistique. Il y a 500 groupes programmés, ce n’est pas très intimiste, il y a beaucoup de scène, mais si on parle de notoriété, c’est avantageux pour nous parce qu’on marque des points et qu’on va atteindre pas mal de gens. C’est dans la continuité de ce qu’on essaie de construire aux États-Unis, on a tourné là-bas l’année dernière avec une petite dizaine de dates qui étaient toutes complètes, on était ravis. C’est un bon signal pour nous dans ce qu’on a envie de faire là-bas et ça nous aide à nous démarquer.

Flore Benguigui with L'impératrice
© Martin Sojka

LFB : Du coup, qu’est-ce que ça vous fait de jouer au Grand Mix ?

F : On a l’impression d’être à la maison, ça doit être au moins la troisième date. La première fois qu’on a joué ici, moi c’était un de mes premiers concerts. Et puis le public est souvent très chaud. On est très contents de reprendre la tournée.

C : Il y a un côté intimiste qui nous permet de nous adresser aux gens de façon un peu plus spontanée. C’est plus familial, j’ai l’impression que ça nous convient mieux ce format.

LFB : Vous préparez un deuxième album, où est-ce que vous en êtes dans la production ?

C : Il est composé et enregistré. Il commence à être mixé, c’est un long processus.

LFB : Qu’est-ce que vous lui trouvez de différent par rapport au premier ?

F : Il y a pas mal de choses qui sont différentes. Un deuxième album c’est une étape un peu bizarre où tu dois évoluer mais en gardant ton identité. Tu as envie d’aller plus loin. Sur ma partie, j’ai essayé de proposer autre chose, de tenter d’autres tessitures. J’ai écrit des morceaux avec un rappeur qui s’appelle Fils Cara et vocalement il y a une touche assez différente.

C : L’album a été marqué par tous les concerts qu’on a fait, les pays qu’on a visités, les nouveaux publics qu’on a rencontrés, forcément ça change ta façon de composer et d’entendre les mélodies. Tu as des envies d’ailleurs, c’est un album qui a commencé à être composé à Tanger. On est partis deux petites semaines là-bas, s’enfermer dans un riad au bord de l’eau, c’était sublime. Et déjà ça, ça a changé le mood, ça te lance dans quelque chose de moins Parisien, tu n’es plus chez toi, tu pars à l’aventure et tu pars chercher d’autres sonorités. Et puis Tanger, historiquement c’est quelque chose de très grand.
C’était un bon point de départ, on a continué à Paris, un peu partout. Comme tous nos disques, on essaie de changer d’endroit pour s’imprégner d’ambiance différentes. Je pense qu’on a été très marqués par cette tournée aux États-Unis, au Mexique, en Turquie, des allers-retours très courts au Chili, à droite à gauche et je pense que ça se ressent dans ce disque. En tout cas dans la recherche de l’harmonie, c’est moins classique au sens musique classique du terme. On est allés chercher des trucs un peu plus américains, un peu plus californiens, un peu plus hip-hop parce que ça reste une influence majeure dans ce groupe. Le tout premier morceau sorti, il y avait un rappeur dessus.
On a réutilisé ce mélange, on a exploré le disco d’une autre façon. Le disque est beaucoup plus éclectique dans la façon dont les morceaux sont construits puisqu’ils sont constamment en rupture les uns avec les autres. Donc il y a une approche dans la composition et la production qui sont vraiment différentes. Mais ce que je trouve chouette c’est que quelqu’un qui n’est pas forcément pointu en musique, ne va pas en être dérangé. Ça reste accessible, on est un groupe de Pop, c’est ce qu’on aime, mais les couleurs, les émotions changent. C’est vraiment un album très produit, où chaque son est choisi. Il y a moins ce côté groupe qui joue dans une cabine.

LFB : Vous avez mentionné les débuts de l’Impératrice, c’était il y a bientôt dix ans. Quel regard vous portez sur le chemin parcouru ?

C : Un regard bienveillant. C’est un projet qui a vécu tellement de phases, d’étapes. Le tout début, c’était à la débrouille. On tournait à l’arrache, en voitures, en train. On a tourné surtout instrumental pendant deux ans et demi. Ensuite il y a eu les premiers morceaux vocaux, pas encore avec Flore mais en feat avec Isaac Delusion sur Sonates Pacifiques qui a ouvert le projet à un public plus grand. Puis l’arrivée de Flore, le premier album très tardif… Je dirais que c’est chouette parce qu’on prend le temps et qu’on va assez à contre courant de la musique aujourd’hui avec la notion de marché où, si tu veux cartonner il faut que tu ailles très vite. Je pense à des artistes comme Angèle, Clara Luciani, ou Eddy De Pretto, des gens dont tu n’as pas entendu parler et qui très vite, explosent.
J’aime bien l’idée qu’on aille à contre-courant de ça, et qu’on soit indépendants. On n’est pas sur un gros label, on est chez Microqlima, on a fait ce choix parce que ça garantit une indépendance artistique et une plus grand pérennité à mon sens. C’est vraiment un projet qu’on chérit tous, et je n’aimerais pas prendre le risque que ça s’arrête du jour au lendemain parce qu’on a essayé de plus vendre qu’il ne le faut. Quand on regarde derrière, il y a un truc attendrissant.

LFB : À propos de Microqlima, qu’est-ce que ça vous apporte cette famille ?

H : En fait, elle existait avant Microqlima. C’est plutôt la suite. Le boss de Microqlima, c’est quelqu’un qu’on connaît depuis le tout début. Il a participé au lancement du projet. Donc c’est vraiment une histoire de famille.

F : Je n’ai aucune expérience d’être en major, mais c’est une micro-équipe. Ils sont vachement investis dans le projet, il y a quelque chose de super humain. Ils organisent toujours plein de choses entre les artistes ou avec leur public. Des mini-festivals à Paris, plein d’événements. C’est toujours fait avec des bouts de ficelles mais avec tellement d’engagement que c’est toujours bien. Et ça nous porte beaucoup, ils sont très investis dans la création, pour nous soutenir. Ça correspond très bien à notre vision de la musique.

C : Le fait qu’on soit peu de groupes, tu ne te sens pas du tout en concurrence, contrairement à d’autres labels, où il y a beaucoup plus d’artistes. Pour grossir un peu le trait, ces labels là signent 5 ou 6 groupes pour en faire fonctionner un. Là, on se sent soutenus et on va tous dans le même sens. Même artistiquement on se connaît tous très bien, il y a une complicité et un respect. C’est ce qui crée une bienveillance profonde.

F : Et ça finit en match de foot Pépite / L’impératrice parfois.

H : Ça crée de la compétition comme ça (rires).

LFB : Est-ce que vous avez des coups de coeur récents à partager ?

F : Moi il y a une meuf que j’écoute en boucle depuis quelques temps, et qui s’appelle Lynda Dawn. C’est une anglaise qui fait une espèce de R’n’B un peu jazz-funk et c’est trop beau.

H : Moi il y a un film que j’ai bien aimé c’est Les Deux Papes. Alors je n’ai jamais trop aimé les films Netflix mais celui est assez extraordinaire et hyper touchant. Ça raconte la passation entre Benoît XVI et le pape François et les deux acteurs sont magnifiques et même l’écriture est hyper apaisante. Le sujet peut bloquer un peu au début mais ils arrivent à humaniser l’histoire.

C : Ça montre aussi la dimension politique du Vatican.

H : Il n’est pas attendrissant, il ne prend pas parti. Même par rapport à son propre passif, personnellement je n’ai aucune influence chrétienne et pourtant l’histoire m’a vraiment plu.

F : Vous avez vu la série succession ? C’est une série sur HBO. C’est pas feel-good, plutôt malaisant mais très drôle.

C : Je suis allé voir le dernier Guy Ritchie. J’ai passé un super bon moment et je me suis rendu compte à quel point ce gars là est vraiment le Tarantino Anglais. Avec ses codes, son humour, ses choix de casting. Mentions spéciales à Hugh Grant et Colin Farrell. Encore une fois, il a réussi à mettre en place un truc plus lent que d’habitude, Snatch par exemple et là c’est beaucoup plus moderne. Ça va faussement vite, comme un Breaking Bad.

LFB : Dernière question, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?

F : Beaucoup de trucs, c’est une grosse année. Une bonne tournée pour commencer.

C : Une bonne sortie d’album, on croise les doigts.

F : On a pris des risques, je pense, et on a beaucoup, beaucoup bossé. C’était vraiment intense. On a donné beaucoup de nous-mêmes.

L'impératrice live at Pop Factory
© Martin Sojka