Lancelot : « J’aime faire danser sur des émotions tristes »

Ancien prof de tennis, fan de Stromae et des détails du quotidien, Lancelot dévoile son EP “Pas assez” comme une lettre jamais envoyée. On y parle de flemme, d’amour bancal, et de cette beauté qu’il y a à rester vrai, même quand ça fait mal. Il chante ce qu’on tait, écrit ce qu’on ressent sans oser le dire. Interview à lire en slip sur le canap’ !

La Face B : Tu peux te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Lancelot
: Je m’appelle Lancelot. Je fais de la musique pop, je suis auteur, compositeur, interprète. Je viens de l’Alpe d’Huez et je suis à Paris depuis trois ans. J’y suis monté pour faire de la musique. Et je suis Gémeaux.

La Face B : T’es branché astro ?

Lancelot :
Un peu. Pas fan hardcore, mais ça m’intrigue. J’en parle d’ailleurs dans mon EP avec le titre Mercure Rétrograde. Dès que je dis que je suis Gémeaux, les gens flippent un peu.

La Face B : Pourquoi ?

Lancelot : Dans l’astro, les Gémeaux ont cette réputation de double face. Genre, ce qu’on montre et ce qu’on est vraiment. On dit souvent que les Gémeaux sont un peu… des bâtards.

La Face B : Et toi, tu t’y retrouves ?

Lancelot : Je crois à ce truc de la multiplicité perso. Mais je pense que ce n’est pas propre aux Gémeaux, on est tous un peu comme ça. Après, peut-être que ce signe accentue ce côté-là. Moi, je sais que je peux être très instinctif, très changeant. Il y a le moi en slip chez moi, et le moi en action. Mais je crois rester fidèle à qui je suis. Même dans mes textes, je parle de choses très personnelles, de ma vraie vie.

La Face B : Tu pourrais donner un nom à ton esthétique musicale ?

Lancelot : Ma musique, c’est une grenadine à l’eau.

La Face B : Avec ou sans glaçons ?

Lancelot : Avec glaçons ! Mais une bonne grenadine. Pas la Teisseire bien sucrée. Plutôt genre Monin : sucrée, mais avec une petite acidité au fond. 

La Face B : Ton nom d’artiste, c’est ton vrai prénom. Mais est-ce qu’il y a une différence entre Lancelot l’artiste et Lancelot “civil” ?

Lancelot : Franchement, c’est le même mec. Mais parfois, je me sers du Lancelot artiste pour faire ou dire des choses que je ne me permettrais peut-être pas en tant que Lancelot dans la vie de tous les jours. Je pars de mes expériences personnelles, et j’essaie de les transformer dans mes textes. Pas forcément pour les rendre cool, mais pour les sublimer, les faire danser, même si c’est douloureux. Lancelot artiste, c’est une version un peu « upgradée », plus libre, plus audacieuse que le Lancelot « civil ».

La Face B : Quand as-tu commencé à faire de la musique ?

Lancelot : J’ai toujours baigné dans la musique : mon père jouait de la guitare, mon frère de la basse, donc on m’a mis à la batterie à 5 ans pour compléter le groupe. On faisait du jazz en famille. Plus tard, j’ai bidouillé sur GarageBand, envoyé une maquette à mon frère en pensant qu’il allait se foutre de moi… et il m’a dit : “franchement, y’a un délire.” C’est là que j’ai commencé à y croire. J’ai posé ma voix sur des prods vers 16-17 ans, mais c’est pendant le confinement que j’ai eu le déclic. Je donnais des cours de tennis, et je voyais que deux heures sur un court me paraissaient longues, alors que je pouvais passer dix heures sur un son sans lever la tête. Je me suis dit : “OK, c’est ça ma place.” J’ai tout lâché, je suis monté à Paris, et c’est parti comme ça.

La Face B : Avant de signer chez 6&7, tu bossais comment ?

Lancelot
: Je faisais tout moi-même. J’avais deux arrangeurs, mais c’est moi qui payais les mix, les masters, les clips… tout.

Je bossais déjà avec Hashtag (mon management actuel), qui partage les mêmes bureaux que 6&7. Mon manager mettait parfois mes sons au bureau, et les gens ont commencé à tendre l’oreille. Ça s’est fait comme ça, de manière organique. J’ai rencontré plusieurs labels, mais j’ai une vision assez claire de ce que je veux faire.

Avec 6&7, j’ai eu carte blanche. Ils m’ont fait confiance à fond. Et c’est ce que je cherchais : garder ma liberté artistique. Pour moi, c’est ça, le nerf de la guerre. Si j’avais un label qui me disait quoi faire, j’aurais changé de voie. Je fais de la musique pour être libre. Si ça plaît tant mieux, et si ça ne plaît pas, au moins j’aurai défendu un truc sincère.

La Face B : Sans cette liberté, t’aurais fait quoi ? Coach de tennis ?

Lancelot
: Peut-être que je serais resté prof de tennis, d’ailleurs. J’étais bon, mais une blessure m’a stoppé net. Mes parents m’ont poussé à passer mon diplôme, et heureusement, parce qu’en arrivant à Paris, c’est les cours de tennis qui ont payé mon loyer et ma musique. À l’époque j’étais dégoûté, mais avec le recul, ça m’a permis de tenir trois ans à fond dans mon projet.

La Face B : Tu donnes l’impression d’être pudique, et pourtant, dans tes morceaux, tu te livres beaucoup. Les titres font presque penser à des entrées de journal intime.

Lancelot
: Grave. Ce que je ressens le plus fort, c’est que l’honnêteté touche vraiment les gens. Ce qu’on croit trop personnel ou trop pudique, c’est souvent ce qui parle le plus. Il y a une phrase d’Orelsan que j’adore : “Les choses que j’ose dire à personne sont les mêmes qui remplissent des salles”. Et c’est vrai.

Ce ne sont pas les banalités qui marquent, c’est les petits trucs très précis, très humains. Parler d’un détail de ta vie, ça peut résonner chez plein de gens. C’est ça que j’essaie de faire.

La Face B : Dans ton précédent EP, tu utilisais des personnages. Là, on sent que c’est plus intime.

Lancelot : Oui, avant je me planquais un peu derrière des rôles, et j’adorais ça parce que ça donne une liberté. Mais là, cet EP est beaucoup plus personnel, introspectif. Il parle d’amour, de relation, du regard de l’autre… Il est très centré sur moi, vraiment.

La Face B : Le premier morceau de ton EP, c’est Flemme. Tu l’as souvent ?

Lancelot
: Tout le temps. J’ai la flemme de plein de trucs. Pas de faire de la musique, par contre. C’est paradoxal : j’ai la flemme de sortir, des papiers, des mails, de tout le reste… Mais je peux passer 15 heures à écrire, le ventre vide, sans m’en rendre compte.

La Face B : Et Flemme, c’était quoi l’idée ?

Lancelot
: Je voulais ouvrir l’EP sur ça, comme une sorte d’avertissement : je suis ce mec-là. Mais surtout, j’aimais l’idée de personnifier la flemme. Dans le morceau, quand je dis « tu me fais danser dans tes bras », je parle de ce sentiment-là, comme si c’était une personne. J’aime bien donner vie à une émotion, l’incarner. C’est de là qu’est née la chanson.

La Face B : Tu t’inspires de qui, en tant qu’artiste ?

Lancelot
: Mes premières vraies inspirations, c’est les gens autour de moi : mes potes, ma famille, les discussions du quotidien. Musicalement, j’ai grandi avec Brassens, Brel, beaucoup de jazz, de rock et de chanson française. Plus jeune, j’étais très rap — c’est là que je trouvais les textes les plus forts. Stromae m’a beaucoup marqué : à 15 ans, je regardais ses tutos comme si c’était mon prof. Aujourd’hui, j’écoute aussi bien Billie Eilish que Jul ou Orelsan. Le chant des sirènes m’a mis une vraie claque. Il y a une liberté, une mise à nu dans les détails… C’est ce que je cherche aussi : parler des petites choses qui disent tout.

La Face B : On pourrait dire que t’es un “chevalier moderne de la pop”. Tu combats quelque chose ?

Lancelot : Je ne me sens pas artiste engagé à la manière de ceux qui montent au créneau. Moi je fais des constats. J’essaye juste d’être honnête. Je pense que le monde est déjà assez compliqué comme ça, j’ai pas envie d’imposer un point de vue ou de faire la morale. Je veux pas dire aux gens quoi penser, juste dire : “moi je pense ça”, et si t’es pas d’accord, c’est OK. Je préfère transmettre ce que je ressens dans mes chansons. Et essayer d’être le plus sincère possible.

La Face B : Donc pour toi, l’honnêteté, c’est subversif ?

Lancelot : Ouais, c’est presque un acte de résistance aujourd’hui, d’être soi-même. Mais avant tout, c’est égoïste. C’est pour moi. J’ai besoin de finir un morceau ou un clip en me disant “OK, j’ai été fidèle à ce que je voulais raconter”. Parce qu’une fois que les chansons sortent, elles ne m’appartiennent plus. Alors tant qu’elles sont à moi, je veux être sûr de ce que je fais.

Et je le vois un peu comme une psychanalyse. Chaque projet, chaque texte, c’est un marqueur de qui j’étais à ce moment-là. Je prends le temps parce qu’une chanson, c’est comme un tatouage. Ça reste.

La Face B : Tu penses aux clips dès l’écriture ?

Lancelot
: Grave. J’ai souvent des images en tête avant même d’avoir la chanson. Par exemple, pour 100carats, j’imaginais un couple de chevaliers sur une terre post-apo, les deux derniers rescapés qui peuvent sauver le monde. Et je voulais écrire un morceau ultra honnête sur l’amour, mais sans les grandes phrases toutes faites. Pas “je décroche la lune” — juste des sentiments vrais, simples. Et c’est pas évident à écrire, parce que ça demande de mettre sa pudeur de côté. Se mettre à nu, même face à soi-même, c’est pas toujours évident.

La chanson Vérité, par exemple, je l’ai écrite en 30 minutes, alors que d’habitude je suis hyper lent. Tout est sorti d’un coup, sans chercher la formule parfaite. C’est rare pour moi. En général, je passe énormément de temps sur les textes. Chaque mot doit avoir un sens précis, rien ne doit être gratuit.

La Face B : Comment on fait danser les gens avec la mélancolie ?

Lancelot
: J’ai ce truc d’énergie sur scène, mais ça remonte à mes tout débuts. Je bossais sur GarageBand avec un iPhone, je faisais des boucles, j’enregistrais au micro des écouteurs. Mes morceaux, c’était souvent juste des blocs de texte sans refrain, alors je me disais : “Si les gens ne captent pas les paroles, au moins ils pourront danser.” C’était une façon de me protéger aussi — de me dire : même si je raconte ma vie, c’est ok, ils ne sont pas obligés d’écouter tout.

Et puis j’adore ce contraste entre des paroles très profondes et une instru qui donne envie de bouger. C’est ça que je cherche : pas juste faire des chansons tristes sur des musiques tristes. J’aime les reliefs, les propositions nouvelles… J’aime faire danser sur des émotions tristes.

La Face B : Tu danses beaucoup ?

Lancelot
: Ouais, mais surtout en soirée, pas en mode pro. Je kiffe danser, même mal. Y a un vrai truc de lâcher-prise. Moi je dis souvent : je danse comme ma petite cousine de 6 ans à la fin du repas de famille — et c’est trop bien. On s’en fout du regard des autres, du style. Juste on s’oublie, on kiffe. Et sur scène, je suis ultra énergique. Dans la vie, je suis assez calme, réfléchi, mais sur scène… Je lâche tout.

La Face B : C’est quoi tes prochaines dates pour te voir sur scène ?

Lancelot : Cet été, j’ai une belle tournée de festivals, genre 13 à 15 dates à travers la France. Et la grosse date à retenir, c’est la Cigale à Paris en avril 2026. Ce sera la plus grande date en solo jusque-là.

La Face B : La Maroquinerie, c’était ta plus grosse scène en solo ?

Lancelot : Ouais ! Il y avait 500-550 personnes, c’était plein. J’avais déjà fait des Zénith en première partie — genre Hoshi, Zed Yun Pavarotti — donc des grosses scènes, oui, mais là, c’était MON moment. Et j’adore ces salles à taille humaine où t’as ta tante qui parle à ton pote… ça crée des liens entre les gens que j’aime.

La Face B : Quelle est la suite pour toi ?

Lancelot : On va défendre l’EP tout l’été, et même à l’automne. L’idée, c’était aussi d’avoir plus de morceaux pour faire des sets plus longs en festival. Donc là, les gens pourront l’écouter, et venir faire la fête avec nous cet été. Et en parallèle, je continue à bosser sur l’album.

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