La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre voici la première partie de notre 191ème sélection.
Scuffles – Chromé total
Scuffles, c’est, un peu comme son nom l’indique d’ailleurs, un groupe de castagne. A l’orée du rock garage et de la techno, le duo angevin navigue, en survet adidas, dans cet entre-deux qu’on imaginerait comme hermétique. Les deux ont finalement trouver la recette, et c’est peu dire qu’elle fonctionne.
Le son tabasse, agresse les oreilles, reprend les codes de cette musique électronique noire, intense, aux accents très old school type new wave. Très structurés, leurs morceaux se trouvent un côté encore plus abrasif avec cette guitare qui fait partie essentielle de leur entité
En tout cas, c’était jusqu’à aujourd’hui, car, dans Chromé Total, leur single sorti il ya quelques jours, pas de gratte à l’horizon. Des synthés on en a, un son old school, grave. On a même le droit à un gros travail sur les voix qui rajoute, avec les bons synthés, un côté limite années 2000. Mais pas de guitare.
Pour autant, le son, comme son clip d’ailleurs, est excellent. On se perd dans différents univers avec la moitié du duo, pris de vitesse sur son vélo elliptique. Toujours dans un univers noir où la lumière agresse.
Scuffles s’est bâti une réputation scénique énervée, on va donc bientôt les revoir. Et on a hâte.
Odezenne – Ils dansent (Ft. Lonely Band)
Dans un mail promotionnel, les bordelais d’Odezenne indiquaient qu’ils voulaient composer sans les médias. C’est raté ! On l’a vu, on l’a aimé, on l’a sélectionné, c’est comme ça (et c’est tant mieux !).
Le mois dernier le groupe s’offrait une tournée un peu partout qui se clôturait à domicile au Palais Gallien en prévision d’un prochain album à venir le 2 novembre : Unplugged. Nous, on est restés branchés pour découvrir ce clip bien paramétré pour un dimanche : la floraison au milieu des ruines, la destruction intégrée à la poésie… « Mais moi je veux qu’on me vende La symphonie du vent Un antidote pour le tourment » répéterons nous en chœur.
Petit moment de vague à l’âme ? Allez prend un petit shot d’Ils dansent. C’est tout doux. On se laisse porter justement par la brise d’automne pour nous aussi découvrir la symphonie du vent. La tranquillité n’a pas de prix. Les bordelais nous touchent en plein cœur, c’est tout ce qui compte. Un très bon aperçu du nouvel opus.
Vincent Neil Emerson – The Golden Crystal Kingdom
« Pour dire les choses simplement« , déclare le singer songwriter amérindien Vincent Neil Emerson, « The Golden Crystal Kingdomest mon ode à tous les concerts difficiles que j’ai donnés au fil des ans« .
Titre de son prochain album, qui sortira le 10 novembre sur le label de longue date d’Emerson, La Honda Records, et sur son nouveau partenaire, RCA Records, The Golden Crystal Kingdom n’est pas un tube, mais plutôt un souvenir solennel de ses nuits difficiles sur scène, de son désir d’être devant le public de sa ville natale au « Country Store » à Helotes, au Texas.
« The Golden Crystal Kingdom est un hommage à toutes les foules qui n’ont pas vraiment prêté attention à ce qui se passait sur scène« , explique Emerson. « Le morceau a été inspiré par toutes les personnes bruyantes qui parlaient par-dessus mes chansons, les chahuteurs et les spectateurs odieux et inconscients. »Comme le veut la tradition du musicien Choctaw-Apache, Emerson se montre gracieux, offrant même aux fans susmentionnés un morceau lent, centré sur la guitare, qui se concentre davantage sur le quotidien des tournées que sur un message acerbe à l’intention de qui que ce soit en particulier.
Robock – Sous Le Sable (EP version)
Le groupe « Krautélectronic » Robock nous a livré ce jeudi un clip halluciné à l’occasion de la sortie de leur nouveau single, Sous Le Sable.
Réalisé par l’artiste visuel Griangg, ce clip est une expérience audiovisuelle rare. Pendant près de sept minutes, on est happé par la force symbiotique des images et de la musique qui se complètent pour former un tout d’une grande intensité.
Une profonde introspection, un profond ras-le-bol, c’est ce qui émane des paroles habilement écrites en français. Il s’en dégage un élan de fuite, mais pour aller où ? Toujours plus en profondeur. L’instrumentation gagne peu à peu en intensité tandis que simultanément la psyché du chanteur/narrateur défaille. Inébriant et capiteux, le morceau s’inscrit dans la lignée Krautrock en usant de répétitions étourdissantes. Cette idée de fuite s’y inscrit aussi, sauf qu’ici la longue route à parcourir est en nous. Cette route est sinueuse, un groove imparable laisse place à une errance, une courte accalmie avant que la guitare peu à peu ne s’enrage, se mue en un drone synthétique psychédélique, presque horrifique.
Le clip se greffe à tout cela avec brio. Les images sont renversantes, souvent au premier sens du terme. Nous ne parcourons pas ces longues routes dans une voiture, nous flottons au-dessus d’elles. Tout s’accélère progressivement, les images se brouillent, nos sens aussi. On chute doucement sans jamais atteindre le sol, puis de plus en plus rapidement pour finir en chute libre haletante. Une fois au sol, il n’y a plus aucun repère, tout est halluciné, tout devient rapidement cauchemardesque.
Une expérience complète, captivante et onirique que l’on vous recommande fort
Sampha – LAHAI: Time Travels Memories
Pour la sortie de son nouvel album, l’artiste londonien Sampha nous offre un clip hautement poétique réalisé en collaboration avec Caleb Femi. L’artiste, déjà bien affirmé musicalement (En 2017, Sampha a reçu le Mercury Prize pour son premier album Process) fait donc ses premiers pas dans la réalisation vidéo, et c’est très réussi.
Time Travels Memory est un morceau singulier, nourri par de très nombreuses inspirations profondément ancrées dans la psyché de l’artiste. Allant piocher dans la funk, la jungle, le grime mais aussi la « minimal classical music » et fortement touché par l’artiste malienne Oumou Sangare, il nous livre un album unique, dont Time Travels Memory est l’une des pièces les plus percutantes. Absolument hypnotique, complètement libérée, on écoute une musique purement unique et expérimentale. Les rythmes oscilles, les voix s’entremêlent, chantent, rappent, racontent… Et pourtant, tout cela reste incroyablement musical.
Le clip est tout autant onirique et hypnotique. Les images s’enchevêtrent, se succèdent et provoquent une cascade d’idées, de sentiments. Des plans magnifiques où se mêlent rêve, inconscient, subconscient et éveil nous font voyager dans une multitude d’univers, on finit par perdre pied, on se laisse emporter par la beauté, le mystère, l’évocation et l’hypnose que provoquent cet ovni autant visuel que musical.
Weyes Blood – God Turn Me Into a Flower
Weyes Blood continue de nourrir l’univers de son album And In The Darkness, Hearts Aglow sorti l’année dernière avec une nouvelle vidéo pour accompagner God Turn Me Into a Flower, réalisé par le documentariste de renom Adam Curtis.
Ce titre a été inspiré par le mythe de Narcisse, qui après s’être perdu à jamais dans son reflet renaît sous la forme d’une fleur. Une symbolique qui se prête particulièrement bien à notre société moderne qui nous pousse à se concentrer plus sur l’image que l’on renvoie que sur nous-même ou sur les autres, tout en perdant notre identité dans la comparaison à l’ère du digital. Mais plus qu’une simple critique, elle nous fait part de son désir d’échapper à ces conceptions toutes faites et de l’importance de s’autoriser à être doux et vulnérable dans le tumulte de l’expérience humaine.
Natalie, de son vrai nom, est une artiste qui n’a pas peur de s’aventurer au-delà des morceaux de cinq minutes, et on connaît la règle, ce sont souvent les plus marquants. Ces visuels regroupant plusieurs vidéos montrant différentes émotions et situations avaient déjà fait office d’arrière-plan lors de sa tournée et ils trouvent désormais leur place dans ce clip captivant.
L’espace commentaire est rempli d’émotion face à ce titre qui semble raisonner d’une manière personnelle pour beaucoup de ses fans. Cela ne sera pas très risqué d’affirmer que sa musique a bel et bien le don de nous toucher au plus profond de notre âme. Une atmosphère presque planante et même hypnotique s’en dégage, nous ouvrant une porte vers une errance de l’esprit, créant un moment suspendu dans le temps.
Timéa – honey
Très certainement le meilleur titre de son projet, Timéa dévoile à l’occasion de la sortie de son EP Loin du Vrai Proche du Merveilleux, le clip d’honey, un morceau que l’on s’imagine très bien faire son effet en concert.
Honey est un véritable concentré d’égotrip, s’inscrivant parfaitement dans l’ère du temps, avec ses sonorités électroniques truffées de glitch et de superpositions d’effets vocaux qui nous offrent un refrain particulièrement entêtant qu’on adore. Le visuel est filmé dans un studio au fond blanc, mais loin d’être monotone, il nous captive avec des scènes qui s’articulent au rythme des différentes partie de la musique. Une belle progression pour l’artiste qui évolue de projet en projet.
Yassine Stein – Batwanes Beek
Cela faisait un petit moment que l’on attendait que Yassine Stein sorte les sons qu’il a l’habitude de performer en concert. Après un EP de 5 titres paru en 2020, c’est depuis seulement le troisième morceau qu’il décide de sortir de son disque dur.
Il nous partage cette semaine sa reprise de Batwanes Beek, un classique de Warda très populaire en Afrique du Nord depuis sa sortie en 1992, avec des paroles en arabe égyptien. Annonçant la suite par la même occasion, il remanie le titre avec brio, dans un format bien plus court, tout en gardant le texte original, le tout produit par Lewis OfMan.
Batwanes Beek nous raconte avec une grande sensibilité l’histoire d’un amour profond pour quelqu’un à qui l’on pense sans cesse.
Il semble s’éloigner progressivement de l’univers rap auquel il était associé jusqu’à présent, et c’est plutôt bien réussi. Dans une scène tournée en plan séquence, il nous entraîne dans une atmosphère cinématographique captivante où il fait la rencontre d’une vieille dame asiatique en train de balayer le sol d’un bar. Un visuel très bien réalisé qui mérite le coup d’œil.
The George Kaplan Conspiracy – Sparked a Fire
Après un EP, Ok Future, paru en 2022, The George Kaplan Conspiracy faisait son grand retour cette semaine avec un nouveau morceau annociateur de jolies choses pour 2024 : Sparked a Fire.
Sparked a Fire, l’incendie de l’amour, celui qui brûle et qui fait vivre autant qu’il détruit. Avec ce nouveau morceau, on retrouve l’une des caractéristiques principales de la musique de Gabriel et Bastien : cette pulsion de faire danser sur l’incertitude.
Car derrière le côté solaire du morceau, sa rythmique dansante et entraînante, se cache des questionnements et des inquiétudes. Ce nouveau morceau parle de l’amour, du fait qu’on s’y retrouve parfois piégé, qu’on ne reconnaît plus, ou qu’on reconnaît trop, celui que l’on est dans le regard de l’autre. Un monde de doute et de transe qui grandit dans la danse de l’amour.
Pour l’accompagner, Bastien nous offre un souvenir poétique de voyage, collant parfaitement aux sentiments du morceau. En jouant avec les photographies argentiques qu’il a prises lors d’un voyage à New-York, il crée une vidéo qui vibre au rythme du morceau, en mouvement permanent et nous entraînant d’une vignette à l’autre dans un univers hyper lumineux et qui semble danser lui aussi, le grain de la photographie apportant un cachet superbe à la vidéo.
La flamme est désormais allumée et on hâte de voir où va nous emmener The George Kaplan Conspiracy.
atom in waves – candlelights
Parfois, on tient un clip sans le savoir. C’est en se plongeant dans les images réalisées après le tournage de stranger, son précédent titre, que Thomas remarque ces images. Frappé à la fois par leur beauté, leur cadre et leur spontanéité, il décide de les monter pour créer une vidéo accompagnant candlelights.
Il faut dire que ces morceaux semblent parfaitement coller aux ambiances et aux émotions du morceau. Un morceau un peu à part qui permet au musicien d’explorer des territoires électroniques. Une lente montée accompagné d’un texte minimaliste, presque un poème, qui nous permet de nous évader, nous laissant porter par cette vague synthétique qui nous frappe petit à petit.
Associés l’une à l’autre, la vidéo et le morceau se transforme en une ode aux soirées sans fin, aux amis qui restent et sur qui l’on compte. Des instants suspendus et poétiques que l’on aime vivre et qui, avec ce morceau, sont désormais gravés dans le marbre loin de l’évanescence qui les fait disparaître d’habitude.
Une nouvelle preuve du talent d’Atom in Waves en attendant l’arrivée de son EP en décembre.
Dela Savelli – IIAH
Il faut parfois laisser le temps au temps. Pour se recharger, pour laisser revenir la créativité et sans doute aussi réaligner ses idées et ses chakras.
Loin des attentes, loin du tumulte, Dela Savelli a pris le temps de soigner son projet, de se réinventer afin de revenir vers nous, près de deux ans après le dernier EP de Dampa.
La voilà désormais prête à nous ensorceler à nouveau et cela commence avec IIAH, son premier clip dévoilé cette semaine.
Comme toujours, on note tout le soin apporté aux ambiances, que ce soit dans le son ou dans l’image.
IIAH est presque une danse chamanique, un morceau envoûtant qui se loge rapidement dans nos esprit. Dela Savelli charme et chante dans cette exploration intime de l’esprit, on se laisse porté par ses propos qui semblent aussi important que les respirations qui l’accompagnent. Comme si tout devait être dit avant que le souffle ne se coupe.
Pour accompagner le morceau, elle fait confiance à Victor Drapeau avec qui elle concocte une vidéo qui représente parfaitement son morceau. Entre les tons noirs et blancs, le bruit du réel qui vient interrompre le morceau et une certaine violence qui semble animer le cadre lorsque le corps se met subitement en mouvement, tout semble s’accorder à la perfection à IIAH.
Un retour qui fait du bien au cœur, en attendant la suite prochaine des aventures de Dela Savelli.
Arielle Soucy – Il n’y a rien que je ne suis pas
Après Promenade, Ottawa et Talk To Me, Arielle Soucy dévoilait cette semaine Il n’y a rien que je ne suis pas, un bouleversant nouveau morceau portant le nom de son premier album qui vient tout juste de sortir chez Bonbonbon. Dans un doux clip brumeux réalisé et monté par Charlotte Pominville, l’artiste québécoise est changeante : elle se renouvelle et se révèle avec lenteur et délicatesse derrière les lettres d’une machine à écrire.
Il n’y a rien que je ne suis pas est une sublime ballade folk bilingue qui porte en elle quelque chose de grand : avec des petites notes country dans la voix, Arielle Soucy navigue entre la complexité des émotions et de l’existence, nous replace au centre des possibilités infinies et nous rappelle surtout que rien n’est jamais figé.
Noham – Nighshot
Sorti dans la semaine, ce single clippé accompagne la sortie du projet Experience. Artiste assez polyvalent, il dévoile à travers ce visuel une ride mélancolique dans laquelle il embarque ses auditeurs. Après une soirée sur scène, le réveil face à la mer pourrait paraître doux, mais sous ce ciel gris et cette fine pluie, l’ambiance semble différente pour Noham. C’est dans cette ambiance terne que le réalisateur Rvptor Jr ancre les froides mélodies du rappeur.
En parallèle de cette réflexion matinale, l’artiste nous plonge dans une de ses anciennes relations. L’occasion pour lui de faire le point sur son passé et surtout sur le parcours qui l’a mené à sortir ce nouveau projet. En conjuguant tous ses éléments, il exprime les doutes qui parasitent son esprit et alimentent sa musique. Une manière de montrer que même si la mélancolie frappe, l’espoir n’est jamais loin.
okis – Tinkiet (Live session)
Lyon aura-t-il un meilleur représentant qu’okis ? A chaque fois que le rappeur sort un clip on se pose la question. Alors on est reparti faire un petit tour dans le Rhône-Alpes pour découvrir un nouveau lieu cher à okis, la station de métro hénon, là où il a posé ses enceintes et branché son micro pour livrer une nouvelle démonstration de rimes et de tranches de vie avec Tinkiet. Assis sur une marche, il se fait une nouvelle fois l’écho de son quotidien sous la caméra de Maxime Boudehane.
Si cette fois il ne déambule pas dans les rues lyonnaises, c’est pour permettre à ses auditeurs de se concentrer sur la performance vocale. Éclaboussant son récit d’un style imparable, il démontre une nouvelle fois ses talents de rappeur. Si ces presque 6 minutes de rap ne vous ont pas suffi, l’annonce de son projet Rêve d’un rouilleur entièrement produit par Mani Deiz pour le 3 novembre devrait vous combler.
Helena Deland – The Animals
Le temps s’arrête à l’écoute de Goodnight Summerland. Le nouvel album d’Helena Deland est épuré et mélancolique, une réflection subtile et poétique sur le temps qui passe. Avec la sortie de l’opus, la musicienne canadienne dévoile le clip de The Animals, réalisé par Romain F. Dubois où sous des ciels grandioses, un détail, ici une goutte de pluie, devient le centre d’attention et part dans une course folle…
Goodnight Summerland est le second LP d’Helena Deland et l’on pourra la (re)découvrir sur scène à Paris le 17 février au POPUP!