La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, voici la seconde partie de notre 195ème sélection.
HALO MAUD – Terres Infinies
Halo Maud est de retour avec un deuxième album – Celebrate – dont la sortie est prévue pour mars 2024. En attendant, elle nous fait patienter en dévoilant avec Terres Infinies un nouvel extrait fort convaincant. On y trouve les caractéristiques qui lui sont spécifiques et qui font que l’on apprécie tant son projet. Un son psychédélique et très organique que l’on croirait façonné dans les années 70, sur lequel s’appuie sa voix claire. Un refrain addictif rythme le morceau avec ses envolées exutoires remplis de joyeux « Papapapa Padadadadada Pam ».
Comme souvent dans ses morceaux, et Terres Infinies ne fait pas exception, on est happé par la mélodie. Et, une fois encore, elle nous emmène loin. Halo Maud dit avoir été influencée par la découverte de l’univers mystérieux du Stalker de Tarkovski. Cela explique sans doute le caractère onirique qui se dégage de ses Terres Infinies. La vidéo qui accompagne son titre a été réalisée par Adrien Selbert, qui surfe sur ces illusions en jouant sur des effets de voiles pour bousculer les perspectives et les explosions de couleurs pour orienter, désorienter, nos regards.
Laetitia Sadier – Une Autre Attente
Après les Terres Infinies d’Halo Maud, on reste encore cette semaine dans les ambiances psychédéliques avec le nouveau titre que nous partage Laetitia Sadier (la chanteuse emblématique de Stereolab). « Une autre attente » est annonciateur d’un nouvel album Rooting For Love à paraître en février 2024 sur le label Duophonic Super 45s.
Juxtapositions de sons et de mots qui se combinent, se percutent ou se réorganisent pour – presque – devenir la bande-son d’un film au scénario que l’on imaginerait aussi élégant, ensorcelant et énigmatique. À l’écoute d’« Une autre attente », on se met à penser à l’atmosphère de l’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison.
Pour accompagner le morceau, Spencer Bewley a composé une vidéo qui fait part belle aux illusions et faux semblants. Les images se mélangent, fusionnent, laissant apparaître des silhouettes aux mouvements décomposés comme s’ils étaient issus de la mise en rotation d’un zootrope. Comme hypnotisés, on se laisse porter par l’univers visuel et sonore de la chanson.
KCIDY – Je pense à toi
On avait adoré son Sentiment Banal qu’elle nous avait partagé il y a un mois. KCIDY dévoile avec Je pense à toi un deuxième extrait de son futur album Quelque chose de bien à paraître en janvier 2024 sur le label Vietnam. Même si la structure apparaît plus classique que son précédent titre, le rythme est toujours aussi enjoué. Il nous emmène cette fois dans l’histoire d’une idylle naissante électrisant les pensées de la narratrice. Une bluette assumée, accompagnée par les notes sautillantes d’un piano omniprésent. C’est simple, rempli de vitalité et fort agréable. On se prend, une fois la chanson finie, à continuer à fredonner la mélodie.
Pour mettre en images Je pense à toi, KCIDY a fait appel à Roxanne Gaucherand (elle avait déjà réalisé pour elle les clips de Souterrains et des Gens Heureux Dansent). Ambiance « programme de nuit » d’une station de radio – Radio K – où KCIDY camperait une animatrice ouvrant les courriers du cœur et qui se laisserait surprendre par les lettres qui lui sont adressées. Émotions galvanisantes ressenties « on the air » basculant dans l’irrationnel sur fond de Vumètres en mode électrocardiogramme, comme la tentative d’un doux exorcisme de l’amour.
Oriane Lacaille – RIDE
Un mois après avoir donné naissance à son premier et enchanteur album iViV sur le label Ignatub de Jérôme Rousseaux, Oriane Lacaille met en images une des chansons les plus touchantes qui le composent. Ride est un hommage – en français et en créole réunionnais – à une beauté que l’on a tendance à occulter dans notre société occidentale. Celle de la vieillesse portée sur la peau qui s’est laissée « tatouée par les émotions », où les rides ont creusé leurs sillons. Chaque ride se lit comme une des phrases de l’histoire de sa vie. Elle retranscrit les joies que l’on a éprouvées et parfois les peines que l’on se force à oublier. Ces rides forment les aspérités qui apportent à nos vies le relief dont on a besoin pour les apprécier. « Suis cette ride, elle t’emmènera par le passé »
Ride, un rythme enjoué souligné par les notes légères d’un ukulélé, un chant aux boucles narratives vibrantes, tout concourt pour que la chanson puisse délivrer son message avec limpidité et authenticité. Cette semaine Oriane Lacaille a fêté son premier album à Paris au Studio de l’Ermitage. Dans la salle, les vieux et les moins vieux, les jeunes et les moins jeunes se côtoyaient. Tous différents, mais dont les visages s’animaient du même sourire et les regards s’illuminaient de la même lueur. « Suis cette ride, elle t’emmènera où chui allé »
Saint DX – Late
Saint DX continue de teaser l’arrivée de nouveau projet prévu pour janvier prochain.
Avec Late, l’artiste frappe une nouvelle fois mais cette fois-ci par son intensité. On sent dans ce nouveau morceau une course contre le temps, contre les autres et contres les évènements. Si sa voix de crooner est toujours présente, elle se fait plus fragile, parfois cassé, comme écrasée par le poids des sentiments qui l’envahissent.
Saint DX continue ainsi de se dévoiler, plus intime, plus vrai que jamais. Ce nouveau morceau traite de l’amour, de sa fin et de ses incompréhensions. Un morceau en fusion qui jouit aussi du talent musical de l’artiste qui, une nouvelle fois, nous émerveille.
Bien en retard, il s’associe avec Brut pour s’offrir une vidéo en « live », en mode footing dirigé par Marvin Leuvrey.
Au coeur de l’aéroport du Bourget, il court donc vers un lieu inconnu, accompagné par un ciel gris et bas qui, comme Saint DX, pourrait craquer à tout moment.
Une chose est sûre, avec ce nouveau single, il nous donne bien envie d’être à l’heure pour l’arrivée de son album.
atom in waves – crève-coeur
Les musiciens mettent parfois beaucoup d’eux dans leur musique. Ce qui peut paraitre décousu pour certains n’est que l’expression d’une personnalité à facettes, chacune se dévoilant dans un morceau différent, qui à mesure qu’ils se dévoilent donne une vision cohérente et inattendu d’un projet.
Alors que son EP est attendu pour le 1er décembre, atom in waves continue de se dévoiler, un zoom arrière qui nous permet de le découvrir un peu plus à chaque fois et qui continue avec crève-coeur.
Sans artifices, dans un morceau en plusieurs actes, il se montre en jeune homme de son époque, égaré, anxieux et à la recherche de repère. Ce nouveau morceau est un exutoire totale, lui permettant poétiquement de montrer ses angoisses tout en exprimant à la fois tendresse et colère dans la production de sa musique.
Le clip se fait écho au morceau. Crève-coeur comme le temps qui passe, se répète, les actions inchangées jour après jour et un isolement de plus en plus prononcé qui fait sombrer dans un mélange de folie et de nihilisme forcé, comme une protection à un monde qu’on ne comprend plus et qui nous fait nous questionner sans cesse sur notre propre personne.
Intense, et parfois oppressante, la musique d’atom in waves nous marque car elle réveille aussi ces pensées en nous.
CAESARIA – EMPTY CLUB
Le quatuor strasbourgeois Caesaria nous offre cette semaine un avant-goût de leur futur album (Tonight Will Only Make Me Love You More, à paraître courant 2024) avec le single Empty Club.
Plongée retro et éclairée au croisement des eighties et des nineties, ce nouveau titre file instantanément envie de se dandiner sur le dancefloor. On peut évidemment appeler ça un pari réussi pour ce groupe de Club-Rock qui aime nous communiquer son énergie débordante. Le groove est imparable, les synthés à la texture acidulée se taillent la part du lion sur ce titre à la carrure parfaite pour devenir un tube d’alternative music. Que dire alors des mélodies ? Irrésistibles et entêtantes, une dose de bonne humeur qui reste en tête, on ne peut pas s’en plaindre.
Le single est accompagné d’un clip vidéo délibérément kitsch, hautement efficace et incroyablement cohérent avec l’esthétique audio du titre. Il n’en reste pas moins actuel, bien entendu, puisque le kitsch retrouve ses lettres de noblesse ces dernières années, et ça Caesaria semble l’avoir bien compris. Ce qui est bien ici, c’est que c’est bien réalisé, c’est bon, c’est frais.
Empty Club est un petit shot de sérotonine qu’il sera bon de passer dans ses écouteurs pour se donner un coup de boost, ça file instantanément le smile, effet garanti. On a donc hâte de découvrir ce que Caesaria nous a concocté pour son deuxième album.
BLANK\\ – CLEAN (boys will be boys)
Au cœur d’inconsistent People de BLANK\\, émerge une pièce singulière : CLEAN. Libéré le 10 novembre dernier, ce morceau plonge profondément dans des considérations délicates.
La mélodie, empreinte d’une pesanteur issue de la robuste guitare basse, s’entrelace gracieusement avec la voix de BLANK\\, créant un écho subtil qui semble accentuer la gravité des comportements toxiques évoqués.
Les riffs de la guitare, ronds et persévérants, s’immiscent délicatement dans la trame mélodique, soulignant avec finesse la profondeur des thèmes abordés. CLEAN, avec une subtilité remarquable, pointe du doigt les comportements toxiques, remettant en question les excuses banalement invoquées, telle que l’adage «Boys will be boys, oh yeah you’ll see». Les paroles, empreintes d’une émotion palpable, révèlent les conséquences dévastatrices des attitudes indulgentes, dénonçant l’absurdité de blâmer la victime.
La mélodie opulente, portée par la guitare basse imposante et la voix de BLANK\\, se fait l’écho parfait pour amplifier la puissance émotionnelle de la critique sociale nichée au cœur de ce titre.
Danny Brown – Jenn’s Terrific Vacation
Avec Jenn’s Terrific Vacations, le rappeur Danny Brown démontre que tout n’a pas encore été dans le Rap, loin de là ! La production se mélange avec la patte résolument Jazz et expérimental du génial Kassa Overall. On retrouve d’ailleurs une collaboration antérieure entre les deux artistes, sur l’album du batteur paru plus tôt cette année.
Cette structure presque avant-gardiste associée à la voix particulière et atypique du rappeur crée une œuvre non seulement cohérente, mais qui en plus parvient à mélanger deux univers distincts avec beaucoup de brio.
Le clip avance également dans ce sens avec cette touche épileptique et cette ambiance rappelant les premiers travaux de David Lynch, et tout particulièrement Eraserhead. On peut aussi mettre l’emphase la présence de la femme à laquelle il est fait référence par la dénomination « Mama Brown ». Cette dernière et le décalage qu’elle induit avec la présence du rappeur nous ramenant aussi au monde de l’horreur ou de l’étrange.
Nikola – Papier cigarette
Musicalement, le dernier titre de Nikola, mis en images magistralement par Dario Holtz et Hector Héritier, pourrait bien amorcer un tournant dans la carrière de l’artiste désormais plus parisien que franc-comtois. La production quitte l’introspection caractéristique de ses textes pour s’intéresser aux inflexions dansantes de son flow. L’autotune assumée trouvera assurément un écho puissant dans les clubs de toutes les capitales…
Cette identité urbaine s’illustre tout au long du clip, au cœur de la Bosnie-Herzégovine. Un pèlerinage émouvant, qui nous guide de Sarajevo aux mémoriaux brutalistes yougoslaves. Sous les spomeniks de ses ancêtres, c’est un Nikola ancré qui revient sur les thèmes qui lui sont chers. Avec spiritualité et recul, il aborde la conscience du transfuge de classes permis par ses mots, au commencement, griffonnés sur du papier à cigarette. Le chemin parcouru est long, et bien loin de s’arrêter.
JOUJOU – La Morale
Les nouveaux venus de la scène franco-rock de chez JOUJOU déferlent avec un titre au carré, au son ultra équilibré… mais qui égratigne, La Morale. Loin de la chanson politique, les néo-punks à la diction façon La Femme nous entraînent dans un pogo de 2’25 entre doigts d’honneur, Oï, et provoc’ second degré. Avec son esthétique tantôt early 2000, tantôt 80’s, le clip est au diapason de l’énergie. Les gluten-free (et haters) n’ont qu’à bien se tenir : ils sont là pour le rock, et ils assument. Vivement la suite (et la release).
YAÅSTER – Spleen d’Été
Onirique
Entre bleu-blues et infrarouge, Spleen d’été et son ambiance automnale arrive à point nommé. La réal’ onirique signée Adèle Cartier infuse les paysages crépusculaires d’incrustations. Cieux, roches et forêts, l’aura mystique de YAÅSTERa trouvé dans l’objectif de sa comparse une chambre d’écho. Sous ses airs d’apocalypse tranquille caractéristique des nuits des jeunes amants, à se réinventer un monde, cette chanson d’amour à la douceur vénéneuse nous habitera longtemps…
Dua Lipa – Houdini
Attention tout le monde, on tient le hit de l’année. Et sans grande surprise, c’est Dua Lipa qui nous l’offre : Houdini, un titre disco tout droit tiré des clubs des années 80. Un retour évènement pour l’artiste, qui se faisait jusqu’alors assez discrète depuis quelques mois, à l’exception d’une apparition notable sur la B.O de Barbie.
Le morceau est le tout premier extrait de son troisième album à venir, qui s’annonce plus personnel et audacieux selon ses dires. Co-produit par les légendaires Kevin Parker (Tame Impala) et Danny L Harle (PC Music), Houdini était un pari gagné d’avance. Plus qu’un simple retour, il marque avant tout la prouesse réussie par Dua de faire de ce son dance-pop sa marque de fabrique, reconnaissable dès les premières secondes. Une identité unique et marquée, qui dénote agréablement parmi les propositions actuelles.
Le titre parle pour lui et s’accompagne donc d’un clip minimaliste mettant en scène Dua dans un studio de danse, accompagnée (étonnamment) de danseurs, se laissant porter par le rythme entêtant de ce qui semble être sur le point de venir hanter les soirées des dix prochaines années.
Seul petit bémol, le manque de prise de risque pour un retour pourtant si attendu. Après deux ans d’absence, un peu de surprise aurait été la bienvenue, mais on se console bien vite en se disant qu’il ne s’agit que d’un premier extrait, qui reste d’ailleurs très intéressant. Une familiarité qui, à vrai dire, a le mérite de nous rendre plus impatients de découvrir ce qui nous est réservé qu’on ne l’était déjà.