Parfois, il est plus facile de s’adresser directement à un artiste pour parler de sa musique. On a donc choisi d’adresser notre huitième lettre à Martin Luminet pour la sortie de Revenir.
Hénin Beaumont, le 30 septembre,
à une heure ou le ciel et le noir des yeux se confondent,
Salut Martin,
Ton titre est sorti il y a quinze jours. Cela fait donc approximativement le même temps que je l’apprivoise et que j’essaie de trouver une manière correcte d’en parler, pour que tes potes puissent profiter du nouvel épisode de Martin Luminet sur La Face B.
On commence à se connaître toi et moi, c’est aussi cool que c’est contraignant. Je vois la personne derrière les morceaux, ce qui rend la sincérité du morceau et du propos encore plus frappantes pour moi. Mais ça m’interroge aussi, sur ma place en tant que rédacteur et sur le bien fondé d’écrire de manière absolument partiale sur des gens que j’aime. Et puis deux secondes après, je me rappelle que c’est ce que je fais depuis plus de trois ans, et ça passe.
Je suis b(i)aisé, mais je l’accepte et je vis avec. Parler de ta musique à la première personne me permet d’être plus honnête et c’est tant mieux. Te voir débarquer avec un titre comme Revenir me fait doucement sourire puisque ça fait bientôt deux ans que ta musique ne quitte pas mes oreilles. Mais te revoilà avec un nouveau titre, comme le Petit Poucet qui marque son chemin.
Sauf que toi, tes morceaux, tu les balances sur la surface de la vie des gens. Tu fais des ricochets, tu crées des ondes qui se répercutent et qui impactent tout, qui collent ta réalité à celle des autres.
Il y a, on en a déjà parlé, cette idée du “on” qui vibre dans ta musique. C’est encore le cas ici, pour toi, le collectif est un être à part, dans lequel se fondre et exister. Tu ne te vois pas sans les autres, Revenir en est encore l’exemple parfait. Tu es une force en marche, tu entraînes les autres dans ton sillon, n’autorisant la première personne à ne revenir que ponctuellement, dans les refrains, avant de la refaire disparaître dans l’ombre. Aucun schizophrénie ici, juste une manière de dire que si la vie nous baise, il nous faut toujours l’aide d’un autre pour se relever.
Avec Revenir, le “on” est encore plus évident, Martin Luminet est sans doute ton nom, mais il est désormais le réceptacle d’un projet qui se vit à deux, car Benjamin (Geffen ndla) n’est jamais loin. À deux vous formez un binôme aussi disparate qu’indissociable, une force d’amour, percutante, quatre poings qui frappent le rythme et les cœurs.
Je ne peux que voir une certaine prise de pouvoir du garçon, que ce soit dans la production, mais aussi dans la volonté de te faire plus chanter, de te pousser à exprimer différemment ta musique, de laisser ta voix partir vers l’inconnu, de l’autoriser parfois à se casser la gueule pour Revenir encore. Encore et toujours ce mot, vraiment.
Avec ce morceau, Benjamin a su écouter tes envies pour mieux les sublimer, et finalement te transformer. Ce nouveau morceau vous permet de vous affirmer et d’ouvrir un nouveau chapitre à votre aventure. Le tout est plus lumineux, aéré et encore plus humain, même si on n’imaginait pas qu’il était possible de le faire. On voit ici et là des notes discrètes, des influences qui te ramènent doucement vers Odezenne, le spleen amoureux au bout des lèvres, la poésie au cœur et au corps. Un monstre à deux têtes qui me bouleverse fatalement, tant il parvient à mettre en musique ce que j’ai parfois moi même du mal à exprimer.
C’est toute ta grandeur Martin, de parvenir à exprimer pour toi et pour les autres les aléas et les combats qui nous malmènent. Tu exprimes tes failles pour mieux les vaincre, tu sautes dans le vide car tu sais qu’au bout, il y aura la lumière et le mieux. Et tu le fais avec la conscience, l’absolue certitude, qu’en bas, on sera là pour te rattraper.
Car au final, on tombe tous, la vie nous modifie, mais les gens qui t’écoutent et te comprennent savent qu’on ne perd jamais espoir en l’amour, que c’est quelque chose d’impossible et qu’il y a, au fond, toujours l’envie d’y Revenir. Alors on se flingue, on se fume, on se ruine mais on repart, coûte que coûte, toujours en quête d’un idéal qu’on atteindra forcément un jour.
Les larmes aux yeux et le cœur au bout des doigts, on y va, on s’arme mais jamais vraiment, on garde nos fragilités car finalement, c’est elles qui font la force de nos vies.
Mais bien sûr, et c’est aussi ce que j’aime avec toi, ta musique ne s’arrête pas à nos oreilles. En grand cinéphile que tu es (tu aimes Titanic, mais en vrai je te pardonne), tu ornes chacun de tes morceaux d’un écrin visuel qui le sublime, entraînant avec lui son lot de métaphores et permettant de l’explorer différemment.
Ici, tu transformes ton amour en une drôle d’oraison funèbre. Un monde onirique, entre le western et le film sentimental. Alors que la caméra recule, on se demande ce que tu fais sur cette estrade enroulé dans un plaid blanc. Un rêve, une histoire et puis le monde et les images qui nous envahissent. Il y a le noir et le blanc, la lâcheté et l’envie de vivre. L’amour que l’on enterre, qui disparaît face aux autres. Il y a ta famille et tes amis, l’hommage discret et tendre à ton grand père forcément. Il y a le fusil, jamais loin, comme si on était presque déjà prêt à se prendre une nouvelle balle dans le cœur, à reprendre cette lutte qui n’est jamais loin.
Et puis l’image qui se brouille, comme noyée dans les larmes. Avec ce clip, tu nous plonges dans ton rêve, tu t’autorises au jeu de piste, à laisser les gens s’accaparer le tout pour l’analyser à leur sauce.
C’est aussi le réel, auquel tu tiens beaucoup, que tu mets au loin pour quelques minutes, pour plonger dans les souvenirs et dire au revoir à l’amour dans un songe qui s’évapore. Et au réveil, il pourra une nouvelle fois revenir. Laisser le réel et le hasard reprendre le chemin de la vie.
Martin tu reviens, et cela met mon coeur à moi en joie. Une nouvelle fois, c’est une flèche en plein coeur que tu m’envoies, mais celui-ci bat encore, et un peu plus fort grâce à toi.
Je t’embrasse et te dis à bientôt, que tu reviennes une nouvelle fois, avec un album cette fois.
Charles