La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la seconde partie de la sélection numéro 146 des clips de la semaine.
Isla Oiseau – Addis Abeba
Quand la nuit tombe sur Addis Abeba, la chaleur irradie du sol baigné par le soleil brûlant des journées d’été. Alors que la lumière de la journée se dissipe, les derniers rayons du soleil se métamorphosent en halos troublant nos visions et ouvrant nos imaginaires.
De gentils spectres naissent et les esprits s’égarent. La réalité s’abandonne. La porte menant aux fantasmes les plus sensuels peut alors s’entrouvrir.
Isla Oiseau, dans Addis Abeba, nous guide dans cette montée graduelle des désirs et la confusion des sens qu’elle déclenche. Les voix de Billy Jet Pilot et de Wanda Rhodes s’entremêlent et laissent place à une ligne musicale hypnotique. La transe se fait étreinte et conduit à la jouissance. Alors que le soleil se lève sur Addis Abeba, une nouvelle journée va nous immerger, du fond de sa torpeur, dans les réminiscences de la nuit torride que l’on vient de passer.
Blumi – Everyone heals
Après le titre envoûtant et contemplatif, Dresden, livré au début de l’été, Blumi revient avec un autre extrait de son futur EP, There Is No End In Me, à paraître le 16 novembre. En suivant la ligne mélodique d’Evreyone heals, Emma Broughton nous emmène de nouveau dans un voyage aux confins de ses émotions.
Et c’est dans la fragilité apparente des sentiments décrits que ses chansons puisent leur forces Ainsi; les notes de musique qui nous paraissaient mélancoliques se réorganisent et forment de magnifiques envolées aériennes. La ligne d’horizon change et la métamorphose se produit. C’est lors de ces moments que la magie des chansons de Blumi se révèle. En déployant son art d’ensorceler les émotions, elle réussit à nous emmener, au-delà des confusions qui peuvent nous toucher, vers des ailleurs plus radieux.
Toute simple en apparence, la vidéo se cale parfaitement à la structure de la chanson qu’elle illustre. Des messages saisis sur smartphone à l’aspect austère évoluent en calligraphies qui elles-mêmes se transforment en dessins.
A noter que Emma Broughton a réuni lors de son enregistrement Olivier Marguerit, son complice de toujours, ainsi que Lucien Chantin et Romain Vasset, que l’on a vus récemment aux côtés de François Atlas. Aussi, certains sons ne vous paraîtront peut-être pas étrangers.
Laure Briard – Ne pas trop rester bleue
Après My love is right, Laure Briard partage un deuxième extrait de son prochain LP, qui portera le nom de la chanson Ne pas trop rester bleue. Autant vous dire que ce nouveau titre est tout aussi convaincant que le précédent. Et cela augure des belles choses que nous trouverons dans son album.
« Aussi encore vaut mieux ne pas trop rester bleue ». Les embruns mélancoliques qui émanent de son style aux reflets sixties n’empêchent pas les sentiments d’optimisme et d’insouciance de s’échapper tout au long de la chanson.
Ruby Cicero, à qui Laure Briard avait déjà confié le magnifique clip Não Me Diz Nada à l’inspiration très Tarantinesque, choisit cette fois-ci d’explorer un univers surréaliste entre Buñuel et Jodorowsky. En deux couleurs complémentaires, Ne pas trop rester bleue nous mène avec entrain dans la spirale de la vie. Le destin, sous les traits d’une cartomancienne, joue avec les multiples ramifications d’une vie « Plusieurs vies dans une vie attends-toi aux surprises ». Et c’est étourdissant.
Smahlo ft Geeeko – Money Bag
Pour célébrer la sortie de son tout premier projet; Horizon, Smahlo offre à ses fans le visuel du titre Money Bag, en feat avec Geeeko. Une collaboration qui fait mouche et montre encore une fois une scène hip hop Belge pleine d’avenir.
Réalisé par Bonne Came, le clip met en scène les deux rappeurs tantôt en braqueurs de station-service à l’ancienne, tantôt dans un lavoir. Le visuel donne un côté assez old school à la vidéo et fonctionne étonnamment bien avec les sonorités du titre. Ce feat est presque une évidence quand on remarque la connexion entre les deux artistes. La voix authentique de Smahlo colle parfaitement au flow de Geeeko. Leur association résulte en un banger et un refrain percutant qui fera sans aucun doute hocher plus d’une tête.
Money Bag montre que Smahlo peut aussi bien performer sur des titres explosifs que des titres sensibles. Le morceau montre une nouvelle facette de l’identité musicale hyper diversifiée du rappeur. Money Bag est un morceau plus que réussi, et Horizon, tout premier EP du Bruxellois, l’est tout autant.
Endless Dive – Au revoir
Qui a dit que le post-rock devait forcément être contemplatif et cathartique ? Le quator belge d’Endless Dive ne se prend définitivement pas au sérieux. Les voilà de retour avec Au revoir, nouvel extrait clippé de leur album A Brief History of a Kind Human, sorti le 11 février 2022. Réalisée par Nathan Mondez, la vidéo nous emporte le temps d’une journée avec les musiciens. Entre pédalo, luge d’été, karting et poney, le groupe s’en donne à cœur joie (on ne vous spoile pas la fin, mais quand même, ça vaut le détour).
Endless Dive semble dire Au revoir à la mélancolie et à la bienséance et révèle grâce à ce clip au charme désuet, une musique lumineuse et enveloppante.
Birrd – Metropolis
Quand on entend Metropolis, on pense évidemment au film muet de Fritz Lang. Révolte ouvrière au sein d’une ville qui gronde. Birrd s’empare lui aussi de la cité et l’orne de textures électroniques. Cité qui occupe tout le cadre, tout l’espace. Des fenêtres, des milliers de fenêtres qui se tournent vers un ciel blanc, surexposé. De nuit, de jour. Image tressautante, vibrante. Le clip, tourné à Chicago, a été réalisé par Julien Durand-Bertin. Entre timelapse et effet d’optique, on se perd parmi les gratte-ciels avant de se laisser happer par la mélodie, entêtante.
Metropolis est extrait de son nouvel EP, Alba, attendu pour le 25 novembre.
Alela Diane – Dream a River
Très discrète depuis 2018, Alela Diane revient cette semaine avec l’album Looking Glass. Déjà porté par 3 titres, Paloma, Howling Wind et When we belevied, partagés depuis cet été, c’est un quatrième single, Dream a River qui accompagne la sortie de ce nouvel opus.
Dans ce clip, la chanteuse folk américaine revient dans une maison qu’on comprend chargée de souvenirs. Toujours avec sa poésie, Alela souhaite dire un dernier au revoir aux choses du passé, et constate par la même occasion que tout a changé. Comme pour marquer qu’il ne faut jamais regarder que vers le passé, on retrouve dans le clip ses deux petites filles, qui la portent vers l’avenir.
Un titre folk tout en douceur qui donne très envie d’écouter son nouvel album, sorti ce 14 octobre.
Johan Papaconstantino – Glass
Après une attente d’un an, c’est le grand retour de Johan Papaconstantino. L’artiste originaire de Marseille et de Grèce nous transporte sur des rives méditerranéennes avec un clip réalisé par Martin Lazlo. On se retrouve au bord de la mer, sur un port de pêcheurs, entre prosaïsme et mythologie, sous le regard bienveillant de dieux, de hasards, de sirènes et de déesses. Dans le titre Glass, il y a toujours cette alchimie propre au musicien. Une alchimie qui transforme des sujets quotidiens, des relations amoureuses et sentimentales presque banales en conte universel et merveilleux. Sur un fond de laïkó, Johan Papaconstantino évoque alors la confusion des sens, la confusion mentale et la fusion, la découverte entre deux personnes.
Venus VNR – Anomalie
Le duo Venus VNR revient avec un style plus prononcé. Avec Anomalie, on reconnaît une empreinte musicale proche du club, avec des airs de Bagarre et du rap, du texte déclamé, parlé. Le titre évoque le fait de se sentir en décalage, un peu à côté de la plaque ou comme une sorte de territoire étranger pour les autres, voire même étranger pour soi… En somme, une Anomalie. Le réalisateur Yannick Dangin-Leconte donne un aspect psychédélique au morceau. On se retrouve dans un safari contemporain qui colle aux paroles. Un safari en zone de conflits, de tension, de guerre, comme évoquée dans les paroles : «Danger Danger, tu le vois c’est Danger Danger»
Novaé Lita – Chifoumi
Avec son nouveau titre, Novaé Lita évoque la nécessité de la complémentarité pour l’équilibre, voire même pour la vie, la création. Car il n’y a pas de joie sans tristesse, de sagesse sans colère, ou, comme l’évoque l’artiste de chaos sans rêve : « Si le chaos n’existait pas, ne nous reverrions pas» En parlant d’imaginaire, c’est cette atmosphère qui guide le clip vidéo réalisé par @boncame.inc. A travers Chifoumi, on aperçoit dans un format de cinéma des scènes fantastiques. Il y a l’artiste en impératrice du hasard, du temporel, évoluant dans un château de doutes et de choix. La musique, quant à elle, est légère, entraînante, dansante, très pop, ce qui contraste avec les raisonnements presque métaphysiques abordés dans le texte.
Beau Bandit – The big Kaboom
Avec ce premier single, « The big Kaboom » écrit par Pierre-Vital Gérard et produit par Hasta Luego, le groupe rennais Beau Bandit frappe fort. Dans une ambiance qui n’est pas sans rappeler Stranger Things ou Moonrise Kingdom, on suit alternativement une bande de cool kids semblant tout droit issue d’une Amérique fantasmée des années 80 – mais plus vraisemblablement venue d’une petite ville industrielle de l’Ouest de la France. L’alternance d’images d’archives de la catastrophe écologique et humanitaire en cours et du récit filmique de ce périple enfantin traduit le double discours disant l’innocence menacée : tandis que les gamins s’élancent à vélo dans une chasse au trésor où les adultes ne leur sont d’aucun secours (trésor qui se révèle être un lot de feux d’artifices), on pressent leur urgence à dénoncer l’explosion, réelle, à venir, le tout sur une mélopée pop et légère… De quoi entrer, d’emblée, dans la cour des grands.
Foé – Commun
Avec le clip de « Commun », composé et réalisé par lui-même, assisté de Lise Cléo au cadrage, le chanteur Foé nous livre une déambulation rageuse et mélancolique, qui débute dans un Paris en noir et blanc. Amer ressac de nos habitudes imposées par une société où le profit est roi, on arpente aux côtés du chanteur un environnement urbain étouffant, entre couloirs de métro bondés et pluies diluviennes sur les trottoirs sales… Les paroles dénoncent ce qu’il y a d’ordinaire dans cette course vaine et cette existence qui a oublié ce vers quoi elle tend… Quand soudain, le jaillissement : la vie renaît, sur une plage où l’attaché-case est bazardé dans les vagues et où l’homme d’affaires, soudain libre de tout carcan, s’élance sous un ciel en couleurs. « Comme d’habitude / Ça n’a l’air de rien » : de quoi se souvenir que les choses les plus simples sont souvent les plus belles, et tenter de garder tout près du cœur un sens des priorités trop souvent broyé par l’habitude.
Fine Lame – Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu
Avec un premier EP à paraître le 29 novembre prochain, Fine Lame, groupe de rock / spoken-word emmené par l’auteur de théâtre et chanteur Raphaël Sarlin-Joly, fait une entrée fracassante sur le devant de la scène francophone avec un clip dont le nom en dit long sur ses ambitions… Et le pari est tenu. La tourmente d’une urgence absolue à dire nous entraîne dans une course folle, de nuit, sur des routes sinueuses pouvant tout à la fois nous précipiter à notre perte comme nous mener à notre salut. Le rythme effréné de la diction est au diapason de la partie instrumentale, l’ensemble composant une incantation livrant au monde quelques unes des obsessions du groupe. « Interrogations désespérées sur la fin de siècle et la fin de l’Histoire, perte de sens occidentale, accentuation rapide de la brutalité du monde, vulnérabilité des fêlures intimes« . Nous sommes prévenus : si les mélodies sont exigeantes, le propos, affûté et incisif, ne l’est pas moins. Il nous prend de court pour nous précipiter dans un univers clair-obscur dont on a hâte de découvrir toutes les nuances…