La Vague Pa(pa)rallèle : Tonus & Voyou à la Maroquinerie

Nouvel épisode de la vague pa(pa)rallèle, le genre d’article où tu réalises que mon père fait beaucoup plus de concerts cools que toi. Car on ne vous dit pas tout. Depuis notre dernier article, on est entre autres allé voir les géniaux Cannibale, les un peu malades mais toujours aussi bons Concrete Knives, les grandioses Bagarre mais aussi Paprika Kinski et Okay Monday. Bref, mon père enquille les concerts comme un jeune de 15 ans qui se découvrirait une passion nouvelle pour la musique. Et c’est assez beau à voir.

Ce nouvel épisode est un peu spécial. Déjà parce que c’était le concert de Voyou et Tonus et que je les aime beaucoup trop. Et qu’il y avait donc un petit pari derrière ça, un pari réussi au final puisque mon père m’a remercié après le concert, mais aussi le lendemain matin par sms (je vous spoile, sans vraiment vous spoiler, mais le simple fait que mon père envoie un sms est un miracle en soi, alors pour parler de musique on touche quasiment au sublime).

Mais surtout parce que c’était le premier vrai concert parisien auquel il assistait (bon je mens un peu, il était allé voir Renaud à La Cigale il y a environ 10 ans, à l’époque ou il chantait faux encore à peu près bien).

Emmener mon père à un concert parisien est au final une expérience sociologique en soit. C’est comme claquer une boule puante dans une sale de classe, on lâche le truc et on regarde les dégâts se produire avec un sourire narquois au coin des lèvres.

Parce que mon père n’a pas de filtres. Le voir évoluer dans le milieu très codifié et poseur des soirées parisiennes a quelque chose d’assez réjouissant et de complètement punk, encore plus quand la moitié de ce que la pop française a de frais et de cool est présente. Il va ainsi parler à tout le monde, et raconter plus ou moins n’importe quoi en fumant cigarette sur cigarette ou en alternant avec un petit cigare pour le fun. Le voir ainsi raconter des horreurs sur ma jeunesse à Ed Mount ou au chanteur de Grand Blanc a quelque chose d’à la fois complètement humiliant et hilarant. Au final, on bascule très facilement vers le second côté de la farce.

Assez de digressions, revenons-en au point important  : la musique. Et en ce soir de sold out, la soirée commençait bien avec Tonus. N’oublions pas que mon père est le roi de la formule, et sa sentence après ces 35 minutes de concert est assez irrévocable : « Il va avoir la pression Voyou, parce que lui là, il envoie grave et il vient de nous faire un très très bon concert« .
Est-ce que je peux contredire ça ? Et bien pas vraiment. En discutant avec Tonus, quelques jours avant le concert il m’avait confié être hyper content de sa nouvelle formule live et il y a de quoi. Seul sur scène avec sa guitare, ses pédales et son ordinateur, il envoute et occupe magnifiquement la scène. Cela tient surtout à ses chansons, toutes excellentes et capables d’embarquer le public sans difficulté. Des chansons comme Sanctus – un de mes coups de coeur du moment et pièce centrale du nouvel EP du Nantais – ou entre Noir et Blanc frappent fort et frappe bien.

J’avais un peu peur de voir des chansons parfois très amples être jouées en formule solo mais je m’étais bien planté car l’émotion est un vecteur qui se transporte et s’offre sans souci de nombre ou de logistique. Elle est là ou non et elle est présente dans toutes les chansons de Tonus.

« Et Bien le petit Voyou est devenu un grand brigand. » Notons une nouvelle fois la pertinence de cette punchline, aussi concise que véridique quant au moment vécu. Je préfère le dire tout de suite, je n’ai aucune espèce de crédibilité à vous parler de Voyou. Je le suis depuis un an et demi et je suis tombé amoureux de sa musique dès la première note qui a résonné dans mon oreille. Il le sait, je n’ai eu de cesse de le répéter, et la bonne dizaine d’articles qui lui ont été consacrés depuis est là pour le prouver.

Il y avait quelque chose d’assez émouvant au fait d’assister à sa première date en tête d’affiche, émouvant pour lui et pour nous, de voir des gens chanter ses chansons et les prendre pour eux. Que ce soit  Seul sur Ton Tandem, Les Soirées ou La légende urbaine, ces chansons marquent et s’imprègnent en chacun et les voir ainsi en prendre vie sur scène est quelque chose d’assez fort émotionnellement.

J’ai aussi apprécié l’évolution de son live, l’utilisation d’animations, de dessins, les jeux sur les ombres, sur les lumières et les instruments est assez incroyable d’ambition et de maitrise.

L’autre point important que je tenais à souligner, c’est l’humanité incroyable qui se dégage de ce bonhomme. A une époque où l’on se divise plus qu’on ne s’unit, où les combats des uns sont laminés par l’égoïsme des autres, vivre ce genre de moment à quelque chose d’aussi vivifiant que nécessaire. Et lorsque ses machines le plantent, que la mécanique si bien huilée le ramène à un statut plus humain, le voir ainsi s’excuser et reprendre la chanson (l’excellente On A Marché Sur La Lune qu’on espère retrouver sur son futur album) nous rappelle que les plantages, les défauts, les aspérités font aussi parti de la musique et que c’est ce qui la rend finalement mémorable.

Et puis je dois l’avouer à demi-mot, j’ai fini le concert en larmes. Quand il a entamé les premières notes de Lille, l’une de ses dernières compositions, sans doute la plus personnelle et à l’ambiance cinématographique très marquée, l’intime et l’universel se sont mêlés pour atteindre le sublime et faire vibrer en moi des sentiments que j’essaie un peu de refouler.

Voyou a en effet bien grandi et ce concert nous l’a démontré, il est là, ici, pour rester et surtout pour unir. Et comme l’a si bien dit une personne dans le public  » La Cigale 2019 ?« . Je sors déjà mon agenda.