La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans attendre, la seconde partie de la 152ème sélection des clips de la semaine.

Oré – La Vieille Maison
Il y a un mois, Oré s’apprêtait à la fin de son dernier titre – Des Chiffres – à réemménager dans sa Vieille Maison. La piscine tournesol dans laquelle sied La Vieille Maison d’Oré est, de par sa forme, une allégorie du cerveau, gardien de tous nos souvenirs. Il suffit parfois d’un objet pour dérouler le fil du temps. L’horloge qui apparaît au début de la vidéo, dépassant des cartons de déménagement, va tenir ce rôle en entrelaçant les lignes temporelles.
Mis en image par l’incontournable collectif La Sale Affaire, les moments du passé ressurgissent par bribes, et avec eux les sentiments qui leur sont attachés. Une chambre d’adolescente, un jardin secret, tous ces lieux sont habités par les gentils fantômes que l’on se crée. Ces souvenirs qui nous sont chers, et dans lesquels on aime se réfugier lorsqu’on en ressent le besoin. Ils nous permettent de retrouver les aspirations que l’on avait alors, et de s’en fabriquer de nouvelles.
Touchante, la nostalgie embaume cette Vieille Maison, mais y est aussi présente, après s’y être ressourcé, l’envie de se réinventer. La musique d’Oré parcourt le même chemin. Depuis son premier EP, elle évolue et gagne en maturité. Elle abandonne quelque peu les teintes hip-hop pour se rapprocher de l’univers de la chanson. Pour autant, on y retrouve toujours les spécificités – celles l’on adore – qui font qu’un morceau sonne toujours Oré, son flow clair, ses intonations, ses fredonnements et sur les prods, ces petits pas de côté qui rendent la ligne musicale si addictive. Car oui, dans notre Vieille Maison à nous résonnent les notes des chansons d’Oré.
Camp Claude – Everynight
Camp Claude est de retour ! Trois ans après leur dernier album, Double Dreaming, un nouveau titre paraît cette semaine, annonciateur (croisons les doigts) d’un troisième album prévu pour début 2023. Everynight réunit de nouveau Michael Giffts, Leo Hellden et Diane Sagnier, qui ont été bien occupés dans leurs projets respectifs – Tristesse Contemporaine pour Michael, Leo et Born Warm pour Diane (qui a tout récemment retourné FGO Barbara lors de son concert programmé dans le cadre du festival Ici Demain).
Dans Everynight l’atmosphère est résolument crépusculaire. Les passages en speaking-singing, en particulier celui de Michael avec son timbre proche de Lou Reed, apportent au titre une profondeur et une gravité qui contrastent avec les envolées de la voix organique et chaude de la chanteuse. Au cœur de la vidéo réalisée par Diane, le chaud souffle sur le froid et les couleurs – bleu ou rouge – s’entrelacent. Elle nous conduit dans une déambulation désenchantée et sans issue alors qu’au loin tonne l’orage « It’s all about the honey now ».
Mais comme personnellement, nous ne nous sentons pas vénaux, c’est avec un intérêt – réel – et une impatience – certaine – que nous attendons les autres morceaux qui composeront le nouvel album.
Emma Siaud – Danser encore
Pour accompagner la parution de son premier EP – Premières Fleurs – vendredi dernier, Emma Siaud nous livre en vidéo le titre qui referme le mini album, Danser Encore. « Danser encore, je veux du réconfort », ne plus s’en faire, apprendre à lâcher prise et à profiter du moment présent. On se libère de la douce mélancolie qui parfume les autres morceaux pour finir sur une note mêlant gaieté et énergie. Moins organique mais tout aussi touchante, l’instrumentation, avec ses teintes électro, donne du rythme à la mélodie.
Danser Encore a été tourné dans la chaleur des nuits argentines, à Buenos Aires, en mobilisant les connaissances, devenues amies, rencontrées lors d’une année d’Erasmus. Danser Encore comme les poissons qui ondulent et ondoient dans le bleu du décor, en quête de l’oxygène essentiel à leur survie. Le clip mêle la spontanéité, l’inventivité et le sérieux du travail bien fait. De quoi constituer un terreau propice à l’éclosion et à l’épanouissement des Premières Fleurs d’Emma Siaud. Quant à nous, replongeons dans le morceau et dansons encore !
Rozi Plain – Help
Des fois, les sentiments sont à peine palpables, puis s’en vont sans que l’on ne s’en aperçoive. C’est sur ce thème que Help, le nouveau morceau tout en apesanteur de Rozi Plain, se dévoile. Une instrumentation rêveuse et poétique et des paroles qui le sont tout autant : “If it’s a feeling / just going / when it goes / you won’t even know”. Le temps semble se mettre en pause pour méditer et contempler. La musicienne britannique écrit : “Un sentiment peut être une cible mouvante et essayer de le retrouver n’est pas toujours possible. Parfois, il s’échappe sans même que vous le sachiez. Les choses que l’on aime changent et c’est bien ainsi, mais cela peut demander de creuser profondément.”
La chanson est mise en images en un magnifique clip réalisé par Noriko Okaku, conçu de collages hypnotiques.
Help est l’instant de douceur et d’introspection dont nous avons besoin là, maintenant.
Prize, le nouvel album de Rozi Plain sortira le 13 janvier 2023 sur Memphis Industries.
Billy Nomates – spite
Billy Nomates est le projet de l’auteur-compositeur, productrice et multi-instrumentiste Tor Maries, basée à Bristol. Avec spite, Maries dévoile le quatrième extrait de son deuxième album CACTI, à venir en debut d’année via Invada Records.
Le nouveau single fait suite aux titres blue bones, balance is gone et saboteur forcefield, et est accompagné d’un clip détonnant réalisé par nwspk. Le refrain « Don’t you act like I ain’t the fucking man » est à la fois un reproche à ceux qui la sous-estiment et un discours d’encouragement personnel, à base de synthés et de guitares. D’après l’artiste, le morceau tente de répondre à la question: « Comment vas-tu faire face à quoi que ce soit si tu n’as pas cette confiance en toi ? »
Bien que tout aussi impénitent que le premier album de Billy Nomates, CACTI vient d’un endroit beaucoup plus exposé, où on voit Tor Maries développer davantage son écriture et sa production instinctive et inventive. N’ayant pas peur d’aborder les traumatismes des deux dernières années et le sentiment étrange d’apathie qui persiste, ainsi que les chagrins d’amour et les thèmes plus politiques, l’album confronte ouvertement des vérités inconfortables. A découvrir le 13 janvier prochain !
A2H feat Isha – Entretien avec un OG
2022 fut une excellente année pour A2H. Après le succès de son dernier album Une rose et une lame et la sortie surprise de l’EP Porn Summer, le rappeur peut être fière de son année. Pour finir en beauté, il sort Entretien avec un OG, et qui de mieux que le belge Isha pour l’accompagner sur cet excellent titre ?
Direction les quartiers de Bruxelles pour les deux rappeurs. Dans un clip réalisé par Willy Guittard, A2H et Isha nous expliquent ce qu’est un vrai OG selon eux. Sur un beat bien énervé, ils nous lâchent leurs textes dans un visuel sublimé par un filtre old school. On avait plutôt l’habitude de voir A2H sur des sons plus aériens ces derniers temps. Mais avec Entretien avec un OG, il rappelle à tout le monde qu’il possède un incroyable talent dans le kick, et qu’il est tout aussi à l’aise sur une prod légère qu’énervée. La participation de Isha est presque inévitable. Le rappeur accueille comme il se doit A2H dans sa ville, avec un couplet bien aiguisé dont il a le secret.
A2H réalise presque une année sans faute. Avec Entretien avec un OG, la surprise est réussie car il surprend encore en démontrant une aisance musicale folle. Pour célébrer cette année de succès, le rappeur présente une date qui s’annonce d’ores et déjà géniale au Bataclan le 17 mars 2023.
Ottis Cœur – Léon
Ce n’est pas parce que l’on croit connaître un groupe qu’il ne peut pas nous surprendre. Après nous avoir emportés dans une vague d’énergie pure à base d’humour, d’amour et de gros riffs de guitares, Camille et Margaux nous offrent Léo, un titre bien plus mélancolique et, on s’en doute, bien plus personnel.
Une tension et une émotion s’installent, guidées par les deux voix qui se mélangent et cette histoire de garçon qui fait le beau mais qui finit toujours seul, un roi déchu qui se pare des plus beaux apparats, mais dont le jeu est percé au grand jour.
Une histoire un peu cryptique, dont les tenants et aboutissants appartiennent pleinement à Ottis Cœur, mais qui ne nous empêche pas de nous retrouver le coeur percé par ce beau moment de sincérité.
Preuve du sérieux qui entoure le morceau, le duo préfère une certaine sobriété dans la vidéo qui l’accompagne, jouant sur la mise en lumière de l’une puis de l’autre, un face à face qui se teinte de filtres et de couleurs, et où les yeux se cachent et les sourires disparaissent.
KACIMI – Le Ballon Songe
KACIMI épisode 2 ! Après être parti à l’aventure dans le vaisceu d’extra-terrestres plus sympathiques que prévu, notre groupe de rock animé les quitte, mais pas sans un petit cadeau : un sablier spécial qui leur permet de jouer avec le temps.
Les voilà donc face à un concert de Hendrix où une rencontre fortuite leur offre l’opportunité de se faire un petit trip aux champignons. Le quatuor se retrouve donc dans un autre univers, plus mental, où l’on rencontre des araignées bizarres, des chats mangeurs d’hommes et des hommes qui se transforment en arbres.
Avec Le Ballon Songe, KACIMI ralentit le rythme et nous offre un morceau au groove lancinant. Une petite ballade hallucinée qui fait du bien aux oreilles et qui, dans ses paroles, nous entraîne dans un voyage onirique où les rêves se vivent dans le ciel, bercés par le vent.
La fin du clip nous ammène face à une maison habitée par un démon et annonce une suite rapide. On a déjà hâte.
Uèle Lamore – Two equals three
Uèle Lamore aurait-elle reçu un coup sur la tête, ou aurait-elle des problèmes avec les mathématiques ? On n’en sait rien et on ne lui en tiendra pas rigueur, tant Two equals three est le genre de morceau qui nous hante dès la première écoute.
Moins physique que Something About Us, le second single de Mutiply creuse la veine plus atmosphérique de l’artiste. Un morceau planant, aérien, et aux paroles dignes du meilleur cadavre exquis. On se laisse entraîner par les notes synthétiques et la voix modifiée de Uèle, qui nous transporte dans son univers mouvant et attirant.
Pour l’accompagner, elle a joué l’épure la plus simple, se filmant dans un chant en plein playback un peu foireux à base de petits pas de danse, de claquements de mains hors tempo et de fond qui sent bon la campagne et l’été. Le tout saupoudré de sous-titres parfois drôles, et souvent colorés.
Du tout bon comme toujours, à l’image de ce nouvel EP sorti vendredi, dont on vous recommande fortement l’écoute.
Zimmer – Vahiné (ft. Antoine Lang)
Zimmer, dans le sillage de son album Amour, campe son synthé dans les calanques méditerranéennes à la golden hour. Il déverse sur nous la vague de chaleur manquante en cette fin d’année.
Son clip Vahiné, en duo avec le chanteur Antoine Lang (ils n’en sont pas à leur première collaboration), mêle arrangements électroniques mi-ambiant, mi-techno et vibrations eighties, kitsch à souhait, dans un décor contemplatif un brin nostalgique.
Vahiné dévoile une série de clichés argentiques extraits d’un vieil album de vacances sur la côte d’Azur, et plonge dans les eaux claires et limpides d’une mer pailletée, « un soir en été » : bribes de soleil rouge, ondulations marines, étendue de pinède, falaise endormie… Mises bout à bout, ces images déversent leur dose de beauté iodée, pure et sans nuages. Ici, pas de changement climatique à l’horizon, les pins vont bien, les visages absorbent les reflets du soleil couchant, le piano celui de l’eau.
Le clip s’imprègne d’un bonheur simple et éphémère, ancré dans une page poétique que seule la nature peut offrir. Bonheur salé, bonheur immaculé empreint de segments de mots clés insouciants répétés en boucle : « Vahiné », « Méditerranée » … et de paroles sentimentales, rétrospective d’un amour d’été : « J’ai pris les chansons en bas de chez toi, sifflant sur un banc, sur les toits (…) notre amour était là, j’en allume une en pensant à toi… tout bas. »
Ses deux protagonistes habitent le décor, le décor épouse les mouvements vaporeux de leurs corps. Les vêtements amples se conjuguent aux vagues bleues, aux rochers ocres et ensablés. Vahiné, comme un huis-clos dans un périmètre plus libre, plus large, déverse sa dose de beauté sans vraiment se soucier d’autre chose, car parfois, la splendeur d’une mer satinée et d’un ciel changeant sous un soleil doré expriment à eux seuls celle du monde.
Gatien – Tout est incroyable
En légende, il est inscrit : « Cette vidéo n’a pas été filmée au drone et pas au Parc Georges Valbon à La Courneuve ». On avait presque oublié la malice de Gatien, ses yeux rieurs et sa fraîcheur. Après la sortie de son EP Moi, tout seul en mars 2021, il nous offre aujourd’hui Tout est incroyable, premier extrait clippé de son premier album, L’Amour phoque, attendu le 3 février prochain.
Filmé depuis la cime des arbres, on l’aperçoit en forêt. Déambuler, se promener. Puis, on le suit au plus près de ses mouvements, à la recherche d’un bâton au sein des feuilles mortes. Gatien nous chante l’amour, celui qui est beau et qui élève. Le premier surtout, celui de tous les possibles. C’est simple et doux, on a envie d’y plonger dedans et de le revivre, nous aussi.
Orange Dream – Danse
Le duo lillois mixte Orange Dream sort un nouveau clip après plusieurs années d’absence. Et ça change de ce à quoi on s’était habitué. Le virage est serré, les changements assumés, et plutôt bien exécutés. On épure un peu la guitare, on troque la grosse batterie contre une boîte à rythme aux accents techno. Un mot, répété en boucle, et nous y voici.
Le clip, logé dans une grande bâtisse qu’on présumerait abandonnée, tourne autour de la répétition. A l’instar de la chanson, tout est histoire de boucles et d’enchainements froids, noirs, bruts.
Le changement d’identité nous paraît bonifier le groupe. Iel explorent de nouveaux horizons, dans une veine ouverte par Scuffles en France notamment, et ça nous semble plutôt prometteur. A suivre.
Rose Tiger – Camelia
John Carpenter a marqué toute une génération avec ses films pendant les années 80, et ce n’est pas Rose Tiger qui dira le contraire. Avec le clip de Camelia, nous plongeons encore un peu plus dans cet univers underground dystopique, glam rock, pour suivre les aventures des personnages aussi sombres qu’intrigants que sont Camelia, Wendy et Abby.
Ce nouveau titre est tiré de Act II : The Ascent, comprenez deuxième EP sur trois, de l’opéra rock initié par le français Cyprien Jacquet, accompagné de Irene Gonzales et Domi Hawken. Nous connaissons mieux Cyprien sous le nom de Wendy Killman, que nous entendons notamment aux côtés de Lescop dans le groupe Serpent, mais aussi à la batterie de Papooz.
Rose Tiger, autant musicalement que visuellement, nous fait voyager dans ce monde parallèle blindé de références jouissives au rock londonien des années 70 à la T-REX. L’idée est celle d’univers total plein de maquillage et de lumières, jouant avec les frontières du too much, le tout parfaitement maîtrisé et réalisé. Chaque élément, chaque note est empreint de ces codes qui nous happent pour ne plus nous lâcher.