Quelque part non loin de Constantine,
Le 14 janvier 2020,
Je me souviens des nuits chaudes passées à flâner dans les souks d’Agadir. Il y avait cette boutique sur la corniche, où nous trouvions des disques par milliers. Tout était mélangé, les personnes et les sonorités. Ainsi, des touristes discutaient avec les commerçants séfarades, souriant aux chibanis assis sur leurs chaises tandis que de jeunes marocains passait des disques en buvant du thé. Sur les étals, Khaled croisait Britney Spears alors que Warda rencontrait Rachid Taha, Oum Kalthoum se mêlait à Madonna et Asmahan découvrait Rihanna. Ce souvenir a forgé mon rapport à la musique et la langue arabe : quelque chose entre la modernité et la tradition. Peut-être même à mon rapport à la musique dans toute son entièreté : quelque chose qui réunit les Hommes, déchirant les frontières des langues et cultures différentes.
Comment faire abstraction de cela en écoutant votre musique ? Il y a cette contorsion calibrée, équilibrée, entre modernité et tradition dans vos chansons. Les violons, les sons suaves du saz viennent se frotter au son électronique d’un synthé.
Toujours dans cette racine commune de la musique arabe, on retrouve le tarab, un état de transe. Vos mélodies nous contrôlent, nos hanches ondulent aux sons des vibrations. Vos rythmes dérèglent nos battements de cœurs, nos pulsations aux tempes, pour se fondre aux battements des tambours. On se sens comme happé, possédé, par une force supérieure… peut-être par (le) Mauvais Oeil ?
C’est un de ces voyages immobiles que vous transmettez à travers votre musique. Celui qui, par ses symboles, nous emmène dans d’autres grands espaces aux frontières infinies. Ceux qui nous éloignent d’une réalité parfois dure et froide. Voire ceux qui ramènent à soi, son intériorité, ses origines.
Peut-être au-delà de la conquête d’identité, votre musique se veut fédératrice entre les courants et les gens. Il y a là un désir de rassembler comme pouvait le faire le raï de Rachid Taha. Comme une poignée d’artistes de votre génération,, vous incarnez son héritage et sa pérennité. On peut compter sur vous, comme sur Taxi Kebab, Johan Papaconstantino, Acid Arab et tant d’autres khouia pour faire rocker la casbah de la nouvelle scène française !
محبتي (Bises)
Camille Scali