La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer se yeux et ses oreilles. Sans attendre, la seconde partie de la 151ème sélection des clips de la semaine.
Martin Luminet – DEUIL
Après son dernier clip REVENIR, Martin Luminet continue de panser les brisures de son être et nous, en bons psychanalystes que nous sommes, achevons notre travail d’interprétation. Pas pour nous déplaire !
Il faut dire que dans son monde, où l’onirisme côtoie sans cesse la réalité, où l’humanité assume non sans mal son ambivalence, on ne s’ennuie pas. Le courage s’empare du chagrin, la chamade du cœur suit la cadence des pleurs. Les cercueils sont un refuge redoutable. L’ombre un simple écueil. Le deuil une friandise qui rend ivre et vulnérable, mais parfois fort.
DEUIL est fait de ces éclats de vie en décomposition sur fond noir, couleur des ténèbres, qui se croisent et se délitent comme dans la tête du défunt, celui qui se repasse le film de sa vie en accéléré, avant de succomber.
Mais comment expliquer que chez lui, la faucheuse jamais ne l’emporte, suspendue à la frontière de la vie et de la mort, telle une ombre menaçante, mais pas encombrante ?
Elle est là, elle guette, parfois jette des miettes empoisonnées que Martin reçoit comme une douche froide, avant de l’en remercier.
Car sous ses faux airs de vieille marâtre impitoyable, la douleur n’est qu’une alerte, un nuage gris. Celui que l’on redoute mais qui s’essouffle, passe avec le vent, avec le temps, finit étouffé par un bout de ciel bleu roi avant de revenir. La grisaille reviendra indéniablement, et le deuil apprend à vivre ou à composer avec. Ou les deux. Cela engendre des clips imprégnés de vie et d’espoir, et qui de mieux placé que Martin Luminet pour en incarner la lumière ?
C’est ce bleu même du ciel qui colore les bulbes d’un bouquet de roses, le bleu de la sérénité recherchée, celui si cher à sa quête d’être lui, à notre quête à tous, finalement. Car Martin Luminet, en disséquant ses propres démons, nous incite à explorer les bas-fonds de notre âme à nous. Cela vaut pour chacun de ses clips, dont on salue au passage le travail de réalisation, union de son hypersensibilité évidente pour le septième art et d’un œil aiguisé, bien que larmoyant, poétique en somme.
Réaliser, en attendant de se réaliser, n’est-ce pas déjà une belle avancée ?
Walter Astral – La Terre
Mort et renaissance à travers La Terre, troisième oeil, yin et yang, onirisme décomplexé, le feu, la terre, l’air et l’eau … Le nouveau clip de Walter Astral semble porter en lui toutes les forces qui nourrissent leur premier EP, Hyperdruide.
Les deux druides les plus cools de la pop française mettent en image, avec Valentin Becouze, le morceau somme de leur musique, réunissant dans un mélange parfait les côtés organique et électronique, la poésie, la force et la tendresse qui font leur musique. Un titre étrange et intense qui nous emmène dans un voyage autant sonore et spirituel, nous poussant dans une danse proche de la transe, qui nous permet de voir le monde d’une manière différente.
La vidéo prend en compte toutes ces spécificités et, comme dans un rêve puissant, nous entraîne dans des tableaux et des symboliques de plus en plus folles, comme pour nous offrir des réponses à des questions qu’on ne s’était jamais vraiment posé.es
Un travail assez fou sur le son et l’image, qui s’imbriquent à merveille et qui nous donne envie d’aller creuser avec Walter Astral pour trouver les secrets de La Terre.
La Houle – Sans Appel
La musique de La Houle est un labyrinthe sonore, un endroit sombre et pourtant accueillant qui se révèle au fil des écoutes, dévoilant ici et là des secrets et des mystères auxquels on ne s’attendait pas.
Derrière le mur de son se cache souvent la subtilité d’un être sensible, dont les émotions nous happent bien souvent par leur pureté et leur sincérité sans failles.
Souvent, avec La Houle, les clips des morceaux ouvrent d’autres portes, plus symboliques encore, qui laissent au réalisateur.trice l’occasion d’apporter sa propre vision de la musique.
Avec Sans Appel, Lilou Verdier nous entraîne comme dans un trip étrange et onirique. On pourrait y voir une histoire d’amour, d’attraction et de répulsion, on pourrait aussi y voir deux parties d’une âme qui tentent de cohabiter envers et contre tout. On y voit surtout des images, une porte blanche et des mystères encore. Ceux qu’on n’a pas encore décodés, mais auxquels on porte un intérêt qui nous obsède au fur et à mesure de l’écoute et de la vision.
Du tout bon, une nouvelle fois.
Claes – Bonhomme
Fatigue militante ou cri du cœur ? Avec « Bonhomme », réalisé par Oscar, Claes dénonce le poids des stéréotypes genrés, dans un son impeccable et carré. À grand renfort d’icono’ connotée et de punch-lines ultra efficaces, le chanteur en balade dans la capitale pare son titre d’accents disco-funk en nous assenant, inlassablement, « C’est quoi un bonhomme ? ».
L’humour acerbe tranche avec la gravité du propos : nécessaire (vital ?) besoin de se distancer des constructions enclavantes, le paroxysme est atteint au bridge. Aveu décomplexé, un brin ironique, d’un homme déconstruit, l’exercice semble léger. Apprivoisées, les failles, au point d’en rire, de dédramatiser la mise en pièces systématique d’une masculinité toxique, inculquée à grand renfort d’injonctions par la grosse machine patriarcale… « J’adore qu’on m’offre des fleurs / Chuis plus fragile que ma sœur / Chuis hystérique quand j’ai peur / Et chuis pas souvent à l’heure« . Envoie ton adresse pour le bouquet de tulipes, Claes, elles sont plus que méritées !
Laure Briard – Ciel mer azur
Ciel, mer, azur, trois nuances de bleu pour accompagner Laure Briard dans son périple longeant la côte brésilienne de Rio de Janeiro à Vitória. Baignée par les rayons du soleil brûlant, elle partage au travers de sa chanson une déclaration d’amour à ce pays qui lui est si précieux.
Une flûte traversière accompagne les premières mesures de Ciel, mer, azur que structurent les notes d’une basse ronde à souhait et les riffs d’une guitare espiègle. La voix de Laure Briard se fond dans la mélodie rehaussée par les cuivres envoûtants.
Tournée en split image – clin d’œil à l’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison – la vidéo de Jade De Brito nous plonge dans une atmosphère aux couleurs et à la granularité années 60-70. Laure y arbore une extraordinaire coiffure, complètement synchrone avec cette sensation doucement mélancolique de se retrouver dans le temps passé d’un souvenir.
Ciel, mer, azur est le troisième extrait du prochain album de Laure Briard, Ne pas trop rester bleue, qui paraîtra en février.
Coco Aikura – Military Birds
Dans Military Birds, Coco Aikura dénonce la frénésie qui peut prendre le dessus sur nos vies en impactant nos envies, nos aspirations et, à travers elles, nos libertés. La vidéo, réalisée en noir et blanc par le toulonnais Tom Hours, suit quatre couples et leur façon à chacun de surmonter les difficultés qu’ils rencontrent.
Une tendresse sincère nait de ces images, façonnées par les regards croisés ou les corps enlacés des acteurs. Coco Aikura se pose en témoin de ces moments où, grâce à des liens apparaissant indéfectibles, l’on reprend le contrôle de nos vies.
Sa musique prend le temps de nous guider. Le rythme un peu circonspect du début de la chanson prend son envol vers des notes plus optimistes, comme le feraient en étendant leurs ailes les oiseaux, fussent-ils militaires.
Thérèse – Mala Diva
Quelques mois après sa dernière sortie Jealous, Thérèse revient cette semaine avec un single fort intitulé Mala Diva, et toujours produit avec brio par Adam Carpels.
Comme son nom le laisse entendre, Mala Diva parle de la maladie, et plus particulièrement de la sienne, qui l’accompagne depuis longtemps. Dans ce nouveau titre, Thérèse s’adresse directement à cette dernière et nous montre le lien complexe qui les unit : entre bâtons dans les roues et rappel nécessaire de l’importance du moment présent, cette maladie fait passer l’artiste par toute une palette d’émotions, au sein de laquelle l’acceptation est déjà une belle preuve de guérison.
Dans le clip, cette Mala Diva prend la forme d’un double qui l’accompagne au plus près dans le calme et l’intimité de son appartement : malgré la peur des débuts, elles finissent par s’apprivoiser sous la caméra du réalisateur Thomas Wood. Cette nouvelle œuvre pleine de sublime vulnérabilité offre de l’espoir, nous applaudissons cette démarche très courageuse et personnelle et lui souhaitons le plus doux des rétablissements.
Nina Hagen – United Women of the World
Nina Hagen, la prêtresse exubérante du punk des 70’s, est de retour ! Officiellement revenue le mois dernier avec une reprise de 16 Tons, une chanson folk américaine sur les mineurs du Kentucky devant faire face à de constantes difficultés, le morceau est un “classique” américain repris au cours des années LS par Elvis Presley, Johnny Cash ou encore B. B. King – pour ne citer qu’eux – depuis sa création en 1947.
Cette semaine, la musicienne allemande sort United Women of the World une hymne reggae/punk sur la solidarité féminine, un appel aux femmes du monde entier à s’unir, à se célébrer et à se battre ensemble pour changer les choses : “If we unite / United Women of the world / We can stop this ugly fight / imagine that”. Le titre est accompagné d’un clip montrant des images de marches et des groupes féminins ou LGBTQ+, et montre que la musicienne n’a rien perdu de ses ambitions révolutionnaires aux ondes positives.
UNITY, le nouvel album de Nina Hagen, sortira le 9 décembre sur Grönland Records.
Realo – F*** YOU
En offrant un univers millimétré sur son projet Emotion, Realo s’est embarqué dans une direction artistique ambitieuse. Il en fallait plus pour effrayer le jeune toulousain et son équipe. Après un peu plus de trois mois d’exploitation, le projet continue son petit bout de chemin, pouvant compter sur un public fidèle et investi. Mais également, et surtout, sur une proposition visuelle sidérante. Après la claque visuelle du titre éponyme introduisant le projet, Realo, épaulé par le réalisateur Thibaut Lefevre, de l’équipe Argo Films, étend cet univers au travers du clip d’un autre extrait du projet, F*** YOU. Propulsé grâce aux basses de la production de koboi, le jeune artiste se retrouve à voyager à travers les airs. Tel un super-héros 2.0, il joue des supers-pouvoirs conférés par sa musique pour tomber petit à petit dans un tourment de noirceur.
Realo a cette force de porter en images son univers complexe et onirique. Jouant à merveille de ses sonorités et des codes visuels actuels, il impose une esthétique minutieusement travaillée, qui prouve la grande richesse artistique de cette nouvelle garde de la musique francophone, qui n’a comme seule limite le seuil de ses idées.
Timothée Joly – Sourire Facile
Timothée Joly revient avec le clip de Sourire Facile, extrait de son prochain EP à venir, intitulé ULTRAMONDIALE AMERTUME. Le moins que l’on puisse dire est qu’il démontre encore une fois la créativité impressionnante de l’artiste, à la fois à l’écriture du morceau et à la réalisation de la vidéo. À l’image de sa musique, impossible à caser dans un style prédéfini au vu de sa palette artistique d’une diversité extrêmement riche, le clip est d’une originalité à laquelle Timothée Joly nous habitue à chaque sortie.
Sonorités punk-rock, visuels vintage, filtre monochrome : on se croirait tout droit sortis d’une vidéo issue des années 2000. L’effet homemade de la vidéo rajoute du charme et de l’authenticité, insufflant un air de vulnérabilité assez touchant au premier abord.
On a déjà hâte de découvrir ce que l’artiste nous réserve dans son projet : il nous tarde d’être (encore une fois) surpris !
Coral Pink – People I’ve Known
Bienvenue et installez-vous confortablement au fond du douillet aquarium de Coral Pink, intitulé People I’ve Known. Maxime et Victor, Nantais d’origine, nous invitent à nous étendre au fond du bocal et à admirer les poissons rouges défiler tels des étoiles filantes aquatiques. Car ce titre, sorti au milieu de l’année dernière, se pare aujourd’hui d’un clip extrêmement séduisant réalisé par Gaby Huneau, et il ne manquait que ça pour nous faire flotter définitivement dans leur univers enclin à la rêverie, dans un style assumé bedroom pop ou dream pop.
People I’ve Known est probablement leur titre le plus représentatif de cette définition onirique, après Past Life et Another Year. Les amoureux de synthés ne seront pas déçus. Tout ici est une ode à l’expérimentation musicale dans ses ressorts les plus fantasmés, pour qu’à la fin d’un titre comme celui-ci, nous ne nous définissions plus comme physiques, mais seulement des idées, des pensées vagues dérivant dans les courants marins sans réelle destination. Mais qu’importe où l’on va, quand on est si agréablement allongés ?
Arthur H – La vie
Le dernier clip d’Arthur H a des airs de film fantastique. Ne serait-ce que par la musique assez dramatique : par son thème joué au piano, accompagné d’un orchestre à cordes. Puis les sujets magistraux évoqués : héritage, amour, départ, rupture…. La vie, en somme. Il s’agit d’un pari fou de rendre tangible un concept aussi abstrait, complexe, indescriptible que la vie. Alors, Arthur H résume la vie à ses cycles, ses morts et ses renaissances.
Ce qu’il illustre en collaboration avec la réalisatrice Leonore Mercier. La vidéo travaille les contradictions de la vie sous la forme d’un clair-obscur. Rempli de métaphores et d’onirisme, on y aperçoit des symboles de guerre, mais aussi d’éclosion. A la manière d’une fleur ou d’une graine, la danseuse et chorégraphe Thi Mai Ngyuen se déploie, prend vie !
Thx4Crying – la fin de la terre
Avec sa dernière sortie, Thx4Crying nous parle de ses angoisses et de ses sentiments. Un état d’esprit universel, car l’artiste évoque la crainte ou la solitude de ne pas trouver sa moitié alors que tout autour de nous semble commencer à s’écrouler : “C’est la fin de l’hiver et je reste solitaire.” La fin de la terre évoque la nécessité de déployer l’amour, nous prescrit de se libérer des sentiments lourds pour les rendre plus doux, plus légers.
Le réalisateur et photographe Florian Salabert illustre cette fin du monde à la manière d’un conte. Il choisit d’y représenter une métaphore de la fin du monde, où se croisent hasards et divination avec des jeux de pouvoir, incarnés en une partie d’échecs.
HORLA – La ville
Une envie de révolte et de destruction pour le duo HORLA. Après les titres Maserati et Go and crash, c’est avec ce nouveau morceau, nommé La ville, que le groupe veut nous exprimer ce désir et ce besoin de rébellion.
Ce titre, mis en image par Yann Orhan, nous plonge dans le quartier des Olympiades, à Paris, et met en scène ce qui semble être le départ précipité des deux membres du groupe, pour quitter la ville. Avançant face à face dans ces quartiers, le duo ne cesse d’augmenter leur colère et leur rage à chaque pas franchi. Le problème soutenu dans les textes du morceau est l’atmosphère pensante que peut nous faire ressentir la ville. Une sensation d’implosion, qui a besoin d’être évacuée en urgence.
Le tempo est rapide, des riffs de guitare rock, nerveux, accompagnés d’un texte rap qui monte graduellement en intensité. Le montage du clip nous montre également cette puissance augmentant, de par un montage rapide, s’accélérant, et qui est entrecoupé de plans drone sur les bâtisses des Olympiades. HORLA marchent en déversant ce surplus de
rage, le dédain des gens envers les autres, la pression sociale, un paysage gris et froid, en passant également par des problèmes concernant le traitement de notre planète et de ses humains.
Le duo arrivent enfin aux termes de leur fuite, pour se retrouver l’un en face de l’autre, et qu’on en arrive à la rencontre explosive des deux musiciens, provoquée par le trop-plein de la ville.
Ariel Tintar – Taxi Caraïbes
Avec Taxi Caraïbes, Ariel Tintar revient avec un titre chaloupé et poétique. Il y a du Nougaro dans sa diction comme dans ces rythmes obsédants, guidant les paroles légères au gré du ressac des souvenirs et des évocations. Le titre, mis en images par Steven Monteau, oscille sans cesse entre langueur et lumière aveuglante, pour nous entraîner loin de la métropole, direction les Antilles. Le clip semble pourtant parfois issu d’un autre temps, les couleurs saturées et tressautements de la caméra évoquant une nostalgie figurée, qu’on décèle parfois, encore, au détour d’un refrain. La nature luxuriante, les vagues au clair de lune, la course débridée en cyclo’ dans le trafic des avenues encombrées, dans la lumière vive d’une fin de journée, racontent une vie autre. Entre secousses et couleurs chaudes, bien loin de la grisaille parisienne, on s’évade, en 3’32…
AUREL – Pomelo
L’electro-pop élégante d’AUREL se teinte d’une plaisante amertume avec Pomelo. Ce qui semble, à la première écoute, une ode aux matins fruités, dont la saveur perdure sur les lèvres au réveil de nuits rares et enivrantes, se révèle peu à peu conte triste, sur la vie qui nous file entre les doigts…
Le clip, réalisé par Simon Vanrie, montre deux protagonistes se débattre avec des fruits, comme avec leurs certitudes. Métaphores des bagages émotionnels qui s’accumulent et avec lesquels composer pour se réinventer, ils jonchent et encombrent le chemin du duo. Distractions ou obstacles, les diverses tentatives de les apprivoiser (du jonglage à la hache…) échouent – mais jamais ne découragent les éconduits éperdus…
Délaissant les agrumes pour se concentrer sur la valse des corps – qui se reconnaissent, s’étreignent et se cherchent – le chanteur convoque finalement tous les éléments : de la fraîcheur de l’eau à la brûlure (jusqu’à combustion !) de deux allumettes, le propos, finalement, se dévoile : ce que c’est que d’éprouver, ce que c’est que de vivre. Un instant chapardé, sur un son disco trop enjoué et dansant pour ne pas, quelque part, porter une part de tragique.