Les clips de la semaine #192 – Partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre voici la première partie de notre 192ème sélection.

Magenta Club – Brumeux

Si il y a bien une chose que l’on aime chez Magenta Club, c’est cette remise en question éternelle. Si on les avait laissé dans une vibe électronique proche de la french touch, le collectif est bien décidé à se surprendre, et nous avec, la preuve avec Brumeux qui annonce leur retour.

Le morceau pourrait ressembler à une pensée qui tourne en boucle dans nos tête. Une espèce de boucle infinie, un moment étrange et hors du temps. Tout est brumeux en effet, et on ne sait pas où se positionner, ni quoi faire pour pouvoir s’en sortir et se reconnecter à la réalité sans s’abimer.

La réponse de Magenta Club ? Une boucle dans le son et dans le texte pour nous faire sentir cette sensation de perte, de vertige et de détresse. C’est une autre forme de pulsation dansante qui habite Brumeux, toujours aussi vitale mais plus sombre, plus travaillée, plus exigeante aussi. On se rapproche d’un autre curseur 90’s, celui du trip-hop, du rock expérimental qui donne un côté brûlant à ce brumeux.

Pour accompagner le morceau, Magenta confronte sa musique à l’imaginaire de Robin Lachenal & Céline Martin-Sisteron. En résulte un clip onirique où les moutons tissent les liens du destin dans un univers à la fois étrange entre le moderne et le mythologique où Magenta se transforme en figure qui font tanguer la vie pour le meilleur et pour le pire.

Un retour puissant, on n’en attendait pas moins de Magenta Club.

MARTIN LUMINET feat. BRÖ – Piège

Il y a des associations qui sonnent comme des évidences. Voir Martin Luminet et Brö collaborer ne nous a donc pas surpris, tant les deux artistes semblent naviguer sur la même ligne, portant en eux un regard cru et direct sur notre société qu’ils laissent transparaitre dans leur musique à travers une écriture fine, élégante et jamais dénuée d’humour.

C’est sur le Piège du premier qu’ils se retrouvent mais l’arrivée de Brö bouleverse complètement le morceau. Elle le dynamite autant par son timbre de voix unique que par son couplet qui donne une nouvelle image au titre. Ainsi c’est comme si l’on se retrouvait face à un morceau tout frais, une collaboration dans le texte qui porte en elle toute la colère, les désillusions mais surtout l’envie de sortir de ce piège de Martin et Elisa.

S’ils auraient pu apporter à ce morceau un clip sérieux, c’est encore une fois mal connaître ces deux là que de ne pas voir ici un grand terrain de jeu pour faire un peu n’importe quoi.

C’est donc un clip totalement délirant qu’ils nous offrent, en décalage constant avec le morceau. Un Kara-ok qui nous fait bien sourire et dans lequel il s’amusent et amusent par la même occasion. On notera particulièrement la tenue de Martin Luminet et leurs superbes chorégraphies absolument parfaites.

Si vous ne savez toujours pas sur quel piège danser, on vous conseille définitivement celui-là.

DITTERFollow No One

« Listen to everyone, follow no one ». Écouter, prêter attention aux nouvelles, mais apprendre à être sainement sceptique quant aux informations reçues pour se forger son opinion et son propre libre arbitre. Face aux influences et aux manipulations – intentionnelles ou non – qui nous submergent de toutes parts, rester lisses. Prendre du recul. Et comme le démontre avec efficacité la vidéo -délicieusement et magnifiquement DIY – qui accompagne Follow No One, ne pas être logotomisés !

Le discours est tout aussi clair et sans concessions que la ligne musicale qui structure le morceau. Elle sonne comme une évidence. Il émane de la musique de Ditter une force intrinsèque qui nous bouscule. Et c’est tant mieux ! Battons du pied la mesure et secouons – un peu – nos têtes (et ce qu’elles contiennent – du moins pour ce qui est du cerveau).

Et même si le propos est celui de Follow No One, n’oubliez pas de les suivre sur les réseaux sociaux et d’aller les voir en concert si l’occasion vous en est donnée !

Danilo – Bienvenue en enfer

Cette semaine, Danilo nous salue pour la première fois avec Bienvenue en enfer, une entrée en matière vers un premier EP qui ne tardera pas à voir le jour lui aussi.

Dans un clip réalisé par ses soins, l’artiste lyonnais nous emmène assister à une performance endiablée sous un soleil de plomb : seul dans une étendue désertique, il nous en met plein la vue avec un rideau qui brille de mille feux et des pas de danse dignes des discothèques les plus hasardeuses.

Cette belle première rencontre visuelle vient ainsi sublimer ce titre pop déjà terriblement énergique qui a été élaboré avec Nicolas Steib (Slogan). Sous sa dégaine de crooner-loser, Danilo cache une plume affûtée et des mélodies à toute épreuve : on les savoure en attendant une suite des évènements qui s’annonce fabuleuse. 

La Jungle – The Growl And The Relief 

La Jungle fait partie de ces groupes qui joue entre deux mondes qui pourraient paraitre antinomiques. La musique à guitares, et la musique électronique. L’univers est noire, intense, et oscille entre riffs de basse ou guitare, et samples synthétiques en tout genre. Sans oublier une batterie omniprésente et d’un niveau assez impressionnant. Le groupe est avare de parole, se cantonnant parfois a de simples mélodies, ou quelques mots répétés ici et là. Clairement, ça ne manque pas, quand la partie musicale est aussi prenante. 

Et pour les avoir vus sur scène, un seul conseil, prenez des places s’ils ne sont pas loin de chez vous. Ces deux là, musiciens au talent époustouflant, enflamment une fosse en un instant. Leur son, noir, viscéral, punk et instrumental, est un exutoire formidable. 

Leur quatrième album, Blurry Landscapes (2023 / Black Basset Records) est sorti en juin, et on découvre ici le clip d’un morceau tiré du disque. On voit deux ados s’essayer à une journée chaotique entre garçons. Conneries en tout genre, premières clopes au soleil, et poursuite avec un chien au menu. En ressort un certain sentiment d’angoisse qui ne peut être qu’appuyé par la musique. Encore un travail excellent, pour un groupe excellent.

The Umbrellas – Three Cheers !

The Umbrellas refusent de laisser l’été s’éteindre. Le groupe de San Francisco nous à offert cette semaine un nouveau single, « Three Cheers ! » tiré de leur prochain album, nommé Fairweather Friend et dont la sortie est prévue pour le 26 Janvier prochain. Des nouvelles qui donnent le smile, autant que cette Jangle Pop électrisante.

Écouter The Umbrellas, c’est prendre une bonne bouffée d’air frais, un bon shot d’énergie qui donne envie de danser des des parcs en fleurs. C’est en effet léger et entraînant, les harmonies vocales nous caressent les oreilles et les mélodies nous rappellent nos meilleurs moments de la toute fin des nineties, ou du début des années 2000.

Le clip aussi, justement, nous ramène tout droit à cette période dorée (mon enfance). Pour notre plus grand bonheur, le tout est délicieusement kitsch, joyeusement candide. Dessins en incrustations, images sursaturées et fonds mouvants dignes du vieux Windows Media Player. Comme une envie de sauter sur sa planche, du soleil dans le cœur, pour aller trouver le glacier sur sa tournée. Fairweather Friend semble déjà être un disque qui va faire du bien. En attendant, il est l’heure de vous laisser, Malcolm va commencer sur Serie Club.

Dirty Cloud – Ritalin

Trois lycéens qui se réunissent pour jouer du grunge un peu crado et nihiliste est depuis longtemps une mouvance assez pléthorique. Mais trois lycéens qui montent un groupe de punk, sortent des clips, un EP et jouent déjà à guichets fermés dans les caves rouennaises, ça c’est beaucoup plus rare, et ça mérite notre attention.

Dirty Cloud donc, de son petit nom (on ne peut s’empêcher de se remémorer l’incendie de l’usine Lubrizol en 2019 qui recouvra Rouen d’un chouette nuage chimico-toxique), vient de sortir un nouveau single nommé Ritalin. Ouais, on tape un bon à la toute fin des eighties, et le pire, c’est que ça fonctionne. Petite leçon de revival grunge par Julien, Maxime et Elliott.

Chemises en flanelle, chapka, regards blasés et maison abandonée paumée dans les bois : tout y est. Les codes de l’esthétique Grunge sont bien présents, le groupe en joue gaiement. Exit la prise au sérieux, ici on fait du punk, avec en prime la fougue et l’arrogance de la jeunesse, la vraie. Ça fait plaisir à voir, pour les amoureux.ses et/ou mélancoliques du genre, mais pas que. Déjà sur son précédent clip (Psychotrope), Dirty Cloud se pare d’une étonnante fraîcheur mais aussi et surtout d’une crédibilité déconcertante.

Ça fait également plaisir à écouter, évidemment. Un power trio comme il ne s’en fait plus, qui a très certainement poncé les disques de Pagoda, Mudhoney ou encore Violent Soho, et bien évidemment ceux de Nirvana. Mais ne vous y trompez pas ! C’est peut-être l’un des plus gros points forts de Ritalin : faire du revival Grunge qui ne soit pas du Nirvana. Le groupe connaît ses références, les maîtrise et les arrange à sa sauce, et ça fonctionne vraiment très bien. Voix un peu éreintée et downs-ups musicaux à la Pixies ou à la Niil, mélodies imparables et déflagrations sonores à base de murs de guitare. De quoi réchauffer le cœur de celleux qui commençait sérieusement à tourner en rond dans ce genre musical qui n’a eu que 5 petites années de gloire avant de redevenir un genre de niche. A voir où ces garçons nous mèneront à la sortie de leur EP prévue en novembre, épaulés par Raphaël Balzary (ex We Hate You Please Die), ça devrait très bien se passer, et on à hâte !

Hooverphonic – And Then I Found You

C’est parti pour un tour en Belgique pour aller écouter un groupe qu’on ne présente plus. Hooverphonic, c’est bientôt 30 ans de carrière, des tubes à la pelle et une place indétrônable comme influence majeur des groupes de pop majestueuse.

Ce dimanche, on prend une tournure plus dance mais toujours aussi classieuse avec And Then I Found You, histoire de l’évidence et du caractère inévitable de certaines rencontres. Les accents d’une production moderne s’accordent bien avec l’univers de la formation, sans qu’on n’ait l’impression que les choses ne soient forcées, bien au contraire.

Côté image, la mise en scène prend la forme d’un compagnon qui nous retrouve où que l’on aille et quoique l’on fasse. On pourrait presque comprendre ça comme une relation malsaine sans le contexte apporté par les paroles, heureusement.

Fragile Figures – Decades

Le duo de post-noise Fragile Figures est de retour avec un titre inédit, Decades. Une jolie manière de célébrer l’anniversaire de leur premier album, ANEMOIA.

Le guitariste et machiniste Mike précise : « c’était une année où il s’est passé plein de trucs super cools, avec des rencontres, des concerts, plein de supers retours sur cet album. »

Fidèle à leur univers, tendu et cinématographique, le groupe clippe un morceau à la lisière entre la live session et l’expérimental. Mike et Judd (basse) nous font face tandis que derrière eux, se projette des images abstraites et contemporaines.

Entièrement DIY, car réalisée et montée par leurs petites mains, la vidéo nous immerge dans un monde sombre, où la nuit noire côtoie les étoiles. 

Decades, froid et entêtant laisse rugir les machines, la basse et la guitare. Délicatement, puis de plus en plus fort, c’est un morceau qui s’apprivoise et se dévoile. Délicatement, puis de plus en plus fort. 

Nastyjoe – Fentanyl 

Après un premier EP remarqué en 2022, Deep Side Of Happiness, le quatuor bordelais Nastyjoe est de retour.  Fentanyl, première partie d’un dyptique qui verra le jour très prochainement, flirte avec la pop sans se départir de ses lignes de basse acérées et de ses riffs lumineux. 

Si le titre débute délicatement c’est bien pour nous amener plus tard au point culminant…

Le groupe précise qu’avec cette chanson il est question de « mettre les pieds dans ce que l’on sait mauvais pour nous, et d’en être pleinement conscient ». Car c’est bien d’addiction dont Nastyjoe traite ici, si le titre de la chanson ne vous avait pas déjà un peu aidé. 

Le clip réalisé par Negative Visual dévoile les musiciens à travers un cercle de lumière rouge. Vision parcellaire et forcément faussée de ce qu’on peut percevoir lorsqu’on est en proie aux substances. Le côté joyeux du morceau rappelle l’euphorie des drogues et comme le dit si bien le groupe : « On ne veut voir que ce qui est beau dans ce mouvement. »

Les plans se succèdent jusqu’à la scène finale : un concert explosif. On a déjà hate d’entendre la suite. 

Clerel x Zach Zoya – Lemon Water

On prend la route avec Clerel pour une ballade soul pleine de sensualité et de douceur. Cette dernière le fait rejoindre Zach Zoya dans ce qui semble être une loge de concert, sauf que ce dernier n’était visiblement pas au courant puisqu’il était accompagné d’une femme à qui il doit maintenant expliquer la présence de son collègue. Pendant ce temps, ce dernier s’amuse de la scène avec un certain détachement. Jusqu’au moment où, les voir se disputer, lui ramène des souvenirs d’une relation qu’il a lui-même consumée. 

A la moitié du morceau, il laissera la caméra de Yao se poser sur Zach Zoya, qui, dans un couplet plus rappé viendra expliquer la dur loi de l’attention auquel il doit prendre part en ayant fait le choix de la vie d’artiste, ce qui rend ses relations humaines bien plus complexes.

Entre les bonnes ondes envoyées par Clerel et la mélancolie plus réfléchie de Zach Zoya, le morceau entraîne le spectateur dans une dualité pleine de douceur. 

Maureen x Meel B – WW

La productrice Meel B a une force d’adaptations qu’il faut saluer. Des rappeurs les plus aventureux aux trappeurs les plus installés, elle a déjà fait ses preuves en démontrant que ses basses tremblantes et ses drums décalées peuvent coller avec n’importe quel rappeur. En collaborant avec la chanteuse de shatta Maureen, elle surprend tout le monde et appuie son rôle de potentiel couteau suisse. 

Si, comme souvent, avec la productrice, l’instrumentale va à 100 à l’heure, il en va de même pour les images d’Elisa Ribeiro. Ces dernières sont également une explosion de couleurs, comme si en entendant la basse saturée du morceau, la réalisatrice en avait fait de même avec ses images. 

Entre le futurisme de Meel B et l’ardeur de Maureen, ce clip, comme le morceau qui l’accompagne, ne laisse vraiment pas indifférent. 

Darzack – Legacy

Même pas encore 30 ans et Darzack n’en finit pas de surprendre. Découvert en première partie d’ATOEM au Trabendo dans un side project nommé Clinique Lacuna qui mêle les sonorités techno et 80s, le breton montre qu’il en a dans le coffre. Recommandation : regardez ce clip en plein écran, s’il vous plait.

Dans Legacy, cap sur la natale Bretagne avec son père et son frère. Véritable court-métrage d’un peu plus de 6 minutes réalisé par Yann Perrin, Legacy met en scène les générations, trois des quatre éléments (l’eau, la terre et le feu) et le résultat tutoie le magnifique.

Legacy est une succession d’images saisissantes par leur beauté mais aussi pour l’intensité dramatique qu’elles portent en elles, le message conscient des enjeux de l’époque est tout aussi fort. La composition du morceau elle-même est percutante, sombre – elle avoisine vraiment l’indus dans son climax -.

Oisin Leech – October Sun

Le singer-songwriter irlandais Oisin Leech, du duo The Lost Brothers, a sorti son premier single en solo, October Sun, produit et enregistré par le célèbre producteur de Brooklyn Steve Gunn, et accompagné par les musiciens M Ward et Tony Garnier

Le clip a été réalisé par Neil McGrory à Malin, dans le comté de Donegal, où October Sun a été enregistrée dans une ancienne école que Gunn et Leech ont transformée en studio d’enregistrement en quelques jours.  « Être aux côtés d’Oisin pendant qu’il composait sa magnifique chanson dans une ancienne école, c’était de la pure magie » a déclaré Steve Gunn. Tout au long de sa carrière, Leech s’est fait connaître pour son habileté artistique et sa musicalité captivante, et la magie à laquelle le producteur fait référence est incontestablement présente au premier plan sur October Sun. « Cette chanson est visuelle », explique Leech. « C’est un carnet de voyage. Le refrain est une complainte implorant la nature…en demandant ce que vous avez fait?« 

October Sun est un aperçu prometteur des premiers pas d’Oisin Leech en tant qu’artiste solo. La chanson, pleine de nostalgie et d’âme, interroge les intentions de la nature et met en lumière les répercussions d’une humanité impitoyable. Le single, ancré dans l’approche sensible de Gunn en matière de production, est à la fois frais et intemporel.

SPELLES – Night Terrors

La pleine lune de la nuit dernière a laissé quelques traces … Le groupe SPELLES, composé de Kathryn Baar et Luc Laurent, nous a récemment plongé dans son univers assurément rock, et dark. C’est une nuit noir, mystérieuse et presque terrifiante, qui nous attend.

Leur dernier single Night Terrors, entraîné par la voix puissante de Kathryn Baar, est porté par un clip aussi délectable qu’hypnotisant. Extrait d’un univers cauchemardesque, on découvre l’artiste enveloppée d’une lumière rouge. Une éclipse solaire et une succession d’images en négatif, comme tirées d’une pellicule, accompagnent l’intrigue.

Le rythme est soutenu et le pari réussi. Le temps, allongé en deuxième partie de morceau, sublime ces images et fait vibrer le grain. Look at me now prend tout son sens. Nous n’avons aucune raison de détourner notre regard. Paradoxalement le cauchemar a une forme de douceur fragile et exquise, que l’on peut s’approprier.