L’EP Worthy : le premier cri du coeur de Coal Noir

Né des nuits parisiennes rock, le quatuor Coal Noir dévoile Worthy, son premier EP Intense et mélodique. Mieux encore, ce tout nouveau groupe émerge du chaos du post-punk contemporain et insuffle une vague fraîche et attendue au rock actuel

Après bien des péripéties à sa naissance, Coal Noir s’embrase enfin en musique. Son âme se dévoile à travers quatre titres marquant son identité. D’abord, il impose une atmosphère sombre et rugueuse qui lui est propre, avant de nous asséner des rythmes entraînants qui donnent à chaque piste une force unique. Aux commandes de ce projet, des musiciennes aux sensibilités fortes et affirmées : Léa, à la fois chanteuse et guitariste rythmique, Margaux à la basse, et Chana à la batterie. James, leur guitariste américain,  injecte ses influences rock anglo-saxonnes. Le groupe s’impose résolument dans la lignée de cette nouvelle vague féministe qui bouscule le genre en France, aux côtés de Pythies, MADAM et Grandma’s Ashes.

Le titre éponyme de l’EP se dresse comme un étendard pour cette génération de musiciennes déterminées à se libérer du carcan patriarcal. Avec sa basse bondissante et ses riffs menaçants et jubilatoires, Worthy propagent une révolte, visant à faire s’effondrer le syndrome de l’imposteur dans ce milieu impitoyable. Les multiples voix de Léa, qui envahissent le final du morceau, déchaînent une rage enfouie, contrastant avec des envolées pop délicieuses qui surgissent lors du couplet. Coal Noir signe déjà son tube entêtant et impose son style unique : une pop grunge irrésistible. 

Who Can Say, déjà présente sur la compilation de leur producteur Fred Lefranc (Baden Baden, Toybloid, Oete, Grandma’s Ashes, …) sorti en 2024, amorçait les prémices de leur univers. Le groupe creuse encore les thématiques de l’estime de soi et du slut shaming, qui semblent être le fil rouge de leur travail. Décidément, Coal Noir s’empare de sa musique et diffuse des ondes revendicatrices. Pourtant, les paroles restent subtiles, évitant de sombrer dans une complainte stérile. À l’image de Worthy, la rage intérieure de Léa insuffle à la parole féminine un pouvoir libérateur, porté par une bienveillance salutaire. Chaque refrain du titre s’électrise peu à peu, amplifiant la résistance face aux abus infligés aux femmes.  

Les deux autres titres dégagent la même intensité et auraient tout autant mérité d’être en tête d’affiche de l’EP. Nova nous saisit à la gorge avec ses riffs tranchants et soniques. La tension monte inexorablement, atteignant un climax où tout explose dans un final libérateur et harmonieux. Le groupe traduit avec brio ses sensibilités, évoquant le lâcher-prise, voire l’abandon, à l’image de ces étoiles éclatantes qui s’éteignent brutalement. 

Blind Me puise dans cette même énergie brute. Portée par une batterie percutante et une guitare ténébreuse, il résonne comme un cri intérieur. Pourtant, c’est sans doute le titre le plus défaitiste de l’EP. Car il dresse un constat amer sur l’impuissance face aux atrocités du monde. La rage se mêle ici à la lassitude, exprimée sans filtre dans cette ligne implacable : ‘Oh, I’m fucked tired of seeing the world dire.’ Un chant de désillusion, où l’ardeur du morceau se heurte à un sentiment d’abandon, comme une lutte perdue d’avance.

 Et c’est ainsi que Coal Noir nous abandonne, au bout d’une petite douzaine de minutes, mais avec une empreinte indélébile. Ce premier essai témoigne déjà d’une maturité saisissante, tant par la composition pop grunge que par les mots. À travers ses multiples manifestes, le groupe embrase son énergie sombre pour nous livrer des rythmes fougueux et des mélodies entêtantes. Face aux doutes, Worthy est là pour nous secouer et nous revigorer en 2025.  

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