A l’occasion de la sortie de son deuxième album, VOLT, nous avons retrouvé LAAKE afin d’échanger sur tous les aspects de son projet.
La Face B : Comment ça va ?
LAAKE : Bien et toi ?
LFB : Bien aussi ! Merci de m’accorder du temps.
LAAKE : Merci à toi.
LFB : C’est l’un des premiers éléments de ta promo : tu comptais faire un album de piano. Finalement, tu as sorti un album orchestral. Est-ce que tu peux nous parler de l’impact de ton accident là-dessus et pourquoi l’album s’appelle VOLT ?
LAAKE : À la base, cet album aurait dû être un album de piano solo, ça fait des années que j’enregistre des mélodies sur mon téléphone et j’ai une collection de mélodies assez conséquente qui ne sont jamais vraiment devenues des morceaux. La démarche de cet album c’était de revenir en arrière et de sélectionner ces mélodies pour en faire des morceaux.
Mais lors de l’enregistrement du premier titre, je me suis électrocuté avec une vieille lampe et tout a changé. Tu as du lire le communiqué sur l’histoire de l’album, ce n’était plus possible pour moi de faire un album acoustique en m’étant électrocuté. Je me suis aussi questionné sur mon identité, qu’est-ce qui me différencie d’un autre pianiste ? Je pense justement que c’est le côté électronique qui me différencie, je ne suis pas un pianiste « classique ».
Cet épisode malheureux m’a également rappelé que je n’étais pas grand chose sans cette électricité. J’ai donc décidé de faire de l’électricité la thématique principale de l’album. Il devait s’appeler ELECTRICITY au début mais j’ai préféré l’appeler VOLT. Je trouvais ça plus intéressant.
LFB : Je suis d’accord. Si on devait comparer tes deux premiers albums, j’ai noté une différence assez importante sur la luminosité. Pour moi, O était vraiment une ode à l’obscurité alors que celui-ci est quand même beaucoup plus tempéré. Tu as des morceaux qui sont super solaires. C’est une évolution que tu souhaitais pour ta musique ?
LAAKE : Ça s’est fait un peu naturellement. Ce qui paraît un peu bizarre parce que ça part d’un événement plutôt tragique mais globalement oui, la musique est moins sombre que par le passé. Mon précédent album O sorti en 2020 se terminait par un son qui s’appelait LIGHTS. C’était donc un peu l’introduction à ce nouvel album. Il y a un contraste assez fort entre l’évènement de l’électrocution et l’album qui est quand même beaucoup plus positif et plus solaire. Ça, je ne peux pas vraiment l’expliquer.
LFB : À côté de ça, il y a aussi ta voix qui est beaucoup moins présente, sur 2-3 morceaux il me semble. Comment tu expliques ce retrait ?
LAAKE : La voix a toujours été secondaire dans LAAKE. La plupart du temps, j’utilise une voix parlée ou bien des choeurs. J’avais à la base enregistré beaucoup plus de voix sur cet album mais j’ai fini par les retirer. Le problème avec ma musique, c’est qu’elle est déjà tellement chargée en terme d’arrangements et d’instruments que c’est très compliqué de faire cohabiter tout ça avec la voix.
LFB : Dans tout ça, même s’il ne prédomine pas, le piano a une place super importante. Tu es pianiste. A chaque fois, il y a vraiment une extrême justesse dans le piano. Je me demandais comment tu procédais dans la construction de tes morceaux ? Est-ce que tu pars du piano et tu ajoutes des textures par dessus ?
LAAKE : Je pars quasiment tout le temps du piano lorsque je compose. Ça commence souvent par une improvisation. Une fois que j’ai trouvé la bonne mélodie, je l’enregistre et je superpose ensuite des boucles de piano. Je rajoute ensuite les drums, la basse etc..
LFB : Et donc les différents instruments, les textures électroniques, ça vient après du coup ?
LAAKE : Pendant la composition de VOLT, j’avais avec moi un violoncelle que l’on m’avait prêté et un violon acheté il y a quelques années. J’ai enregistré moi-même toutes les textures de cordes. On est allés ensuite ré-enregistrer au propre les différentes parties de cordes avec le quatuor qui m’accompagne en live. J’ai cependant décidé de conserver dans les compos mes parties cordes, car bien qu’elles sonnaient un peu faux, ça conférait une certaine personnalité à la musique. Il a fallu ensuite faire cohabiter les parties enregistrées en studio et les parties enregistrées chez moi, ce qui n’a pas été une mince affaire.
LFB : Ce que toi tu enregistrais, ça permettait aussi d’intégrer ton énergie dans tes morceaux.
LAAKE : Oui, carrément. Je me suis rendu compte que ce que j’avais fait au violon par exemple, j’avais du mal à le faire jouer de la même façon à mes violonistes étant donné mon jeu peu conventionnel en tant que non violoniste à la base. Je m’étais habitué à ce son-là dans les maquettes donc il a fallu revenir en arrière après les sessions de studios pour essayer de conserver l’énergie du premier jet. J’ai aussi conservé la majeure partie des enregistrements de pianos droits un peu faux que j’avais chez moi, malgré trois jours d’enregistrement aux studios St-Germain pour refaire les pianos. Certains morceaux dépassent les 180 pistes, un vrai casse tête !
LFB : Malgré l’accumulation de couches, à l’oreille, ça n’explose pas non plus. Ton son est quand même assez propre.
LAAKE : On a beaucoup travaillé au mix. Le mixage a duré très longtemps, six mois au moins. Je faisais évoluer la prod’ à mesure que l’on rencontrait des obstacles au mixage, ce qui explique le temps passé.
LFB : Pour préparer cette interview, j’ai été lire celle que tu avais faite sur La Face B pour ton premier album et tu disais que tu étais tout le temps dans l’urgence. Ton processus créatif, c’était vraiment l’urgence. J’ai l’impression que sur cet album, l’urgence est un peu moins présente et que tu sembles plus retranscrire la beauté des choses. On a moins ce sentiment d’urgence à l’écoute et même si on a des morceaux comme DONTGIVEITUP ou ITHAPPENED, qui dépeignent une certaine lutte, on a aussi d’autres morceaux comme SPARKS ou la fin de MELODY où tu as des sonorités qui sont quand même assez claires et lumineuses.
LAAKE : Je ne suis pas tout à fait d’accord car les morceaux s’enchaînent super vite et se finissent tous très brusquement. Auparavant, dans mes morceaux, il y avait des intros qui duraient trois minutes et le moment où ça explosait à la fin était vraiment très court. Sur cet album, j’ai décidé de faire partir les titres beaucoup plus tôt. C’est plus direct. Je trouve qu’il y a un sentiment d’urgence fort dans mes morceaux. Les tempos sont également plus rapides que sur mes précédents morceaux
LFB : Ce n’est peut-être pas l’urgence. Pour moi, O était plus noir, un peu plus oppressant. Le fait de se sentir oppressé, on l’a un peu moins ici.
LAAKE : Oui, c’est vrai. L’univers et la couleur des morceaux sont moins obscurs.
LFB : J’ai une question sur un titre en particulier, le dernier de l’album : EYES. Est-ce qu’on peut dire que ce morceau retranscrit un peu tout ce que tu as traversé au cours de la composition de l’album ? Si on reprend l’évolution du titre, tu as le piano au début, ensuite ta voix arrive avec des violons et ça apporte quand même une certaine gravité. Tu as les sonorités électroniques qui viennent un peu te faire suffoquer et à la fin, tu as une certaine délivrance avec le chœur.
LAAKE : Oui, c’est vrai, EYES est un peu la messe finale de l’album. Je le voyais d’emblée à la fin dans la tracklist car il est un peu différent des autres aussi. Il y a un côté « libération » sur ce titre en effet. Il n’y a pas trop de temps morts dans cet album, les morceaux s’enchainent très rapidement et sont pour la plupart assez intenses. Je voulais terminer par quelque chose de plus calme, avec des choeurs d’église, une voix posée. C’est un peu le moment où la pression est relâchée.
LFB : En dehors de l’aspect musical, ton projet vit à travers des visuels qui sont assez épurés, des clips travaillés. Quelle importance tu accordes à ces choses-là ? Est-ce que tu participes à la création des clips et à celle des visuels ?
LAAKE : Oui, tout à fait. Je suis graphiste à la base et j’ai fait ce métier pendant 10 ans. C’est moi qui réalise les pochettes et les visuels autour de LAAKE. On a co-écrit les clips de l’album ELECTRICITY et DONTGIVEITUP avec des amis réalisateurs. Je participe à tout de la production jusqu’à l’étalonnage. J’ai toujours un oeil sur toutes les étapes du processus de création du clip et j’adore participer aux tournages. Pour ELECTRICITY, avec Lola Audebaud, on a fait toute la production ensemble. Il y avait quand même 50 personnes sur le tournage. On met la main à la patte un peu sur tout. Un nouveau clip sortira le 21 novembre pour le morceau LIBERTY.
LFB : Un autre pan de ton projet, c’est la scène. Contrairement à O qui est sorti en 2020 où tu n’as pas forcément pu le présenter comme tu le voulais, tu pas pouvoir présenter ton album sans restrictions sanitaires. J’ai vu que tu avais plusieurs dates dans des châteaux et des abbayes. Je trouve ça trop cool.
LAAKE : Oui c’est vrai, je ne sais pas d’où ça vient mais c’est effectivement très cool !
LFB : Du coup, je me demandais comment tu le vois vivre sur scène cet album ?
LAAKE : On a fait la résidence à l’Autre Canal de Nancy en février pour préparer le live. On a déjà pu le tester sur scène cet été. La nouveauté, c’est l’arrivée d’un batteur et d’un bassiste, ce qui donne un côté plus « live » à l’ensemble. Il y a quatre cordes, deux cuivres/percussionnistes, un batteur, un bassiste et moi au piano et aux machines. Ce que j’aimerais à terme, c’est pouvoir partir en improvisation avec tout le monde mais ça demande beaucoup d’entrainement et on a pas eu encore suffisamment l’occasion de jouer.
J’ai maintenant vraiment l’impression d’avoir un groupe autour de moi, ce qui n’a pas toujours été le cas avant. Ce sont de super musiciens et amis, pour certains depuis plusieurs années. L’idée, est de proposer un vrai spectacle centré sur la musique, le fait que l’on soit neuf sur scène impose déjà. On est obligés de jouer sur des grandes scènes, il faut faire tenir tout le monde !
LFB : D’où les châteaux en fait.
LAAKE : Oui, les enjeux techniques du live ne nous permettent pas de jouer partout. La prochaine grande date sera le Trianon le 28 novembre pour fêter la sortie de l’album.
LFB : Ça va être top. J’ai vu que tu avais surtout des dates dans l’ouest de la France. Est-ce que tu prévois d’étendre un peu cette zone ?
LAAKE : Là, pour l’instant c’est le tout début de la tournée donc on n’a pas encore toutes les dates annoncées. On a une date à Bruxelles, je vais en Allemagne samedi. Ça va s’étoffer d’ici la fin de l’année, le gros de la tournée sera concentré sur 2024.
LFB : Maintenant que tu vas sortir cet album, est-ce que tu as toujours la volonté de sortir ton album de piano solo ?
LAAKE : Écoute, oui, il est toujours là dans ma tête. Après, le problème c’est que ça fait longtemps que j’ai cette idée et le projet ne germe toujours pas. Ça sera peut-être un EP car je trouve que les albums de piano solo sont un peu ennuyeux parfois. Je crois que je ne pourrais pas m’empêcher de superposer plein de pianos et d’en mettre un peu dans tous les sens.
Il faut que que je me fasse violence pour essayer d’épurer aussi un peu ma musique parce que c’est souvent très chargé. Pour la suite, j’ai envie de faire un album encore plus direct. Je pense qu’il sera moins orchestral et plus électro, ou alors au contraire très acoustique. Peut-être que je ferai un double album, j’en sais rien, ce n’est peut être pas une bonne idée honnêtement. Mais oui, il viendra un jour !
LFB : En dehors du piano, tu veux garder ce format album pour la suite ?
LAAKE : Ce n’est pas obligé, peut-être que ça sera un EP. Mais j’aime bien quand même faire des albums. Je trouve qu’on a suffisamment de place pour vraiment bien s’exprimer avec ce format.
LFB : Quand tu commences, tu sais que tu vas faire un album ?
LAAKE : Vu que j’en avais déjà fait un, oui. Quand j’ai commencé à composer celui-là, je m’étais dit que j’allais faire un deuxième album. Après je ne savais pas combien il y aurait de titres.
LFB : Je ne sais plus, il y en a le même nombre sur les deux ?
LAAKE : 10 sur celui-là et 11 sur le premier. J’en ferai neuf sur le prochain peut-être ! Mais 10 morceaux, je trouve que c’est bien. Après, quand il y en a trop, on peut se perdre un peu.
LFB : Oui, tu as le risque de t’éparpiller un peu mais là avec ce nombre de morceaux, tu gardes quand même une certaine cohérence. Même si tu as un fil conducteur, tu arrives à aller dans des endroits qui ne sont pas forcément tous les mêmes selon les titres. Il y a quand même une certaine cohérence dans l’intégralité de tes titres et ça, à l’oreille, c’est assez plaisant.
LAAKE : Oui, oui, il y a des sons qui reviennent effectivement. Enfin, on sent que tout a été fait à la même époque. Finalement, la composition de cet album, c’était 2020-2021. Ça s’est étalé sur une période assez courte. Donc ils ont tous un peu la même fibre, la même identité. J’ai utilisé les mêmes instruments sur les différents titres.