La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre, voici la seconde partie de la sélection 171 des clips de la semaine.
jeanne pas jeanne – but
Chez jeanne pas jeanne, le piano n’est jamais loin, mais dans but, il se fait plus discret. C’est un beat à la fois percussif et doux qui l’accompagne la plupart du temps, comme le cognement de pensées qui s’entrechoquent et bouleversent.
D’une voix assurée mais parfois lointaine, la musicienne nous entraine dans ses troubles intérieurs sur ce beat dansant et lumineux qui nous pousse dans une sorte de dancefloor mental où les éléments lutteraient pour prendre la place au soleil.
C’est à la fois efficace et onirique, comme sur un film duquel jeanne pas jeanne ne tombe jamais.
Pour accompagner le morceau, l’artiste réalise elle même un clip qui semble chercher à coller à ces variations intérieures. Une vidéo DIY du plus bel effet dans laquelle elle joue avec l’image et le grain si particulier de sa caméra. Elle nous entraine dans une ambiance cotonneuse, multipliant les références métaphoriques etles étrangetés lynchéennes. Ici les ombres prennent vie, la lumière transforme les êtres et le monde et l’esprit basculent en un battement de coeur.
Beau et troublant, une belle réussite où la musique et le visuel sont en symbiose.
Lucien Kimono – L’Hiver au Nord
L’amour souffle le chaud et le frois, Lucien Kimono le sait bien. Dans L’Hiver au Nord, nouvel extrait de son album 1000 vies prévu pour le mai prochain, traite d’un sujet bien connu de tous : la rupture.
Malin, le garçon compare ça à un hiver sans fin, une vie sur un iceberg glacé des mots de l’autre, de l’absence du regard et de ce cœur qui finit par refroidir encore et encore … jusqu’à geler ?
Musicalement, le titre reste entrainant, mais on sent dans la voix de Lucien Kimono et dans certaines notes lancinantes que les émotions se brisent fatalement.
Pour accompagner le clip, Laurent Benhamou utilise à la perfection pour emmener Lucien Kimono au cœur du froid. Seul sur la banquise, le visage abimé, le musicien observe le ciel et le monde glacé qui l’entoure, seul sur cette terre qu’il partageait auparavant avec l’autre. Fort et bouleversant, le morceau parlera à tous ceux qui ont vu l’amour se finir malgré eux.
Zaho de Sagazan – La symphonie des éclairs
Si toute la musique de Zaho de Sagazan s’inspire de sa vie et de ses fantasmes, la symphonie des éclairs, qui donne son titre à son magnifique premier album, est à part.
Car le morceau raconte sa vie, celle d’une petite tempête permanente, un être rempli de trop d’émotions, de trop de pensées, des choses qu’on n’arrive pas à dire alors on les crit, on les pleure et on essaie de comprendre ces choses qu’on ne peut pas dompter.
Heureusement, il y a des échappatoires et la tempête a rencontré la musique, celle qui touche le coeur des autres, celle qui permet de faire comprendre l’indicible et elle a décidé une chose toute simple: faire une symphonie de ses élclairs.
Tout en douceur, Zaho de Sagazan nous raconte, avec une maturité et une finesse assez folle, cette histoire, son histoire, la transformant en comptine, en quelque chose de presque enfantin qui cache les trésors derrière sa simplicité.
C’est aussi ce que fait Emile Auguste avec ce clip en animation, la rencontre entre une jeune fille et un nuage, parfois petit, parfois grand, qu’elle craint autant qu’elle attire et qu’elle finit par dompter.
Zaho de Sagazan sera en tournée partout en France, on vous conseille de ne pas la louper.
EMPRS – The Void (feat. Stephen White)
Du nouveau chez Vietnam ! L’un des labels les plus cools de la scène indé nous présente EMPRS, un groupe né au coeur de l’amour déçu et des peines qui en découlent.
Cela se sent sur The Void, première présentation clippée pour le groupe sur laquelle ils invitent le jeune Stephen White. Une ambiance mélancolique, guidée à la fois par les guitares et les interprétations inspirées de Stephen et Flo The Kid. Une plongée dans la noirceur, dans les mondes qui s’écroulent et dans les débris de l’âme et des émotions.
On se laisse emporter par cette douce tristesse et ce besoin d’en sortir. C’est beau et puissant à l’image de l’impressionnant clip réalisé par Louis-Jack. Une plongée dans le vide, une chorégraphie en apesanteur offerte par Emma Beladed, le tout réalisé sans trucage sur une tour de Northampton.
Le résultat est assez fou, nous offrant les sensations de vide et d’infini autant que la peur et l’inquiétude. Tout ce qui semble représenter The Void et EMPRS.
Un saut dans le vide réussi en somme.
La Femme – Aloha Baby
“Allez c’est parti / J’mets les voiles j’passe le cap sur Hawaï”. Aloha Baby est un véritable mood qui nous transporte en quelques notes sur les rivages ensoleillés d’Hawaï. Si on avait voulu imaginer La Femme faire un morceau sur cette île, on aurait sûrement chantonné Aloha Baby sans le savoir.
La Femme explore de nouvelles inspirations artistiques tout en conservant son ADN singulière : on y retrouve les synthés caractéristiques du groupe, et le texte empreint d’amour de Marlon qui entre en écho avec les chœurs envoûtants d’Ariane Gaudeaux, Sabine Happard et de Sam Quealy.
Paris-Hawai, à paraître le 19 mai prochain, viendra ajouter une nouvelle pièce à la Collection Odyssée imaginée par La Femme, commencée avec le merveilleux Teatro Lúcido.
Charlotte Fever – Je suis sous ton lit
Dans son virage assumé vers le clubbing, Charlotte Fever continue ses espiègleries neo-disco pour nous faire sautiller sur des bpm épileptiques.
Je suis sous ton lit, réalisé par La Fièvre, magnifie avec humour une collection d’artefacts… Le mâchonnement de chewing-gum d’une Rosalia en chaussettes Kickers et autres Womanizer se font symboles d’une certaine culture ultra urbaine, ultra mondialisée : un petit pas (de danse) de côté pour contempler les emblématiques préoccupations de notre époque, entre trivialité et mythologie à la Roland Barthes.
Flavien Berger – Berzingue
On pourrait regarder le clip de Berzingue une centaine de fois sans jamais s’ennuyer tant il se passe de choses à l’écran : les corps se métamorphosent, les objets se transforment en d’autres inattendues, et pourtant tout s’enchaîne si facilement que l’ensemble semble logique.
Une volonté psychédélique que Jamie Harley, réalisateur du clip et habitué de Pan European Recording, a imaginé avec une IA pour obtenir ce résultat complètement addictif.
Ce qui est sûr, c’est qu’on retiendra tous quelque chose de différent de ce clip, jusqu’à un détail qui se cache dans une image. Pour moi, ce sera le poulpe qui se transforme en fleur…
Écran Total – Dead Man
Réalisé par Camille Wozniak, Margaux Isaac et Fabien Trotel et produit par Schaerbeek Love Records, Dead Man semble sonner l’heure du renouveau pour Écran Total.
2’40 d’une virée intergalactique où l’on s’imprègne de leur imaginaire bleuté, entre transhumanisme et bataille de soucoupes volantes. La musicalité s’y épanouit dans un lyrisme assumé qui rappellerait presque Weyes Blood, cuivres et synths 80’s se répondent dans des arrangements malins.
Les mélodies demeurent éthérées – signature du groupe depuis ses débuts -, et composent un titre ovni, qui s’affranchit de ses propres codes. Moins indie, mieux produit, on s’en délecte, en attendant leur prochaine date lyonnaise au Ninkasi Gerland, Lyon, le 24 mai 2023 !
Les Louanges – Central Park La Fontaine
Cette semaine, Les Louanges tourne la page de son dernier et fabuleux album Crash avec Central Park Lafontaine, un nouveau titre qui vient clore le cycle intense dans lequel il évoluait ces dernières années, pour laisser place à une prochaine étape.
Hommage en deux parties au célèbre parc de Montréal qu’il a longuement observé, Central Park Lafontaine est le fruit d’une énième collaboration avec Félix Petit qui se trouve dans un cadre contemplatif, mélancolique mais apaisé.
Dans un magnifique clip réalisé par Alex Acy et Vincent Gravel, l’artiste québécois prend possession des lieux en solo, tantôt encombré, tantôt libéré. En suivant tranquillement la progression menant aux envolées quasi-orchestrales finales, on se laisse emporter par la beauté et les bienfaits du temps et des saisons qui passent.
Pauline Mann – Le vagabond
C’est le sentiment d’exil qui se dessine entre les lignes du morceau Le vagabond. Avec cette première sortie, la chanteuse Pauline Mann nous parle de l’errance, sous toutes ses formes. Ce sentiment d’errer s’incarne dans des états d’être. L’artiste décrit l’exil à soi, par la folie.
Elle chante ses sentiments d’effroi et ses pertes de repères : “Près de lui, J’ai perdu mes esprits”. Avec ce “je”, on devine un récit intime à travers lequel les traits de Pauline Mann se confondent peu à peu avec ceux du vagabond égaré. Une sensation amplifiée par l’instrumentalisation. Le chant est autant porté qu’il se confond avec un violoncelle vibrant de gémissements.
Enfin, il y a l’exil de son corps et de sa terre. L’errance au premier sens du terme prend forme dans un clip réalisé par la photographe Liza Miri. On y aperçoit entre des séquences floues et oniriques, Pauline Mann dans la rue, errant à son tour…
Jérôme 50 – Sandwich aux tomates
Après Tokébakicitte, Embrasse-moi (avec Ariane Roy) et COLOC RECHERCHER, Jérôme 50 continue cette semaine de nous ouvrir petit à petit l’appétit concernant la sortie d’un nouvel album avec Sandwich aux tomates. Non sans humour comme à son habitude, il s’interroge sur le sujet complexe qu’est l’identité québécoise dans ce nouveau titre à mi-chemin entre sonorités traditionnelles et rap. Avec ce morceau politique mais surtout rempli d’amour envers son pays et sa communauté, l’artiste semble vouloir rassembler ainsi qu’ouvrir les discussions et les esprits autour de ces questionnements, le tout accompagné d’un clip réalisé par ses soins avec Soufiane Benrqiq.
Czesare – Paris S’endort
“Où sont tes yeux ?” Ce questionnement amoureux introduit et guide la chanson Paris S’endort, de l’artiste Czesare dont La Face B signait le portrait il y a près d’un an. Une phrase qui semble chercher le regard de l’être aimé, peut-être pour y voir une partie de soi. Car la chanson tourne autour de la recherche de l’autre à travers signes et hasards, que laisse apparaître des paysages parisiens.
Des tableaux où Paris est décrit avec autant de douceur que de couleurs : “Dans les rues orangées et le froid, Oh je te cherche nuit et jour sans cesse.” Ce sentiment de tendresse s’amplifie avec une ballade que joue Czesare à la guitare. Une balade qui prend place dans un Paris endormi que capture la chanteuse, accompagnée de Tina Chastan. Le chant comme la musique montent parfois très haut comme pour faire échos aux sons des multiples questionnements et au doute que laissent entrevoir le morceau.
CLARA YSÉ – Douce
Douce signe le premier extrait d’un premier album, très prometteur, de Clara Ysé. L’artiste nous rappelle avec sensibilité la complémentarité des choses. Derrière la douceur peut se cacher la peur, les pleurs.
La chanteuse écrit et chante autant ses paradoxes que ses contradictions : “Toi qui crois que je suis douce, Respecte quand je te repousse, Car les jours où l’ennui me course, Moi je sens la mort à mes trousses”.
Avec ses mots, Clara Ysé évoque l’enfouissement d’émotions fortes, qu’il faudrait dompter tel un cavalier face à son cheval. On aperçoit dans le clip co-réalisé par la chanteuse et son amie Lou du Pontavice un majestueux cheval blanc, comme compagnon de transformation.
Aloïse Sauvage – Joli Danger
La température augmente à travers le titre sensuel Joli Danger et le clip qui l’accompagne. Aloïse Sauvage chante avec force, confiance et puissance le désir féminin, en particulier celui d’une femme envers une autre. Une déconstruction et une réappropriation de sa sensualité, un terrain sur lequel l’artiste excelle et nous avaient habitué.
Le clip est, par ailleurs, réalisé par une femme, Eva N’Diaye. On y aperçoit la chanteuse accompagnée de la danseuse Romane Germon dans un corps à corps rythmé, entraînant et gorgé d’érotisme. Le travail de photographie marque l’identité travaillée du clip.
Les couleurs chaudes et froides s’entrechoquent ne faisant que renforcer les perceptions et sensations ressenties par celui ou celle qui écoute et regarde.
Miles Kane – Troubled Son
Notre crooner préféré est de retour ! Miles Kane vient en effet de dévoiler cette semaine son nouveau single, Troubled Son, et l’annonce de son cinquième album prévu pour le 4 août prochain.
Ici, Miles se dévoile plus que jamais et présente un morceau électrique où il tente de nous faire comprendre l’importance d’embrasser ses erreurs. Pour ce nouveau chapitre, l’artiste révèle un retour aux sources qui a donné lieu à une véritable introspection et, peut-être, l’album le plus fidèle à ce qu’il est vraiment.
Le clip, tourné dans un pub londonien, montre Miles Kane entouré de ses ami.e.s où bonne humeur et simplicité sont au rendez-vous. Et on ne pensait pas dire ça, mais on a terriblement hâte que l’été passe pour découvrir cet album qui s’annonce très prometteur.
The Last Dinner Party – Nothing Matters
Cette année, une poignée de projets émergents anglophones retiennent toute notre attention, et les cinq londoniennes de The Last Dinner Party en font définitivement partie.
Alors qu’elles collectionnent les premières parties collector aux côtés de Nick Cave, les Rolling Stones ou encore Florence and the Machine, le quintet vient enfin de dévoiler son premier single, et il faut avouer que l’on n’avait rien entendu de si brillant et novateur depuis un bon bout de temps (merci).
Avec Nothing Matters, The Last Dinner Party dévoile un univers romanesque porté par un talent indéniable et un charisme inégalable, le tout illustré de visuels coppolesques signés Saorla Houston. Un sans-faute sur tous les plans donc, bravo.