La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre, la seconde partie de la sélection numéro 135 des clips de la semaine.
Aurus – Horus
Expérimentons la rencontre entre Aurus et Horus. La vidéo foisonnante réalisée par Tika Neversmile sert d’écrin à ce rendez-vous. Il y est question de regards : de ceux que l’on porte, les yeux écarquillés, sur les paysages grandioses baignés par une profusion de couleurs flamboyantes, et de ceux que l’on intériorise, dissimulé derrière un voile ou tapi dans une brume cotonneuse. Horus porte cette ambivalence, qui nous fait vaciller de l’ombre à la lumière, de la lune au soleil, pour nous conduire, au travers d’une évanescence, vers la perception de ce qui nous apparaît invisible, et ainsi à retrouver notre soi intérieur, libéré des carcans que l’on a pu se créer.
Horus, qui ouvre également l’album Chimera paru l’automne dernier, à l’aide du troisième œil – Oudjat – du dieu faucon, nous mène à cette ouverture. Aurus, avec sa force de conviction et son univers fantasmagorique mêlant modernité et ancestralité, en est le guide.
Pomme – Nelly
Pomme revient avec un titre fort dédié à l’écrivaine suicidée Nelly Arcan. Écrit par la chanteuse et coréalisé avec Jeanne Joly, on y retrouve tout l’univers déroulé dans Les Failles, la même mélancolie teintée de tendresse et d’éclats dans les ténèbres – avec, peut-être, une profondeur encore plus abyssale. Au fil des différents tableaux, le spectateur suit l’alter-ego de l’autrice tragiquement disparue dans différents moments de sa vie, réelle ou fantasmée.
Dans une camisole suspendue au-dessus du vide, guettée par la mort à travers l’envahissement métaphorique de la nature dans l’habitacle d’une voiture figée dans le temps, mais aussi le machinal enchaînement des petits gestes du quotidien (faire ses courses, arroser ses plantes…) ou l’insurmontable accomplissement de sa vocation : écrire. Cette déclaration d’amour à Nelly Arcan aura l’avantage de rendre audible au plus grand nombre cette grande voix du XXe siècle, et de sensibiliser aux thèmes portés par son oeuvre littéraire : du suicide à la folie, en passant par le féminisme et les oppressions systémiques.
chien noir – Beaux
Cette semaine, le formidable chien noir a une fois de plus déposé un peu de poésie dans nos oreilles et nous touche en plein cœur avec la sortie de Beaux, un nouveau titre déjà apprécié en live, qui vient enfin se loger dans nos écouteurs. Dans un joli clip réalisé par la fameuse P.R2B, aux multiples talents, chien noir nous montre des éclats de vie partagés avec son cœur personnifié, jusqu’au point de rupture et de disparition de ce dernier.
Malgré le désarroi, l’incompréhension et la solitude qui découlent de cette fuite, chien noir chante les beaux jours et se concentre sur les lumineux moments de grâce qui accompagnent toutes les belles histoires, les évidences qu’on n’explique pas et le bonheur de se laisser porter. Après Histoires vraies, son très réussi premier EP, chien noir continue sur sa lancée et semble être en train de préparer un nouveau disque tout aussi fabuleux, que l’on a bien hâte de découvrir.
UssaR – EncorE EncorE
On avait laissé UssaR en conteur d’histoires sur nappes électroniques, le voilà de retour avec un titre en forme de négatif à la musique développée sur Étendues.
EncorE EncorE est un morceau qui joue sur les ambiances, bien plus physique que ses précédentes productions. Ici, les mots se font rares et ils ont un poids précis, direct et percutant, à l’image des percussions qui les accompagnent. On baigne dans une ambiance brute, presque tribal, qui nous entraine dans une sorte de transe dansante noire comme la nuit où l’on rencontre des êtres étranges et fantomatiques.
C’est exactement ce que nous raconte Marco Dos Santos dans une vidéo à l’endroit et à l’envers, dans laquelle UssaR se traine comme un être invisible, sorte de présence inquiétante qui apparait ici et là au cours d’une soirée chaotique d’un groupe de copines où l’amour, les embrouilles et l’alcool se mêlent. Des ambiances, du chos et le large dans lequel on finit par plonger … UssaR a une nouvelle fois tout bon et ouvre l’aventure de sa prochaine sortie avec brio.
Minuit Machine – Lion in a Cage
L’EBM mâtiné de techno de Minuit Machine vous prendra assurément au dépourvu. Ne vous laissez pas tromper par le ton traînant, presque doux, de la voix : les beats organiques qui la sous-tendent dégagent une énergie communicative, qui fait écho au déchaînement sportif à l’écran. Encagée, entourée de néons, la protagoniste se débat avec elle-même, semblant peu à peu se libérer des carcans, à travers la puissance décuplée de la prouesse physique. Un son dansant, évoquant les meilleures heures de la techno berlinoise, pour ce prometteur duo parisien qui sortira son prochain album en novembre. Parfait pour un été au Suicide Club.
Jazzy Bazz – Sablier
Memoria est sans aucun doute un des albums à ne pas manquer dans les sorties de ce début d’année. Ce quatrième album de Jazzy Bazz a permis de montrer au monde du rap son talent pour les textes sincères et tranchants, ainsi que des mélodies propres à son univers puissant. Issu de ce projet, Sablier est le parfait exemple pour représenter le monde du Parisien, mélangeant sensibilité et musicalité originale.
On ressent d’ailleurs toute la mélancolie du texte à travers le visuel du clip, réalisé par Geordy Couturiau. Le rappeur jette toute sa mélancolie dans un des titres les plus chantés de son projet. Il aborde le sujet du temps et ses conséquences sur une relation amoureuse. Tantôt sur une plage à l’aspect rougeâtre, tantôt les chevilles dans l’eau, on a la chance d’accompagner l’ultra parisien dans de magnifiques décors. Le clip se termine par une magnifique lune carrée, représentant différentes images de l’amour passé de l’artiste.
Jazzy Bazz n’a désormais plus rien à prouver de son talent pour les textes et la technique. Avec le clip de Sablier, il montre également une passion pour les clips esthétiques, qui ne cesse de nous impressionner sortie après sortie.
Alexis Gomart – If I Had the Chance
Alexis Gomart nous livre, avec « If I Had the Chance« , un aperçu de l’univers qu’il déploiera début juillet, pour notre plus grand plaisir… Entre folk faussement naïve et rock psyché aux intonations hawaïennes, les tonalités sépia habillent cette supplique contemporaine d’un clip rêveur et poétique. Dans une ambiance printanière, on y suit les tribulations du chanteur affublé de drôles de mains, semblant le distinguer bien malgré lui de ses pairs méfiants… Mention spéciale pour le bridge enchanteur, illustré d’une course cathartique à travers champs. Cet Edward Scissorhands aux couleurs pop s’est frayé un chemin droit dans nos cœurs et on attend dès lors, de pied ferme et avec impatience, son premier EP, « Let Me Out of My Mind », à paraître le 1er juillet !
Two Faces – Young Chief
Two Faces, pour deux frères d’âmes qui s’apprêtent à sortir leur premier album en janvier 2023. Déjà remarqués avec leurs deux précédents EP’s, Two Faces (2017) et Release the Beast (2018), les musiciens s’aventurent encore un peu plus loin dans le mélange des genres et dévoilent Young Chief. Troisième extrait clippé du futur disque, il est sorti le 24 juin avec Ditto Music. Il a été réalisé par Nicolas Garrier et co-écrit avec le groupe. On retrouve Marie-Laure Blanchot à l’image, avec qui ils avaient déjà travaillé pour le morceau Ghost Inside.
À travers ce film, Two Faces renoue avec ses souvenirs. Avec candeur et justesse, les deux hommes enfilent leur tenue d’adulte et, le temps d’une chanson, deviennent deux détectives à la recherche de leur âme d’enfant. Les premiers plans nous content des vestiges du passé. Filmés avec une vieille caméra, certainement dans les années 90, nous assistons à la jeunesse des deux musiciens : de leurs premières chutes à leurs premiers concerts, on retrouve l’innocence qui caractérise si fort cette période-là. Les deux frères, sourire béat, irradient l’écran… Avant qu’on ne les rejoigne aujourd’hui, devant la télévision transformée en neige et eux, en hommes si sérieux.
Alors les voilà qui mènent l’enquête, tirant des fils, cherchant des indices. En voiture, en forêt, ils écument les lieux. Où sont passés les rires, la joie et l’insouciance ? Il suffit parfois d’un fantôme pour faire réapparaître la vie…
Two Faces nourrit une obsession assumée pour la mise en scène ; les clips sont de véritables courts-métrages, réussis, audacieux et galvanisants. À la fois acteurs mais aussi auteurs et réalisateurs, le duo ne laisse rien au hasard. Chez eux, on renoue avec la pop à travers des refrains entraînants, on sent l’influence anglo-saxonne qui s’immisce dans la réalisation et on perçoit l’héritage des musiques de films.
Avec Young Chief, leurs deux voix se mêlent et mettent en lumière leurs questionnements et leurs ressentis. Le temps qui passe et ne s’arrête pas, le fameux club des 27 qui est déjà loin. Entre nostalgie et allégresse, Two Faces vogue avec aisance entre passé et futur.
Un morceau pour se rappeler que finalement, nous ne sommes que de grands enfants.
WU-LU – Scrambled Tricks
WU-LU rime avec voyou. Dans ce clip nerveux de bande organisée (une vraie, pas comme à Marseille), on règle ses comptes sans compromis à coup de battes et masque « sais le jokere ». L’artiste multi-instrumentaliste souhaite avant tout s’exprimer pour les ignorés et les non-repésentés de son Royaume-Désuni.
WU-LU remet en place un rap post-genre, orienté rock, qui plaira aux amateurs de Beasties Boys, MF DOOM, ou plus récemment slowthai. On le retrouvera notamment à la Route du Rock le samedi 20 août. Scrambled Tricks est le dernier extrait avant la sortie de son premier album, Loggerhead, qui sortira le 8 juillet chez Warp Records, dénicheur de talent. Ne le manquez pas, vous avez vu dans le clip comment ça se finit sinon…
Birrd – Void Loop
Biird vient de sortir Void Loop, premier single de son album à venir fin 2022. Il en a confié la réalisation à Princia Car et Matthieu Ponchel, deux artistes accomplis et inspirants évoluant entre le cinéma, le théâtre et la photographie. Ce dernier fonde en 2010 le collectif Studio Lambda, que Princia rejoint quelques années plus tard. Du clip aux courts-métrages, ils sont liés par les mêmes valeurs et l’envie de révéler une jeunesse atypique et en colère. C’est cette génération que l’on retrouve avec Void Loop. Le film nous place au sein d’une vendetta, une guerre sans fin entre deux gangs, où les femmes tentent tant bien que mal de trouver une place, celle de la justice et de la raison.
Tout débute avec la mer, le tumulte de l’eau. Le calme avant la tempête. Le second plan est un hommage au cinéaste Denis Villeneuve, à qui les réalisateurs reprennent l’usage très lent d’un travelling arrière, afin de planter le décor et les protagonistes : un couple sur un scooter avec en fond des bruits de moto. On ne sait pas ce qu’ils se disent, mais on saisit tout de suite la dispute et la tension qui monte. Tandis que la caméra s’éloigne doucement de leurs visages, leurs voix nous parviennent, de plus en plus distinctement. Elle dit « je t’aime » pour ne pas dire « n’y va pas ». Mais il est trop tard. La violence est là, intrinsèquement liée à la musique, et la horde de bécanes en furie est déjà partie.
L’ambiance sonore occupe peu à peu tout l’espace. Une musique électronique et mélodique qui nous entraîne jusqu’à l’acmé. À la manière de The Blaze, on retrouve le sens de la rythmique et l’utilisation du ralenti pour sublimer ces corps meurtris et vigoureux, furieux et vivants. Et au milieu de ces coups qui pleuvent et de la pluie qui s’abat, il y a ces portraits de femmes. Ces compagnes qui pleurent, impuissantes. Cette mère et son amour, seuls rescapés d’une brutalité innommable. Les seuls capables de mettre fin à cet engrenage douloureux.
Tandis que le son nous accompagne et nous poursuit, la caméra flotte au-dessus de nos têtes, filmant en gros plan ces visages et ces affrontements.
Birrd nous invite avec Void Loop au sein de son univers, où planent onirisme, rage de vivre, puissance créatrice et douce rêverie. Un morceau où la musique électronique règne, entre techno sombre et mélodie lumineuse. Entre fureur et ardeur.
Dani Terreur – Je reviens des enfers
Dani Terreur clôt sa mixtape, sortie le 24 juin dernier, avec un titre intense sur la résilience, « Je reviens des enfers » . Comment en sortir, en effet, quand on a « les ténèbres incrustées dans le regard » ? Dani fait le point avec lui-même et traite de l’un de ses sujets de prédilection : le blues attaché à l’âme, la dépression comme seconde peau – et nos façons variées de nous en départir, avec plus ou moins de succès.
Sous les stroboscopes mimant un orage apocalyptique, notre mec cool triste préféré évolue dans des variations de lumières rouges ou bleues, semblant illustrer l’alternance infernale des états d’âme qui nous traversent et font frémir nos jours au gré de leurs amères fluctuations.
Alex G – Runner
Le retour d’Alex G, on l’attendait depuis longtemps – bien trop longtemps à vrai dire. Trois ans après House of Sugar, nous voilà avec la perspective d’un nouvel album, God Bless The Animals – prévu pour septembre prochain – et déjà deux singles. Si le premier, Blessing, nous avait pour le moins dérouté·es, le second, Runner, est une réussite. Le clip met en scène le live band, regards caméra, image impeccable, lumière édifiante : Alex G se montre ici plus assuré que jamais, aussi bien dans son attitude que dans son écriture musicale. La suite s’annonce radieuse.
TH Da Freak – Magali Should Run
TH Da Freak nous surprend avec Magali Should Run, une balade folk aux accents 90’s bercée par la reverb douce des guitares. Le clip s’accorde avec cette esthétique très DIY, entre musique jouée et histoire racontée. Un petit film à la fois creepy et fascinant, réalisé par Clément Pelofy de Cosmopaark. Une ébauche intrigante qui nous laisse attendre l’album à venir, Coyote, prévu pour le 7 octobre 2022.
Tamino – Fascination
Alors que l’on peine encore à se remettre de nos retrouvailles du 14 juin dernier au Café de La Danse, Tamino a dévoilé il y quelques jours le clip de son second single : Fascination. Afin d’illustrer ce morceau à l’instrumentale et au songwriting toujours aussi impeccables, accompagné d’une voix toujours aussi enivrante, l’artiste belgo-égyptien s’est tourné vers les réalisateurs Bastiaan Lochs et Jonathan Van Hemelrijck. Dans ce clip, on y retrouve alors Tamino, romantique fougueux épris d’un sentiment de grande liberté, à bord d’une voiture de collection, traversant des paysages hispaniques à couper le souffle. Les presque cinq minutes de visuels se concluent par ce court instant, face caméra sur fond de chutes d’eau, et un regard qui semble avoir mille autres histoires à nous raconter. La suite, d’ailleurs, c’est pour bientôt puisque le second album de Tamino, Sahar, est prévu pour le 23 septembre prochain.
Polycool – Something Between Us
Deux ans après la sortie de leur premier album, Lemon Lord, les adorés membres de Polycool sont enfin de retour. Et ils nous en voient ravis, car ils nous avaient terriblement manqués. Something Between Us, comme ils le définissent eux-mêmes, est un single qui marque le début d’une nouvelle ère pour le groupe. Au programme, toujours ce groove imparable, cette nonchalance réputée, ces synthés cosmiques, le tout porté par cette voix reconnaissable entre mille. Something Between Us, c’est un morceau qui parle d’amour (encore) mais pas n’importe lequel : celui qui est absolu et tellement intense qu’il fait de l’ombre à toute éventuelle toxicité relationnelle. Le clip, quant à lui, a été réalisé par leurs soins et il faut dire qu’ils n’ont pas lésiné sur les distorsions et effets psychédéliques en tout genre, ce qui n’est pas pour nous déplaire, loin de là. Welcome back Polycool !